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Cycle relatif au document : O-0041/2007

Textes déposés :

O-0041/2007 (B6-0132/2007)

Débats :

PV 10/07/2007 - 14
CRE 10/07/2007 - 14

Votes :

Textes adoptés :


Compte rendu in extenso des débats
Mardi 10 juillet 2007 - Strasbourg Edition JO

14. Détachement de travailleurs (débat)
Procès-verbal
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  La Présidente. - L’ordre du jour appelle la question orale (O-0041/2007) posée à la Commission par M. Andersson, au nom de la commission de l’emploi et des affaires sociales, sur le détachement de travailleurs (B6-0312/2007).

 
  
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  Jan Andersson (PSE), rapporteur. - (SV) Je pense que c’est Jacques Delors qui a dit un jour que le marché intérieur des biens et des services ne fonctionnerait jamais sans une dimension sociale forte. Pourquoi de tels propos? Il voulait dire par là que nous ne devons pas recourir aux mauvaises conditions de travail ou aux bas salaires pour nous concurrencer les uns les autres sur le marché intérieur. Pourquoi pas? Parce que les travailleurs européens n’accepteraient jamais une telle politique. Le débat sur la flexicurité nous montre aujourd’hui que nous ne pouvons pas recourir aux mauvaises conditions de travail et aux bas salaires pour concurrencer les pays extérieurs à l’UE. Pourquoi dès lors adopter une approche similaire au sein de l’UE?

C’est dans cette perspective que nous devrions considérer la directive concernant le détachement de travailleurs. Cette directive a vu le jour afin de garantir des conditions de travail équitables et décentes aux travailleurs: conditions salariales, heures de travail et autres conditions de travail. Il a été question de règles minimales, mais si nous nous appuyons sur l’avis de l’avocat général dans l’affaire Laval, ce ne sont pas les règles minimales, mais les règles normales, qui devraient être appliquées. L’avocat général n’hésite pas à aller aussi loin dans ses conclusions. C’est important pour les travailleurs. C’est important pour qu’ils disposent de conditions décentes, et c’est également important pour les entreprises. Si ces réglementations n’avaient pas existé, nous aurions avantagé les entreprises qui versent des bas salaires et celles qui proposent des conditions de travail détestables. Il n’y aurait eu aucune neutralité de la concurrence - une priorité tant pour les travailleurs que pour les entreprises.

La Commission a fourni une interprétation. Je partage son avis sur certains points, mais il y a aussi des parties que je n’approuve pas. Permettez-moi de commencer par les points d’accord. Un meilleur échange d’informations est nécessaire entre les autorités des différents États membres. Les entreprises qui exercent des activités dans un autre pays doivent être beaucoup mieux informées des conditions en vigueur dans ce pays. C’est un domaine dans lequel nous pouvons considérablement progresser à l’avenir.

La Commission a analysé la jurisprudence, se livrant tantôt à des surinterprétations, tantôt à des interprétations correctes. Concernant les citoyens de pays tiers, nous n’avons aucun point de vue à émettre sur l’interprétation fournie par la Commission. En revanche, sur un certain nombre d’autres questions, nous ne partageons pas l’approche de la Commission.

Prenons deux exemples. Le premier concerne l’obligation de disposer d’un représentant. À cet égard, la Commission a fourni une surinterprétation de la conception existante de la justice. La jurisprudence concerne la nécessité de contraindre le représentant à résider dans le pays dans lequel l’activité se déroule. Nous n’imposons pas cette obligation. Ceci étant dit, il est important que les pays puissent solliciter un représentant spécifique et disposant d’un mandat légitime pour représenter l’entreprise. C’est un aspect important dans mon pays, où des conventions collectives sont en vigueur, et c’est également important dans d’autres pays du point de vue des autorités et sur le plan, par exemple, des conditions de l’environnement de travail. La possibilité doit leur être donnée de recourir à un représentant mandaté pour défendre les intérêts de l’entreprise.

