Le Président. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0084/2007) de M. Sturdy, au nom de la commission du commerce international, sur les accords de partenariat économique (2005/2246(INI)).
Robert Sturdy (PPE-DE), rapporteur. - (EN) Monsieur le Président, ce rapport revêt une importance particulière. La Commission, y compris le commissaire, et moi-même, nous avons travaillé en étroite collaboration à son élaboration. Ce rapport souligne la difficulté d’établir un programme prévisionnel de relations commerciales entre l’UE et les pays ACP, deux groupes très différents et très inégaux qui partagent l’objectif commun de renforcer les échanges en vue de promouvoir un véritable développement. Aussi idéaliste que cela puisse paraître, j’ai reçu un large soutien tant de la part de la Commission que des représentants des régions ACP et, en dépit des nombreuses inquiétudes formulées par les ONG et les groupes politiques, nous restons optimistes, et je suis persuadé qu’il en est de même pour la Commission.
Les APE ont progressé très lentement en raison des différences de points de vue existant sur un certain nombre de questions, dont celles concernant l’intégration régionale, l’identification de produits sensibles et la préparation de propositions concrètes et détaillées pour le soutien lié aux APE. On a demandé beaucoup aux pays ACP et, trop souvent, les infrastructures institutionnelles et le manque de capacités les ont poussé à se demander si ces propositions contribueront à leur développement de la manière dont ils le souhaitent.
Le délai de janvier 2008 est naturellement ce qui rend cette année tellement cruciale pour les APE. Le temps passe. Les négociateurs doivent continuer d’avancer afin de dégager un accord sur les APE avantageux pour toutes les parties qui contribuera au développement des pays ACP et soutiendra les relations commerciales internationales. Si certaines régions ont besoin de plus de temps, je pense qu’il incombe aux deux parties de s’assurer que les exportations des pays ACP vers l’UE ne seront pas lésées. Notre objectif devrait être celui-là, et non de discuter d’une autre dérogation aux règles de l’OMC, même si j’apprécie que la Commission continue à s’efforcer de respecter les délais. Cependant, je voudrais savoir ce qui a été prévu pour les régions qui se retrouveraient sans accord.
Mon rapport formule un certain nombre de recommandations: des règles d’origine simplifiées, libéralisées et plus souples, un accès en totale franchise de droit et sans restriction quantitative pour les pays ACP, des mécanismes de sauvegarde, de règlement des litiges et de suivi efficaces assortis de dispositions transparentes et de réels pouvoirs d’intervention dans le cas où des changements opérés par les APE auraient une incidence néfaste sur certains secteurs économiques des pays ACP. Ce sont autant d’aspects positifs qu’il convient de bien encadrer lors des négociations. Nous devons savoir comment fonctionneront ces mécanismes. Il convient d’instaurer un climat de confiance et de s’assurer que l’Europe sera aussi désireuse que les pays ACP d’aider à la mise en œuvre de ces mécanismes.
Nous avons admis que, pour que les APE soient conclus avec succès, l’engagement des pays ACP devra être plus fort que celui dont ils ont fait preuve tout au long des négociations. Seul un véritable partenariat pourra garantir que ces accords seront avantageux pour toutes les parties. L’examen officiel des APE, qui devait être achevé en décembre dernier, n’a pas réussi à fournir un rapport complet et détaillé de l’état des négociations. C’est loin d’être encourageant et je suis curieux de voir quel précédent cela créera pour la signature des accords.
Il va sans dire que des moyens supplémentaires seront nécessaires pour faire face aux effets des changements introduits par les APE. Le renforcement de la facilitation des échanges, de l’assistance technique et du soutien destiné à aider les producteurs des pays ACP à satisfaire aux normes de l’UE doit être suffisant pour compenser les pertes de recettes douanières et aider les pays ACP à tirer parti des avantages que leur procure l’accès aux marchés. Cela requiert en premier lieu des efforts accrus afin de garantir que les fonds déjà promis seront dépensés en temps utile et de manière efficace. L’UE doit rendre des comptes pour l’ensemble de son aide au développement et fixer, en collaboration avec les pays ACP, des objectifs clairs qui stimuleront la compétitivité et la croissance de ces pays.
Les APE ont un rôle essentiel à jouer en tant qu’instruments de développement et représentent, s’ils sont conçus de façon pertinente, une bonne occasion de revitaliser les relations commerciales ACP-UE, de promouvoir la diversification économique et l’intégration régionale des pays ACP, et de réduire la pauvreté dans ces états.
J’ai dit que l’UE devait rendre des comptes. Il s’agit de l’argent des contribuables. Le contrôle démocratique est indispensable et nous concerne tous. À bien des égards, nous n’avons pas réussi à aider les pays ACP. Je crois que nous avons maintenant l’occasion de faire quelque chose qui laisse réellement une trace, à condition que tous fassent preuve de bonne volonté.
Malheureusement, je dois à présent vous quitter pour des raisons personnelles. J’ai travaillé en très étroite coopération avec la Commission et avec le commissaire. Je pense que nous sommes sur la même longueur d’ondes et je voudrais profiter de l’occasion pour les remercier. J’espère que nous pourrons continuer à travailler de cette manière.
Peter Mandelson, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, je considère que ce rapport est très constructif, très réaliste et tout à fait bienvenu.
Comme je l’ai dit plus tôt, cette année au sein de la commission du commerce international, la contribution de M. Sturdy nous aide à réexaminer les défis auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de ces pourparlers difficiles, où nous sommes pressés par le temps. Il est vrai que les négociations des APE ont progressé lentement, pour être honnête, plus lentement qu’on ne pourrait le justifier. Toutefois, nous devons admettre que ces accords sont inédits, innovateurs et ambitieux. Lorsque des changements ont lieu, les gens sont inévitablement saisis par le doute et préfèrent avancer prudemment. Nous devons trouver un équilibre entre la nécessité de mener ces négociations à terme et celle de respecter les incertitudes des autres.
Je suis tout à fait d’accord avec le point de départ du rapport selon lequel les APE représentent, s’ils sont conçus de façon pertinente, une chance de revitaliser les relations commerciales ACP-UE. En fait, je dirais même qu’il s’agit de notre seule chance réelle d’empêcher que les échanges des pays ACP ne glissent un peu plus vers la dépendance à l’égard des produits de base et la baisse de diversification qui ont caractérisé le commerce des pays ACP au cours du dernier quart de siècle. Nous avons cherché des possibilités et ce ne sont pas les suggestions et les idées qui manquent. Aucune n’offre le régime commercial plus sûr sur le plan juridique ou les liens au développement qu’offrent les APE. Aucune ne s’attaque aux divisions qui existent entre les pays ACP en termes de régime commercial et qui empêchent les marchés régionaux d’émerger et enferment les pays dans une dépendance Nord/Sud.
