La présidente - (DE) Le prochain point est le rapport (A6-0354/2007) de Richard Corbett, au nom de la commission des affaires constitutionnelles, sur la modification de l'article 173 du règlement du Parlement européen concernant le compte rendu in extenso [2007/2137(REG)].
Richard Corbett (PSE), rapporteur. – (EN) Madame la Présidente, je souhaite proposer, au nom de la commission des affaires constitutionnelles, un changement dans la façon dont nous consignons nos débats menés dans ce Parlement. Nous connaissons tous bien le compte rendu in extenso que nous recevons le lendemain des débats, document où l'intervention de chaque orateur apparaît dans sa langue d'origine. Ce système continuera tel quel. Aucun changement ne sera apporté à la transcription consignée, dans la langue d'origine, de ce que chacun a dit.
Le changement que propose la commission des affaires constitutionnelles porte sur la façon dont nous conservons les transcriptions multilingues de nos débats. Au lieu du système actuel consistant à faire traduire ces débats petit à petit pour, quelques mois plus tard, disposer d'une transcription écrite complète dans chaque langue, nous proposons ceci: un système dans lequel les débats sont conservés électroniquement et grâce auquel tout citoyen peut les consulter sur l'internet dès le lendemain et regarder un enregistrement visuel du débat, avec les bandes sonores correspondant à chaque langue enregistrées au départ des cabines d'interprétation. Ce nouveau système permettrait un accès plus vivant aux débats qu'un simple texte sans plus. Les débats seraient consultables immédiatement, sans l'actuel décalage de plusieurs mois.
Je vous avouerai que, dans un premier temps, j'étais moi-même un peu sceptique face à cette idée. J'avais toujours pensé que la conservation sur papier d'une transcription complète de ce que chacun disait, avec archivage et possibilité de consultation par le public pendant de nombreuses années, faisait partie intégrante de l'essence d'un parlement. Néanmoins, à la réflexion et après avoir écouté divers arguments, je suis à présent convaincu que nous pouvons maintenir cet accès multilingue, mais sous une forme nouvelle.
Le problème avec l'ancien système est que les traductions non seulement coûtent très cher mais aussi, aspect plus important, ne sont disponibles qu'avec plusieurs mois de décalage. Pour l'instant, ces textes traduits sont placés sur l'internet, où ils peuvent être consultés. Ils ne sont plus imprimés dans le Journal officiel. Il faut savoir que, à cause de ce décalage, très peu de gens consultent ou utilisent ces textes. Avec le nouveau système de conservation des débats, sur la «web TV», pourrait-on dire, ces textes pourraient être consultés dès le lendemain, quand ils appartiennent encore à l'actualité politique et qu'ils intéressent encore le public.
Nous craignions aussi que les historiens qui, pour toutes sortes de raisons inhérentes à la recherche, ont tendance à examiner les débats parlementaires longtemps après que nous les ayons oubliés, soient contrariés par le remplacement de la version écrite imprimée par une version visuelle multilingue. Nous avons écrit à diverses associations d'historiens et autres qui, à ma surprise, ont répondu qu'elles aussi pensaient qu'il serait beaucoup plus intéressant de pouvoir consulter un enregistrement plus vivant des débats plutôt qu'un texte traduit et imprimé. Regarder un débat sur un écran permet de s'imprégner du ton du débat. On peut y percevoir le langage corporel des orateurs et en retirer beaucoup plus qu'à la simple lecture d'un texte brut.
Notre rapport propose néanmoins une série d'éléments de sauvegarde. Premièrement, nous maintenons le compte rendu in extenso et multilingue consultable le lendemain du débat. Il sera disponible dans toutes les langues d'origine comme auparavant. Deuxièmement, tout membre de ce Parlement pourra exercer le droit garanti de demander une traduction s'il en a besoin pour son travail politique. La traduction de toute intervention devra rapidement être mise à la disposition du membre qui en fait la demande. Troisièmement, nous ferons en sorte que le Bureau soit autorisé à demander la traduction écrite d'un débat particulièrement important, qui sera par la suite également publié sous forme écrite dans chaque langue. Quatrièmement, lorsque des versions linguistiques supplémentaires sont de toute façon disponibles pour avoir été traduites pour des motifs divers – par exemple pour une séance formelle à laquelle un chef d'État a pris la parole, auquel cas des traductions de courtoisie ont été fournies – ces versions seront aussi placées sur le site web du Parlement. Par conséquent, lorsque des traductions dans d'autres langues sont disponibles, nous en ferons également usage. Enfin, nous demandons au Bureau d'étudier les évolutions technologiques afin de déterminer si, par exemple, à l'avenir, les traductions automatiques peuvent constituer un outil supplémentaire donnant au moins une idée générale du contenu des débats.
