Le Président. – L’ordre du jour appelle les déclarations du Conseil et de la Commission sur les relations UE-Russie.
Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. − (EN) Monsieur le Président, les relations de l’Union européenne avec Russie sont parmi les plus complexes de notre époque. D’une part, elles forment un entrelacs d’activités conjointes et d’intérêts étroitement liés, et de l’autre, elles ont pour toile de fond les événements de Géorgie.
Le Conseil européen a demandé une révision des relations UE-Russie. Cette réflexion a lieu dans le contexte d’événements qui ont considérablement refroidi les relations UE-Russie. La violation de l’intégrité territoriale de la Géorgie, le recours à la force et la reconnaissance unilatérale de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par la Russie restent inacceptables et nous ne pouvons pas partager les principes de politique étrangère récemment appliqués par Moscou, y compris la résurgence des sphères d’influence.
Il s’ensuit que dans le cadre de la révision en cours l’UE doit procéder à une évaluation assez sobre de ses propres intérêts dans ces relations. Pourtant, parallèlement, les relations économiques et commerciales entre l’Union européenne et la Russie sont fortes et continuent à se renforcer. La Russie est déjà notre troisième plus important partenaire commercial et nous constatons des taux de croissance pouvant atteindre 20 % par an. L’énergie est un facteur majeur, mais les services connaissent également une croissance impressionnante.
Avec des taux de croissance en hausse depuis peu et sa classe moyenne émergente, la Russie représente un important marché émergent très proche de nous. Malgré les effets de l’actuelle crise financière, elle offre des opportunités aux entreprises de l’UE. Avec 80 % des investissements étrangers cumulés, l’Union européenne est l’un des principaux investisseurs en Russie. Une part notable des réserves de devises étrangères du pays est en euros, ce qui fait de la Russie l’un des plus importants détenteurs d’actifs en euros du monde.
Pour toutes ces raisons, nous avons intérêt à ce que l’économie russe poursuive sa croissance et à soutenir la volonté de modernisation de la Russie, y compris le développement d’un système judiciaire réellement indépendant capable faire respecter les contrats. Ce constat est conforme à l’accent placé par le président Medvedev sur l’importance de l’État de droit en Russie.
La stabilité de l’offre et de la demande énergétique est une composante clé de nos relations. Les États membres de l’UE sont de gros acheteurs de produits énergétiques russes et il est peu probable que cela change à court ou moyen terme.
Ces relations sont des relations d’interdépendance, et non de dépendance. Les exportations vers l’Union européenne ont largement contribué aux impressionnants taux de croissance enregistrés par la Russie au cours des cinq à six dernières années. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour établir un véritable partenariat énergétique basé sur les principes inscrits dans le traité sur la charte de l’énergie, à savoir la transparence, la réciprocité et la non-discrimination.
Plus important encore, la Russie est un acteur géopolitique clé, dont l’implication constructive dans les affaires internationales est une condition préalable à l’existence d’une véritable communauté internationale. Nous discutons donc de l’Iran, du Moyen-Orient, de l’Afghanistan, des Balkans et d’autres régions ensemble ainsi que dans les forums multilatéraux. Nous avons aussi un intérêt commun à œuvrer pour la non-prolifération des armes de destruction massive. Dans tous ces domaines, la coopération n’est pas toujours facile mais nous devons persister. Une coopération plus étroite dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice facilite le traitement des menaces posées, entre autres, par le terrorisme et la criminalité organisée.
C’est grâce au dialogue que nous avons ouvert que nous pouvons discuter de domaines tels que les droits de l’homme. Des consultations ont lieu à Paris aujourd’hui. Nous allons rappeler encore une fois à la Russie ses engagements en tant que membre du Conseil de l’Europe et de l’OSCE, notamment en ce qui concerne la liberté de la presse et l’évolution des événements en Ingouchie, par exemple, ainsi que d’autres questions de droits de l’homme.
Pour nous, c’est clair: l’Europe est porteuse de valeurs et de normes établies de conduite internationale qui dictent notre attitude en toute circonstance. Ces valeurs incluent le respect de l’intégrité territoriale et la résolution pacifique des conflits. Le Conseil européen a pris acte avec satisfaction du fait que les troupes russes se sont retirées des zones adjacentes à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie, faisant ainsi un pas essentiel vers l’application du plan en six points. Des négociations ont été ouvertes à Genève la semaine dernière, ce qui constitue une autre avancée importante. Bien sûr, il y a encore beaucoup à faire.
Demain j’accueillerai une conférence de donateurs pour la Géorgie en vue de mobiliser des fonds pour la reconstruction des infrastructures endommagées, pour la réinstallation des personnes intérieurement déplacées et pour accélérer la relance économique de la Géorgie après le conflit. En coopération avec le Parlement, j’ai l’intention d’allouer à cette fin jusqu’à 500 millions d’euros et je voudrais exprimer mes remerciements aux présidents de la commission des budgets et de la commission des affaires étrangères, qui m’ont écrit pour me faire part de leur soutien dans cette initiative.