Mon deuxième exemple concerne les documents sociaux. La Commission renvoie ici à certaines affaires juridiques. Elle s’intéresse notamment au cas de la Belgique et à la question de savoir si les documents doivent être conservés pendant cinq ans. Je reconnais que c’est une durée disproportionnée. Néanmoins, ces documents sont indispensables pour fournir des informations sur le travailleur, son salaire et son temps de travail. Ces informations sont assurément nécessaires durant la période d’exécution du travail et pendant un délai ultérieur raisonnable. Nous sommes conscients qu’un certain degré de fraude sévit dans ce domaine; un délai de conservation raisonnable est dès lors requis après la réalisation du travail.

La Commission commet toutefois des erreurs de surinterprétation dans sa communication. Elle surinteprète la jurisprudence. L’obligation de disposer d’un représentant est importante, tout comme l’exigence concernant les documents sociaux. La Commission nous invite à ne pas remettre en cause les modèles du marché du travail en vigueur en Europe. C’est une affirmation importante, mais c’est précisément ce qui se passe lorsque la critique s’abat sur les États membres qui imposent des obligations en termes de représentation et de documentation sociale. Si la définition de telles exigences n’est pas autorisée, l’instauration d’un marché du travail réglementé et le maintien de notre modèle européen s’avèrent évidemment impossible. Nous parlons donc d’un autre modèle, et la Commission devrait prendre cet aspect en considération. L’Allemagne a émis exactement la même critique que les pays scandinaves.

Enfin, je voudrais aborder la question de l’équilibre. Il convient également de dénoncer les pays qui ne pratiquent aucun contrôle. Dans certains pays, les contrôles ne sont pas suffisants et les travailleurs y exercent peut-être dans des conditions qui ne cadrent pas avec les exigences de la directive sur le détachement de travailleurs. Ces pays doivent également faire l’objet de critiques.

 
  
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  Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (CS) Madame la Présidente, mes chers collègues, la Commission a adopté le 13 juin 2007 la communication finale relative à la communication de 2006, dans laquelle elle exprime son plein soutien à l’objectif des États membres de mettre fin aux pratiques illégales sur le marché du travail. Elle reconnaît que les organes nationaux doivent procéder à des contrôles appropriés afin de garantir que les prestataires de services respectent les conditions de travail nationales.

Pourtant, selon un examen approfondi de la situation réalisé par la Commission en 2006 à partir des informations communiquées par les États membres et les partenaires sociaux communautaires, certaines mesures mises en œuvre dans les États membres sont disproportionnées au regard de l’objectif de protection efficace des travailleurs détachés. Comme le souligne la communication de juin 2007, il semblerait que cette situation résulte d’une coopération inefficace entre les administrations compétentes dans les États membres et d’un accès aux informations peu satisfaisant.

Dans ses communications, la Commission souligne que la libre prestation des services en tant que principe fondamental du traité CE ne peut être limitée que par des raisons impérieuses d’intérêt général, par exemple la protection des travailleurs, et que ces raisons doivent être appropriées. Nous devrions examiner au cas par cas si certaines mesures nationales peuvent être considérées comme justifiées et appropriées, par exemple l’obligation de disposer d’un représentant établi sur le territoire de l’État membre d’accueil ou l’obligation de conserver certains documents relatifs aux conditions sociales et de travail dans le territoire du pays d’accueil à des fins de contrôle.

La Commission examine minutieusement la situation dans chaque État membre afin de pouvoir déterminer quelles mesures de contrôle peuvent être considérées comme étant injustifiées et disproportionnées. Le cas échéant, la Commission lancera des procédures d’infraction aux obligations afin de garantir l’application du droit communautaire.

Par ailleurs, la Commission examine également l’adéquation et l’efficacité de certaines mesures adoptées par les États membres. Si ces mesures ne sont ni adéquates ni efficaces, elle lancera les mêmes procédures, car son objectif est de protéger efficacement les travailleurs sans compromettre le fonctionnement du marché intérieur.

