La Présidente. - L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur le Zimbabwe.
Günter Nooke, président en exercice du Conseil. - (DE) Madame la Présidente, Honorables députés, les évènements de mars ont permis, de façon dramatique, de souligner le fait que la crise, qui couve depuis longtemps au Zimbabwe, connaît une escalade. Le traitement brutal de manifestants pacifiques et de personnalités politiques de l’opposition, de même que les menaces contre des ambassadeurs occidentaux, montrent que le «masque de l’État de droit» de ce régime a fini par tomber.
Le président Mugabe se bat pour rester au pouvoir en utilisant tous les moyens à sa disposition. En raison de la situation économique déplorable (il suffit de rappeler un taux de chômage de 80 % et un taux d’inflation supérieur à 1 700 %) et d’un niveau de répression croissant, l’opinion publique du pays se dresse de plus en plus ouvertement contre lui. Cela ne se limite plus seulement à la population en général. Même son propre parti, le parti Zanu-PF, ne le soutient plus totalement. Sa tentative, lors du congrès du parti en décembre 2006, d’ajourner les élections présidentielles de deux ans afin qu’elles coïncident avec la date des élections parlementaires de 2010, a été renvoyée en comité, où elle a échoué.
Dans notre rôle de pays en charge de la présidence du Conseil de l’UE, nous avons, ces dernières semaines, déclaré assez clairement notre position face aux évènements au Zimbabwe. Dans deux déclarations des 12 et 14 mars, nous avons condamné la criminalisation de la pacifique «rencontre des prières», qui a eu lieu à Harare le 11 mars, et demandé la relaxe des personnes arrêtées ainsi que l’octroi d’une aide juridique et médicale.
Dans sa note datée du 13 mars 2007, l’ambassade d’Allemagne à Harare, au nom de tous les partenaires européens, a demandé énergiquement au gouvernement zimbabwéen de respecter les principes de la constitution. Travaillant en étroite coopération, les ambassadeurs de l’UE dans le pays ont fait savoir au gouvernement zimbabwéen qu’ils étaient prêts à s’occuper, à tout moment, des personnes arrêtées et blessées par le gouvernement, et qu’ils étaient prêts à le faire personnellement.
Dans notre fonction de pays en charge de la présidence du Conseil de l’UE, nous avons condamné, dans les termes les plus forts possibles, dans notre déclaration du 18 mars, les nouvelles arrestations et les mauvais traitements infligés aux membres de l’opposition les 17 et 18 mars, de même que la mise en place d’une interdiction de quitter le pays à l’encontre de deux femmes, membres de l’opposition, gravement blessées lors des attaques du 11 mars et qui souhaitaient subir des examens médicaux en Afrique du Sud. À la suite de cela, les membres de l’opposition blessés ont été autorisés à se rendre en Afrique du Sud. La majorité des membres de l’opposition, qui avaient été arrêtés, ont été relâchés.
Sur ordre de l’UE, le débat du 29 mars du Conseil des Nations unies pour les droits de l’homme a été exclusivement consacré au Zimbabwe. Dans une déclaration soutenue par 50 pays au total, l’UE a exprimé très parfaitement sa position concernant l’actuelle situation au Zimbabwe et a demandé au gouvernement Mugabe de respecter la loi et l’ordre, de défendre les droits de l’homme et de coopérer avec les mécanismes de l’ONU pour les droits de l’homme.
Nous accordons tous une attention toute particulière aux réactions des voisins du Zimbabwe. Nos ambassades dans la région sont impliquées dans un intense dialogue politique avec les gouvernements de leurs pays d’accueil. Nous sommes tous d’accord, au terme de notre analyse, pour dire que les manifestations de solidarité avec le régime de Mugabe s’effritent dans l’ensemble de la région, notamment en raison de la pression exercée par la société civile. Sur ce point, nous espérons vivement que nos partenaires africains montreront maintenant ouvertement, pour la première fois, combien la résolution de la crise du Zimbabwe est importante pour eux.
