Le Président. - L’ordre du jour appelle le rapport (A6-0219/2007) de M. Cramer, au nom de la commission des transports et du tourisme, sur la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire (2006/2213(INI)).
Michael Cramer (Verts/ALE), rapporteur. - (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma profonde gratitude aux rapporteurs fictifs pour leur coopération dans le cadre de ce rapport sur le premier paquet ferroviaire.
Globalement, ce premier paquet ferroviaire peut être qualifié de succès complet. L’ouverture des réseaux ferroviaires européens au transport de marchandises a fait ses preuves. Les pays qui affichent les meilleurs résultats sont ceux qui s’y étaient préparés tôt et n’ont pas attendu l’ouverture des réseaux. L’Allemagne et les Pays-Bas, par exemple, ont respectivement augmenté de 25% et de 42,5% le transport ferroviaire de marchandises depuis l’ouverture des réseaux tandis que le Royaume-Uni et la Pologne ont augmenté la part de fret transporté par rail de 60%, bien qu’à un faible niveau pour ce qui concerne le Royaume-Uni. Cette évolution est tout bénéficie pour l’environnement et pour les transports en Europe.
Les résultats des pays qui ne s’étaient pas préparés à cette ouverture et qui ont attendu le dernier moment sont moins bons. La France, par exemple, qui a seulement ouvert ses réseaux au début de l’année, enregistre une baisse de 28% du transport ferroviaire de marchandises sur cette même période. Son volume de transport routier de marchandises a par contre augmenté, ce qui ne sert pas la politique climatique actuelle.
Dans mon rapport, j’indique également que globalement, la répartition modale n’a pas changé à cause des conditions générales inéquitables entre les différents modes de transport. Ces conditions sont singulièrement déloyales! On peut dire qu’en Europe, les transports sont trop bon marché, à l’exception du transport ferroviaire - pourtant écologique - qui est trop cher.
Notre pratique en matière d’aides est elle aussi injuste: dans le domaine des transports, environ 95% des cofinancements européens sont affectés au transport routier et non au transport ferroviaire, contrairement à ce qui est constamment réclamé et prétendu dans les discours. Je suis dès lors ravi que la commission ait décidé qu’à l’avenir, 40%, des dépenses dans le domaine des transports seront affectés au rail. Il est en effet inacceptable que nos efforts soient contrecarrés par de mauvaises pratiques en matière de financement.
Ces conditions générales déloyales se présentent également sous la forme, entre autres, de l’application obligatoire de péages sur tous les trains et sur tous les tronçons ferroviaires, sans plafonnement, alors que les péages routiers sont plafonnés et facultatifs - les États membres peuvent décider de les percevoir ou non - et ne s’appliquent qu’aux autoroutes et aux poids lourds de plus de 12 tonnes. Il s’agit d’une concurrence déloyale et cela doit changer si l’on veut donner une chance au rail.
Certains des nouveaux États membres, par exemple, perçoivent des péages très élevés sur les services de transport ferroviaire de marchandises. Les huit taxes d’utilisation des réseaux ferroviaires les plus élevées sont en effet perçues dans les nouveaux États membres. Parallèlement, ces péages élevés sont utilisés pour subventionner le transport de passagers, pour lequel les subventions publiques sont très faibles ou inexistantes, tandis que le transport routier de marchandises n’est soumis à aucune taxe. Il s’agit là d’un modèle de transfert du rail vers la route, c’est-à-dire exactement le contraire de ce que le commissaire en charge et l’UE ont toujours prétendu vouloir faire.
Nous voulons instaurer une concurrence loyale, mais ce n’est pas totalement le cas puisque les entreprises ferroviaires qui n’ont pas une longue tradition d’entreprise publique se heurtent constamment à toutes sortes de frustrations en Europe. Elles déplorent, par exemple, l’impossibilité d’accéder au réseau ou d’obtenir un sillon favorable, celui-ci ayant été cédé à l’entreprise ferroviaire appartenant au groupe en place, l’impossibilité de réaliser leurs projets parce que préalablement, des appareils de voie ont été déposés ou des voies d’évitement ont été démontées par l’entreprise publique. Elles se plaignent également de l’installation de limitations de vitesse, sans motif valable, pour porter atteinte aux projets des nouveaux opérateurs de transport ferroviaire, de l’augmentation considérable des tarifs d’utilisation du réseau après le rachat d’anciennes entreprises ferroviaires publiques par une autre entreprise. Ces entreprises contestent également le recours à la pratique des subventions croisées sans entrave et le prix de l’énergie souvent plus élevé pour les entreprises privées que pour les filiales des groupes.
