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Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 12 mars 2008 - Strasbourg Edition JO

8. Séance solennelle - Célébration du cinquantième anniversaire du Parlement européen
Procès-verbal
  

(Brève prestation de l'Orchestre des jeunes de l'Union européenne, sous la direction de Pavel Kotla)

 
  
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  Le Président. − (EN) Un très grand merci à l'Orchestre des jeunes de l'Union européenne pour cette splendide interprétation, sous la direction de Pavel Kotla.

Mesdames et Messieurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à tous en ce jour de célébration du 50e anniversaire de la session constituante de l'Assemblée parlementaire européenne. Tout d'abord, je vous propose d'accueillir, sous vos applaudissements, tous les anciens présidents qui sont parmi nous aujourd'hui: Emilio Colombo, Lord Henry Plumb, Enrique Barón Crespo, Egon Klepsch, Klaus Hänsch, José Maria Gil Robles, Nicole Fontaine et Josep Borrell Fontelles. Bienvenue à vous tous, chers anciens présidents du Parlement européen.

(Applaudissements nourris)

Je tiens également à souhaiter la bienvenue à Janez Janša, président en exercice du Conseil européen, et à José Manuel Durão Barroso, président de la Commission européenne. Bien sûr, Monsieur Barroso, vous êtes un habitué de notre Assemblée, mais vous êtes particulièrement bienvenu aujourd'hui.

(Applaudissements)

J'ai le grand plaisir d'accueillir dans l'hémicycle du Parlement européen Lluís Maria de Puig, président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Bienvenue à vous, Monsieur de Puig.

(Applaudissements)

J'ai également le plaisir d'accueillir les présidents des parlements de Belgique, Herman van Rompuy, d'Italie, Fausto Bertinotti et du sénat néerlandais, Yvonne Timmerman-Buck, qui, avec d’autres représentants des parlements de Bulgarie, République tchèque, Estonie, France, Allemagne, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et Royaume-Uni, nous ont rejoints au Parlement européen aujourd'hui. Bienvenue à tous.

(Applaudissements)

J'accueille les présidents des autres institutions européennes: pour la Cour de justice des Communautés européennes, Peter Jann, le président de la Première chambre; pour la Cour des comptes européenne, son président Vítor Caldeira; pour le Comité économique et social européen, le président Dimitris Dimitriadis; pour le Comité des régions, Luc Van den Brande; enfin le Médiateur, Nikoforos Diamandouros. Bienvenue au Parlement européen.

(Applaudissements)

J'ai aussi le plaisir d'accueillir les représentants locaux et régionaux: le maire de Strasbourg, Fabienne Keller, le président du Conseil régional de l'Alsace, Adrien Zeller, le président du Conseil Général du Bas-Rhin, Philippe Richert, et le préfet de la région de l'Alsace et du Bas-Rhin, Jean-Marc Rebière. Bienvenue au Parlement européen.

(Applaudissements)

Mesdames et Messieurs, le siège 146 est occupé par notre collègue Astrid Lulling, qui est la seule parmi nous à avoir été membre du Parlement européen à l'époque où ses membres n'étaient pas encore élus au suffrage direct.

(Applaudissements nourris)

Voici presque exactement 50 ans, le 19 mars 1958, l'Assemblée commune des trois institutions européennes - la Communauté économique européenne, la Communauté européenne de l'énergie atomique et la Communauté européenne du charbon et de l'acier - s'est réunie pour la première fois, ici à Strasbourg, dans ce que l'on appelait alors la Maison de l'Europe. Cette assemblée se composait «de représentants des peuples des États réunis dans la Communauté», comme le stipule le traité de Rome, qui était entré en vigueur quelques semaines auparavant.

Aujourd'hui, nous célébrons cet anniversaire, car nous sommes les successeurs directs, dans un esprit de continuité, de cette Assemblée parlementaire et de ses 142 membres initiaux.