La révision des relations UE-Russie avec le Conseil européen comportera comme requis un aperçu global des nombreux volets de ces relations, depuis nos efforts pour soutenir l’adhésion de la Russie à l’OMC, en passant par la simplification des questions de visas, la coopération douanière, les échanges d’étudiants et la coopération dans la recherche scientifique. Cette révision devrait nous guider dans l’approche de toutes nos activités actuelles avec la Russie et de celles actuellement pendantes. Elle devrait être discutée au prochain Conseil Affaires générales le 10 novembre 2008, qui nous permettra, je l’espère, de trouver la bonne approche pour poursuivre les négociations concernant un nouvel accord UE-Russie.
Je dis cela parce que je sais qu’il n’y a pas de meilleur moyen de servir nos propres intérêts et de faire entendre nos préoccupations. D’autre part, nous ne devons pas nous comporter comme si rien ne s’était passé. Dans tout ce que nous faisons, nous devons montrer clairement que nous avons évalué très précisément nos objectifs et veiller à ce que l’UE reste unie pour les défendre fidèlement.
C’est peut-être une bonne chose que nous ayons ce débat aujourd’hui, à la veille de la conférence des donateurs internationaux que je présiderai, comme je l’ai dit, avec la Banque mondiale, l’actuelle présidence française et la future présidence tchèque.
Comme elle l’a fait tout au long de cette crise, l’Union européenne continuera à jouer son rôle de partenaire constructif et fiable, guidé par ses valeurs et apportant une contribution décisive à la stabilité et à la paix.
Jean-Pierre Jouyet, président en exercice du Conseil. − Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs les députés, tout d’abord, je vous prie de m’excuser - je remercie Benita d’être intervenue avant moi - parce que je viens de la conférence des présidents de commission et que les discussions se sont prolongées un peu plus que prévu, en fonction du débat de ce matin, avec le président du Conseil et la session des votes, intervenus. Donc je vous présente toutes mes excuses.
Comme l’a souligné Mme la commissaire, nous sommes effectivement à la croisée des chemins en ce qui concerne les relations entre la Russie et l’Europe, surtout à la suite du conflit avec la Géorgie. Le Conseil après le Conseil européen extraordinaire du 1er septembre en a discuté le 13 octobre, comme l’a rappelé Mme Ferrero-Waldner. Il a, à cette occasion, constaté que le déploiement par l’Union européenne de la mission civile autonome d’observation en Géorgie avait été suivi par un retrait des troupes des zones adjacentes à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie. Cela marque un pas supplémentaire essentiel dans la mise en œuvre des accords du 12 août et du 8 septembre, conclus avec la médiation de l’Union européenne dans le souci du respect de l’indépendance et de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie - comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises devant votre commission des affaires étrangères.
L’Union européenne continuera à inciter les parties à poursuivre la mise en œuvre de ces engagements dans le cadre des discussions qui ont été prévues par ces accords des 12 août et 8 septembre dernier.
Vous savez que ces discussions ont commencé à Genève le 15 octobre sous les auspices de l’Union, des Nations unies et de l’OSCE. Pour la préparation et la conduite de ces négociations nous avons un représentant spécial pour la crise en Géorgie, l’ambassadeur Pierre Morel, qui a effectué un excellent travail. La première réunion, qui s’est tenue le 15 octobre, a permis de réunir les parties en présence.
Alors, bien évidemment tout cela va être long, c’est un processus qui est long mais, enfin, quand on se souvient de ce que sont les processus habituels de paix, parce qu’on se rappelle la situation dans les Balkans... Je crois que le fait qu’il y ait eu une réunion permettant d’avoir toutes les parties en présence est en soi une étape importante même si nous savons que le chemin sera bien sûr long, comme je l’ai indiqué.
La prochaine réunion du processus se tiendra à Genève le 18 novembre, ce que nous souhaitons c’est que les parties s’engagent à trouver une formule pragmatique pour continuer les discussions, lesquelles doivent permettre de traiter l’ensemble des questions qui demeurent, notamment celle des modalités de sécurité et de stabilité, y compris dans la vallée du Haut-Kadori et dans la région d’Akhalgori ainsi que, bien évidemment, la question urgente des personnes déplacées.
L’Union est déterminée à maintenir son engagement dans le processus de règlement des conflits en Géorgie et de parvenir à un règlement global sur la base des principes du droit international.
Dans l’immédiat, dans un contexte plus général, le Conseil européen a demandé à la Commission et au Conseil de mener une évaluation complète et approfondie de la relation entre l’Union et la Russie dans la perspective du prochain sommet qui se tiendra le 14 novembre. Cette évaluation sera prise en compte dans la poursuite des négociations du nouvel accord de partenariat avec la Russie. Comme l’a indiqué ce matin le président du Conseil, le président Sarkozy, il est essentiel de dialoguer avec la Russie, c’est dans notre intérêt, tant les relations avec la Russie sont importantes.