La Commission n’envisage pas pour l’instant de publier de nouvelles orientations. La décision finale concernant le respect des mesures nationales appartient à la Cour de justice, qui a déjà rendu plusieurs arrêts, et non pas à la Commission ou au Parlement.

Concernant la coopération en matière d’information, les contrôles réalisés par la Commission révèlent une amélioration encourageante. Des progrès supplémentaires sont néanmoins indispensables. La Commission propose dès lors de renforcer la coopération administrative avec les États membres, notamment en faisant intervenir d’autres parties intéressées - en particulier les partenaires sociaux - qui jouent un rôle majeur dans le contrôle du respect de la législation.

L’évaluation des mesures d’exécution indique que, bien que l’application de la directive n’ait pas engendré beaucoup de plaintes formelles ou de procédures en justice, certains problèmes exigent un examen supplémentaire, à l’image de l’efficacité de l’exécution transfrontalière des sanctions ou la protection des travailleurs en cas de sous-traitance multiple. La Commission souhaiterait impliquer les partenaires sociaux et les États membres dans cette initiative.

Pour terminer, je voudrais souligner que la communication de juin 2007 démontre que, par principe, la Commission n’entend en aucun cas affaiblir les différents modèles sociaux des États membres ni la manière dont ceux-ci organisent leur système de relations du travail et de négociation collective. Il est bien entendu de la responsabilité de la Commission de garantir l’application rigoureuse du droit communautaire et d’intervenir, tel que le stipule le traité CE, lorsque des mesures inappropriées ont pour effet, non pas d’assurer la protection des travailleurs, mais de restreindre la libre prestation de services dans le marché intérieur.

 
  
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  Philip Bushill-Matthews, au nom du groupe PPE-DE. - (EN) Madame la Présidente, l’un des défis à relever, lorsque l’on tente de formuler une question orale, suivie d’une résolution immédiate en un temps très court, consiste à réussir à y mettre tout ce que l’on souhaite lui faire dire. Je pense en l’occurrence, comme certains autres sans doute, que l’urgence extrême ne permet pas à chacun d’entre nous d’être d’accord avec tous les détails de la formulation de cette résolution. N’y voyez pas un critique des opposants politiques de l’autre partie de l’hémicycle. Il s’agit seulement d’un commentaire, une déclaration sur la situation.

Je souhaite ajouter - officieusement dans toutes les réponses et considérations que la Commission fait à ce sujet - la question suivante. Si la directive actuelle n’est pas appliquée de façon satisfaisante dans tous les États membres, la Commission pourrait-elle, s’il vous plaît, envisager de prendre un peu plus de temps pour en comprendre la raison? La directive pose-t-elle des problèmes intrinsèques? Certains États membres continuent-ils à avoir des problèmes particuliers avec elle? Donc, au lieu de nous dire simplement avec force «la directive est la directive et la directive doit être appliquée sans délai», pourrions-nous veiller à écouter un peu plus, car je suis certain que nous pourrions apprendre des choses. En principe, nous sommes tous favorables à une directive dans ce domaine afin d’y voir clair.

La dernière chose que je souhaite dire vient certainement de ce côté de l’Assemblée. Nous souhaitons aider les travailleurs qui souhaitent être détachés. Nous sommes bien sûrs attentifs à la sécurité de leurs conditions de travail, mais nous souhaitons aussi promouvoir leur mobilité. Nous ne voulons pas utiliser cela comme un mécanisme protectionniste empêchant le détachement de travailleurs.

 
  
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  Anne Van Lancker, au nom du groupe PSE. - (NL) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, mon groupe et moi-même avons des sentiments très partagés à propos de cette nouvelle communication de la Commission. D’un côté, il est bien entendu positif que la Commission continue à s’intéresser à l’application de la directive concernant le détachement de travailleurs. En effet, de nouvelles affaires d’exploitation sociale de travailleurs détachés surgissent pour ainsi dire toutes les semaines, une situation qui exerce par ailleurs une pression considérable sur les conditions de travail en vigueur dans nos pays. D’un autre côté, nous avons la nette impression que la Commission n’a toujours pas réussi à trouver le bon équilibre entre la garantie de la liberté de prestation de services, d’une part, et la protection des travailleurs, d’autre part.