Ceci montre que malgré les succès enregistrés, il reste beaucoup à faire. La répartition modale entre la route et le rail ne s’est pas améliorée en Europe et la situation a même empiré. Cependant, on peut affirmer que le premier paquet ferroviaire a stoppé la tendance. Si nous voulons améliorer la situation, il faut maintenant instaurer des conditions générales loyales pour le transport ferroviaire en Europe.
Jacques Barrot, vice-président de la Commission. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, je me réjouis que le Parlement européen se soit saisi du rapport de la Commission sur la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire du 3 mai 2006, et je voudrais remercier particulièrement M. Cramer, l’auteur du rapport, pour son travail tout à fait sérieux et solide.
L’enjeu de la politique ferroviaire européenne est de mettre en place un cadre réglementaire qui encourage les nouveaux investissements et la fourniture de services de transport compétitifs dans un espace ferroviaire commun. La création de cet espace ferroviaire commun requiert la transposition pleine et correcte des dispositions communautaires. Dans son rapport de 2006, la Commission avait identifié les conditions à remplir pour relever le défi: je rappellerai les plus importantes.
Premièrement, la restructuration des entreprises historiques doit être achevée. Elle doit se faire dans le respect des conditions de séparation comptable et de neutralité des fonctions essentielles telles que l’allocation des capacités et la tarification. Deuxièmement, les principes qui sous-tendent la tarification de l’infrastructure ferroviaire doivent être établis en prenant en compte la tarification des autres modes de transport. Cela doit s’inscrire dans une stratégie globale favorisant une concurrence équitable des modes, et donc le développement durable. Troisièmement, le bon fonctionnement des organes de contrôle et de sécurité exige que ces mêmes organes soient dotés des ressources financières et humaines nécessaires. Ces organes doivent jouir d’une indépendance réelle.
Le Parlement européen reprend largement les priorités d’action qui ont été identifiées par la Commission. Ces priorités mettent en avant les conditions de concurrence intermodale et intramodale, ainsi que les règles régissant la séparation entre infrastructure et exploitation.
S’agissant des conditions permettant une concurrence intermodale, la Commission veut créer un cadre concurrentiel juste et équilibré. Dans votre rapport, Monsieur Cramer, vous évoquez une concurrence plus équitable entre modes de transport, notamment par le biais de l’internalisation des coûts externes du transport routier. Lors de l’adoption de la directive Eurovignette, j’ai pris l’engagement de soumettre, en juin 2008, une méthodologie pour l’internalisation des coûts externes. Eh bien, cet engagement sera tenu!
Quant aux conditions de concurrence intramodales, je soutiens votre position en faveur du déploiement rapide du système européen de signalisation ERTMS/ETCS et de la réduction du niveau de bruit des wagons. Sur ce dernier point, à savoir les nuisances sonores, je présenterai une communication de la Commission sur les mesures à prendre.
Nous sommes d’accord aussi concernant les infrastructures. C’est la priorité à donner pour promouvoir une bonne performance du transport ferroviaire de fret. Au mois d’octobre, je proposerai à la Commission une communication sur un réseau ferroviaire axé sur le fret en Europe. Ce document présentera un plan d’action qui couvrira les principales suggestions de votre résolution.
Enfin, je suis tout à fait d’accord sur la nécessité d’une stricte neutralité des fonctions essentielles pour réussir la politique d’ouverture des marchés et le renforcement de la concurrence. Votre rapport décrit les effets positifs de l’ouverture sur la performance du fret ferroviaire dans les pays membres qui ont ouvert les marchés les premiers.