Je suis donc ravi que le rapport reconnaisse notre bonne foi et l’approche ambitieuse que nous avons adoptée. En même temps, il admet que le commerce n’est pas la panacée en matière de développement. Seuls une réforme politique menée de l’intérieur et reposant sur des fondements solides de bonne gouvernance et un climat favorable aux entreprises et aux investissements peuvent assurer la croissance économique et le développement auxquels les pays ACP aspirent. Mais je pense également que le commerce joue un rôle essentiel pour soutenir et mettre à profit cette réforme et apporter ainsi la croissance et les emplois prévus. C’est pourquoi je suis déterminé à ce que nous saisissions la chance que nous offrent les APE.
Le développement des APE, ce n’est pas seulement garantir l’accès au marché, mais également l’utiliser. Il s’agit d’un crédit à l’investissement, et non d’une simple aide au développement. Cela requiert de nouvelles règles adaptées à un monde globalisé, et c’est pourquoi je souhaite tellement que les APE abordent des questions telles que la politique de concurrence, les marchés publics et la facilitation des échanges. Mais nous connaissons les limites de nos partenaires et nous travaillerons avec eux afin d’introduire progressivement les changements et d’identifier les besoins et les solutions spécifiques à la région. Il n’est pas question de changer tout du jour au lendemain ou d’imposer des règles. Mais nous continuerons à discuter. Tourner les talons face à ce défi serait faillir à notre devoir de donner aux pays ACP l’avenir économique qu’ils méritent. Nous voulons assurer le développement soutenable, pas une pauvreté durable.
Le rapport Sturdy demande un accès en totale franchise de droit et sans restriction quantitative au marché européen et c’est ce que nous proposons. L’offre de la Commission en termes d’accès au marché a été formulée en avril et propose un accès illimité pour tous les produits, assorti toutefois de périodes de transition pour le sucre et le riz, afin de protéger les marchés bien gérés sur lesquels les pays ACP comptent. Nous tenons ainsi notre promesse de nous engager le plus possible en faveur de l’accès au marché et de transmettre la souplesse totale des règles de l’OMC relatives aux exclusions et leur application aux pays ACP eux-mêmes.
Chacun connaît l’importance que les pays ACP attachent, à juste titre, au renforcement du soutien au développement dans le cadre de ces négociations. C’est un point à propos duquel Robert Sturdy formule quelques propositions très utiles. Le financement est important. Nous devons aider les pays ACP à saisir les nouvelles opportunités commerciales que les APE offriront. Les APE n’échoueront pas par manque d’aide financière, je peux vous l’assurer. À cet égard, nous avons suggéré que des fonds régionaux APE soient établis par chacune des régions participant aux négociations afin de créer un instrument taillé sur mesure qui soit conforme aux normes internationales mais que les pays ACP puissent facilement s’approprier, gérer et utiliser. Ces fonds, qui permettraient également d’acheminer l’aide des autres donateurs, pourraient comprendre un soutien institutionnel afin de s’assurer que la capacité de mettre en œuvre les APE soit là: compétitivité du secteur privé, de l’accès aux sources de financement à la réadaptation des équipements et à l’amélioration du respect des normes SPS (mesures sanitaires et phytosanitaires). Il convient également d’aider financièrement les pays confrontés à un défi fiscal en raison de la réduction des barrières douanières, les recettes étant transférées des gouvernements aux consommateurs.
Dès lors, notre ambition est claire: il s’agit de créer, par le biais des APE, un instrument commercial de développement capable de stimuler les flux d’investissement, la demande intérieure, l’activité du secteur privé et la création d’emplois, et de créer ainsi une base fiscale durable pour que les gouvernements des pays ACP puissent fonctionner, offrir des services de base et décider de leur avenir économique sans dérogations, concessions et contraintes liées aux règles de l’OMC.
Permettez-moi de conclure sur des considérations politiques plus larges. Ces négociations ont fait l’objet de critiques, y compris de la part de certains députés de cette Assemblée, et d’inquiétudes, en particulier de la part de nos partenaires ACP, concernant le contenu, à certains égards, des négociations. Mais nous sommes en train de progresser dans ces négociations. Une dynamique positive s’est enclenchée. Nous avons réellement une chance d’instaurer un partenariat de développement étroit entre l’UE et les pays ACP. Les conséquences d’un échec seraient réellement dommageables pour l’UE et pour son objectif d’une croissance équilibrée et dynamique dans les pays ACP. C’est pourquoi je salue ce rapport et le soutien apporté par le Parlement dans l’élaboration de ces accords. Je voudrais vous remercier une nouvelle fois pour ce débat et pour vos propositions et recommandations.
Jean-Pierre Audy, au nom du groupe PPE-DE. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, en préambule, je voudrais excuser ma collègue Margie Sudre, retenue par un rendez-vous avec notre nouveau Premier ministre français, M. François Fillon. Elle aurait souhaité intervenir au sujet de la situation particulière des régions ultrapériphériques de l’Union, qui lui tiennent particulièrement à cœur. Je voudrais aussi féliciter mon ami Robert Sturdy pour l’ampleur et la qualité du travail accompli dans cet excellent rapport d’initiative.
Notre Union doit conclure avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, dits ACP, des accords de partenariat économique, dits APE, destinés à renforcer la croissance économique, l’intégration régionale et la lutte contre la pauvreté dans six grandes zones défavorisées de la planète. Conformément à l’esprit de Cotonou, il faut sans cesse rappeler que les APE ne doivent pas se résumer à de simples accords de libre-échange, au sens de l’Organisation mondiale du commerce, mais représenter un véritable partenariat, permettant d’aménager un nouveau cadre d’intervention favorable au développement des économies des pays ACP et, donc, de la stabilisation de la paix, notamment sur le continent africain, avec une dynamique d’intégration régionale.
En raison de leur position géographique, à proximité de nombreux pays ACP, les collectivités d’outre-mer, qu’elles appartiennent ou non au territoire de l’Union, doivent être au cœur de ces accords préférentiels et réciproques. La situation particulière des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d’outre-mer doit impérativement être prise en compte dans le cadre de cette négociation, sur la base de l’article 299, paragraphes 2 et 3, du traité. Il faut les associer le plus en amont possible à la négociation pour envisager des différenciations en matière d’accès au marché et coordonner leurs modalités respectives d’accompagnement, afin de renforcer leur insertion dans leur environnement régional.
C’est dans ce contexte, chers collègues, que je vous encourage à soutenir l’amendement cosigné par Margie Sudre et Robert Sturdy, au nom du groupe PPE, et destiné à trouver un équilibre intelligent entre l’intégration régionale de ces territoires ultramarins et les liens historiques et géopolitiques qui les unissent à l’Europe.
Margrietus van den Berg, au nom du groupe PSE. - (NL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, je tiens à remercier M. Sturdy. Tout le monde admet que le commerce peut contribuer à la lutte contre la pauvreté. Malheureusement, les avantages commerciaux qu’en retirent les pays ACP, conformément aux dispositions de l’accord de Cotonou, n’ont que peu d’effet dans la pratique. Il en va en réalité de même pour l’initiative «Tout sauf les armes».