En conclusion, il s'agit d'une proposition raisonnable dont les avantages dépassent les inconvénients. Ce n'est pas qu'une question de coûts: nous voulons aussi montrer l'image d'un parlement moderne et publier beaucoup plus tôt nos débats, qui seraient alors plus utiles car plus en phase avec l'actualité.
Ingo Friedrich, au nom du groupe PPE-DE. – (DE) Madame la Présidente, il n’y a pas de consigne de vote au sein de notre groupe, je n’ai donc pas autorité pour m’exprimer au nom de mes collègues. Nous sommes contre le fait de discuter pour savoir si cela vaut la peine de dépenser de l’argent pour un service parlementaire ou si nous devons nous serrer la ceinture en réponse à la nécessité de réduire les coûts. Permettez-moi de dire, pour commencer, que je considère aussi le nouveau concept de présentation vidéo comme une bonne idée qui ne doit pas être abandonnée. Les personnes qui veulent assister directement à nos débats parlementaires peuvent le faire. C’est une volonté légitime.
Cependant, selon moi, ce n’est pas suffisant car l’archivage des transcriptions écrites est tout simplement un service essentiel. Permettez-moi de vous donner quatre raisons. Premièrement, dans tous les parlements du monde, les débats en plénière sont disponibles sous forme écrite et sont archivés pour que le public puisse les consulter pour savoir ce qui s’est dit au Parlement.
Deuxièmement, l’enregistrement vidéo offre une impression vivante et très intéressante mais nous savons également que la nature mouvementée des débats engendre souvent des interprétations qui ne sont pas toujours d’une qualité optimale.
Nous connaissons cela en interne avec nos relations avec le tabling office. Nous avons nous-mêmes mis en place un tabling office pour nous assurer que les propositions et les documents officiels étaient absolument corrects. Dans la mesure où nous fonctionnons de manière multilingue, nous devons faire particulièrement attention. Nous souhaitons continuer à porter la même attention à la transcription des débats.
Troisièmement, les personnes effectuant des recherches qui ont exprimé leur avis sur ce sujet ne sont peut-être pas pleinement conscientes des implications de cette mesure car, bien qu’elles puissent obtenir un enregistrement en direct, l’approche proposée manque de rigueur. En outre, il est bien plus facile d’analyser un débat en plénière si la personne qui effectue une recherche entre un terme, que cela soit «pesticides» ou «CO2» et est dirigée immédiatement vers un débat sur le sujet en question. Il semble que cela ne soit pas possible avec des enregistrements vidéo. En bref, je pense que le fait de conserver des archives écrites représente un bon rapport qualité/prix et je suis en faveur des archives écrites en plus des enregistrements vidéo.
Costas Botopoulos, au nom du groupe PSE. – (EL) Madame la Présidente, mesdames et messieurs, je pense que d’un point de vue politique, le sujet dont nous débattons aujourd’hui concerne deux objectifs tout aussi importants l’un que l’autre, comme l’a indiqué le rapporteur, M. Corbett. D’une part, il y a les problèmes techniques: comment pouvons-nous mieux organiser les traductions en termes techniques et économiser de l’argent? D’autre part, il faut assurer la plus grande diversité d’opinion possible, le multilinguisme et la transparence du travail du Parlement. Sur ce point, je dois dire que dans une assemblée politique comme la nôtre, qui est pluriethnique et politique, le langage est très important. Le langage n’est pas seulement un moyen de communication; c’est aussi un véhicule culturel, une expression d’idées et j’espère qu’il en sera toujours ainsi. Le problème technique ne doit pas obscurcir le débat sur l’égalité et la couverture de tous les sujets par toutes les langues et en toute égalité.