Le premier président de cette Assemblée commune était le grand Robert Schuman. Dans son discours inaugural, il a déclaré que l'Assemblée jouerait un rôle clé dans le développement de l'esprit européen, «dont», a-t-il ajouté, «cette Assemblée a été et restera le creuset». À mon sens, cette observation garde tout son sens aujourd'hui. En même temps, Robert Schuman avait prévenu ses collègues, lors de cette session constituante, que le travail parlementaire avec 142 membres - de six pays à l'époque - nécessiterait une discipline accrue de la part de chacun. Cette remarque est plus que jamais d'actualité, alors que notre Assemblée compte 785 membres de 27 pays, comme nous le savons tous!

Peu après cette session constituante, nos prédécesseurs ont commencé à appeler leur institution «Parlement européen», bien que de façon informelle dans un premier temps, puisque cette appellation ne figurait pas dans les traités fondateurs des Communautés européennes. Ce n'est que quatre ans plus tard, en mars 1962, que l'Assemblée parlementaire a pris la décision de se faire appeler «Parlement européen».

Bien que les traités fondateurs des Communautés européennes stipulaient que l'Assemblée «élabore un projet en vue de permettre l'élection au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres» et que «le Conseil, statuant à l'unanimité,… établit les dispositions appropriées, dont il recommande l'adoption aux États membres conformément à leurs exigences constitutionnelles respectives», il a fallu attendre 1976 pour que le Conseil - sur la base de la recommandation du Parlement européen du 20 septembre 1976 - adopte un acte législatif concernant la conduite d'élections directes et universelles au Parlement européen.

Mesdames et Messieurs, l'Assemblée parlementaire des premiers temps n'avait pour ainsi dire aucun pouvoir propre. Nos prédécesseurs savaient que le développement de la dimension parlementaire européenne serait un long processus nécessitant un cadre clair, de l’engagement, de la patience et de l'endurance de leur part et des générations suivantes. Pas à pas, le Parlement européen a obtenu de plus en plus de pouvoir propre, en devenant de plus en plus conscient de ses responsabilités et de la portée de son action. Je crois pouvoir dire au nom de toutes les personnes présentes ici que le Parlement européen porte désormais bien son nom.

(Applaudissements)

Aujourd'hui, nous représentons près de 500 millions de citoyens de l'Union européenne et toutes les strates du spectre politique qu’elle abrite. Nous formons le Parlement de l'Union européenne librement élu et sommes unis dans nos efforts pour atteindre les solutions les plus efficaces et les plus convaincantes. Nous avons acquis de l'assurance et un statut d'acteur majeur de la politique européenne.

Mesdames et Messieurs, nous pouvons nous montrer fiers de ces accomplissements.

Lancé en 1958, ce processus a été marqué de nombreux jalons, tout au long de notre chemin commun vers l'intégration européenne. En 1971, la Communauté européenne s'est vue accorder son propre budget. Depuis ce moment, le Parlement européen a joué un rôle clé dans l'adoption des budgets successifs. L'année 1979 a vu les premières élections directes au Parlement européen. En 1986, avec l'Acte unique européen, la dénomination «Parlement européen» est finalement devenue juridiquement officielle. Avec l'entrée en vigueur du traité de Maastricht voici 15 ans, le Parlement européen a enfin reçu de pleins pouvoirs de codécision dans certains domaines initiaux de la politique communautaire. Ces pouvoirs lui permettent désormais d'apporter une véritable contribution à l'élaboration de la législation et de mettre un frein, si nécessaire, à la volonté du Conseil. Le traité d'Amsterdam a renforcé ces droits de codécision et le traité de Lisbonne fera de la codécision la règle dans l’élaboration de la législation européenne. Il parle donc, à juste titre, de «procédure législative ordinaire».

Aujourd'hui, nous sommes 785 députés de 27 nations européennes. Nous représentons plus de 150 partis politiques nationaux, dont la plupart se sont unis pour former les sept groupes parlementaires. Notre institution est une autorité tant législative que budgétaire, sur un pied d'égalité avec le Conseil. Nous exerçons une supervision sur la Commission européenne et élisons son président. La Commission ne peut entrer en fonction sans notre approbation. Le Parlement européen est le défenseur de la primauté du droit communautaire et la chambre des citoyens de l'Union européenne.