Vous devez savoir, Monsieur le Commissaire, que certaines mesures de contrôle adoptées par des États membres, y compris les obligations de conserver des documents sur le lieu de travail, de rédiger des déclarations de détachement de travailleurs ou de disposer d’un représentant agréé sur place, sont indispensables pour assurer la protection des conditions de travail des travailleurs détachés à l’étranger.

Il ne fait par ailleurs aucun doute, Monsieur le Commissaire, que les États membres ne peuvent pas uniquement s’appuyer sur leurs propres mesures nationales. En effet, la coopération transnationale si nécessaire entre les administrations et l’accès aux informations requises sont pratiquement inexistants, alors que les mécanismes d’application internationaux ne fonctionnement tout simplement pas. La communication suggère toutefois que certaines de ces mesures sont incompatibles avec la législation communautaire, et vous menacez même d’engager des procédures d’infraction, et ce avant même que les mesures visant à garantir le flux d’information n’aient été adoptées en vue d’assurer le véritable fonctionnement de la coopération entre les États membres et de mettre en place un système de sanctions efficace.

Inutile de dire que mon groupe se félicite de l’intention de la Commission d’instaurer un comité de haut niveau permanent afin d’aider les États membres à renforcer leur coopération. Cependant, la coopération administrative ne règlera pas tout, Monsieur le Commissaire. Nous demandons également la création d’une plate-forme européenne de coopération transfrontalière entre les inspections du travail compétentes des États membres. Tant que nous n’aurons pas examiné cet aspect, il nous manquera un instrument d’application essentiel de la directive concernant le détachement de travailleurs.

 
  
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  Anne E. Jensen, au nom du groupe ALDE. - (DA) Madame la Présidente, je voudrais, au nom de mon groupe, soutenir l’approche adoptée par la Commission vis-à-vis de cette directive, qui a décidé de miser sur l’amélioration de la qualité des informations fournies et sur le renforcement de la coopération entre les États membres, ainsi que, dans certains cas d’infraction grave, sur le renvoi des États membres devant la Cour de justice.

Malheureusement, nous sommes contraints de reconnaître qu’une UE élargie caractérisée par des écarts de revenu considérables présente une grande insécurité, y compris dans ce domaine. D’une part, d’aucuns craignent que les travailleurs détachés dans un autre État membre exerceront leurs activités dans des conditions sociales inférieures à la normale du pays d’accueil et que cette situation représentera une menace pour la sécurité de l’emploi. D’autre part, on recense encore de nombreux obstacles bureaucratiques au libre-échange des services au sein de l’UE. Ces facteurs entravent la concurrence et réduisent la qualité des services fournis. L’objectif premier de la directive concernant le détachement de travailleurs est précisément la recherche d’un équilibre entre la liberté de prestation de services transfrontaliers et le maintien de la protection du marché du travail dans le pays d’accueil. Dans le cadre de consultations au sein de la commission de l’emploi et des affaires sociales, des représentants patronaux et syndicaux nous ont affirmé que la directive sur le détachement de travailleurs était de qualité suffisante, mais qu’elle était très complexe. Employeurs et travailleurs ne disposent dès lors pas d’une connaissance suffisante de leurs obligations et de leurs devoirs. Nous devons remédier à ce problème. Il doit pouvoir être facile d’agir dans le respect de la législation, et cet état de choses doit être garanti par la fourniture d’informations - compréhensibles, bien sûr - dans la langue maternelle de chacun. Un accès aisé à ces informations est également indispensable en vue de faciliter la résolution des problèmes.

La Commission a constaté que les États membres n’ont pas toujours confiance dans les informations échangées entre les pays, et je pense dès lors qu’il est opportun de renforcer la coopération en cours entre les États membres dans ce domaine. Par ailleurs, l’agence de Dublin pour l’amélioration des conditions de vie et de travail devrait s’atteler à échanger les bonnes pratiques et à associer ce faisant les partenaires du marché du travail et les États membres dans un processus positif.