Tout ceci est dû à la situation commerciale problématique des régions en développement concernées, aux critères d’importation européens élevés et normalisés, ainsi qu’aux règles originelles qui n’ont toujours pas été révisées ni adaptées aux situations rencontrées dans la réalité. Tous ces problèmes font que les pays ACP ne sont momentanément pas encore en état de participer à l’économie mondiale. Pire, ils s’en éloignent encore!
C’est pourquoi le débat sur les accords de partenariat économique ne devrait pas se concentrer en premier lieu sur la conclusion d’accords de libre-échange, mais bien plutôt sur la conclusion de contrats de développement. Ceux-ci devraient viser principalement à promouvoir le développement du commerce à l’intérieur même de la région concernée - y compris le cadre institutionnel et les moyens personnels difficiles à établir - ainsi que les objectifs pour le Millénaire. Ce n’est que bien plus tard que nous pourrons envisager l’ouverture des marchés à l’UE. C’est là que réside le problème, selon nous.
Tout semble converger vers le 1er janvier 2008, ce qui est bien évidemment logique, étant donné que le délai expire à cette date. Cependant, dans l’intervalle, la flexibilité aujourd’hui proposée dans les négociations n’est en réalité pas suffisamment liée à des indicateurs de développement, mais davantage à de vagues indications chronologiques. On a parlé de vingt-cinq ans, mais cette information n’a été mentionnée nulle part de manière explicite.
La Commission est-elle prête à lier l’accès de l’UE aux marchés en question à un indicateur de développement, afin de s’assurer que les marchés locaux des régions concernées sont prêts à s’ouvrir à l’Union? Concernant les régions qui refusent au final de conclure un accord de partenariat économique (APE) - et encore une fois, nous approuvons totalement les négociations sur ce thème - s’il est finalement décidé de ne pas conclure d’APE, la Commission est-elle également préparée à s’engager à accepter l’option alternative d’un système des préférences généralisées (SPG+)?
Nous avons l’habitude des discussions techniques, mais selon nous, si l’on exclut les bananes et le sucre, ces secteurs ayant été retirés de l’équation dans la pratique, également par notre volonté, il s’agit là dans une très large mesure d’une solution de remplacement valable aux conditions commerciales actuellement en vigueur. Si l’UE est prête à réaliser une réforme rapide des règles d’origine - ce qu’a confirmé un peu plus tôt le commissaire dans un autre débat - cela pourrait signifier que des progrès sont envisageables dans ce domaine.
Quant aux questions dites de Singapour, je pense qu’il serait naturellement merveilleux que les régions souhaitent en faire usage à l’un ou l’autre moment. Il n’y a aucun mal à cela, mais nous ne devons rien imposer.
Comme je l’ai dit précédemment, il est extrêmement important de respecter le délai établi pour les négociations sur les APE. C’est la raison pour laquelle nous voulons vraiment insister sur l’idée d’un contrat de développement. À cet égard, le groupe socialiste au Parlement européen a recommandé que nous nous accordions une marge de manœuvre lors de ces négociations, ainsi que du temps, de la substance et de l’argent, et que nous concluions un authentique contrat de négociation. Si les APE prennent cette tournure, ce sera fantastique; dans le cas contraire, il ne s’agit tout simplement pas d’une bonne proposition. En outre, je vous invite instamment à considérer le SPG+ comme une réelle solution alternative dans le cadre des négociations et à en parler ouvertement au cours des débats.
Sajjad Karim, au nom du groupe ALDE. - (EN) Monsieur le Président, je voudrais remercier le rapporteur pour l’approche qu’il a adoptée. En prenant comme point de départ la résolution adoptée à la Barbade par l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, M. Sturdy s’est assuré que ce rapport partait d’un compromis.
Dans l’ensemble, mon groupe a été satisfait du ton et de l’équilibre de la conclusion à laquelle arrive le rapporteur, c’est pourquoi nous n’avons proposé aucun amendement. Cependant, nous restons préoccupés par une contradiction essentielle dans le rapport et dans la conduite des négociations elles-mêmes: d’un côté nous exhortons les négociateurs à accroître leurs efforts afin d’achever les négociations avant la fin de l’année, et de l’autre nous invitons la Commission à ne pas exercer de pressions excessives sur les pays ACP. Ces deux déclarations sont justes, mais il n’y a sans doute pas pire pression que le tic-tac d’une horloge, alors qu’aucun marché acceptable n’est sur la table et qu’aucune solution décente ne semble s’annoncer.
Le commissaire connaît bien les difficultés posées par les délais. Il ne s’agit pas seulement des négociations des APE. À l’arrière-plan, nous avons également des calendriers à respecter en ce qui concerne l’intégration régionale et, naturellement, le cycle, mouvementé, de Doha. Le fait que nous n’ayons pas trouvé d’accord au sein de l’OMC a rendu ces négociations encore plus difficiles, puisque les pays ACP ne peuvent prédire ce qu’ils obtiendront de Doha, s’ils obtiennent quoi que ce soit.
Le développement est cependant le fil conducteur. Pour qu’une libéralisation accrue puisse agir en tant que levier permettant de réduire la pauvreté et de stimuler la croissance économique, l’Union européenne doit intégrer ses politiques en matière de commerce et de développement. C’est encore plus important avec les pays ACP et les APE.
L’UE est accusée de faire passer le respect du délai fixé à la fin de l’année avant le développement. Pour répondre à ces accusations, j’invite le commissaire à prouver la flexibilité et l’engagement de la Commission s’agissant des inquiétudes des pays ACP en entreprenant une véritable exploration des alternatives aux APE orientées sur le développement. à tout le moins, si nous ne parvenons pas à trouver un accord fonctionnel avant la date butoir, nous devons, en vertu de l’accord de Cotonou, offrir aux pays ACP un accès au marché au moins équivalent pour le 1er janvier 2008.
L’Union européenne a les moyens d’entreprendre un tel exercice. Pendant ce temps, les pays ACP se débattent sur le plan financier et technique. Nous avons déjà passé un bon bout de temps ce matin à discuter de l’aide au commerce de l’UE et les deux rapporteurs ont travaillé en étroite collaboration afin de s’assurer que ces deux rapports iraient de pair.
Le programme communautaire d’aide au commerce est essentiel pour permettre aux pays ACP les moins développés de tirer le profit maximal des avantages procurés par l’accroissement de la libéralisation. Le Conseil a déjà confirmé qu’une partie importante de l’aide accrue liée au commerce serait consacrée aux pays ACP.
Les pays ACP auront encore besoin d’une aide au développement substantielle pour pouvoir supprimer les contraintes qui pèsent sur l’offre au-delà du prochain FED (fonds européen de développement). Je voudrais que la Commission et les états membres s’efforcent d’augmenter de manière significative le montant de l’aide au commerce disponible, puisque la demande des états ACP augmente au fur et à mesure de la mise en œuvre des APE. Nous devons toutefois reconnaître les difficultés morales que connaît un donateur majeur assis à la table des négociations en face d’un bénéficiaire clé de l’aide au commerce.