Enfin, je voudrais vous rappeler combien la Commission entend faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les États membres mettent effectivement en œuvre les dispositions des paquets ferroviaires. Et s’il le faut, nous ouvrirons des procédures d’infraction. Un marché européen ne peut se développer que si le cadre réglementaire est cohérent sur l’ensemble du territoire européen. L’accès non discriminatoire aux services annexes au transport ferroviaire, par exemple dans les gares de triage, est essentiel pour le bon fonctionnement du marché ferroviaire. Mes services évaluent également des options en vue d’une refonte de la législation du premier paquet ferroviaire sur ce point, ce qui nous conduira à une refonte du code ferroviaire européen l’année prochaine.
Voilà ce que je voulais dire en réponse à M. Cramer, que je remercie une nouvelle fois. Je veux bien sûr lui confirmer que l’intention de la Commission et du commissaire que je suis est bien, en effet, de tout faire pour que le transfert modal au bénéfice du ferroviaire soit aussi important que possible dans les années qui viennent.
Je vais à présent écouter, Monsieur le Président, les parlementaires avec beaucoup d’attention, pour pouvoir leur répondre en conclusion du débat.
Elisabeth Jeggle, au nom du groupe PPE-DE. - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, Monsieur Cramer, vous savez que je n’ai pas toujours été enthousiasmée par tous les éléments de votre rapport. Inutile de revenir en détail sur ce fait aujourd’hui. Ce rapport manque d’équilibre et de pertinence pratique.
Par exemple, il contient de nombreuses dispositions sans lien avec la mise en œuvre du contenu du premier paquet ferroviaire. C’est pourquoi notre coordinateur, M. Jarzembowski, et moi-même avons déposé 20 amendements, dont seulement 11 visent la suppression de paragraphes entiers. À cet égard, je suis satisfaite du résultat du vote au sein de la commission des transports et du tourisme.
Les points importants sont, premièrement, la demande faite à la Commission d’engager sans tarder des procédures judiciaires à l’encontre des États membres qui n’ont pas transposé dans les délais les premier et deuxième paquets ferroviaires. Deuxièmement, nous estimons important, en ce qui concerne le financement du futur développement des réseaux européens de transport, que ce soutien soit affecté en particulier aux 30 projets prioritaires du réseau transeuropéen. Malheureusement, la suppression du paragraphe intitulé «Règles régissant la séparation entre infrastructures et exploitation» n’a pu être obtenue. Je m’oppose catégoriquement à toute restriction des possibilités de choix entre différents modèles d’organisation. Nous avons besoin d’éléments de preuve solides. Il importe de connaître les avantages et désavantages d’une telle séparation. Il faut également maintenir la flexibilité des entreprises ferroviaires. C’est pourquoi nous avons demandé un vote séparé.
Quelques mots maintenant sur le problème des «gigaliners», autrement dit des poids lourds ultra longs dont le poids de charge atteint 60 tonnes. Nous ne pourrons soutenir l’amendement de M. Cramer les concernant dans le cadre du vote sur le présent rapport qui, après tout, porte sur le paquet ferroviaire. Je suis totalement pour que les marchandises soient transférées vers le rail, et donc ma position peut sembler contradictoire, mais un amendement sur les gigaliners n’a pas sa place dans ce rapport. Nous discuterons de ce problème dans le cadre du rapport de Mme Sender. Là, il sera encore temps d’en débattre.
Robert Navarro, au nom du groupe PSE. - Monsieur le Président, au moment où nous dressons le bilan du premier paquet ferroviaire, force est de constater que nous sommes encore loin du compte. Malgré les progrès accomplis, et notamment le fait d’avoir enrayé un déclin qui semblait inéluctable, la part modale du rail reste encore trop faible. C’est d’autant plus regrettable qu’en ces temps de dérèglement climatique, le choix du rail voit sa pertinence chaque jour confirmée par l’actualité.
Les raisons de ce bilan en demi-teinte, nous les connaissons: on a trop misé sur l’ouverture, dont il ne faut certes pas nier les apports, sans se préoccuper assez des obstacles techniques, en particulier le manque d’interopérabilité, sachant que celle-ci aurait dû accompagner l’ouverture au fur et à mesure, au lieu de la suivre de loin en loin.
Cette situation tient probablement au fait que libéraliser ne coûte en général pas grand chose aux États, tandis qu’harmoniser est une autre affaire. Aujourd’hui, au moment même où l’on recommence enfin à s’attaquer aux problèmes d’interopérabilité, il me paraît donc inquiétant que, sous couvert de comodalité, les objectifs de transfert modal vers le rail, notamment, passent au second plan. Au lieu de revoir les objectifs à la baisse, il aurait fallu revoir les moyens intellectuels autant que financiers à la hausse.