En plus des remarques individuelles, telles que celle du président zambien, Mwanawasa, qui a comparé le Zimbabwe au naufrage du Titanic, le changement de politique au sein de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) a retenu toute notre attention. Lors d’un sommet spécial, les 28 et 29 mars 2007, les chefs des gouvernements membres ont reconnu, pour la première fois, leur responsabilité régionale dans le conflit au Zimbabwe. Le président Mbeki a reçu le mandat très clair de mettre en place un dialogue entre le gouvernement et l’opposition. Ses activités seront soutenues par son collègue tanzanien, M. Kikwete, dans sa fonction d’actuel président de l’organe de la SADC chargé de la politique, de la défense et de la sécurité. Le secrétaire général de la SADC présentera un rapport sur la situation économique au Zimbabwe.
La principale exigence exprimée par la SADC envers Mugabe concerne le maintien de la date fixée pour les élections présidentielles en 2008 et l’arrêt de la répression de l’opposition. Le 30 mars, le comité central du parti Zanu-PF a décidé d’organiser les élections présidentielles en mars 2008 et d’avancer les élections parlementaires, initialement prévues en 2010, à 2008 également.
Mugabe a été choisi pour être le principal candidat, sans aucune discussion interne. Dans le même temps, des changements ont été annoncés pour améliorer, par la force, la position de départ de Mugabe et de son parti au cours des préparatifs pour les élections. Cela comprend, entre autres, l’augmentation des sections électorales et, en conséquence, leur charcutage, la nomination, sans élections directes, de membres du sénat proportionnellement à la force du parti au parlement et le fait que, si le poste de président reste vacant, le nouveau président devra être choisi par le parlement et non par des nouvelles élections. Ces nouvelles règles doivent encore être transcrites dans la loi en raison des changements qu’elles opèrent dans la constitution.
Le gouvernement n’a pas stoppé l’usage de la force contre certains membres de l’opposition. Il a catalogué les membres de l’aile Tsvangirai du parti d’opposition, MDC comme terroristes et, ce faisant, tente de diviser l’opposition qui s’était unifiée, pour la première fois, à la suite des troubles de mars. L’État s’est cependant abstenu d’interdire ou d’interrompre les évènements de grande envergure, comme la «rencontre des prières» qui s’est déroulée dans les deux plus grandes villes du pays. L’interdiction concernant les rassemblements et les manifestations a également été levée, sauf dans plusieurs zones à Harare.
Dès la fin de l’année 2006, le congrès du parti Zanu-PF a démontré que la position de Mugabe n’était plus incontestée. En attendant, Mugabe est de plus en plus sur la défensive, ce qui se manifeste notamment par la formation d’organisations parallèles, comme la milice de la jeunesse, qui se trouve en dehors de la hiérarchie militaire et policière. Leur présence impressionnante, et même oppressante, devant le siège du comité central a certainement eu un impact sur le processus de décision des membres du bureau politique en faveur de la nomination de Mugabe comme candidat à la présidentielle.
Malgré la victoire tactique de Mugabe, lors de la réunion du comité central du 30 mars, qui l’a nommé candidat à la présidentielle de 2008 et a affaibli en cela la position de ceux qui le critiquent au sein du parti, on a le sentiment que le Zimbabwe est sous l’emprise d’une sorte d’ambiance apocalyptique. C’est pourquoi, au sein de l’UE, en plus des discussions sur l’évolution actuelle, les réflexions se tournent vers l’ère post-Mugabe. Ces derniers jours, le groupe de travail UE/Afrique et les directeurs UE/Afrique se sont penchés de façon intensive sur la situation au Zimbabwe. Le Conseil des ministres des affaires étrangères de lundi a discuté en détail de la crise au Zimbabwe.
Dans ses conclusions, le Conseil se félicite de l’initiative de la SADC et déclare sa volonté de la soutenir, si on lui demande de le faire. Il a rappelé son opinion selon laquelle seul un dialogue large et constructif pouvait constituer la base d’une véritable réforme et d’une réconciliation nationale au Zimbabwe. Dans le même temps, il a souligné que l’UE mettrait aussi en place des mesures humanitaires qui, à l’avenir, bénéficieront directement à la population.
Dans son communiqué à la suite du sommet spécial de mars, la SADC a demandé à l’UE de mettre fin aux sanctions. En raison de l’actuelle situation dans le pays, nous ne ferons pas droit à cette requête. Notre politique doit rester crédible. En réaction aux troubles qui se sont produits en mars, et c’est une chose que le Conseil a également décidée lundi, nous allons élargir la liste consolidée des personnes susceptibles de sanctions afin d’inclure les officiers de police qui sont essentiellement responsables de la crise actuelle et des violations des droits de l’homme.