Il y a trois semaines, nous avons adopté le traité de Lisbonne, qui renforcera encore nos pouvoirs. Dorénavant, les décisions relatives à des questions importantes intéressant les citoyens de l'Union européenne ne pourront être prises qu'avec l'assentiment d'une majorité au Parlement européen. Il en ira de même pour les questions clés dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Il n’y a cependant pas lieu de nous reposer sur nos lauriers. En outre, ce résultat n’est certainement pas le fruit d’un processus inévitable : nous avons dû livrer une lutte de tous les instants sur cette longue route.

Je voudrais remercier toutes les personnes qui, au cours des cinq dernières décennies et sous l’égide compétente de nos présidents, ont œuvré à renforcer la dimension parlementaire de l'intégration européenne et apporté de précieuses contributions à ce processus. Merci aux membres, passés et présents, du Parlement européen!

(Applaudissements)


Jean Monnet a dit jadis: «Rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions». Je voudrais également évoquer le souvenir de Paul-Henri Spaak, le premier président de l'Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) - l'institution qui a précédé le Parlement européen - qui, avec le rapport qu'il a rédigé à la suite de la conférence de Messine en juin 1955, a largement contribué à la préparation du traité de Rome.

La voie vers la démocratie parlementaire dans l'Union européenne a suivi une logique qui nous est familière depuis l'histoire des États-nations européens. Ce que nous avons créé, c'est un équilibre institutionnel entre le niveau national et le niveau européen, une réussite majeure qui reflète l'interaction entre les divers niveaux de gouvernance partagée en Europe. La qualité de la coopération du Parlement européen avec les parlements nationaux est un élément important de cet équilibre important et nous tient très à cœur. Je constate avec beaucoup de plaisir que presque tous les parlements nationaux des États membres de l'Union européenne ont envoyé des représentants de haut niveau pour se joindre à nous aujourd'hui.

(Applaudissements)

Je m'adresse à vous tous - députés européens et nationaux - en vous demandant de faire votre possible pour préserver cette coopération à l'avenir.

Le traité de Lisbonne et la Charte des droits fondamentaux apporteront une contribution décisive pour faire de la démocratie et du parlementarisme dans l'Union européenne une réalité à tous les niveaux. Mesdames et Messieurs, nous pouvons être fiers de l'appui constant et sans équivoque que nous prêtons au traité de réforme et à la Charte des droits fondamentaux.

(Applaudissements)

Nous avons certainement besoin que le public suive et critique nos travaux. Néanmoins, nous avons également droit à l’équité. Dans toute sa diversité, l'Union européenne est plus complexe que toute autre communauté du monde. Je voudrais que cet aspect soit pris en compte par les médias, qui jouent un rôle vital dans notre communication avec les citoyens. Il faut en effet éviter que l'Union européenne serve de bouc émissaire pour les échecs des gouvernements nationaux.

(Applaudissements)

Au cours de ces 50 dernières années, l'un des plus grands succès de notre vision européenne a été l'affirmation de la démocratie et de la liberté dans toute l'Europe. Aujourd'hui, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Bulgarie, la Roumanie et l'Allemagne réunifiée sont membres de l'Union européenne - un rêve qui est devenu une réalité en l'espace d'une vie à peine. Aujourd'hui, comme le proclame la déclaration de Berlin du 25 mars 2007, nous, citoyens de l'Union européenne, nous sommes «unis pour le meilleur». Nous ne pouvons que nous en réjouir.

En faisant le point des 50 années écoulées, il importe que nous tournions aussi notre regard vers l'avenir. Nous devons être critiques envers nous-mêmes en évoquant les aspects de la dimension parlementaire de l'Europe qui restent insatisfaisants.

Contrairement aux parlements nationaux, la procédure budgétaire ne nous donne pas encore la possibilité de décider de l'augmentation de nos ressources financières propres.

Le gouvernement parlementaire implique en général le contrôle parlementaire de l'armée; néanmoins, la politique commune de sécurité et de défense de l'Union européenne est encore incomplète et ne prévoit pas de lien adéquat entre les responsabilités nationales et européennes.