J’espère que ce rapport contribuera donc à rappeler le chemin qu’il nous reste encore à parcourir pour redonner au rail la place qu’il mérite.
Nathalie Griesbeck, au nom du groupe ALDE. - Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, comme vous l’avez souligné avant moi, le premier paquet avait pour objet de jeter les bases d’un espace ferroviaire européen intégré et, par une modernisation du réseau, d’encourager le report du transport de marchandises de la route vers le rail, de manière à réduire la production de CO2 et aussi, bien évidemment, tous les engorgements routiers dont souffre notre Europe. Je souhaite remercier mon collègue M. Cramer pour son rapport d’initiative qui établit un bilan complet de la mise en œuvre du premier paquet, sans omettre de souligner toutefois tous les éléments qui affectent les performances du rail et tous ceux qui freinent la réalisation des objectifs que nous nous étions fixés.
Il convient de souligner en premier lieu, en effet, que l’ouverture du réseau ferroviaire, tout en maintenant un très haut niveau de sécurité, a permis une augmentation largement significative du transport de marchandises, en tout cas globalement au sein de l’Union européenne, et des petites entreprise ferroviaires ont également pu s’intéresser à des niches jugées peu rentables par les opérateurs historiques.
Je me réjouis que le rapport mette également l’accent sur le système actuel de tarification en ce qui concerne l’utilisation de l’infrastructure, qui ne permet pas la mise en place d’une concurrence loyale entre les différents modes de transport de marchandises. Je pense qu’il est indispensable, aujourd’hui, de parvenir le plus rapidement possible à une harmonisation des droits de péage plafonnés par secteur qui puisse prendre davantage en compte l’internalisation des coûts externes et qui limite l’augmentation exponentielle à laquelle nous assistons actuellement.
Je pense également qu’il sera nécessaire de rediscuter de la directive Eurovignette, celle-ci ayant constitué une avancée que nous devons poursuivre, et je me réjouis que vous ayez confirmé ce soir, Monsieur le Commissaire, que des discussions à ce sujet étaient prévues dès juin 2008. Je souhaite, par ailleurs, Monsieur le Commissaire, qu’avec vous, la Commission s’engage rapidement dans un processus de modernisation et de développement des infrastructures intermodales, principalement sur les corridors internationaux des RTT, passant par un équipement système ERTMS et permettant une jonction véritable avec les infrastructures portuaires, d’une part, et les infrastructures fluviales, d’autre part.
Enfin, je souhaite que la Commission présente des recommandations en vue de l’assainissement financier des chemins de fer qui, de mon point de vue, devra prendre en compte le désendettement dont ont bénéficié certains opérateurs historiques, de manière à mettre l’ensemble des acteurs du transport ferroviaire sur un pied d’égalité.
Roberts Zīle, au nom du groupe UEN. - (LV) Monsieur le Président, Monsieur Barrot, je commencerai par remercier M. Cramer pour son rapport, même si celui-ci a donné lieu à des appréciations très contradictoires. Ma brève intervention se concentrera sur un seul aspect: j’ai apprécié que le rapport souligne que nonobstant la libéralisation du marché du transport ferroviaire de marchandises, les pays limitrophes de l’Union européenne, par exemple les États baltes, dépendent en réalité des clients de services de fret et, dans notre cas, il s’agit généralement de la Russie. Or, si la Russie choisit de travailler avec une entreprise ferroviaire en position de monopole, il devient relativement difficile pour nous de discerner un réel impact de l’introduction de ce premier paquet ferroviaire. Je pense dès lors que cette question doit être discutée avec la Russie, en ayant également à l’esprit d’autres aspects potentiels. C’est particulièrement important au regard de l’annonce faite par le vice-Premier ministre russe, M. Ivanov, concernant le transfert des flux de fret en conteneur vers les ports russes uniquement. Je vous remercie.