Concernant la question, évoquée par M. Andersson, de l’obligation de disposer d’un représentant dans le pays d’accueil et la question de la documentation sur le lieu de travail, je pense également qu’il est important que nous maintenions un juste équilibre. Cet équilibre, la Commission l’a fondamentalement trouvé selon moi. C’est dans ce contexte que nous avons déposé des amendements à ce rapport. Le représentant ne doit pas nécessairement être présent physiquement dans le pays d’accueil. Nous sommes d’accord sur cette question, et je voudrais qu’elle soit clarifiée.

Concernant la référence aux affaires Laval et Waxholm, il me semble que nous devrions attendre la décision finale avant de les utiliser comme des principes directeurs de la jurisprudence.

Voilà qui conclut mes observations.

 
  
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  Elisabeth Schroedter, au nom du groupe des Verts/ALE. - (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, ce débat constitue également un avertissement: si cette communication est une nouvelle tentative de réintroduire en douce les articles 24 et 25 de la version originale de la directive sur les services, qui ont été supprimés, ce Parlement la rejettera sans ambiguïté. La directive concernant le détachement de travailleurs vise à protéger les travailleurs, et cette fonction protectrice doit rester sacro-sainte.

Dans la directive concernant le détachement de travailleurs, le principe local est de rigueur. Cela signifie notamment que toutes les mesures prises par les États membres afin de protéger les travailleurs détachés et leurs intérêts sont légitimes et souhaitables. Mais cette liberté ne doit pas être garantie à n’importe quel prix. Il ne s’agit pas d’un feu vert au dumping social.

Je suis fatiguée de devoir rendre des décisions théoriques sur la possibilité de fournir des preuves de paiement équitable dans le pays d’origine du travailleur dans un délai de deux ou quatre semaines. La situation sur les grands et petits chantiers de construction en Europe est totalement différente. Le manque de moyens disponibles pour vérifier les bulletins de paie sur place ouvre la voie à de nouveaux agissements criminels.

Voulez-vous réellement assumer la responsabilité de tels agissements? Allez visiter les chantiers de construction avant de prendre de nouvelles mesures. Allez voir comment certains travailleurs sont privés de salaires équitables, et comment le dumping social entrave la concurrence sur ces chantiers. Le principe du salaire égal à travail égal doit rester la priorité.

 
  
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  Mary Lou McDonald, au nom du groupe GUE/NGL. - (EN) Madame la Présidente, nous devons nous souvenir, avant tout, que la directive sur le détachement des travailleurs concerne les droits des travailleurs et qu’elle fixe seulement les normes minimales en termes de taux de salaire, de congés, d’heures de travail, etc. Sans cette directive, les travailleurs seraient exposés à toutes sortes d’abus par des entreprises fictives et seraient exposés au faux travail indépendant, une filière que certains employeurs n’ont pas mis longtemps à exploiter.

Il me semble cependant que la Commission, dans son insistance, donne la primauté à la suppression des obstacles à la fourniture de services et au fonctionnement régulier du marché intérieur. Je pense que la résolution associée à cette question orale représente un recul par rapport aux positions existantes du Parlement tout récemment exprimées dans le rapport Schroedter. Le fait est que la Commission n’a pas fait entrer en vigueur cette directive et de nombreux États membres ignorent ses dispositions. Ces erreurs ne peuvent pas être masquées par des arguments sur la proportionnalité ou le protectionnisme. Lorsque le Parlement a adopté la directive Services, on a assuré à ceux d’entre nous qui étaient préoccupés par son impact sur les droits des travailleurs que l’application correcte de la directive sur le détachement des travailleurs apaiserait nos inquiétudes. Cela ne s’est pas produit. La Commission n’a pas correctement mis en œuvre cette directive. Beaucoup de travailleurs restent donc exposés, sans bénéficier des normes minimales nécessaires pour éviter d’être exploités et abusés.