La Commission ne doit pas faire de la perspective d’une aide un instrument de manipulation, en associant une éventuelle aide au développement à des concessions consenties par les pays ACP dans les APE. L’aide, par définition, peut être utilisée comme carotte, mais elle ne peut en aucun cas être utilisée comme un bâton dans l’éventualité où les APE ne seraient pas conclus avant la fin de l’année 2007.
L’aide au commerce est plus efficace lorsqu’elle sanctionne un ensemble d’objectifs communs entre le donateur et le bénéficiaire.
Avec la commission du commerce international et la délégation du Parlement à l’Assemblée parlementaire paritaire, le commissaire dispose d’un vaste panel de parlementaires ayant la compétence et la volonté de s’engager à ses côtés sur la question des APE. Puisque le tic-tac de l’horloge continue de résonner, j’exhorte le commissaire à travailler avec eux afin de trouver une solution orientée sur le développement, qui réponde enfin aux besoins des pays ACP.
Leopold Józef Rutowicz, au nom du groupe UEN. - (PL) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le rapport de M. Sturdy sur les accords de partenariat économique dresse un compte rendu très détaillé de la situation actuelle.
En dépit d’un engagement fort de la part de l’Union européenne, la situation actuelle n’est pas bonne. Toute coopération établie sur la base d’accords ne prenant pas en considération le marché mondial ni les principes définis par l’OMC ne présage rien de bon pour la conclusion d’accords de partenariat dans le cadre des pays ACP.
L’aide apportée par l’Union européenne à ces pays devrait viser en tout premier lieu à stimuler la production qui ne fera pas concurrence aux producteurs européens. Elle ne doit donc pas créer de conflits d’intérêts. Les produits concernés peuvent être vendus sur le marché de l’Union européenne en vertu d’accords pluriannuels. Je citerai en guise d’exemples les produits miniers et les biocarburants. Outre l’aide humanitaire, la priorité fondamentale de ces pays concerne l’aide à la création d’emplois.
Les accords de partenariat conclus avec les pays ACP devraient aller dans le sens de la stratégie économique de l’Union européenne. Les nouveaux accords devraient être établis sur la base de principes définis par la Commission européenne, le Parlement européen et les États ACP.
Frithjof Schmidt, au nom des Verts/ALE. - (DE) Monsieur le Président, les négociations sont à présent entrées dans une phase cruciale et nous ne pouvons leur permettre d’échouer. Cependant, si l’on se fie à ce que l’on ne cesse de nous répéter, il apparaît clairement que l’intense pression induite par le délai fixé s’avère trop forte pour les plus faibles de nos pays partenaires.
C’est pourquoi nous avons besoin d’une planification commerciale consciemment plus flexible à dater du 1er janvier 2008. Nous devrions tirer les leçons des erreurs commises pendant le cycle de Doha; nous avions à cette occasion arrêté une date sacro-sainte qui a ensuite été dépassée. Vu les résultats intermédiaires obtenus, il ne sera pas difficile de défendre cette position devant l’Organisation mondiale du commerce. Certaines solutions de remplacement ont été évoquées ici, comme l’extension et l’élargissement du SPG+, et cette option pourrait constituer une solution potentielle, une solution à laquelle nous devons nous préparer, pour ne pas nous laisser surprendre. Nous devons cesser de surcharger les négociations avec les règles d’investissement dans le secteur des services, car celles-ci ne font que compliquer le processus et, loin de nous aider à le conclure rapidement, nous empêchent de nous concentrer sur l’essentiel.
Vittorio Agnoletto, au nom du groupe GUE/NGL. - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les négociations sur les accords de partenariat économique menées par la Commission avec l’appui du Conseil constituent une menace pour la souveraineté économique et alimentaire des pays ACP, sans compter qu’elles éliminent toute possibilité restante pour ces pays de consolider leurs propres secteurs productifs en augmentant la valeur ajoutée de leur propre production. Ces négociations leur font par conséquent courir le risque d’une désindustrialisation accrue.
L’impact socio-environnemental de l’ouverture inconditionnelle des marchés locaux à l’investissement international, qui s’intéresse principalement aux ressources naturelles et aux produits de la terre, aurait pour résultat négatif l’absence d’avantages économiques effectifs pour la population de ces pays. Les seuls gagnants seraient les grandes multinationales européennes. Concernant le chapitre des questions dites de Singapour, c’est-à-dire le commerce des services et des droits de propriété intellectuelle, nous introduirons en outre des règles encore plus strictes que celles de l’OMC. Un accord «OMC +» ferait sombrer un peu plus les populations africaines dans les abysses de la pauvreté.
En Afrique, la stabilité de communautés rurales entières est en péril, de même que des milliers d’emplois industriels. Sans emploi, les personnes n’ont d’autre choix que d’émigrer en tentant leur chance sur les frêles embarcations qui ont de nouveau envahi le littoral méditerranéen de l’Europe au cours de ces derniers jours.
À l’instar du groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, nous réclamons la fermeture des négociations en cours sur les APE et leur réouverture sur de nouvelles bases, axées sur la justice sociale, la solidarité et le développement autonome des peuples. Nous estimons inconcevable et illogique qu’alors que les négociations de Doha sont bloquées, la Commission refuse l’inclusion dans les négociations concernant les APE de toute possibilité de dérogation au délai prévu pour la conduite de ces négociations.
Toute l’Union européenne devrait au contraire faire tout ce qu’elle peut au sein de l’OMC pour que soit admis un régime transitoire prévoyant l’application d’un système de préférences commerciales bénéfique pour les pays ACP jusqu’à finalisation d’un nouvel accord. Pour toutes ces raisons, ainsi que pour d’autres que je n’ai pas le temps d’évoquer ici, mon groupe a décidé de voter contre le rapport Sturdy.
Jerzy Buzek (PPE-DE). - (PL) Merci, Monsieur le Président. Je m’exprimerai également en ma qualité de membre de la délégation permanente de l’Union européenne auprès des pays ACP. Je remercie le commissaire pour sa déclaration, que je soutiens dans les grandes lignes, et en particulier le rapporteur M. Sturdy. Il s’agit là d’un très bon rapport, très complet, mais il renferme 53 points de détail; on dirait presque des instructions pour la conduite des négociations.
Je voudrais souligner le professionnalisme qui transparaît dans le travail accompli, mais je m’inquiète d’un aspect politique spécifique qui devrait ressortir de tout rapport du Parlement européen. J’aimerais m’attarder sur les cinq points que j’estime les plus importants concernant l’impact que nous pouvons, au Parlement européen, avoir sur les négociations.
Premièrement, il est essentiel de clarifier l’aspect du développement durable inclus dans les accords de partenariat économique, car il n’est pas vraiment très clair pour les pays avec lesquels nous négocions.