Mme la commissaire l’a rappelé, c’est un partenaire incontournable, il y a une interdépendance entre l’Union européenne et la Russie, et il est évident que c’est par le dialogue aussi que nous pourrons faire en sorte que la situation, au regard des droits de l’homme, s’améliore en Russie et dans la région. Nous avons intérêt à inviter la Russie à la coopération dont les deux parties ont besoin.
Nous avons besoin de la Russie – je le rappelle – pour faire face aux défis globaux, comme la lutte contre le terrorisme, le changement climatique ou la prolifération d’armes de destruction massive. L’Union européenne a fait ce choix, et nous pensons qu’il est dans l’intérêt de la Russie de faire ce choix et c’est pour cela que nous souhaitons véritablement continuer ce dialogue.
Le sommet du 14 novembre prochain sera l’occasion d’examiner les différentes dimensions de la relation que nous devons avoir avec la Russie et nous devrons poursuivre un engagement constructif pour savoir si la Russie souhaite tirer tous les bénéfices de ce dialogue. Mais nous devons continuer ce dialogue – comme cela a été indiqué ce matin par le président du Conseil – sans transiger sur les principes fondamentaux qui sont à la base de la construction européenne.
Le dialogue avec la Russie ne peut être fondé que sur le respect de la souveraineté des États, de l’État de droit et des règles communes. Dans ce contexte, l’adhésion de la Russie à une organisation comme l’Organisation mondiale du commerce est dans notre intérêt commun. Elle permet en effet de résoudre de nombreux contentieux qui affectent un certain nombre d’États membres.
Je pense au droit sur les exportations de bois, aux taxes de survol de la Sibérie. Et le fait que l’on s’engage, conformément aux discussions qui ont lieu également ce matin, dans la voie d’une relation plus étroite sur le plan économique et commercial avec la Russie, nous paraît également important. Nous devons avoir, là aussi, une zone avec la Russie qui soit déterminée de manière plus claire sur le plan économique et commercial et nous devons contribuer, si cela est possible, à la réalisation d’un espace économique commun entre l’Union européenne et la Russie.
Dans ce cadre, nous continuerons, bien sûr, à insister auprès de la Russie sur l’importance de la transparence, de la réciprocité et de la non-discrimination dans le domaine énergétique. Cela vaut aussi plus largement pour la question des investissements dans la mesure où les entreprises de l’Union européenne opérant en Russie sont souvent confrontées à des problèmes concrets qui ne trouvent pas actuellement de solution satisfaisante.
Il est évident aussi que, dans le cadre de ce sommet, nous devrons discuter avec la Russie de l’impact de la crise financière. C’est un élément nouveau, c’est un élément important pour l’Union européenne. C’est un élément important également pour la Russie et pour les politiques d’investissement et pour les politiques d’échange entre l’Union et la Russie.
Nous allons bien évidemment aussi rappeler - je l’ai indiqué - nos préoccupations sur le respect des engagements en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’État de droit. Sur le plan international nous aborderons toutes les questions de coopération relatives à notre voisinage commun et, bien sûr, celles qui sont d’actualité après le conflit avec la Géorgie. Mais nous aborderons aussi les enjeux internationaux pour lesquels nous avons des intérêts communs, tels que le Moyen-Orient, l’Iran ou l’Afghanistan.
En conclusion, je veux dire qu’il est dans notre intérêt de poursuivre, dans le respect des droits fondamentaux, le dialogue avec la Russie, voire de le renforcer. Nous pensons que c’est la seule voix qui permettra à la Russie d’évoluer et de faire en sorte que nous puissions avoir un avenir fondé sur des valeurs davantage partagées. Nous pensons que nous devons tirer les enseignements de ce qui s’est passé en Géorgie en s’efforçant de construire une relation constructive et équilibrée avec la Russie, en essayant de construire un partenariat stratégique à long terme avec ce pays. Le conflit avec la Géorgie, loin de nous éloigner de cet objectif, doit, au contraire, le renforcer dans le cadre, là aussi, de ce qu’est l’identité de l’Union européenne par rapport à d’autres partenaires qui n’ont peut-être pas toujours les mêmes intérêts que les nôtres dans les relations à l’égard de la Russie.
José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, au nom du groupe PPE-DE. – (ES) Monsieur le Président, je voudrais commencer mon intervention en citant quelques mots prononcés au cours du débat de ce matin par le président en exercice, M. Sarkozy. Il a dit que «l’Europe ne doit pas être complice d’une nouvelle guerre froide» et qu’il serait irresponsable de faire monter la tension au point de provoquer une crise entre l’Europe et la Russie. En effet, la Russie a été invitée à se comporter comme un partenaire positif et constructif de l’Union européenne, du fait de son importance stratégique, de ses ressources naturelles, de son pouvoir militaire et nucléaire, de ses relations commerciales avec nous - comme l’a rappelé la Commissaire - et aussi simplement parce qu’elle est le principal fournisseur en énergie de l’UE.