Étant donné que nous ne disposons toujours pas de législation électorale uniforme, il nous manque encore une condition importante pour permettre que des partis politiques européens efficaces se présentent aux élections européennes avec des listes de candidats uniques.

Avec de la patience, de l'endurance et un bon sens de l’orientation, le Parlement européen lutte, depuis la toute première session de l'Assemblée parlementaire européenne, pour affirmer sa position en Europe. Il doit continuer dans cette voie, et le fera. En tant qu'assemblée supranationale européenne élue directement, le Parlement européen est pris comme modèle pour des initiatives similaires dans d'autres régions du globe. Tout comme vous, je m'en rends compte quand je me rends dans d'autres parties du monde.

Le 19 mars 1958, lorsque Robert Schuman a pris ses fonctions de premier président de l'Assemblée parlementaire européenne, cette évolution positive de la dimension parlementaire de l'Europe aurait été presque impossible à prédire. Robert Schuman a cependant eu une vision. Il a parlé de l'idée européenne qui, a-t-il déclaré, devait être ravivée, en décrivant ce renouveau comme «la relance de l’idée européenne». Aujourd'hui, après les crises causées par l'échec de traité constitutionnel, quel plus beau leitmotiv pourrions-nous trouver pour la tâche qui nous attend?

Le 19 mars 1958, Robert Schuman, dans son bref discours, a exprimé son inquiétude de voir la prédominance technocratique causer le flétrissement de l'intégration européenne. Cette crainte garde tout son sens aujourd'hui. Robert Schuman était réaliste, modeste et clair dans sa description des opportunités qui se présentaient à l'Assemblée parlementaire, qu'il a présidée jusqu'en 1960: «Nous désirons contribuer», disait-il de sa voix chaude et profonde, «à créer un noyau de la structure européenne

Robert Schuman a achevé son premier discours en tant que président de l'Assemblée parlementaire européenne en promettant d'œuvrer à l'unification de notre continent, de l'Europe, dont il pensait qu'elle devait se voir comme une communauté de valeurs unissant les nations libres de notre continent: «Ainsi seulement l’Europe réussira à mettre en valeur le patrimoine total qui est commun à tous les pays libres.»

Je voudrais partir de cette idée. L'Union européenne est une communauté de valeurs. Nos institutions, loin d'être une fin en soi, sont là pour servir nos valeurs: la dignité de la personne, les droits de l’homme, la démocratie, le droit ainsi que la prospérité économique et sociale. Elles servent les principes de solidarité et de subsidiarité. L'Europe est synonyme de respect mutuel, de respect de notre diversité et de respect de la dignité de tous nos États membres, grands et petits. Ce respect ne peut être imposé, mais il constitue une condition essentielle de notre entente mutuelle et de notre action commune. Le respect du droit communautaire, qui nous permet de résoudre nos différends à l'amiable et d'équilibrer les intérêts de façon pacifique, doit être renouvelé sans cesse au travers de ces règles non écrites qui gouvernent nos relations en Europe: la considération et le respect mutuels.

(Applaudissements)

Je voudrais encourager vivement tout un chacun, quel que soit son camp politique, à perpétuer ce respect pour autrui.

Si nous parvenons à garder ce respect mutuel - que nous manifestons par notre tolérance à l'égard des convictions d'autrui, en restant fidèles à nos propres convictions et en étant disposés à trouver des compromis -, l'Union européenne et le Parlement européen pourront former un modèle de paix aux yeux du monde.

Notre héritage européen est préservé dans la paix et l'unité de nos nations, qui se sont rassemblées pour former l'Union européenne. Nous rendons hommage à Robert Schuman et à tous les membres de la première Assemblée parlementaire européenne en nous efforçant d'être fidèles à leur héritage, en œuvrant à un Parlement européen responsable et ouvert qui soit proche des citoyens, mais déterminé, si nécessaire, à assumer le leadership politique. Si nous continuons à travailler avec détermination, nous n'avons aucune raison de craindre le jugement de ceux qui viendront après nous et qui, en 2058, en célébrant le 100e anniversaire du Parlement européen, feront le point sur notre travail actuel.