Les partenaires européens sont d’accord sur le fait que l’on ne pourra trouver de solution à la crise au Zimbabwe qu’avec l’aide africaine. À la suite de leur volte-face politique en mars, nos partenaires africains ont explicitement demandé à l’UE d’être patiente. Nous continuerons cependant à contrôler étroitement si, et dans quelle mesure, la politique que s’efforce de mettre en place la SADC prend forme.
Nous sommes cependant conscients du fait que nous ne pouvons pas croiser les bras indéfiniment. Dans un avenir prévisible, l’UE devra adopter une position sur le contenu de l’initiative de la SADC. Nous devrons aussi réagir avec la vigueur nécessaire aux évènements dans le pays. L’UE ne peut pas et ne veut pas rester silencieuse face aux violations des droits de l’homme.
Joaquín Almunia, membre de la Commission. - (EN) Madame la Présidente, la Commission est extrêmement préoccupée par la détérioration actuelle de la situation politique et socio-économique au Zimbabwe. Nous condamnons plus particulièrement les récents actes de répression violente à l’encontre de l’opposition.
La Commission a par ailleurs apporté tout son soutien aux déclarations de la présidence allemande condamnant les faits récents de violence, les arrestations et les mauvais traitements infligés à des détenus. Le gouvernement du Zimbabwe a également été instamment prié de libérer les personnes détenues et de respecter les droits fondamentaux. Cette crise doit trouver une solution dans le cadre d’un dialogue réunissant toutes les forces politiques.
Lundi dernier, le Conseil Affaires générales a également publié ses conclusions à cet égard. Dans ce contexte, la Commission continue d’accorder une grande importance au renforcement du dialogue avec les autorités des autres pays de la région. Nous sommes tout à fait convaincus du rôle majeur que celles-ci peuvent jouer dans le processus de réconciliation nationale dans ce pays.
Dans cet ordre d’idées, la Commission a salué avec satisfaction le sommet extraordinaire des chefs d’États de la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA) qui s’est déroulé les 28 et 29 mars 2007 à Dar es Salaam. Les dirigeants régionaux ont décidé d’intervenir dans la résolution de la crise au Zimbabwe en confiant le rôle de médiateur au président sud-africain, Thabo Mbeki. Il a été décidé avec l’ensemble des États membres européens qu’un message de haut niveau serait délivré à la CDAA à ce sujet. Premièrement, en vue de reconnaître le rôle majeur que pourrait jouer l’organisation dans la résolution de la crise et, deuxièmement, pour accorder à la CDAA un moment de répit dans ses efforts de médiation.
Nous estimons donc que rien ne doit être fait qui pourrait mettre en péril l’initiative de la CDAA et que l’UE doit se montrer prête à soutenir les efforts de la CDAA pour résoudre la crise du Zimbabwe.
Par ailleurs, un effort a été décidé pour informer correctement la région et l’ensemble de l’Afrique du contenu des mesures ou sanctions, prises par l’UE à l’encontre du Zimbabwe. Celles-ci consistent en une interdiction de visa pour les dirigeants zimbabwéens, le gel de leurs actifs et un embargo sur les armes. La coopération commerciale, économique et de première nécessité n’est pas affectée par les mesures européennes. À cet égard, les aides octroyées au Zimbabwe rien qu’en 2006 s’élevaient à environ 193 millions d’euros, dont 86 millions d’euros apportés par la Commission et 107 millions en provenance des États membres. Ce type d’aide, qui est directement destiné à la population zimbabwéenne, se poursuivra.
Geoffrey Van Orden, au nom du groupe PPE-DE. - (EN) Madame la Présidente, je voudrais remercier la Commission et le Conseil pour leurs déclarations. Tous les députés de ce Parlement sont à présent au courant de la situation désastreuse que connaît le Zimbabwe. Nous avons exprimé notre avis au travers de 16 résolutions ces dernières années, mais le régime de Mugabe nous rappelle constamment que, quelle que soit la gravité de la situation, celle-ci peut encore empirer.