Deuxièmement, il faut bien comprendre que l’ouverture du marché pratiquée dans le cadre des accords de partenariat économique - la simple ouverture du marché - n’améliore pas en soi la compétitivité. C’est un fait que nos partenaires des pays ACP également doivent absolument comprendre.
Troisièmement, nous devons trouver des moyens d’encourager les réformes dans ces pays, par le recours aux préférences, aux incitations, ainsi que par l’aide scientifique et éducative et les échanges individuels. Il s’agit avant tout de développement généralisé de la civilisation, un aspect parfois plus important encore que l’ouverture du marché aux produits.
Quatrièmement, nous devons protéger certains secteurs spécifiques et sensibles de ces pays, telle l’agriculture. Nous devons garantir la protection de groupes sociaux particuliers, dont certains, les femmes par exemple, pourraient également être menacés par des dispositions individuelles. Un système de préférences spéciales doit être mis en place pour les questions relatives aux médicaments et aux soins de santé.
Ma cinquième et dernière remarque a trait au caractère essentiel de l’intégration et de la coopération régionale dans ces pays, sur le terrain. Notre Union européenne s’est elle aussi développée en majeure partie sur la base d’une coopération mutuelle et nous devons mettre l’accent sur ce point.
Kader Arif (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, la négociation des accords de partenariat économique entre la Commission et les pays ACP suscite les plus vives inquiétudes chez ces derniers et se déroule dans un climat incompatible avec la relation de partenariat historique qui nous lie.
L’Europe est perçue comme cherchant à imposer à tout prix des zones de libre-échange à des pays qui sont parmi les plus pauvres du monde, et à ses conditions. La relation de confiance avec les pays ACP est désormais en jeu.
Nous devons reprendre la négociation sur des bases nouvelles pour répondre aux inquiétudes soulevées dans les pays ACP concernant l’impact des APE sur l’avenir de leur économie, dont de nombreux secteurs ne pourraient résister à un abaissement des protections douanières et à une mise en concurrence non maîtrisée avec l’économie européenne.
La Commission doit revenir aux principes établis dans l’accord de Cotonou. L’objectif est le développement, et non la réciprocité dans l’ouverture des marchés. Un tel principe serait contradictoire avec l’objectif fixé, compte tenu des inégalités de développement qui ne disparaîtront pas en vingt ans. Ainsi, ces pays doivent avoir la possibilité de choisir entre un APE ou une autre formule d’accord préférentiel.
Nous devons offrir à ceux qui ne signeraient pas d’APE d’ici à la fin 2007 un accès au marché au moins équivalent aux préférences dont ils bénéficient actuellement, aucun d’entre eux ne devant se retrouver dans une situation plus défavorable au terme de ces accords.
Par ailleurs, les services et les sujets de Singapour n’ont pas à être introduits dans la négociation. La seule obligation au regard de la mise en conformité avec les règles de l’OMC concerne les préférences accordées pour le commerce des marchandises. Ces sujets ont été sortis de la négociation au sein de l’OMC, à la demande des pays en développement. Ils n’ont pas à être réintroduits brutalement pour les pays ACP. Ces questions sont d’abord du ressort des regroupements régionaux des pays ACP, dont il faut respecter la souveraineté en la matière. La Commission doit donc les retirer de la négociation.
En outre, les parlements des pays ACP et le Parlement européen, de même que la société civile, doivent avoir accès à tous les éléments de la négociation, être consultés et associés pendant son déroulement.
Enfin, si des délais plus longs sont nécessaires pour mener à bien la négociation de bons accords de partenariat économique, la Commission doit faire preuve de flexibilité et en défendre le principe auprès des membres de l’OMC.
Johan Van Hecke (ALDE). - (NL) Monsieur le Président, M. Sturdy a rédigé un rapport équilibré prenant également en considération les critiques légitimes formulées par les partenaires ACP sur le fait que, pendant les négociations, l’UE ne prête pas suffisamment attention à leurs réclamations et a beaucoup trop tendance à imposer des choses unilatéralement.
Je souhaiterais aborder un aspect qui est fréquemment négligé, à savoir la dimension régionale de l’accord de partenariat économique (APE): le renforcement du commerce Sud-Sud. Les objectifs de développement ne peuvent être atteints que si les APE tendent à encourager la bonne gestion économique, à promouvoir l’intégration régionale des économies ACP et à attirer et retenir plus d’investissements. Une aide au commerce opportune et efficace constitue une condition sine qua non pour garantir l’accroissement du potentiel commercial des régions ACP.
À cet égard, je voudrais rappeler à la Commission l’engagement pris par son président, M. Barroso, d’octroyer un milliard d’euros aux pays en développement en guise de soutien au commerce. Le fait que l’accord du Conseil sur les prochaines perspectives financières n’ait pas prévu suffisamment de fonds pour garantir le versement des 190 millions d’euros annuels proposés pour les pays concernés par le protocole sur le sucre ne présage rien de bon.
En définitive, tenir ses promesses est une question de crédibilité élémentaire, et il pourrait bien s’agir d’un élément déterminant dans le succès ou l’échec de ces négociations.
Carl Schlyter (Verts/ALE). - (SV) La Commission européenne doit garder à l’esprit trois concepts clés au cours des négociations: écouter, ne pas imposer et ne pas perdre son sang-froid.. Nous devons prêter l’oreille aux exigences des pays ACP.
Les différentes parties ne négocient pas sur un pied d’égalité. Vous, Monsieur Mandelson, avez des centaines d’experts à votre disposition. Les pays ACP, quant à eux, n’en ont que quelques-uns. Notre puissance économique est immense. Leur activité économique et industrielle n’en est qu’à ses premiers balbutiements. Nous pouvons racheter l’intégralité de leur commerce et de leur industrie. Ils peuvent à peine s’acheter de quoi manger pour la journée. Dans des circonstances aussi différentes, il importe que nous prêtions attention à leurs exigences et que nous fassions notre possible pour les combler.
Les accords de partenariat économique doivent promouvoir leur développement, et non accroître nos profits. Par conséquent, nous ne devons pas imposer quoi que ce soit. S’ils ne veulent pas ouvrir un marché, nous devons respecter le paragraphe 17 de la résolution et ne pas les forcer à pratiquer cette ouverture. Tous les experts commerciaux abreuvés d’idéologie néo-libérale sont convaincus que la réduction des barrières douanières est toujours avantageuse et que le libre-échange est toujours préférable au commerce équitable, mais la réalité ne leur donne pas raison. Et c’est dans la réalité que vivent nos partenaires de négociations. Une libéralisation effectuée à tort peut coûter des vies humaines. Vous pouvez leur donner votre avis, mais laissez-les prendre leurs décisions. S’ils se trompent, la faute sera de leur côté. Il est plus facile de vivre avec des faiblesses dont on est soi-même responsable et que l’on peut changer que dans une pauvreté extrême imposée par des tiers. La réciprocité n’est pas nécessaire. Laissez-les décider par eux-mêmes. Nous pouvons vivre avec ou sans réciprocité, mais eux peuvent en mourir.