Erik Meijer, au nom du groupe GUE/NGL. - (NL) Monsieur le Président, depuis plusieurs années, tout le monde répète qu’en matière de transport de marchandises, le rail est en train de perdre la bataille dans tous les pays européens. Cela vaut aussi pour le transport international à longue distance. Le système ferroviaire convient pour le transport de masse et, dans certains cas, des lignes de transport de produits spéciaux ont été créées à cet effet, principalement dans et autour des régions industrielles en Allemagne. La ligne de la Betuwe récemment ouverte aux Pays-Bas, qui fait partie du corridor de fret n°1 qui va de Rotterdam à Gênes via l’Allemagne et la Suisse, est une de ces lignes spéciales, totalement inadaptées pour le transport de passagers.
Malgré cette situation initiale favorable pour le rail, la part de marchandises transportées par rail a diminué et, dans certains cas, on constate même une baisse en termes de volume. Une bonne partie de ce transport a été reprise par les poids lourds et l’énorme hausse du volume de marchandises est largement absorbée par le réseau autoroutier, ce qui aggrave la situation de congestion.
Ce transfert est, dans une large mesure, imputable à l’infrastructure. Dans le passé, le rail s’enorgueillissait d’un réseau très dense, reliant villages, ports et usines dans les villes. Outre les lignes de transport de marchandises, il y avait également des terminaux à conteneurs où étaient rassemblés les wagons de marchandises avant d’être répartis sur différents trains. De nombreuses entreprises avaient leurs propres liaisons avec le réseau ferroviaire, de sorte que les wagons de marchandises pouvaient faire la navette entre un quai portuaire et une entreprise distante sans transbordement intermédiaire des marchandises. Tout ce que certains cherchent à réaliser aujourd’hui avec des systèmes multimodaux existait déjà. Malheureusement, les gouvernements ont décidé de réduire le réseau ferroviaire parce qu’on le disait non rentable. De nombreuses petites lignes ferroviaires ont été abandonnées et beaucoup de liaisons vers les entreprises ont disparu. D’autre part, des milliards ont été investis dans l’extension du réseau autoroutier dévoreur d’espace.
Dans de nombreux cas, le transport porte à porte de marchandises n’est plus possible aujourd’hui que par camion. Il est indispensable pour la collecte et la livraison de marchandises et il semble que la meilleure solution consiste également à utiliser les autoroutes pour la section intermédiaire, plus longue, du trajet. La restauration des liaisons vers les entreprises et des terminaux à conteneurs contribuerait grandement au rétablissement du transport ferroviaire de marchandises.
Le premier paquet ferroviaire repose en partie sur l’hypothèse que le transport ferroviaire doit adopter les méthodes de travail du transport routier et du transport aérien. Dans ces secteurs, ce sont des sociétés internationales qui organisent le transport transfrontalier de bout en bout et c’est la solution la plus séduisante pour ceux qui ont besoin de services de transport. Mon groupe parlementaire a toujours souligné que ce n’est pourtant pas la seule solution possible. Il y a une alternative qui consiste à instaurer une meilleure coopération entre les entreprises ferroviaires nationales. Celles-ci ne devraient pas se voir comme des concurrentes mais comme des partenaires au sein d’un réseau ferroviaire européen global. C’est précisément en les incitant à se faire concurrence que l’on nuit à cette coopération. À ce jour, l’option choisie n’a pas encore débouché sur des résultats positifs visibles. Souvent, le marché libre n’est pas la solution à un problème, mais sa cause.
Le rapporteur a raison de plaider en faveur du nouveau système de sécurité ferroviaire standardisé, l’ERTMS (European Rail Traffic Management System). Nous partageons totalement son avis. Nous constatons également que le lancement de ce système est beaucoup moins rapide que prévu et qu’il faudra maintenir l’ancien système parallèlement au nouveau. Compte tenu de la vitesse moyenne faible du transport de marchandises, l’ERTMS provoque moins de problèmes comparé aux lignes à grande vitesse utilisées pour le transport de passagers.
Enfin, nous partageons l’opinion de M. Cramer selon laquelle le transport aérien et le transport routier sont maintenus artificiellement bon marché et le transport par rail est maintenu artificiellement cher. Si nous ne changeons pas cette donne, le mode de transport le moins écologique continuera à l’emporter sur les autres.