Des millions de personnes ont quitté le pays, bon nombre de ceux qui restent dépendent de l’aide alimentaire, l’hyperinflation devrait atteindre 5 000 % d’ici la fin de cette année, le taux de chômage s’élève à 80 %, trois mille personnes meurent chaque semaine du VIH-SIDA et le Zimbabwe a le taux d’orphelins le plus élevé au monde. Ce sont là de sinistres statistiques. Lorsque des citoyens tentent de se réunir ou de protester d’une façon ou d’une autre, ils sont, ainsi que nous pouvons le voir, brutalement réprimés par la police du régime.
Je reconnais qu’il y a eu un développement positif: les brutalités récentes de Mugabe ont enfin suscité une réaction de la part des pays africains voisins, qu’il convient d’encourager. La Communauté de développement de l’Afrique australe a enfin reconnu l’existence d’une crise au Zimbabwe. C’est un progrès très important et une preuve supplémentaire d’un changement d’opinion à travers toute l’Afrique. Mugabe est désormais perçu par ses pairs comme un dictateur qui a égoïstement abusé de ses propres citoyens et dont les exactions menacent le développement économique plus large de tout le continent. Ils n’acceptent plus les excuses éculées de Mugabe quand celui-ci prétend que les problèmes du Zimbabwe seraient dus à des causes extérieures.
Tout le monde peut voir que c’est Mugabe qui a mis son pays et ses citoyens à genoux. Il s’est rendu au sommet de la CDAA en espérant recevoir un soutien pour sa politique, mais s’est fait proprement éconduire et doit désormais compter avec la désignation du président sud-africain Mbeki en tant que médiateur du dialogue entre le Zanu-PF et l’opposition. Mbeki aura pour tâche de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres et équitables.
Les pressions sur le régime ne doivent toutefois pas se relâcher tant que la liberté n’aura pas été restaurée au Zimbabwe. Bien trop souvent, les gouvernements européens ont, sous des prétextes fallacieux, omis d’appliquer l’interdiction de voyage et les autres mesures restrictives décidées par l’UE elle-même!
Lorsque Mugabe sera finalement déchu du pouvoir, la communauté internationale devra être prête à agir sans délai. J’invite dès lors la Commission et le Conseil à commencer à planifier sérieusement un programme complet, urgent et de grande envergure d’assistance au Zimbabwe pour l’après-Mugabe.
Margrietus van den Berg, au nom du groupe PSE. - (NL) Madame la Présidente, le Zimbabwe que j’ai connu était un pays fier, jouant un rôle majeur dans la région, jaloux de sa liberté durement gagnée, un beau pays, où les Zimbabwéens qu’ils soient noirs ou blancs avaient confiance en l’avenir, où Noirs et Blancs tentaient ensemble de refermer les plaies douloureuses de l’ère de la Rhodésie raciste, un pays où les citoyens travaillaient à la construction d’une démocratie.
C’est un contraste saisissant avec le Zimbabwe d’aujourd’hui avec ses épouvantables statistiques. L’espérance de vie au Zimbabwe est actuellement l’une des plus faibles au monde: 37 pour les hommes et pas plus de 34 pour les femmes; 80 % des Zimbabwéens vivent en dessous du seuil de pauvreté; un tiers de la population a fui le pays, des millions de personnes ont cherché refuge dans les pays voisins et, tous les mois, 50 000 réfugiés supplémentaires s’ajoutent à ce chiffre.
L’économie du pays, qui était autrefois connu pour être le grenier de l’Afrique, s’est effondrée de 40% en une décennie et il n’y a aucune amélioration en vue. L’économie zimbabwéenne est en récession de 5,7 %, ce qui fait d’elle la seule économie en Afrique qui ne connaît pas la croissance. L’hyperinflation, à laquelle il a déjà été fait référence, signifie qu’il est impossible pour la plupart des Zimbabwéens qui sont restés au Zimbabwe, en raison du chômage de masse, de satisfaire leurs besoins quotidiens fondamentaux.
L’Union européenne a eu raison de décider de pénaliser, par le biais de sanctions personnelles encore plus étendues, les dirigeants zimbabwéens qui, en instaurant le règne de la terreur, ont engendré ce niveau de dévastation. Comme nous le savons tous, il faudra beaucoup plus que cela pour sortir de l’impasse. La solution est décrite dans notre résolution commune. Elle expose comment le pays pourrait avancer vers une ère post-Mugabe, elle décrit des mesures et des avancées concrètes, et demande instamment, avec raison, à Mbeki et aux membres de la SADC de fermer la porte au règne de la terreur, avec autant de force que possible, et de préparer la voie au dialogue dans l’ère post-Mugabe.