Permettez-moi de souligner qu’un autre problème pratique se pose: comment pouvons-nous couvrir les débats d’un point de vue économique? Plusieurs problèmes se posent. Le premier, c’est le recul de l’écrit, un problème qui est déjà considéré comme important. Je pense que nous devons préserver la langue écrite. Le deuxième problème à prendre en considération c’est l’enregistrement durable des débats du Parlement. Enfin, pour terminer, si vous me le permettez, Madame la Présidente: comment pouvons-nous rendre le travail de notre Parlement immédiatement disponible pour le public qui, je pense, n’a pas toujours accès à l’internet?
Andrew Duff, au nom du groupe ALDE. – (EN) Madame la Présidente, M. Friedrich et moi-même avons soumis certains amendements dont le but n'est pas de remplacer mais de compléter la technologie ancienne par de la nouvelle. Il semble extrêmement injuste qu'une pratique vieille de 50 ans comme la publication des comptes rendus écrits soit jetée aux oubliettes au seul motif que de nouveaux États membres font leur entrée au Parlement. À mon sens, il est essentiel pour les historiens et pour des raisons de recherche que nous maintenions cette pratique.
Les textes imprimés, première source d'information, doivent être conservés pour des raisons de cohérence, de transparence et de simplicité de recherche, en cette période où nous cherchons à promouvoir l'étude du Parlement européen. En tant qu'institution, nous devrions faire preuve de dignité et maintenir à jamais notre pratique actuelle.
Zdzisław Zbigniew Podkański, au nom du groupe UEN. – (PL) Madame la Présidente, l’initiative de la Commission pour modifier l'article 173 du règlement du Parlement européen me fait à nouveau penser à l’Union européenne. Pour qui l’Union existe-t-elle? Pour les idéologues ou pour les citoyens? Si elle doit aider les citoyens, alors pourquoi propose-t-on quelque chose qui va à l’encontre de leur intérêt? Que voulons-nous cacher aux gens? Oui, cacher. Je dis cela car c’est ce que signifie la volonté de limiter l’accès à l’information, dans n’importe quelle langue. Pourquoi les droits fondamentaux des citoyens sont-ils violés et pourquoi les personnes sont-elles discriminées sur la base de la date à laquelle elles ont accédé à l’Union européenne ou du nombre d’habitants de leur pays? Qu’y a-t-il de commun entre les principes de respect mutuel et de démocratie et une tentative pour instaurer de force une situation dans laquelle les habitants des anciens pays membres de l’UE ont accès aux ressources, notamment aux ressources écrites, dans leur propre langue au Parlement européen, alors que les habitants des nouveaux États membres sont dirigés vers des sites Web pour écouter des enregistrements des débats. Dans le même temps, aucune attention n’est portée au fait que, dans les nouveaux États membres, de nombreuses personnes ne peuvent pas se permettre d’avoir une connexion internet à la maison. Cela touche des millions de gens; des millions de gens seraient privés d’informations. Justifier la décision proposée sur la base des coûts est risible. Cela signifie-t-il que nous pouvons nous permettre de dépenser des centaines de millions d’euros pour une administration inutile, à l’entretien de deux ou trois bâtiments pour le Parlement mais que nous ne pouvons pas nous permettre d’informer les gens, les contribuables, sur la façon dont l’Union dépense son argent et sur ses projets?
Mesdames et messieurs, si nous avons un minimum de respect pour nous-mêmes et pour les autres citoyens, il n’y a qu’une solution, sans tergiversations. Nous devons respecter les instructions de l’article 96, qui stipule: «Le Parlement assure la transparence maximale de ses activités».
Johannes Voggenhuber, au nom du groupe Verts/ALE. – (DE) Madame la Présidente, à de maintes reprises, ce Parlement a dû lutter contre une attitude laxiste envers la démocratie de la part du Conseil européen. Cela peut engendrer une situation où un siège supplémentaire serait ajouté au Parlement, sans consultation, à la suite de quoi le Conseil parlerait de 750 plus un et penserait qu’il respecte la loi. Ce qui m’inquiète cependant c’est de penser que cette attitude devient tellement régulière au sein de ce Parlement que certains députés cherchent à faire passer les considérations pragmatiques les plus triviales avant les principes les plus essentiels.