Georg Jarzembowski (PPE-DE). - (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président de la Commission, Mesdames et Messieurs, ce fut intéressant d’entendre M. Meijer recréer virtuellement l’histoire du transport ferroviaire. Il aurait dû lui aussi percevoir que l’idée même de placer des voies de chemin de fer entre chaque village pour le transport de fret est une idée lente et irréaliste.
Monsieur Cramer, je ne partage pas non plus votre diabolisation simpliste des poids lourds. Après tout, les entreprises de transport routier paient des impôts de société, des taxes sur les véhicules, des taxes sur les carburants et des péages. Par conséquent, affirmer que les poids lourds roulent gratuitement et qu’il y a distorsion de la concurrence est tout simplement irréaliste. Je trouve comme vous qu’il est injuste que le ministère des finances polonais applique des tarifs d’utilisation du réseau excessivement élevés, mais c’est une question qui doit être réglée par le gouvernement polonais et non par la législation européenne. Peut-être devrions-nous rappeler au gouvernement polonais que ces redevances sont destinées à promouvoir le transport ferroviaire et non à assainir la situation budgétaire du pays, mais cela n’a absolument rien à voir avec les poids lourds.
Monsieur le Président, je vous demande de veiller à une mise en œuvre rapide du deuxième paquet ferroviaire par tous les États membres. Nous avons exigé que les réseaux soient ouverts au trafic national et transfrontalier de marchandises au 1er janvier de cette année et je considère cela comme une formidable occasion d’aider les marchés européens dans leurs opérations internationales.
Permettez-moi maintenant d’aborder un des points soulevés par le commissaire et de lui demander des précisions sur ce point. Il a déclaré que la Commission entend contribuer à réduire le bruit des convois ferroviaires et a annoncé une communication sur ce thème. Je voudrais savoir quand il prévoit de présenter cette communication. Pense-t-il que celle-ci se concentrera davantage sur les aspects européens ou qu’elle ouvrira des possibilités d’octroi d’aides au niveau national? La pollution sonore - par exemple, celle des trains qui traversent de nuit des zones résidentielles - est inacceptable, en particulier dans les villes. Si le commissaire est prêt à faire quelque chose pour résoudre ce problème, nous lui en sommes très reconnaissants.
Leopold Józef Rutowicz (UEN). - (PL) Monsieur le Président, le rapport de M. Cramer sur la mise en œuvre du premier paquet ferroviaire illustre les difficultés et les problèmes rencontrés. Si le transport ferroviaire se développe et fonctionne correctement, il peut en résulter un accroissement du transport de passagers et de marchandises, allégeant ainsi la charge assumée par le transport routier et réduisant les émissions de CO2. Le transport rapide de passagers peut également concurrencer les lignes aériennes locales et les services d’autocars. Créer des liens entre les modes de transport ferroviaire, routier et maritime peut conduire à une réduction globale des coûts du transport et à une économie au fonctionnement plus efficace.
Lors de la mise en œuvre de ce paquet, nous devons particulièrement prêter attention au soutien de projets ferroviaires, notamment dans les pays qui manquent des ressources financières nécessaires pour étendre et améliorer leur réseau et leur infrastructure ferroviaire. Il importe également de soutenir toutes les actions liées à l’échange de bonnes pratiques, y compris pour l’établissement de modes d’exploitation flexibles et compétitifs des entreprises ferroviaires. Il faut aussi prévoir le contrôle et la suppression des obstacles organisationnels, administratifs et financiers au développement des transports. Nous devons également soutenir les tronçons ferroviaires qui reprennent une partie des services internationaux de transport routier.
Je remercie M. Cramer pour son rapport nécessaire et instructif.
Pedro Guerreiro (GUE/NGL). - (PT) Le rapport sur lequel nous débattons aujourd’hui comporte des éléments qui reflètent les exigences des grands intérêts privés sous-jacents à la libéralisation et à la privatisation des services publics de transport ferroviaire, un processus que soutient l’Union européenne et auquel nous nous opposons.