En dernier lieu, nous ne devons pas perdre notre sang-froid. J’espère par conséquent que cette Assemblée supprimera le considérant F et approuvera l’amendement 4. Laissez les négociations se poursuivre pendant le temps nécessaire et dans l’intervalle autorisez le maintien du système des préférences généralisées. Ces pays pourront ainsi continuer à nous vendre leurs produits sans avoir une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête. Avec les pays ACP, nous les 27 pays de l’UE, formons un groupe dominant au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Si nous le souhaitons, nous pouvons prolonger la période de négociations ou prévoir des solutions de remplacement aux accords de partenariat économique.
Gabriele Zimmer (GUE/NGL). - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Commissaire, lorsque l’OMC a jugé que les avantages douaniers accordés par les pays de l’UE à leurs anciennes colonies revenaient à soumettre les autres pays en développement à un traitement discriminatoire, elle ne préconisait pas l’instauration d’un nouvel ordre mondial.
Je pense, Monsieur le Commissaire, que vous surestimez beaucoup les compétences de votre administration en matière de planification. Les projets d’APE que vous venez de déposer sur la table des négociations outrepassent manifestement votre mandat de négociateur. Sans tenir le moindre compte de l’expérience engrangée ici en Europe, vous semblez vouloir imposer un patchwork global d’alliances inter-étatiques exclusivement fondé sur des considérations économiques. Ce faisant, vous ne laissez pas la moindre chance à vos partenaires de se trouver des points communs sur le plan social et politique et vous placez les entreprises européennes dans une position concurrentielle extrêmement avantageuse.
Pour commencer, je rejette l’idée de forcer nos pays partenaires à accepter des conditions que les partisans purs et durs du libre-échange n’ont pas réussi à faire accepter au sein même de l’UE. Vos réglementations en matière de marchés publics ne sont que des coins enfoncés sans vergogne dans les économies concernées pour maintenir leurs marchés ouverts. Vous faites monter deux boxeurs sur le ring, mais l’un des deux pèse 100 kg de plus que l’autre.
Je vous encourage donc à suspendre toute négociation portant sur des questions autres que les tarifs douaniers et à utiliser votre pouvoir pour que l’OMC soit réorganisée de manière à prendre davantage en compte les exigences en matière de développement.
David Martin (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais me joindre à ceux qui ont félicité Robert Sturdy pour ce qui est, je pense, un bon rapport. Celui-ci rappelle, à juste titre, que ces négociations sont menées entre des partenaires inégaux et ce thème a été abordé par un grand nombre des intervenants ayant pris la parole ce matin. Je pense que le fait que la Commission et les pays ACP perçoivent ces négociations d’un point de vue différent est à l’origine d’une grande partie des problèmes. Si nous prenons, par exemple, le délai fixé à la fin de cette année, la Commission perçoit ce délai comme un instrument essentiel pour pouvoir respecter ses obligations vis-à-vis de l’OMC. Du point de vue de nombreux pays ACP, cependant, ce délai est utilisé pour les pousser à accepter des accords inadaptés. Je pense que la Commission doit s’efforcer de rassurer les pays ACP sur le fait que ce délai n’est pas et ne sera pas utilisé pour les contraindre à accepter des accords qui ne leur conviennent pas.
Concernant l’aide, la Commission affirme, et le commissaire Mandelson l’a répété ce matin, que les négociations n’échoueront pas par manque d’argent. Mais il est injuste de demander aux pays ACP de prendre des décisions à long terme concernant la libéralisation et l’intégration régionale sans vision à long terme du montant de l’aide qui leur sera offerte. Celle-ci doit en effet les aider à échafauder les cadres réglementaires régionaux leur permettant de trouver de nouvelles méthodes pour collecter des recettes publiques afin de compenser la perte des revenus des taxes douanières ou pour créer ce genre d’infrastructures dont nous connaissons l’importance, par notre propre expérience dans l’UE, pour développer notre économie régionale.
Concernant la question de l’accès au marché, j’ai entendu le commissaire déclarer devant cette Assemblée que l’Union européenne n’avait pas d’objectifs commerciaux offensifs vis-à-vis des pays ACP. Mais là encore, lorsque nous écoutons les négociateurs, leur perception est tout autre: ils disent que la Commission les pousse à ouvrir leurs marchés des services et à faire d’autres offres d’ouverture des marchés.
Je dis cela, car je crois réellement que la Commission souhaite obtenir, pour les six régions, un paquet favorable au développement. La Commission pense qu’elle agit dans l’intérêt des pays ACP, mais elle doit comprendre que des négociations entre des partenaires inégaux créent un sentiment de suspicion dans le chef du partenaire le plus faible. Lorsque nous parlons de délais, ils perçoivent cela comme une menace. Lorsque nous restons vagues quant au paquet d’aide, ils y voient une tentative de lier la taille de leur paquet d’aide au degré d’ouverture des marchés qu’ils sont prêts à consentir. Pour dissiper ces inquiétudes, nous devons faire preuve de plus d’honnêteté et de transparence dans ces négociations et nous devons promettre qu’une fois les pourparlers achevés, les accords finalement conclus feront l’objet d’un contrôle parlementaire. Ils pourront ainsi être rassurés sur le fait que des parlementaires seront impliqués dans ces processus dès leur mise en œuvre.
Fiona Hall (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, en suivant la progression des négociations des APE, j’ai eu l’impression de vivre dans deux mondes parallèles. D’un côté, les pays ACP ont répété à plusieurs reprises que le processus n’était pas axé sur le développement autant qu’il aurait dû l’être. Ils prétendent faire l’objet de pressions cherchant à les amener à négocier aux conditions fixées par la Commission. Ils s’inquiètent particulièrement du fait que la Commission n’a pas accordé suffisamment de temps pour réaliser des évaluations d’impact suffisantes et qu’elle a rejeté toutes les évaluations qui n’étaient pas en accord avec sa position. De l’autre côté, la Commission a, assez étrangement, maintenu constamment que personne ne se plaignait ou ne demandait de solutions alternatives aux APE.
Toutefois, la révision des APE qui a été conduite par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique en janvier 2007 a été très claire. Cette évaluation externe et indépendante est arrivée à la conclusion que les négociations n’étaient pas suffisamment axées sur le développement et qu’elles se concentraient de manière exagérée sur la seule libéralisation du commerce. Au vu de cette évaluation externe des Nations unies, je ne comprends pas que la Commission puisse continuer à affirmer que les négociations connaissent une dynamique positive et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Glenys Kinnock (PSE). - (EN) Monsieur le Président, je suis persuadée que la Commission prendra bonne note des inquiétudes évoquées ce matin par de nombreux députés, à vrai dire par la grande majorité d’entre eux.