 
  
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  Thomas Mann (PPE-DE). - (DE) Madame la Présidente, le 13 juin, la DG Emploi a notifié à la Commission que certains États membres n’appliquaient pas consciencieusement la directive sur le détachement de travailleurs, l’Allemagne comprise. Mon pays est accusé de procéder à des contrôles excessivement rigoureux et, partant, de faire fuir les travailleurs vers d’autres États membres. Quelle provocation! Je m’attendais à une position différente de la part d’un commissaire dont je respecte par ailleurs la grande honnêteté.

Bien que la coopération entre les pays d’origine et les pays d’accueil soit importante, elle ne remplacera pas l’efficacité des contrôles. Nous devons avoir pour objectif commun d’assurer la protection des travailleurs, de déjouer le dumping social et de détecter et sanctionner le travail illicite. La réalisation de ces objectifs nécessite toutefois impérativement la disponibilité de documents valables dans la langue du pays d’accueil. Les documents suivants doivent pouvoir être présentés à tout moment: contrats de travail, calculs de paie, relevés des heures de travail. Le procureur général près la Cour de justice des Communautés européennes approuve ce point de vue, car les inspecteurs seront confrontés à des problèmes considérables si les documents n’ont pas été rédigés dans la langue du pays respectif.

Deuxièmement, afin de garantir l’envoi adéquat des préavis, le destinataire doit prouver l’existence d’une adresse en Allemagne, et non d’une simple boîte aux lettres à l’étranger spécialement choisie pour des raisons d’anonymat. Par ailleurs, chaque entreprise est tenue de désigner le représentant officiel de son choix. Le lieu de travail peut également servir d’adresse. Voilà selon moi une solution équitable.

Il est insultant de faire planer la menace de procédures d’infraction. En Europe, Monsieur le Commissaire, l’équité est la règle, notamment sur le plan des contrôles. Monsieur Špidla, je vous enjoins de ne pas vous départir du sens de l’observation et de l’équilibre auquel vous nous avez habitués.

 
  
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  Jean Louis Cottigny (PSE). - Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je suis de ceux qui pensent que le détachement des travailleurs est une chance pour l’Union européenne et ses citoyens. Une chance à la fois sur le plan économique et pour ce qui est de contribuer au renforcement de l’idée européenne. Les travailleurs qui se déplacent sur le territoire européen sont avant tout des Européens, et ils doivent être traités comme tels, ce qui, à mon sens, veut dire que pour un même emploi sur le même territoire, aucune inégalité ne doit être permise.

L’un des problèmes que suscite aujourd’hui la directive 96/71/CE, est que, du fait du manque d’harmonisation des systèmes nationaux en matière de droit du travail et des disparités existant entre nouveaux et anciens États membres dans ce domaine, une crainte apparaît que cette directive permette d’arbitrer entre États membres et de se rattacher au «moins-disant social». Je le répète une fois de plus: c’est par le haut que l’Europe sociale doit se construire, et non en mettant en pièces ses acquis sociaux, comme certains le souhaitent ici. J’en veux pour preuve certains amendements déposés sur le rapport concernant la modernisation du droit du travail.

Dans ce domaine, je leur recommande de ne pas jouer aux alchimistes, au risque de se retrouver face à des conflits sociaux incontrôlables. À mon sens, pour éviter ces écueils, les États membres doivent pouvoir continuer à maintenir un certain nombre de restrictions mais aussi, quand ils accueillent des travailleurs détachés, ils doivent pouvoir imposer certaines conditions. Je pense notamment que les travailleurs détachés doivent pouvoir bénéficier, dans les pays d’accueil, de représentants mandatés qui doivent être indépendants. Ils doivent pouvoir fournir des informations pertinentes concernant leur temps de travail et les conditions de sécurité et de santé liées à ce travail, afin qu’une protection puisse leur être garantie. Les salariés détachés doivent pouvoir procéder à une déclaration préalable, afin de permettre aux partenaires sociaux dans les États d’accueil, où les salaires sont fixés par négociation collective, d’entrer en jeu pour négocier directement avec l’entreprise d’origine des travailleurs détachés.