Nous sommes face à la plus large opposition possible à Mugabe et en faveur du Zimbabwe. Nous demanderons au Conseil d’étendre le champ des sanctions. Toute personne responsable de cette spirale descendante de plus en plus rapide, dans ce pays qui fut autrefois si fier, doit rendre des comptes, y compris les ministres, les députés, les dirigeants de l’armée, la police et les services secrets, de même que le gouverneur de la banque centrale. Nous demanderons au Royaume-Uni de profiter de sa présidence du Conseil de sécurité pour ajouter le Zimbabwe à l’ordre du jour. Pour finir, nous espérons vraiment que Mbeki, qui joue un rôle de plus en plus grand, mettra fin au régime de Mugabe car, après quasiment trois décennies, il est temps pour lui d’être aboli pour le bien de tous.
Ryszard Czarnecki, au nom du groupe UEN. - (PL) Madame la Présidente, lorsque le Parlement évoque trop souvent un pays en particulier, c’est mauvais signe, car cela signifie que la situation des droits de l’homme dans ce pays est des plus graves. Nous craignons que le Zimbabwe, qui fut précisément ce genre de pays, le soit et le reste encore dans un avenir proche.
Le paradoxe réside dans le fait que nous célébrons le 27e anniversaire de l’indépendance de ce pays. Malheureusement, cette indépendance n’a pas conduit à la liberté. Par exemple, il y a un mois et demi, l’opposition a été brutalement écrasée. Deux personnes ont été tuées et 300 arrêtées.
C’est l’aspect politique de la situation, dont nous sommes fréquemment plus enclins à discuter au sein du Parlement. Cependant, ce problème revêt également un aspect économique qui est peut-être encore plus sérieux. Au Zimbabwe, presque 4,5 millions de personnes souffrent de malnutrition, un tiers d’entre elles ont été aidées par le Programme alimentaire mondial et ont reçu de la nourriture dans le cadre de ce programme. C’est un pays où l’espérance de vie moyenne est de 35,5 ans. Comme l’ont mentionné les orateurs précédents, le Zimbabwe détient le record du monde (en termes négatifs) dans ce domaine. Un cinquième de sa population est infectée par le VIH et on recense 3 200 nouveaux cas chaque semaine. Le Zimbabwe a le taux d’orphelins le plus élevé au monde. Le taux de chômage est de 80 % dans ce pays et 80 % de la population vit également en dessous du seuil de pauvreté! Chaque mois, quelques milliers de personnes fuient le pays. Plus de 30 % de ses citoyens ont déjà émigré vers les pays voisins.
Le Zimbabwe est le seul pays africain connaissant un déclin économique. Au cours de la décennie passée, le chiffre d’affaires de l’économie a chuté de 40 %, et cette année, il a encore perdu au moins 6 % supplémentaires. L’année dernière, le taux moyen de l’inflation est monté jusqu’à 2 200 %. Cette année, il dépassera sans aucun doute 5 000 %! Depuis 1998, la production agricole a chuté de quatre cinquièmes! Les deux principales activités industrielles du Zimbabwe, le tabac et les mines d’or, vacillent au bord du gouffre.
Ce ne sont que des statistiques et, aussi tragiques et éloquentes qu’elles puissent être, je crains que la sécheresse de ces chiffres, nombres et pourcentages occulte les tragédies individuelles auxquelles sont confrontés des millions de personnes. Il est vrai que le Zimbabwe est bien loin, mais rappelons-nous des mots d’Ernest Hemingway: «Ne demande pas pour qui sonne le glas, il sonne pour toi». Le Zimbabwe est un pays qui a sombré dans un «trou noir». Il a disparu de notre champ de vision, il a cessé d’exister économiquement et socialement, et le seul signe de fonctionnement du gouvernement est la répression politique. Nous ne pouvons pas rester silencieux. Nous ne pouvons pas prétendre que la sympathie, sans aucune décision politique, suffira.