Chers collègues, Mesdames et Messieurs, réjouissons-nous ensemble, dans la liberté, la paix et l'unité de notre continent européen, que nous avons le privilège de servir.

(Applaudissements vifs et nourris)

 
  
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  Janez Janša, président en exercice. (SL) «Ce n'est pas sans émotion que je prends la parole.» C'est en ces termes que Robert Schuman, premier président de l'Assemblée parlementaire européenne, s'est adressé pour la première fois à cette respectable Assemblée le 19 mars 1958. Cinquante ans plus tard, au moment de célébrer cet anniversaire, ce sentiment n’a pas changé.

Je m'adresse non seulement à 142 membres de parlements nationaux, mais également à 785 députés européens directement élus. En contemplant la route que nous avons parcourue et l'épanouissement de la démocratie européenne au cours des 50 années écoulées, nous ne pouvons que ressentir de la fierté et une immense gratitude envers les pères de l’idée européenne. Dans le même temps, nous portons la responsabilité de poursuivre de notre mieux l'histoire européenne, une histoire de paix, de coopération et de prospérité.

Remontons en 1958: la société face aux conséquences de deux guerres destructrices, le monde bipolaire partagé entre les puissances de l’Ouest et de l'Est, la Guerre froide, la révolution cubaine, la première puce électronique, les essais nucléaires et le lancement du premier satellite spatial. Plus de 168 millions d'Européens s'étaient unis pour former les six membres de l'Union européenne, qui se remettait de ses blessures de guerre, prospérait au plan économique et, conjointement avec l'Alliance atlantique, assurait la paix et la démocratie dans la région. Malheureusement, la majeure partie du restant de l'Europe vivait dans un environnement totalitaire marqué par la stagnation, voire la régression, civile et économique.

En 2008, le tableau a changé du tout au tout: le monde multipolaire se préoccupe non seulement de concurrence économique et politique, mais aussi, de plus en plus, de coopérer pour trouver des solutions aux défis actuels. La suppression des frontières qui divisaient l'Europe à partir du Mur de Berlin, l'élimination du Rideau de fer et la surveillance des frontières intérieures trouveront leur suite, à la fin de ce mois, avec la suppression des frontières aériennes au sein de l'espace Schengen élargi.

Depuis cinquante ans, l'Union européenne a vu l'étendue de son territoire plus que tripler. Elle a également trois fois plus d'habitants et compte désormais 23 langues officielles, un marché intérieur plus fort et une devise commune. En moyenne, l'espérance de vie de ses citoyens s'est rallongée de huit ans. Demain, 27 dirigeants de gouvernements et de nations - dont un tiers vivait en régime totalitaire voici vingt ans - prendront des décisions autour de cette même table. Aujourd'hui, presque toute l'Europe vit dans la liberté et la démocratie. Nous devrons rester conscients de cet accomplissement et le célébrer.

La vie et le travail du Parlement européen depuis 1958 reflètent clairement les progrès accomplis par l'intégration au cours de ces 50 années. Après le rôle consultatif des premiers temps, vous avez acquis, au début des années 1970, vos premières compétences réelles concernant le budget européen et, à la fin de cette même décennie, vous avez tenu vos premières élections directes. Grâce à de nouveaux accords, vous avez obtenu des compétences renforcées dans le domaine de l'adoption de la législation et de la nomination des plus hauts représentants politiques de l'Europe. La nouvelle Commission européenne est désormais incapable d'exister sans votre confiance.

De la même façon que le traité de Rome avait confié de nouvelles responsabilités au Parlement en 1958, le traité de Lisbonne, 50 ans plus tard, représente un grand pas en avant pour le Parlement européen. La procédure de codécision s'étendra à presque toutes les politiques européennes, et le Parlement verra son rôle renforcé dans les domaines du contrôle démocratique, de l'élaboration d'accords internationaux et de la nomination des plus hauts représentants de l'Europe.