Toutefois, nous nous sommes posés non seulement comme une union économique et commerciale, mais également une union de valeurs. Nous ne pouvons donc pas choisir ces valeurs en fonction de ce qui est plus efficace ou plus important.
Je crois que des valeurs telles que la liberté, le respect des valeurs démocratiques, des droits de l’homme et de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de États sont des valeurs qui doivent être prises en compte. Nous ne pouvons pas détourner le regard et prétendre qu’il ne s’est rien passé cet été, alors qu’en fait nous avons été les témoins de l’invasion et de l’occupation subséquente, par la force, d’un État souverain.
Nous devons renforcer notre politique de voisinage et être cohérents à l’égard des valeurs que nous prônons.
Plusieurs étapes restent encore à franchir: l’évaluation réalisée par la commissaire européenne et ses services à la Commission, les négociations de Genève, et la conférence des donateurs qui aura lieu cette semaine à Bruxelles, qui toutes ont leur importance, à mon avis.
Je terminerai en citant encore le président en exercice du Conseil, qui a dit que l’Union européenne devait parler fermement d’une seule voix. Nous ne serons pas capables de parler d’une seule voix ferme - en fait, nous allons plutôt montrer des signes de faiblesse - si, au prochain sommet qui aura lieu à Nice le 14 novembre, l’Union européenne commence les négociations en vue de conclure un accord ou un partenariat avec la Russie sans que celle-ci ne se conforme et respecte pleinement les accords qu’elle a signés avec l’Union européenne le 12 août et le 8 septembre.
Jan Marinus Wiersma, au nom du groupe PSE groupe. – (NL) Monsieur le Président, comme M. Salafranca, je voudrais citer le président Sarkozy qui a dit ce matin que nous devons essayer de résoudre les problèmes avec la Russie par le dialogue plutôt que par la confrontation. Nous devons essayer de développer en Europe des relations basées sur le partenariat, mais également sur le principe de l’égalité des partenaires, sans, bien entendu, oublier d’émettre des critiques quand c’est nécessaire.
À ce propos, nous devons chercher des solutions aux problèmes relatifs à la Géorgie et nous devons travailler avec la Russie sur plusieurs questions cruciales qui ont déjà été mentionnées, des questions internationales, comme l’avenir du régime de non-prolifération, les problèmes concernant l’Iran et le suivi de Kyoto. Nos ambitions environnementales ne pourront être satisfaites que si nous parvenons à un accord à ce sujet avec d’autres partenaires clés dans le monde.
Nous devons également chercher à coopérer avec la Russie relativement à la crise financière et au rôle de la Russie au sein du G8. La crise financière prouve une fois encore combien nous comptons sur la Russie, mais également combien la Russie compte sur l’économie internationale: le monde a complètement changé par rapport à ce qu’il était il y a 30 ou 40 ans, c’est pourquoi revenir aux tactiques de la guerre froide n’est pas une option envisageable.
Deuxièmement, nous voudrions applaudir à la conduite de la présidence française et à l’unanimité avec laquelle l’Union a traité le conflit relatif à la Géorgie. Il est vital que nous maintenions aussi fermement cette unanimité dans les semaines et les mois à venir. Elle est particulièrement importante eu égard aux négociations en cours à Genève et qui continueront en novembre. Qu’il n’y ait pas eu d’accord immédiat sur une formule pour résoudre la question de la Géorgie est très compréhensible.
En fait, cette question pourrait s’avérer difficile à résoudre, parce qu’il y a une différence d’opinion fondamentale entre nous et la Russie. Pour nous, l’intégrité territoriale de la Géorgie devrait être maintenue et le fait que l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie aient été reconnues comme des pays indépendants est inacceptable. Les discussions sur ces sujets ne manqueront pas d’être controversées.
À cet égard, nous ne devons pas oublier la nécessité de tenir un vaste débat sur les structures et les règlements de sécurité existants et connus sous le nom de «processus d’Helsinki», en Europe aussi. Les Russes ont fait des propositions de changement et d’amélioration de ce processus, mais le Conseil et la Commission pourraient également avoir une idée sur la question.
Ce qui est important dans le cadre de cette discussion, c’est que l’on dise sans ambiguïté à la Russie que nous ne voulons pas en venir aux mains en ce qui concerne les sphères d’influence et que nous ne les acceptons pas, même dans les régions frontalières entre la Russie et l’Union européenne. Je ne suis pas favorable à une extension de l’OTAN dans cette direction.
En revanche, je suis pour une politique active de l’UE garantissant l’indépendance de pays comme l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie et j’espère que les propositions que la Commission présentera cet automne relativement au partenariat oriental favorisera le renforcement des liens avec les pays dits «voisins», de sorte que nous puissions les aider à assurer eux-mêmes leur développement leur indépendance.