C’est pourquoi ce débat est nécessaire, c’est pourquoi cette résolution est nécessaire. Nous avons besoin d’une résolution commune, une résolution qui soit au-dessus des divisions politiques.
Αthanasios Pafilis, au nom du groupe GUE/NGL. - (EL) Madame la Présidente, cela semble plutôt ironique et tragique que ceux qui ont colonisé le Zimbabwe, qui ont pillé pendant toutes ces années ses ressources naturelles, combattent aujourd’hui pour son indépendance et sa liberté. Pourquoi le Parlement européen continue-t-il de se préoccuper du problème du Zimbabwe? Est-ce parce que les droits de l’homme y sont violés? Non, Mesdames et Messieurs. Nous ne devons pas avoir peur des mots. C’est parce que la Grande-Bretagne rêve d’en faire à nouveau une colonie et parce que les autres grands pays de l’Union européenne rêvent à nouveau à de nouvelles colonies sur le continent africain. Ce sont les faits. Le Zimbabwe a acquis son indépendance à la suite d’une lutte difficile et sanglante contre les colons britanniques.
Y a-t-il des problèmes? Bien sûr, ils existent. La situation est-elle conforme à la description qui en a été faite? C’est le cas, mais c’est le résultat d’années de colonialisme, c’est le résultat des mesures imposées pendant toutes ces années par l’Union européenne et d’autres pays impérialistes, des mesures conçues pour parvenir à un étranglement économique et à un isolement politique du régime zimbabwéen. En fin de compte, si la situation a changé et comment elle a changé au Zimbabwe, c’est l’affaire de ses citoyens et ni l’Union européenne, ni personne d’autre n’est habilité à interférer dans ses affaires intérieures.
Aujourd’hui, nous avons un plan qui est en préparation depuis de nombreuses années. En quoi consiste ce plan? Il s’agit de financer et de racheter l’opposition. Des millions sont attribués à différentes personnes qui se présentent comme des opposants politiques au régime. Les organisations non gouvernementales sont financées. Cela consiste à payer des employés qui n’apportent rien à la communauté au Zimbabwe. Des sanctions existent mais, dans le même temps, la Grande-Bretagne ne respecte pas les accords qu’elle a conclus avec le Zimbabwe. Même le commerce illégal des armes continue et le fils de Margaret Thatcher a été arrêté, c’est un fait avéré et tous les journaux en ont fait état.
Nous considérons donc que l’Union européenne n’a aucun droit d’interférer dans les affaires intérieures du Zimbabwe ou de tout autre pays. Quels que soient les problèmes, ils doivent être résolus par la population elle-même et comme elle l’aura choisi. C’est pourquoi nous avons voté contre la proposition de résolution commune et nous sommes attristés que, bien que vous sachiez que toutes les mesures que vous prenez et l’embargo que vous imposez au Zimbabwe ne font qu’empirer les choses et causent la mort de milliers de personnes, vous poursuiviez la même politique barbare.
Bastiaan Belder, au nom du groupe IND/DEM. - (NL) Madame la Présidente, M. Mugabe et les chasseurs de souris. Existe-t-il un lien entre le président du Zimbabwe et les personnes qui s’adonnent à cette poursuite plutôt curieuse? C’est tout à fait le cas, car à proximité immédiate de la propriété de Mugabe - la plus grande résidence privée d’Afrique - des citoyens respectables maintiennent la tête hors de l’eau en chassant quotidiennement des souris. En effet, ces animaux sont pour eux, selon leurs dires, ce que la viande est pour nous. Le Zimbabwe, qui était encore il y a peu le grenier à blé d’Afrique, est tombé aussi bas sous le régime tyrannique de Robert Mugabe.
Ce régime est fondé sur une campagne absurde et criminelle à la fois et à la suite de laquelle, depuis 2000, des milliers de fermes productives ont été confisquées à leurs propriétaires blancs et cédées aux chefs de file incompétents et indifférents du régime de Mugabe, ce qui a conduit à une famine à grande échelle. D’ailleurs, le parti Zanu-PF de Mugabe utilise la pénurie alimentaire comme une arme contre l’opposition. Le correspondant R.W. Johnson a récemment formulé une ultime critique à l’encontre de la tyrannie de Mugabe. Il a signalé qu’au Zimbabwe des personnes sont éliminées à grande échelle comme des animaux et que la plupart des morts accidentelles sont le résultat direct et intentionnel de la politique du gouvernement. Ce génocide est probablement dix fois pire qu’au Darfour, mais il reste ignoré par l’ONU.