Les négociations des APE sont clairement arrivées à une phase très critique. Cette semaine, les ministres de l’Union européenne et des pays ACP se rencontreront à Bruxelles afin d’examiner les progrès réalisés à un moment où, comme d’autres l’ont fait remarquer, ils sont soumis à une pression intense en vue de conclure ces négociations avant la fin 2007. Le fait est que, même s’ils sont bien préparés sur le plan technique, les pays ACP doivent encore faire face à de graves problèmes politiques subsistant entre états ACP, au sein des gouvernements respectifs de ces pays, entre les gouvernements et le secteur privé, la société civile et les organisations d’intégration régionale.
David Martin a soulevé quelques points très importants concernant le degré de suspicion et d’anxiété dans le chef des pays ACP. Au cours des dernières semaines, je me suis rendue en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est et, du Premier ministre du Sénégal au Président du Ghana en passant par le ministre tanzanien du commerce, le message était exactement le même: il reste trop de questions en suspens. Concernant l’aide au commerce: s’agit-il de nouveaux montants? Peut-on les prévoir? Quand seront-ils sur la table? En ce qui concerne les niveaux d’intégration régionale, j’ai appris les énormes problèmes que rencontrait la Tanzanie et la nouvelle configuration en Afrique de l’Est et j’ai écrit, il me semble, au Commissaire à ce sujet. Viennent ensuite les questions de Singapour, que d’autres ont évoquées et qui causent actuellement beaucoup de problèmes dans le cadre des négociations avec la CDAA (Communauté de développement de L’Afrique Australe).
La plupart des pays ACP ont salué la proposition d’un accès en totale franchise de droit et sans restriction quantitative. Reste cependant qu’au moins une douzaine d’états membres de l’UE ont formulé des inquiétudes et des objections à l’encontre de cette proposition - je ne suis pas certaine que quelqu’un en ait parlé - et que certains pays ACP s’inquiètent de l’impact que cela pourrait avoir sur le sucre, les bananes et le riz. Hier encore, la Barbade affirmait que la région ne pourrait profiter de cet accès que si l’UE leur permettait de renforcer leurs capacités techniques, productives et infrastructurelles afin de maximiser les opportunités, en particulier pour le sucre, entre 2009 et 2015.
Puis il y a ce scénario catastrophe dont tout le monde parle. C’est pourquoi, s’ils ne peuvent s’engager avant la fin de l’année, les pays ACP devraient recevoir un niveau élevé d’accès au marché dans le cadre du régime «SPG +».
J’entends dire qu’il n’existe pas d’alternatives. C’est tout simplement faux, tout comme l’est l’affirmation selon laquelle aucun pays ou région ACP n’en aurait fait la demande. Des recherches menées récemment par l’ODI (office de développement industriel), les Nations unies et d’autres indiquent qu’un régime SPG amélioré est une alternative viable aux APE qui donnerait cette bouffée d’oxygène indispensable pour que les négociations puissent continuer. Le SPG + offrirait un accès plus généreux que le SPG, qui n’est évidemment pas envisageable. La plupart des pays ACP pourraient bien remplir les critères d’éligibilité et bénéficieraient ainsi d’un niveau d’accès au marché presque équivalent à celui actuellement prévu par l’accord de Cotonou pour les exportations, avec très peu d’exceptions.
Alain Hutchinson (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je voudrais tout d’abord me réjouir de la tenue de ce débat, ici et aujourd’hui, et ce, notamment, parce qu’il inflige, à mon sens, un démenti flagrant aux allégations, que nous entendons régulièrement ces derniers mois, selon lesquelles seuls quelques agités de la gauche européenne et une société civile défiant la Commission européenne par principe ou par habitude s’inquiéteraient du déroulement et du résultat des négociations sur les accords de partenariat économique. Ce n’est certainement pas le cas, nous l’avons entendu ce matin.
Pour dire les choses simplement, une seule question se pose en fait aujourd’hui dans le cadre de ces négociations, et cette question est la suivante: la Commission est-elle en mesure de garantir aux pays ACP qu’une fois signés, ces accords leur apporteront des conditions de développement plus favorables que celles dont ils bénéficient aujourd’hui? Si c’est le cas, je n’ai personnellement plus beaucoup de problèmes avec ces accords de partenariat économique. Si ce n’est pas le cas, ce que je crains, nous devons nous opposer à ceux-ci tels qu’on nous les présente pour l’instant, et tant qu’ils font la part belle à une vision trop exclusivement marchande des relations entre les hommes, au détriment de l’intérêt général des populations des pays ACP.
L’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre de nos contemporains et des générations futures, au Nord comme au Sud, est un objectif prioritaire que nous sommes en droit d’exiger de la part de la Commission. Dans cet esprit, celle-ci se doit de poursuivre la négociation sur ces accords, de meilleure grâce et en toute transparence. À cet égard, je renvoie aux propos très concrets, très corrects, de mon collègue Arif. Mais la Commission se doit aussi de s’accorder, et d’accorder à nos interlocuteurs, les délais nécessaires, comme plusieurs orateurs qui sont intervenus avant moi viennent de le dire. Il est grand temps que cette exigence, portée par des millions de citoyens européens que nous représentons ici, soit considérée avec beaucoup plus de sérieux et de respect qu’aujourd’hui.
Monsieur le Commissaire, nous entendons ce matin, et très régulièrement ici, parler abondamment et avec insistance d’économie, d’ouverture de marchés et de compétitivité. Ces mots, ne l’oublions pas, nous devons les considérer pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des concepts et, au mieux, des instruments, qui n’ont de valeur que pour leur contribution éventuelle à la satisfaction de l’intérêt général, de l’intérêt du plus grand nombre de personnes, pas d’un nombre, même grandissant, de privilégiés, qui sauront profiter, au Nord comme au Sud, de n’importe quel accord passé avec n’importe qui, mais bien d’un nombre grandissant d’hommes, de femmes et d’enfants qui, ensemble, constituent la grande majorité des exclus de notre monde et qui attendent énormément d’une relation, sinon généreuse, du moins équilibrée avec leurs partenaires européens.
Marie-Arlette Carlotti (PSE). - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, dans ses dernières propositions, l’Union envisage d’étendre le concept «tout sauf les armes» à l’ensemble des pays ACP.
C’est une avancée, certes, qui permettrait de garantir qu’aucun d’entre eux ne perde au change après 2007, mais ce n’est pas une solution miracle, qui ferait des APE des accords de développement. Pour cela, il faut aller plus loin: prévoir une période de transition bien plus longue que les dix ou douze ans qui sont actuellement proposés; mettre fin au dumping agricole et respecter le principe de souveraineté alimentaire; offrir un vrai traitement spécial et différencié et permettre aux pays ACP de protéger certains de leurs secteurs; mettre fin aux pressions sur les sujets de Singapour, afin de respecter le droit de tous les États à gérer librement leurs services publics, et, enfin, impliquer davantage les sociétés civiles et les parlements.
Je crois que c’est à ce prix-là que les APE pourront servir, en priorité, le développement de l’Afrique, et pas seulement celui de l’Europe.