Annemie Neyts-Uyttebroeck, au nom du groupe ALDE. – Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la Commissaire, tout d’abord, si je puis me permettre, je voudrais vous conseiller un beau livre pour vos vacances de Noël et je vous conseillerai la très belle biographie de la comtesse de Ségur. Vous savez que la comtesse de Ségur était née Sophie Rostopchine, bien sûr Rostopchine, et que son père est celui qui a arrêté la course du grand empereur Napoléon en Russie, et le livre décrit admirablement comment tout cela s’est passé. Je crois que certaines des leçons qu’on peut en tirer demeurent valables jusqu’à aujourd’hui. Mais cela, c’était l’entrée en matière.
Tout d’abord, je voudrais clarifier que ce matin, dans mon intervention, je n’ai jamais voulu suggérer qu’il ne fallait pas tenir le sommet Union européenne-Moscou. Bien sûr que non. Il devait se tenir. Mais ce que j’ai voulu dire – et comme je n’avais qu’une minute trente, je me suis peut-être mal exprimée – c’est que je pensais déduire des conclusions du Conseil que la décision de poursuivre, de reprendre les négociations pour le partenariat, le traité d’association, avait en fait déjà été prise et que, quoi qu’il arrive, peu importe le déroulement du sommet du 14 qui risque d’être difficile, en tout état de cause, les négociations reprendraient, et qu’on prendrait en compte, bien sûr – il ne manquerait plus que cela – l’évaluation de la Commission et du Conseil. Et en fait, je voulais un peu plus de clarifications à ce sujet.
Alors, Monsieur le président m’a-t-il mal comprise à dessein, ou non, je n’en sais rien. De toute façon, il ne m’a pas répondu et j’aimerais bien, Monsieur le Ministre, avoir une réponse parce que, personnellement, je regretterais que la décision ait déjà été prise de reprendre les négociations en tout état de cause. Je suis partisane absolue du dialogue avec la Russie. C’est un grand pays, bien évidemment. C’est un grand pays qui est très fier, c’est aussi un grand pays qui ne connaît pas beaucoup de pitié et qui n’aime pas, je crois, que les autres se mettent en position de faiblesse.
Alors, avoir déjà éventuellement décidé que, quoi qu’il arrive, on reprendra les négociations, avant même que le sommet ait eu lieu, je ne sais pas si c’est cela la plus grande habileté diplomatique. Mais le temps m’est compté, donc j’espère surtout, Monsieur le Ministre, que vous me répondrez clairement, dans un sens ou dans l’autre, mais je vous en saurais gré.
Bart Staes, au nom du groupe des Verts/ALE. – (NL) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, il y a beaucoup à dire sur le conflit russo-géorgien, et aujourd’hui ce conflit constitue certainement un facteur déterminant dans nos relations avec la Russie.
En tout état de cause, ce que l’on peut dire c’est que la Russie aussi bien que la Géorgie ont échoué. Il est inacceptable qu’un pays utilise des moyens militaires pour résoudre ses conflits. En science politique, il y a une théorie qui dit qu’en principe, les pays démocratiques résolvent leurs conflits démocratiquement, par le dialogue, et non par les armes. Comme cela n’a pas été le cas ici, il y a manifestement quelque chose qui ne tourne pas rond avec la démocratie en Géorgie et en Russie. Sinon, les choses ne se seraient pas passées de cette manière.
Le débat d’aujourd’hui est centré sur nos relations avec la Russie. La situation de la Russie reste très critique, et c’est un euphémisme, dans les domaines de la démocratie, du respect des droits de l’homme, de la liberté de la presse et de la liberté d’association, de la situation en Tchétchénie - qui ne fait peut-être plus les gros titres, mais ceux qui la suivent de près savent que la situation en Tchétchénie est toujours très critique - et aussi en ce qui concerne les problèmes impliqués par les préparatifs des Jeux olympiques d’hiver à Sochi. Tous ces sujets sont la cause de nombreux problèmes.
Je pense, et d’autres l’ont également déclaré, qu’il y a une interdépendance mutuelle entre l’Union européenne et la Russie. C’est la vérité. Chaque fois que nous parlons d’interdépendance mutuelle et que nous discutons de ces problèmes, nous devrions toutefois, à mon avis, mentionner ces autres valeurs, les valeurs de la démocratie, les valeurs typiquement européennes, d’autres moyens de résoudre les conflits, la volonté d’améliorer la démocratie et l’utilisation des instruments du «pouvoir discret».
Tous les membres du groupe des Verts/Alliance libre européenne sont pour le dialogue, lequel est à mon avis l’une des marques distinctives de l’Union européenne. L’Union européenne est un exercice extrême de résolution et de prévention pacifiques des conflits. C’est pourquoi, à condition que toutes les conditions soient remplies et que le Conseil, la Commission et le Parlement européen prennent fermement position pour lesdites valeurs, nous pouvons entrer dans un dialogue avec la Russie, y compris en ce qui concerne les accords de partenariat et de coopération, sereinement, avec détermination et avec la volonté d’obtenir un résultat positif.