Arnold Tsunga, président de l’organisation des droits de l’homme, Crisis, au sein de la coalition du Zimbabwe, a utilisé des termes identiques pour décrire la situation. Tsunga a qualifié la politique de Mugabe de «génocide larvé», car il n’est pas remarqué par les gouvernements, les organisations d’aide ou la presse. Mon message au Conseil, à la Commission, et à cette Assemblée est que cette accusation de génocide larvé, implicite, ne doit pas nous laisser un seul moment de tranquillité avant qu’une telle situation ne disparaisse.
Michael Gahler (PPE-DE). - (DE) Madame la Présidente, Monsieur Pafilis, il y a quatre minutes, vous avez tenu le discours le plus cynique que cette Assemblée ait jamais entendu sur le Zimbabwe depuis 1999. En fait, vous ne vous arrêtez devant rien et vous légitimez une dictature. Je vous recommande de prendre à cœur l’émouvant appel de Monseigneur Tutu, car je considère qu’il est au-dessus de tout soupçon.
On croit parfois qu’il est impossible de tomber plus bas qu’un pays qui a la plus faible espérance de vie au monde, le taux d’inflation le plus élevé du globe, un chômage qui s’approche des 80 %, où autant de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté absolu et où l’économie a connu une récession de 40 % au cours de la dernière décennie. Malheureusement, la puissance des régimes dans de tels pays reste suffisante pour martyriser la population, comme ce fut le cas très récemment, le 11 mars. De nombreuses personnes ont été arrêtées et torturées. En tant que députés, nous sommes particulièrement horrifiés par la brutalité du traitement réservé à notre collègue, Nelson Chamisa, qui, en route vers Bruxelles, pour une réunion de commission de notre Assemblée parlementaire paritaire, a été brutalement frappé à l’aéroport d’Harare par des brutes du régime et a perdu un œil au cours de cette attaque.
Je remercie le Conseil d’avoir clairement exprimé son opinion lors du Conseil sur la situation, les 13 et 18 mars et lors du Conseil «Affaires générales» le 23 avril, ainsi que d’avoir étendu la liste des interdictions de voyage imposées aux principaux partisans du régime. La SADC a enfin reconnu qu’il y avait une crise au Zimbabwe et a nommé le président Mbeki comme médiateur. Nous sommes conscients que, malheureusement, Mugabe se sent quelque peu encouragé à la suite de la rencontre de la SADC et la répression se poursuit également, dans tout le pays, sans que la communauté internationale n’y prête attention.
L’Afrique du Sud joue toujours un rôle clé. Le président Mbeki doit jouer son rôle de médiateur de manière crédible. Nous savons combien il est difficile d’accepter qu’un libérateur se transforme en tyran, mais il appartient à Mbeki d’entrer dans les annales de l’histoire comme celui qui, au final, aura aussi contribué à mettre les droits de l’homme et la démocratie sur la voie de la réussite en Afrique, en prenant le parti des personnes qui sont d’une patience à toute épreuve.
Ana Maria Gomes (PSE). - (PT) L’archevêque catholique de Bulawayo, Pius Ncube, a récemment condamné la pauvreté et l’oppression que Mugabe avait introduites au Zimbabwe ces dernières années et a appelé la population à descendre dans les rues et à défier les forces armées du régime. Il a dit la chose suivante:
- (EN) «Mugabe est fou du pouvoir et s’y accrochera, même si cela signifie détruire l’économie et le Zimbabwe. Mugabe est un homme démoniaque, un tyran et un meurtrier. Je refuse de me laisser persécuter ou acheter par lui. J’accepte le fait que cela pourrait me coûter la vie.»
- (PT) Est-ce que les leaders de l’opposition, les défenseurs des droits de l’homme, ceux qui font campagne pour le développement du Zimbabwe et ce courageux archevêque reçoivent un soutien adapté de la Commission et du Conseil? Ce soutien implique la mobilisation de la nécessaire solidarité d’autres pays africains de l’Union africaine et de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe. Au nom d’un débat sérieux sur les problèmes de l’Afrique et d’une interaction positive entre l’Europe et l’Afrique, seront-ils aussi invités et bienvenus à Lisbonne à l’occasion du sommet UE-Afrique au cours de la présidence portugaise?