Mais nous devons aller encore plus loin dans ce domaine en poursuivant des réflexions telles que la mise en place d’un salaire minimum européen. Nous devons avoir une volonté politique de convergence vers un socle de droits sociaux communs dans l’ensemble de l’Union européenne. C’est avec de telles pratiques que nous nous engageons sur la voie d’une Europe sociale, d’une Europe unie, d’une Europe des travailleurs que nous souhaitons tous.

 
  
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  Evelyne Gebhardt (PSE). - (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, lorsque nous débattions de la directive sur les services, nous avions affirmé haut et fort qu’elle ne devrait en aucun cas affaiblir les droits sociaux au sein des États membres. C’est dans cette optique que nous avions supprimé les tristement célèbres articles 24 et 25 de la directive, afin que ces droits ne puissent pas être compromis en profitant de lacunes dans la législation.

Nous avions également convenu, afin de clarifier toute ambiguïté, de modifier la directive concernant le détachement de travailleurs si le moindre problème venait à surgir. Je voudrais vous rappeler ce compromis, que la Commission européenne a également adopté, et vous redemander cette approbation à nouveau.

Monsieur le Commissaire, je partage votre point de vue selon lequel l’absence ou le manque de coopération entre les autorités est l’une des principales raisons des problèmes que nous rencontrons avec la directive sur le détachement de travailleurs. Toutefois, pensez-vous réellement que c’est en supprimant des possibilités de contrôle et de documentation ainsi que d’autres aspects indispensables au contrôle que vous remédierez à ces problèmes de collaboration? Au contraire! Une absence de documentation conjuguée à une collaboration défaillante entre les autorités équivaut à du dumping social pur et simple. Je ne peux pas croire que c’est ce que vous souhaitiez réellement.

Mettons dès lors nos efforts en commun afin d’améliorer la collaboration administrative et d’ouvrir le marché des services et les marchés des travailleurs à un niveau maximal de protection sociale. Nous agirions ainsi pour le bien de l’Europe et, au lieu d’adopter une approche destructive vis-à-vis des États membres, nous rechercherions des solutions positives qui contribueront réellement à faire avancer les choses. C’est la direction que nous devrions emprunter. Sinon, nous ne réaliserons pas les objectifs que nous nous sommes fixés.

 
  
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  Proinsias De Rossa (PSE). - (EN) Madame la Présidente, je suis déçu que le commissaire Špidla nous ait dit aujourd’hui qu’il ne proposait pas de nouvelle communication sur ce sujet.

Pour que les travailleurs européens puissent se déplacer d’un État membre à un autre sans provoquer une course vers le bas, nous devons nous assurer que la législation est claire, que les normes sont appliquées de façon générale dans toute l’Union européenne et qu’elles sont totalement appliquées. La directive sur le détachement des travailleurs, dans son état actuel, ne remplit pas ces critères. Ce n’est pas le cas non plus des lignes directrices que la Commission a publiées, il y a un an à peine. Nous avons besoin à présent que la Commission insiste pour que les documents demeurent dans l’État membre où le travailleur est détaché et pour qu’un employeur identifiable porte la responsabilité juridique de la conformité à ces exigences. Même cela ne sera pas suffisant, si tous les États membres ne mettent pas en place des mécanismes de mise en conformité et des peines sévères pour toute infraction à la loi.

On ne pourra progresser sur des sujets comme la flexicurité et la réforme de la législation du travail, si nous ne traitons pas les problèmes relatifs à la sécurité des travailleurs dans ce domaine. Les travailleurs en Europe ne toléreraient pas une diminution de leurs droits ou un nivellement par le bas. Nous ne laisserons passer aucune législation qui affaiblirait leurs droits d’une manière ou d’une autre, sauf si nous pouvons voir qu’elle comporte des avantages pour eux, afin d’éviter un nivellement par le bas. Le manque de vision du Conseil et de la Commission dans ce domaine me paraît incroyable et il est tout simplement inexplicable, s’ils souhaitent véritablement créer une union sociale européenne.