Nous estimons que le rapport devrait au contraire dénoncer le démantèlement des services publics et des entreprises publiques dans les pays de l’UE, la fermeture d’embranchements ferroviaires et de gares, les réductions des services et la diminution du nombre de trains, la réduction brutale du nombre de travailleurs dans le secteur ferroviaire et l’augmentation du travail précaire dans ce secteur. Nous estimons également que le rapport devrait, à d’autres égards, se battre pour la promotion des services ferroviaires publics via l’existence d’entreprises publiques fortes, avec toutes leurs valeurs, avec une gestion efficace garantissant des services de haute qualité et des normes de sécurité élevées. Le rapport devrait aussi se positionner en défenseur d’un service public ferroviaire garanti, de qualité, à haute capacité, confortable, financièrement abordable et répondant pleinement aux besoins en termes de mobilité des passagers et de transport de marchandises. Enfin, ce rapport devrait se battre pour la sécurité de l’emploi des travailleurs de ce secteur, pour leur intégration dans les équipes de haut management des entreprises, pour l’amélioration des carrières et des salaires ainsi que pour la fourniture d’une formation continue.
Jacques Barrot, vice-président de la Commission. - Monsieur le Président, je remercie chacune et chacun des intervenants des observations judicieuses dont ils m’ont fait part.
Je dirai néanmoins quelques mots sur un point qui, à ma surprise, n’a pas vraiment retenu l’attention du Parlement. Il s’agit de la séparation entre la gestion de l’infrastructure ferroviaire et la prestation de services de transport. C’est, en effet, cette séparation qui permet de donner à la concurrence toute sa portée. Il faut vraiment que nous assurions un accès non discriminatoire pour faciliter l’entrée sur le marché de nouveaux entrants. Il s’agit là d’un point important.
Je voudrais répondre à quelques questions. En évoquant la comodalité, notre but était simplement d’expliquer que le transport ferroviaire, qui est incontestablement la meilleure solution sur la longue distance, doit pouvoir être complété par un transport de proximité qui, dans certains cas, ne peut être assuré, comme l’a dit M. Jarzembowski, que par la route. Ainsi, l’idée n’est pas d’enlever quelque chose au ferroviaire, mais au contraire de lui permettre de prendre toute sa place. Eh oui, c’est très clair! Je m’adresse en particulier à M. Navarro: il ne faut pas se tromper sur l’intention. L’intention est vraiment de réussir ce transfert modal, auquel je suis très attaché, comme vous l’êtes. Et je dois dire que tout ce que nous faisons, qu’il s’agisse du financement des infrastructures à travers les réseaux transeuropéens, de l’interopérabilité que le système ERTMS et ETCS va nous permettre, de l’acceptation croisée du matériel roulant ou de la promotion du trafic fret sur des corridors européens, toutes ces réalisations visent à obtenir un transfert modal le plus important possible. Je crois que, sur ce point, notre démarche ne présente aucune ambiguïté.
Madame Griesbeck, je voudrais vous confirmer l’intention de la Commission de présenter des guidelines sur les aides d’État dans le secteur ferroviaire avant la fin de l’année. Je voudrais aussi confirmer à M. Jarzembowski que la communication sur les bruits des wagons est prévue pour l’automne de cette année. Je ne peux pas en dire plus pour le moment; nous sommes en train d’y travailler.
Il y a certainement d’autres questions qui mériteraient réponse. Sachez, en tout cas, que j’ai vraiment écouté avec beaucoup d’attention tout ce qui a été dit par les uns et les autres. Je considère, pour ma part, que le travail effectué par M. Cramer et sa commission est un travail qui éclaire notre Commission. Je voudrais encore répéter que, ce que nous voulons, ce sont des conditions de concurrence intermodales et intramodales équitables qui permettent effectivement de développer ce transfert modal auquel, je le répète encore une fois, nous tenons beaucoup, notamment pour des raisons d’environnement et de décongestionnement de notre réseau routier.
Pour toutes les raisons que vous pouvez imaginer, nous avons plus que jamais besoin du ferroviaire. Je dois dire que, chaque jour, j’œuvre en ce sens avec beaucoup de détermination. J’ai d’ailleurs constaté, avec l’inauguration de Betuwe aux Pays-Bas, qu’une volonté s’affirmait réellement en Europe en vue de donner au rail toute sa place; et, effectivement, si dans certains cas, des problèmes de redevance se posent, il incombe aux États membres de prendre leurs responsabilités. Ce transfert modal est une véritable cause prioritaire en Europe. Il faut aussi que les gouvernements acceptent d’en faire leur priorité.