J'ai éprouvé une grande satisfaction quand, lors de la séance plénière du mois passé, vous avez adopté à une large majorité le rapport sur le traité modificatif de Lisbonne. Je tiens aussi à féliciter tous les États membres qui ont déjà conclu avec succès les procédures de ratification. J'espère que tous les autres États membres ne tarderont pas à suivre leur exemple.

Alors que les 50 premières années de l'Union européenne ont été consacrées à l'agenda européen, à notre développement et à nos réformes politiques et économiques, les 50 années suivantes seront certainement centrées sur l'agenda mondial également. Cette orientation ressort clairement de la liste des thèmes prévus pour la session du Conseil européen de demain.

De toute évidence, nous ne pourrons trouver des solutions appropriées aux défis de Lisbonne, aux problèmes écologiques et énergétiques ainsi qu'aux troubles des marchés financiers qu'en tenant compte des tendances et des acteurs mondiaux et en les incluant dans nos activités.

Cette observation s'applique aussi aux droits de l’homme et au dialogue interculturel, deux domaines dans lesquels le Parlement européen joue assurément un rôle de chef de file. Je voudrais saisir cette opportunité pour exprimer, au nom du Conseil européen, un hommage à votre travail de sensibilisation aux violations des droits de l’homme, et de suivi des élections. Nous saluons également le travail qu'effectuent vos délégations auprès des institutions internationales telles que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Votre rôle dans le cadre des assemblées parlementaires communes revêt aussi une grande importance et confère une valeur ajoutée aux politiques de l'Union européenne qui concernent les pays et régions extérieurs.

Par vos activités et réunions avec des invités de haut rang en cette Année du dialogue interculturel, vous renforcez l'une des traditions fondamentales de l'Europe, à savoir le fait que le respect et la compréhension mutuels forment la base de la coexistence en Europe et dans l'ensemble du monde.

La palette des activités de l'Union européenne s'élargit sans cesse, mais reste régie par une règle unique: la réussite est proportionnée au degré d'unité entre les États membres, secteurs, groupes d'intérêts communs et générations ainsi qu'entre les facteurs régionaux, nationaux, européens et mondiaux. À cet égard, les institutions de l'Union européenne doivent servir d'exemple.

«Chaque personne est un nouveau monde. Seules les institutions qui préservent l'expérience collective peuvent mûrir.» Avec cette réflexion, Jean Monnet nous fait comprendre un peu mieux pourquoi la vision de l'Union européenne reste souvent différente de la réalité et pourquoi tant d'Européens, en dépit des succès évidents des 50 années écoulées, doutent encore des bienfaits de l'intégration européenne. Pour comprendre et apprécier la liberté, la paix et la diversité, l'absence de frontières ainsi que les bénéfices et les perspectives d'une Europe unie, nous devons toujours avoir à l'esprit qu'il existe d'autres alternatives bien pires.

C'est pourquoi notre tâche commune consiste à maintenir en vie l'expérience collective européenne, dont nous pourrons puiser des forces pour relever les défis actuels. Les réflexions du passé doivent rejoindre celles qui visent l'avenir. Si nous ne nous étions pas unis voici 50 ans, nous ne vivrions probablement pas dans la paix et la prospérité aujourd'hui. Il en va de même pour les 50 prochaines années. Si nous ne cherchons pas ensemble des solutions décarbonées et faiblement énergivores, nous ne réussirons pas à ralentir le changement climatique. Nous aurons de plus en plus de difficultés en raison des inondations, ouragans, sécheresses, nouvelles maladies, écosystèmes menacés et réfugiés climatiques. Il est essentiel que les résultats des décisions et activités européennes soient suffisamment concrets et tangibles pour permettre aux citoyens de comprendre le rôle crucial que l'Union européenne joue dans la préservation et l'amélioration de leur qualité de vie.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais vous remercier pour votre contribution au développement de l'Union européenne durant les 50 dernières années. Je sais tout ce que cela a signifié pour nos générations. En fait, je suis né la même année que le Parlement européen.