La résolution de ce Parlement est importante et tombe à point nommé afin de nous donner des réponses claires.
James Nicholson (PPE-DE). - (EN) Madame la Présidente, je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit M. Gahler à propos de M. Pafilis. De ma vie, je n’ai jamais entendu une déformation de la vérité aussi flagrante que ce que je viens d’entendre de sa bouche dans ce Parlement.
Tout d’abord, je salue la proposition commune qui cherche à tout prix à maintenir les sanctions à l’encontre de la violence impitoyable du régime qui tourmente le Zimbabwe de la pire manière qui soit. Je remercie toutes les personnes qui ont travaillé dur à la rédaction de cette proposition de résolution et je suis satisfait du résultat.
Il est de la plus haute importance d’isoler Mugabe et les autres membres de son régime, en montrant à la communauté internationale et aux autres pays africains que les États membres de l’Union européenne ne sont plus disposées à tolérer les violations flagrantes de la dignité et des droits de l’homme. Nous nous sommes toujours opposés à cette menace brutale et continuerons de le faire. Mugabe doit se rappeler sa promesse de se retirer du pouvoir et le faire maintenant. C’est le seul acte qu’il puisse poser au bénéfice du Zimbabwe. Le pouvoir absolu corrompt de manière absolue.
Les membres du gouvernement illégitime du Zimbabwe ne sont pas autorisés à pénétrer sur le territoire des États membres de l’UE et je pense plus particulièrement au sommet entre l’UE et l’Afrique qui devrait se tenir à Lisbonne en décembre prochain. Cette proposition de résolution commune établit clairement et réaffirme que tout changement d’attitude affaiblirait considérablement la résolution de l’Union européenne. Un revirement compromettrait toute future utilisation de notre pouvoir de persuasion là où nous pourrions en avoir besoin. Les sanctions européennes en place font peser une réelle pression sur le régime brutal de Mugabe. À ce titre, elles doivent être renforcées et portées à un niveau supérieur.
Dans cet ordre d’idées, tout le monde sait que Mugabe est à la recherche d’un soutien financier et du support de pays tels que la Chine, qui ne sont pas toujours aussi fermes sur les questions de liberté et de démocratie que je le souhaiterais et beaucoup avec moi. Cette proposition commune témoigne de la détermination du Parlement à porter cette question devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Enfin, l’argent que nous donnons au Zimbabwe doit être utilisé de manière appropriée et non pour remplir les coffres du dictateur.
Je voudrais terminer en déclarant haut et clair que nous sommes pour les citoyens zimbabwéens et en aucun cas pour M. Mugabe.
Józef Pinior (PSE). - (PL) Madame la Présidente, nous fûmes tous impressionnés par le combat pour l’indépendance mené, il y a vingt-sept ans, par la population du Zimbabwe. À cette époque, la société zimbabwéenne était perçue comme un modèle de lutte coloniale par les autres pays en développement dans le monde. Ce respect pour le peuple zimbabwéen nous impose, comme principal impératif moral, de soutenir maintenant le combat pour la démocratie et l’État de droit au Zimbabwe.
Il y a exactement un mois, au cours de la session plénière du Parlement européen, nous avons vu le visage ensanglanté du leader de l’opposition démocratique, Morgan Tsvangirai, sur les écrans de télévision de ce bâtiment. Il est maintenant le véritable leader de la société zimbabwéenne.
Maintenant, les dirigeants opprimés du mouvement étudiant, la société civile, les syndicats, l’Union européenne, les institutions et le Parlement européen, chacun doit faire tout son possible pour aider la population du Zimbabwe, pour aider la société civile dans ce pays et pour favoriser le retour de la démocratie, de la liberté et de l’État de droit au Zimbabwe. La République d’Afrique du Sud et son président, M. Mbeki, ont un rôle particulièrement important à jouer dans ce processus. Le Parlement européen soutient toutes les actions visant à encourager la démocratie et l’État de droit au Zimbabwe.
La Présidente. - J’ai reçu six propositions de résolution(1), déposées sur la base de l’article 103, paragraphe 2, du règlement.