Cela semble tellement simple à première vue. Le règlement nous invite à la plus grande transparence dans nos activités – pas à une vieille interprétation de la transparence, ni à une forme de transparence tempérée par le pragmatisme ou une étude qualité/prix mais à la plus grande transparence. La présentation audiovisuelle ne correspond pas à cette description. Une présentation audiovisuelle peut être utilisée à des fins de propagande ou pour offrir une source d'informations rapide mais elle n’offre pas une analyse sérieuse des mots prononcés au sein de cette Assemblée, des discussions et des débats qui ont lieu en ces murs. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Le multilinguisme est un principe de base de ce Parlement et les débats parlementaires constituent l’essentiel de nos activités. Rester en contact avec les citoyens est notre devoir le plus important. Si nous nous penchons ne fut-ce qu’un moment sur ce problème, nous ne pouvons pas nier qu’un parlement qui se différencie de tous les autres parlements du monde en n’archivant plus les transcriptions de ses débats sacrifie une bonne partie de son identité parlementaire.
En ce qui concerne le facteur coût, il serait facile de réduire les coûts en retranscrivant les interprétations des débats plutôt que de les traduire. Cela reflèterait aussi le côté vivant des débats et les reproduirait de la manière dont ils ont été compris et menés.
Bernard Wojciechowski, au nom du groupe IND/DEM. – (EN) Madame la Présidente, ce Parlement est comme la tour de Babel, une allégorie de l'Empire des Habsbourg, qui débordait de flagorneurs. À travers cette institution, l'Union européenne essaie de construire un empire international fondé sur un credo unificateur, avec des fédéralistes, des libéraux, des cosmopolites et des penseurs humanistes flagorneurs.
La tour de Babel était une idée de fou. L'aboutissement de son échec est attribué aux différences linguistiques, à ce que nous appelons «multilinguisme» dans l'Union européenne. Le rapport Corbett semble ôter aux nations de l'Europe le droit de communiquer efficacement. L'idée de son auteur de coucher l'Europe sur un document multilingue, c'est comme attendre Godot, ce qui revient à une stagnation de la communication.
Ce rapport est une façon de créer une diversion du vrai problème que nous avons. Pour communiquer et nous comprendre, nous avons besoin d'un dialogue, pas d'un monologue. Le seul moyen de concrétiser cette aspiration est la traduction dans la totalité des 22 langues officielles. Faute de quoi, nous nous dirigerons vers le chaos en matière de communication.
Néanmoins, comme la traduction en polonais de mes interventions n'arrive parfois même pas à restituer 50 % de ce que j'ai vraiment dit, je préconise l'insertion de mon amendement 2 dans ce rapport.
Je demande instamment à tous les membres de voter en faveur des amendements qui visent à maintenir la traduction dans la totalité des 22 langues, et de rejeter l'amendement 1 de M. Corbett, qui a été soumis comme amendement de la commission sur la liste de vote.
Richard Corbett (PSE), rapporteur. – (EN) Madame la Présidente, M. Podkański semble sous-entendre que la commission des affaires constitutionnelles a enfreint notre règlement. Celui-ci exige que chaque langue soit traitée sur un pied d'égalité. Or ce que la commission propose, c'est simplement de remplacer le compte rendu in extenso traduit par écrit dans chaque langue par une traduction audiovisuelle dans chaque langue. Cette proposition n'implique aucune discrimination entre les langues. Il s'agit seulement de choisir entre une transcription écrite et un enregistrement audiovisuel. Dans les deux cas, toutes les langues doivent être traitées sur un pied d'égalité.
La présidente - (DE) Le débat est clos.
Le vote aura lieu mercredi 24 octobre.
Déclarations écrites (article 142)
Alexander Stubb (PPE-DE), par écrit. – (EN) Nous sommes tous conscients que le rapport de M. Corbett sur les articles du règlement relatifs aux comptes rendus in extenso traite d'une question sensible. Avons-nous besoin de faire traduire toutes les interventions dans toutes les langues ou pouvons-nous nous contenter d'un enregistrement audiovisuel dans toutes les langues consultable immédiatement sur l'internet?
Je ne répéterai pas les arguments avancés par M. Corbett, que je soutiens sur cette question. Je voudrais seulement souligner que nous nous trouvons au cœur même du multilinguisme. La question est de savoir comment assumer au mieux ce principe fondamental de l'Union.
Le choix à opérer est simple: affecter au moins dix millions d'euros par an pour des traductions que presque personne ne lira, ou dépenser le même montant pour commander des traductions plus importantes et plus urgentes. Je soutiens donc l'approche de M. Corbett.