Jusqu'à la fin de ce mandat et au-delà, je vous souhaite beaucoup de succès dans votre travail, beaucoup de nouvelles idées et une ténacité de tous les instants dans le développement des valeurs, de la démocratie et du mode de vie de l'Europe.

Je suis convaincu que nous pourrons à nouveau fêter des progrès visibles en Europe lorsque nous célébrerons le prochain grand anniversaire de cette maison européenne de la démocratie.

(applaudissements)

 
  
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  Le Président. − (EN) Merci beaucoup, Monsieur le Président du Conseil européen. Je voudrais à présent demander au président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, de prendre la parole.

 
  
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  José Manuel Barroso, président de la Commission. – (FR) Monsieur le Président du Parlement européen, Monsieur le Président du Conseil, Messieurs les Présidents des différentes institutions européennes, Mesdames et Messieurs les anciens Présidents du Parlement européen, Mesdames et Messieurs les députés, chers représentants des parlements nationaux, Mesdames et Messieurs les invités, je suis très heureux de célébrer avec vous le premier demi-siècle du Parlement européen. C'est un anniversaire qui a une forte charge symbolique et politique pour notre Europe. Il y a cinquante ans, Robert Schuman réunissait sous sa présidence une nouvelle Assemblée unique. Les trois Communautés européennes venaient de créer la première matrice d'une démocratie européenne. Depuis lors, ce choix politique fondamental n'a jamais cessé d'être réaffirmé à chaque étape de la construction européenne.

Les pères fondateurs ont eu, avant tout le monde, l'intuition qu'il fallait à l'Europe naissante des institutions européennes fortes et démocratiques pour consacrer les liens de plus en plus profonds créés entre les Six. Suivant la vision géniale de Jean Monnet, il fallait aussi que ces institutions puissent évoluer pour accompagner ce qu'ils pressentaient comme le double mouvement de l'avenir: l'approfondissement de l'intégration, d'une part, et l'élargissement géographique, d'autre part. Et, permettez-moi de vous dire que c'est toujours émouvant de voir réunis ici, dans cette maison de la démocratie européenne, les représentants élus directement des peuples qui, jusqu'à très récemment, étaient divisés par des dictatures qui ne permettaient pas à l'Europe de respirer en liberté.

(Applaudissements)

Le triangle institutionnel que les pères fondateurs nous ont légué est un modèle unique au monde qui a largement prouvé sa vitalité et sa solidité depuis cinquante ans. Il s'est adapté à une formidable extension du champ des missions confiées à la Communauté et maintenant à l'Union. Il s'est adapté aussi à une formidable dynamique d'élargissement de notre Union.

Et nous devons cette réussite à l'ingéniosité et à l'équilibre de notre construction institutionnelle, qui n'obéit pas à une répartition classique des pouvoirs. Nous devons aussi ce succès à notre mode de fonctionnement qui respecte à la fois la méthode communautaire et le principe de subsidiarité.

Mais les institutions ne sont pas une fin en soi. Elles sont au service d'un idéal et d'objectifs. Elles sont au service de nos citoyens. Plus les institutions sont fortes, mieux elles servent cet idéal et nos citoyens.

Les pères fondateurs voulaient tout d'abord construire l'Europe pour la paix. Ils voulaient construire cette Europe nouvelle par la solidarité. Ils ont choisi l'économie comme moteur de leur vision politique et de leurs objectifs.

Cinquante ans plus tard, l'Europe en paix, et élargie aux dimensions d'un continent, a besoin d'institutions fortes pour relever le défi de son temps, la mondialisation. Ce défi, aucun État membre ne peut le relever seul. Par son expérience d'ouverture des marchés accompagnée de règles qui traduisent ses valeurs de liberté, de solidarité, de développement durable, l'Europe seule possède à la fois les dimensions, les institutions et les instruments nécessaires pour maîtriser et façonner la mondialisation.

Pour relever ce défi, l'Europe du 21e siècle doit s'unir pour réussir dans l'économie du savoir et donner des emplois aux Européennes et aux Européens et aussi donner plus de dynamisme à son économie. Elle doit occuper la place qui lui revient dans les affaires du monde: celle d'une Europe-puissance sans arrogance, une Europe qui sera en mesure de proposer – pas d'imposer, mais de proposer – au monde les valeurs de liberté et de solidarité.