Adam Bielan, au nom du groupe UEN. – (PL) Monsieur le Président, les actions des forces armées russes en Géorgie sont un indice particulièrement pertinent des intentions actuelles de la Russie. Elles représentent également une mise à l’épreuve du pouvoir politique et des principes fondamentaux d’action de l’Union européenne. Malheureusement, les leaders de plusieurs États membres se comportent comme si l’invasion de la Géorgie souveraine et démocratique par la Russie n’avait jamais eu lieu.
Mesdames et Messieurs, la Russie humilie une fois encore l’Union européenne en prétendant avoir replié ses troupes sur leurs positions antérieures à l’invasion. Alors comment expliquer le fait que des villages géorgiens situés dans la région d’Ossétie du Sud et dans ses environs sont constamment l’objet d’actions brutales de nettoyage ethnique? Comment expliquer que les deux cents observateurs déployés par l’Union se voient refuser l’accès aux lieux du conflit? Une telle situation est à des années-lumière d’un retour au statu quo du 7 août, condition préalable à des négociations avec la Russie. L’un des buts de l’invasion russe de la Géorgie était de terroriser les pays voisins de la région pour torpiller le projet Nabucco, qui est crucial pour la sécurité énergétique de l’Union. Or personne n’évoque actuellement le corridor de transport de gaz et de pétrole qui traverse la Géorgie. Ce couloir, vital pour nous, est le seul qui ne soit pas sous le contrôle du Kremlin.
Je voudrais aussi rappeler que de très nombreux détenteurs d’un passeport russe vivent dans les pays voisins de l’Union. Je pourrais mentionner l’Ukraine, le Belarus et les États baltes, par exemple. Nous ne devons donc pas oublier qu’à tout moment le Kremlin pourrait déclarer que ces personnes ont besoin de sa soi-disant protection. C’est exactement ce qui s’est passé en Ossétie du Sud. Une fois encore, je dois souligner que les États membres de l’Union et leurs plus proches voisins sont sous la menace directe d’une agression russe.
Nous sommes confrontés actuellement à une situation où la Russie, en plus de pratiquer un chantage à l’énergie, va jusqu’à ajouter à son arsenal la menace d’une action militaire contre les États membres de l’Union et ses plus proches voisins. La situation actuelle en Géorgie en est un exemple évident. Il ne peut être question d’un partenariat entre l’Union et la Russie dans de telles circonstances. La présence de la Russie aux discussions du prochain sommet de Nice du 14 novembre montrerait une fois encore que les leaders de l’Union européenne sont totalement incapables de gérer la question russe.
Esko Seppänen, au nom du groupe GUE/NGL. – (FI) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, les marchés boursiers des États-Unis d’Amérique se sont effondrés, les marchés boursiers des États membres de l’Union européenne se sont écroulés et les marchés boursiers de Russie ont craqué. Nous subissons tous la même crise provoquée par le turbocapitalisme. Malgré ce désastre, certains pays de l’UE, suivant l’exemple des pays Baltes dont les présidents ont été éduqués aux États-Unis, et surtout la Pologne, veulent isoler la Russie de la Communauté européenne. Tout d’abord, le démarrage des négociations sur l’accord de partenariat a été freiné et aujourd’hui le prétexte est le conflit de la Géorgie et de l’Abkhazie avec la Russie.
Dans de nombreux pays occidentaux, les médias ont présenté la Russie comme étant l’agresseur. C’est faux. C’est l’armée de Saakashvili qui a attaqué, déclenchant un conflit généralisé. Il ne mérite aucune félicitation pour cette initiative. Dans ce genre d’affaires, le groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et des démocrates européens au Parlement européen est malheureusement prisonnier de ses propres éléments extrémistes.
Naturellement, la Russie a remporté la victoire militaire sur l’armée de Saakashvili, une armée entraînée par les Américains et les Israéliens et équipée par les Ukrainiens. C’était une surréaction politique à la reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. La Russie en tire maintenant les conséquences politiques. Notre groupe, toutefois, ne croit pas qu’isoler la Russie soit une bonne réaction. Le capitalisme européen a besoin des ressources naturelles de la Russies, et la Russie a besoin de l’expérience politique de l’Europe en matière de démocratie, de libertés civiles et d’État de droit.
Ces buts ne seront pas atteints par la violence politique, mais par la coopération et le dialogue. Ce sera probablement le sujet des discussions d’aujourd’hui à Helsinki entre les chefs d’état-major Mike Mullen et Nikolaï Makarov. De plus, l’UE ne devrait pas boycotter le dialogue.
Nous souhaitons que les tentatives positives proposées par le pays d’assurer la présidence soient couronnées de succès.