Peter Mandelson, membre de la Commission. - (EN) Monsieur le Président, c’est un plaisir pour moi de répondre à ce débat au nom de la Commission étant donné l’importance de ce sujet: rien de moins que le futur développement, la réduction de la pauvreté et la chance de profiter des avantages du système commercial international pour les pays ACP, dont certains font partie des pays les plus frappés par la pauvreté et envers lesquels nous avons une obligation absolue.
Les accords de partenariat économique consistent à utiliser le commerce comme levier pour le développement. Nous n’avons pas l’intention de forcer les pays ACP à prendre des engagements contre leur volonté. Nous agissons cependant sous contrainte: les APE doivent être conformes aux règles de l’OMC et donc prévoir une ouverture des marchés des deux côtés pour le commerce de biens et de services. Naturellement - et je le dis énergiquement - cela ne signifie pas une ouverture symétrique des marchés entre l’UE et les pays ACP. Évidemment, en termes d’ouverture des marchés à ses partenaires, l’UE ira bien au-delà de ce que les pays ACP feront pour elle.
En outre, dans de nombreux domaines, nous sommes prêts à envisager sérieusement des périodes de transition et, dans certains cas, des périodes de transition très longues - jusqu’à 25 ans - ainsi qu’une aide financière substantielle pour aider ces pays à mettre en œuvre leurs engagements. Les APE pourront ainsi jouer un véritable rôle de catalyseur propice aux réformes politiques dans les pays ACP.
En ce qui concerne l’accès au marché, le Conseil Affaires générales a récemment réaffirmé le principe d’un accès en totale franchise de droit et sans restriction quantitative pour les pays ACP, mais avec des périodes de transition pour quelques produits sensibles, notamment le riz et le sucre. Le même principe s’applique aux bananes, mais nous avons convenu qu’une évaluation supplémentaire était nécessaire, notamment pour tenir compte des régions ultrapériphériques de l’UE. Il en sera donc ainsi.
Concrètement, pour répondre à M. van den Berg, nous sommes en train d’élaborer, conjointement avec les régions ACP, des calendriers d’accès asymétrique au marché, qui permettront de continuer à protéger certains secteurs sensibles des pays ACP. Notre offre d’accès en totale franchise de droit et sans restriction quantitative laisse une grande marge de manœuvre pour protéger les pays ACP et ouvrir leurs marchés d’une manière très asymétrique. En outre, des mécanismes flexibles de sauvegarde seront mis en place pour que nous puissions agir rapidement en cas de problème. Cependant, un système d’accès conditionnel au marché mettrait une nouvelle fois nos accords commerciaux dans une position vulnérable à l’OMC, entraînant encore un peu plus d’incertitudes pour les commerçants et les investisseurs des pays ACP. Il ne serait donc pas prudent d’introduire une telle approche conditionnelle, dans l’intérêt des pays ACP eux-mêmes.
Certains députés ont parlé de solutions alternatives aux APE. Je peux dire sans aucune hésitation ou réserve que nous ne disposons pas d’instruments plus efficaces et plus favorables au développement dont le potentiel et l’ambition dépasseraient ceux offerts par les Accords de Partenariat Économique. Il serait insensé de proposer un SPG, comme certains l’ont suggéré, alors que nous pourrions négocier de bons accords de partenariat économique. Les pays ACP qui ne sont pas des PMA se retrouveraient avec un accès au marché de l’Union européenne inférieur à presque n’importe quel autre pays en développement dans le monde.
Alors, certains poursuivent en proposant l’alternative d’un SPG +, pour lequel on assouplirait les critères d’éligibilité tout en étendant son champ d’action. Une nouvelle fois, cette suggestion est absolument inacceptable. Le régime SPG + maintient les divisions entre les régimes commerciaux des PMA et des non PMA, alors que les APE cherchent justement à les supprimer. De plus, il n’incite pas à utiliser l’accès au marché comme le font les APE. Le SPG est ouvert à tous les pays et beaucoup profiteraient purement et simplement d’un l’assouplissement des critères d’éligibilité au SPG +. Les pays ACP seraient alors exposés à une concurrence directe, et la finalité du SPG, qui est d’accorder des préférences commerciales en vue d’encourager la signature d’accords sur les droits de l’homme et les bonnes pratiques de travail, serait détournée. Par conséquent, j’espère que ces personnes cesseront d’entretenir l’idée que le SPG ou le SPG + peuvent être une alternative acceptable et/ou supérieure aux APE.
La meilleure option en termes de développement est, de loin, de signer des APE dans les temps impartis. Toute alternative serait moins bonne. Nous ne pouvons tout simplement pas bafouer les règles de l’OMC concernant la section des APE relative au commerce de biens. S’il devient évident que, pour une région donnée, nous n’y arriverons vraiment pas, les PMA bénéficieront de l’initiative «Tout sauf les armes». Pour les non PMA qui exportent des bananes, en particulier, la solution d’une dérogation n’est probablement pas du tout viable sur le plan politique. Pour les autres, tout dépend du progrès des négociations.
Je voudrais conclure en disant que, contrairement à certaines personnes qui se sont exprimées ce matin au sein de cette Assemblée, je trouve que l’approche adoptée par les pays ACP fait preuve d’une bonne dose de réalisme et d’une compréhension considérable de leur intérêt. Les pays ACP ont accepté de leur plein gré la feuille de route que nous suivons pour négocier ces accords. Il n’est certainement pas dans leur intérêt que ceux qui se présentent comme leurs amis colportent un scénario catastrophe. Cela génère un climat de peur et d’insécurité qui ne peut que retenir les pays ACP de s’engager dans les négociations, alors qu’il est absolument dans leur intérêt de conclure celles-ci avant la fin de l’année.
Le Président. - Le débat est clos.
Le vote aura lieu demain à midi.
Déclarations écrites (article 142 du règlement)
Richard Seeber (PPE-DE), par écrit. - (DE) Je tiens à remercier très chaleureusement le rapporteur d’avoir souligné l’immense besoin d’action de la part de l’Union européenne dans les négociations sur les accords de partenariat économique.
Nous devons en premier lieu garder à l’esprit qu’il importe de travailler à l’intégration effective des pays ACP dans le commerce mondial et à une répartition équitable du succès entre tous les groupes régionaux, objectif réalisable notamment par des concessions commerciales et par une aide technique aux producteurs assurant à ces derniers une compensation pour les pertes encourues en raison des droits de douane. Cependant, cela n’est pas suffisant, ces États ont également besoin d’instructions et de conseils d’experts pour bénéficier réellement d’un accès facilité au marché.
Je pense en outre qu’il sera probablement essentiel de simplifier les procédures administratives fondamentales pour pouvoir utiliser plus efficacement les ressources disponibles.
Par ailleurs, je pense qu’en tant que membres de cette Assemblée nous devrions être conscients de l’intérêt que revêt également pour l’Europe l’instauration de relations commerciales avec ce type d’États. De plus, étant citoyens de pays développés, nous devons aux citoyens des pays ACP de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour leur permettre de se faire une place sur le marché mondial.