 
  
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  Vladimír Špidla, membre de la Commission. - (CS) Chers membres du Parlement, je voudrais préciser que l’application adéquate de la directive sur le détachement de travailleurs ne constitue en aucun cas un procédé détourné visant à affaiblir et à compromettre la protection des travailleurs sur le marché du travail européen. L’application adéquate de la directive entraînera bien au contraire une protection efficace des travailleurs, ce qui revêt une importance cruciale. L’argument selon lequel la Commission impose des restrictions sur les pouvoirs de contrôle est totalement faux: permettez-moi d’affirmer catégoriquement que toute mesure considérée nécessaire par un État membre, et qui est proportionnée par rapport à l’objectif visé, sera bien évidemment correcte et applicable.

Je tiens également à souligner que la décision relative à cette directive n’a pas été prise dans une quelconque tour d’ivoire, au même titre d’ailleurs que la décision concernant la communication. Elles ont fait l’objet de nombreux débats sur le terrain avec les partenaires sociaux. J’ai le sentiment que, quand il s’agit d’appliquer des lois, nous sommes tous en mesure d’établir une distinction entre les situations dans lesquelles la loi ne relève plus que de la bureaucratie et qu’elle n’atteint pas ses objectifs et les situations dans lesquelles elle réalise des objectifs différents et illégitimes. Les contrôles doivent par conséquent être complets et efficaces, mais dans le cadre d’une méthode appliquée, car la directive et la loi en général n’autorisent pas tout. En d’autres termes, tout ne sera pas acceptable, mais bien uniquement ce qui s’inscrit dans le cadre de la loi et se révèle efficace et proportionné.

Concernant la proposition de modifier la directive, je voudrais rappeler que le Parlement a lui-même examiné cette question à au moins deux ou trois reprises dans le passé, au même titre que les partenaires sociaux, et qu’aucune position dominante n’a été formulée dans l’optique d’un remaniement de fond de la directive. Au contraire, les positions formulées se sont toujours avérées en faveur d’une amélioration de la coopération et de l’application. Je voudrais également souligner que l’application est une question qui relève des États membres et que la Commission n’est pas chargée d’assurer le respect de l’application de cette directive en vertu du droit européen. Elle est également obligée d’utiliser les ressources juridiques à sa disposition. À cet égard, la Commission contrôle bien entendu la situation des marchés du travail dans les différents États membres et procède de manière mûrement réfléchie, comme le stipule la loi.

Il est certainement très important d’améliorer la coopération administrative. Il convient également d’améliorer la coopération entre les organismes de surveillance des différents États membres, et la Commission dirigera et concentrera ses efforts dans cette direction. Si les prochaines discussions révèlent qu’un élargissement de la loi est nécessaire, ce point sera assurément ouvert à un débat animé. Pour le moment, ni le débat politique préliminaire au Parlement ni le débat avec les partenaires sociaux ne donnent à penser qu’il serait judicieux d’engager de nouvelles mesures législatives dans ce domaine.

Chers députés, je me dois à nouveau de rappeler que l’objectif de cette directive est de protéger efficacement les travailleurs. Toute mesure susceptible de contribuer à cette protection efficace sera appropriée. Les États membres qui ne procèdent à aucun contrôle efficace enfreignent la directive. Il est évident que les contrôles doivent être réalisés d’une manière proportionnée, au sens juridique du terme, et le débat est souvent animé quant à la portée de cette notion. La Cour de justice de Luxembourg est habilitée à régler ce type de contentieux entre les institutions européennes.

 
  
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  La Présidente. - Pour terminer le débat, une proposition de résolution(1) a été déposée en vertu de l’article 108, paragraphe 5, du règlement.

Le débat est clos.

Le vote aura lieu demain, le 11 juillet 2007.

 
  

(1)Cf. procès-verbal.

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