Paul Marie Coûteaux, au nom du groupe IND/DEM. – Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, puisque l’heure est à la contrition - j’ai l’impression que c’est l’ambiance du jour - du moins à la révision des dogmes et des réflexes, je sais d’ailleurs gré au président de la République française d’en avoir donné, ce matin, une illustration qui paraissait sincère, alors révisons aussi notre vieille, notre très vieille méfiance vis-à-vis de la Russie, ou plutôt à l’encontre de ce pays qui est, qu’on le veuille ou non, un de nos partenaires.
De ce point de vue, je vous conseille aussi - comme l’a fait mon excellente collègue libérale - de lire une biographie de la comtesse de Ségur, notamment celle de Mme Strich, aux excellentes éditions Bartillat, et vous verrez tout le poids qu’il faut donner au mot que vous avez prononcé à deux reprises - si je vous est bien écouté - le mot «interdépendance».
Oui, évidemment, nous sommes interdépendants, mais pas simplement en matière de lutte contre le terrorisme ou d’armes de destruction massive. Nous le sommes de tous les points de vue, en matière énergétique, c’est une évidence, mais aussi en matière de recherche, en matière industrielle et en matière politique, de façon multiforme, bien entendu.
Et pensons à ce que sera ou ne sera pas le visage de l’Europe au XXIe siècle selon que nos nations seront toujours associées à la mise en valeur des immenses richesses de la Sibérie. Alors, de grâce, cessons d’épouser des querelles qui ne sont pas les nôtres, qui sont des querelles d’une puissance tierce qui a intérêt à diviser l’Europe pour la dominer. Et croyez bien que je pense en cela à l’intérêt de l’Europe, si vous voulez bien accepter que les souverainistes français aient aussi ce sujet de préoccupation en tête.
Jana Bobošíková (NI). – (CS) Mesdames et Messieurs, je considère que la décision du Conseil de ne pas reprendre ses négociations avec la Russie sur un partenariat stratégique est stupide, irréfléchie et préjudiciable pour les citoyens de l’Union. Nous devrions réaliser que la Russie est un partenaire dont l’Europe dépend pour ses approvisionnements en matières premières. Il ne s’agit pas uniquement de pétrole et de gaz. Sans le titane de Russie, par exemple, il serait impossible de construire le moindre Airbus. Pire encore, l’actuelle russophobie européenne est basée, non sur des faits, mais sur l’image qu’en donnent la politique et les médias. Nous devrions être conscients que le conflit dans le Caucase a été déclenché par la Géorgie sans égard pour les conséquences, et pas par la Russie. De plus, je ne vois absolument pas pourquoi l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ne devraient pas être respectées, puisque plusieurs membres de l’Union ont immédiatement applaudi avec une grande jubilation à l’indépendance du Kosovo. Je suis heureux que Václav Klaus, le président de la République tchèque, le pays que je représente ici, ait décrit la situation en termes réalistes, en disant que c’était trop simple de placer la Géorgie du côté du bien et la Russie du côté du mal. Malheureusement, il a été le seul à le dire. Si l’Union veut sérieusement être un partenaire stratégique et un acteur mondial, elle doit traiter la Russie sur un pied d’égalité. Au jeu de la confrontation, il n’y aura aucun gagnant.
Elmar Brok (PPE-DE). – (DE) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Monsieur le Président en exercice du Conseil, un des orateurs précédents a déclaré que le principe qui doit présider à toute cette question est le principe du «rien par la force». Pas de recours à la force par aucune des parties, ainsi en dispose le droit international. Nous devons insister pour que le droit international soit respecté, y compris l’intégrité territoriale, la non-intervention dans les affaires intérieures d’un autre État, pas d’exercice d’influence et respect des accords d’août et de septembre. J’espère que ces principes continueront à être d’application à Genève.
Nous devons continuer à garantir que les décisions du Conseil européen du 1er septembre et les résolutions négociées par la Commission concernant les accords d’association, le libre-échange et l’«espace économique européen Plus» - ou toute autre appellation qu’on pourra lui donner - sont respectées, pour que chaque pays puisse être renforcé, stabilisé et impliqué sans provocation à l’égard d’autres pays et que les travaux nécessaires puissent être réalisés lors de la conférence des donateurs.
Parallèlement, nous devons donner aux États membres d’Europe orientale un sentiment de sécurité et de solidarité au sein de l’Union européenne et de l’OTAN. Je crois que c’est important également pour des raisons psychologiques.
Madame la Commissaire, je vous suis reconnaissant d’avoir fait référence à notre interdépendance économique mutuelle, qui est la meilleur politique de sécurité que nous puissions avoir. En effet, plus cette interdépendance devient forte et plus elle a tendance à faire partie des sphères d’intérêt des deux parties qui deviennent alors liées l’une à l’autre, plus il deviendra difficile pour nous de nous extraire de cette dépendance en utilisant des moyens non pacifiques. Dans cette affaire, nous devrions montrer la voie. Nous devrions également soutenir toute initiative assortie de contraintes juridiques et impliquant la Russie, y compris l’adhésion à l’OMC et les accords de partenariat avec les obligations correspondantes. Si notre interdépendance économique est fondée sur des mesures juridiques et contractuelles de ce type, nous pourrons faire des progrès.