Nous réussirons si nous maintenons un partenariat constructif entre nos institutions.

Dans ce partenariat, je veux saluer le Parlement européen pour sa contribution au projet européen, dans tous les aspects de la vie de nos citoyennes et de nos citoyens. En cinquante ans, le Parlement européen a gagné beaucoup de compétences et de pouvoir. Je parle de pouvoir traduit en légitimité qui découle directement du vote des Européennes et des Européens. Je parle aussi de pouvoir formel – codécision, pouvoir budgétaire, contrôle démocratique sur les institutions européennes. Je parle, enfin, d'influence politique. Le Parlement s'est imposé à la fois comme colégislateur et comme partenaire de poids dans le triangle institutionnel et dans la vie publique européenne, mais aussi en établissant des liens de plus en plus étroits avec les parlements nationaux dont un grand nombre est représenté ici aujourd'hui.

Le pouvoir que le Parlement a su gagner au fil du temps n'a fait que renforcer l'Europe dans son ensemble. Un Parlement européen fort est un partenaire indispensable pour les autres institutions, et en particulier – je tiens à le souligner – pour la Commission européenne. Je crois pouvoir dire que la relation entre nos deux institutions est de plus en plus étroite, solide et mûre, ce dont je me félicite.

Le traité de Lisbonne, lorsqu'il sera ratifié, renforcera encore les institutions communautaires dans leur ensemble. Il élargira les pouvoirs du Parlement européen. Il renforcera la double légitimité démocratique de la Commission par des liens accrus avec le Parlement européen et le Conseil européen. Il dotera le Conseil européen d'une présidence stable qui assurera une meilleure cohérence dans la préparation et le suivi des Conseils européens. Il développera le rôle du Haut Représentant pour la politique extérieure et de sécurité commune, qui sera aussi vice-président de la Commission européenne.

En renforçant la légitimité et l'efficacité de nos institutions, le traité de Lisbonne est une grande avancée pour l'Union européenne.

Aujourd'hui comme demain, on doit comprendre qu'il ne doit pas y avoir un jeu à somme nulle entre les Institutions. Aucune de nos institutions ne doit se renforcer au détriment des autres. Au contraire, nous voulons tous des institutions européennes plus fortes si nous voulons plus d'efficacité et de démocratie en Europe. Toutes nos institutions ont à gagner de la consolidation de l'architecture institutionnelle européenne.

Mesdames et Messieurs les députés, en pensant à la date que nous commémorons aujourd'hui, aux cinquante ans, une citation d'une grande femme écrivain portugaise, Agustina Bessa Luis, m'est venue à l'esprit. Elle disait: "À 15 ans, on a un avenir, à 25 ans, on a un problème, à 40 ans, une expérience, mais avant le demi-siècle, on n'a pas vraiment une histoire".

Aujourd'hui, le Parlement européen, cette maison de la démocratie européenne peut dire avec fierté qu'il a une grande histoire dans son passé, j'en suis sûr, mais aussi dans son avenir. C'est pourquoi je tiens à vous adresser, au nom de la Commission européenne et en mon nom personnel, mes plus sincères félicitations et mes meilleurs vœux pour votre travail en faveur de l'Europe unie.

(Applaudissements)

 
  
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  Le Président. − (EN) Merci beaucoup, Monsieur le Président de la Commission européenne. Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à Hans Joachim Opitz, lui aussi parmi nous aujourd'hui pour représenter tous les anciens secrétaires généraux.

Nous allons à présent avoir le plaisir d'écouter encore une fois l'Orchestre des jeunes de l'Union européenne.

(Brève prestation de l'Orchestre des jeunes de l'Union européenne)

(Applaudissements nourris)

(L'Assemblée se lève pour écouter l'hymne européen)

(La séance, suspendue à 16 h 15, est reprise à 16 h 20)

 
  
  

PRÉSIDENCE DE Mme KRATSA-TASAGAROPOULOU
Vice-présidente

 
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