Mais il faut que tout cela soit basé sur nos intérêts et l’un de ceux-ci est la sécurité énergétique. Dans ce domaine, il y a des défis à relever dans le monde entier. Ce n’est pas pour rien que les «5+1» se sont réunis à nouveau pour discuter de l’Iran, pour retourner ensuite à leurs travaux normaux. C’est ce qui se passe à d’autres niveaux aussi. J’ai appris qu’une commission du Parlement européen s’est à nouveau rendue à Moscou. Iran, Moyen-Orient, changement climatique, terrorisme et de nombreuses autres questions: la Russie est un élément essentiel de cet ensemble de questions.
Nous devons être ouverts aux discussions. Un partenariat de sécurité avec la Russie ne fonctionnera pas s’il est conclu aux dépens des alliances existantes et s’il implique d’exclure les États-Unis de l’Europe: telle est la condition préalable à un partenariat de ce type.
Reino Paasilinna (PSE). - (FI) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, les deux parties ont eu tort et ont rompu les accords internationaux. Il s’agit maintenant de voir comment nous pouvons rapidement sortir de cette situation et restaurer la stabilité.
Pour ce faire, nous avons aussi besoin de la coopération de la Russie. C’est une exigence fondamentale. En effet, nombre des objectifs de la Russie sont identiques aux nôtres, qui sont inscrits dans le traité de Lisbonne. Premièrement, le président Medvedev a dit que des réformes institutionnelles sont nécessaires. C’est exact. Deuxièmement, il a déclaré que les infrastructures doivent également être réformées. Le troisième point, c’est l’investissement. Ce sont des choses que nous connaissons. Ensuite, il y a l’innovation, une chose que nous connaissons encore bien mieux, si on peut dire. Ce sont des points communs. Ils veulent jouer un rôle dans la résolution de la crise financière internationale, et ils ont peu de capitaux pour le faire, donc ils ne veulent pas être isolés, c’est évident, et nous devons réagir par la coopération, ce qui nous permettra d’orienter la Russie dans la direction que nous souhaitons.
La Russie ne veut pas parler d’idéologie, mais aujourd’hui l’Union européenne le fait. Nous voulons qu’elle soit une démocratie: voilà notre idéologie. La Russie veut des solutions pratiques et ces deux buts méritent probablement d’être harmonisés; c’est ainsi que nous pourrons faire des progrès. Nous avons donc toujours besoin d’un «I», c’est-à-dire d’intégration, suite aux quatre «I» de Medvedev; ainsi, de notre point de vue, nous pourrons également influencer positivement l’avenir de la Russie et accroître la stabilité.
Janusz Onyszkiewicz (ALDE). – (PL) Dans ce débat sur le conflit russo-géorgien, nous avons tendance à oublier ce qui s’est passé en Abkhazie et à ne parler que de l’Ossétie. En fait, il s’est passé quelque chose de très significatif en Abkhazie. En effet, en ce qui concerne l’Ossétie, les Russes ont des motifs solides de prétendre que leur action, bien que disproportionnée, était une réponse à un effort pour résoudre le problème par des moyens militaires. Mais pour l’Abkhazie, il n’en est pas du tout de même. L’incursion massive des troupes russes, la marine russe croisant le long de la côte de Géorgie et la conquête militaire du territoire contrôlé par les autorités géorgiennes, tout ceci prouve que la Russie est prête à utiliser ses forces militaires sous prétexte de prévention. Une telle action doit par conséquent être classée parmi celles qui ne sont justifiées que par une évaluation unilatérale des ressources de politique étrangère.
Dans sa déclaration, le président Medvedev est revenu sur la notion d’un espace commun de sécurité s’étendant de Vancouver à Vladivostok. Je vous le demande, Mesdames et Messieurs les députés, comment peut-on se fier à une action conjointe dans cet espace commun de sécurité s’il s’avère que la Russie est elle-même une source de menaces? En ce qui concerne les autres questions dont le président Medvedev voudrait qu’elles soient incluses dans l’accord potentiel, nous devrions nous rappeler qu’elles figurent déjà toutes dans l’accord actuellement en vigueur. Cet accord, qui a été adopté en 1990, s’appelle la charte de Paris pour une nouvelle Europe. Bien sûr, ce qui est véritablement en jeu ici n’est peut-être pas le dialogue, mais le droit de veto eu égard aux différentes actions que l’OTAN pourrait entreprendre.
(Applaudissements)
Rebecca Harms (Verts/ALE). – (DE) Monsieur le Président, je voudrais revenir sur ce que M. Staes a dit dans son intervention sur les autres conflits toujours ouverts dans le Caucase.
Si nous reprenons maintenant les négociations avec la Russie - et nous sommes favorables à cette reprise - nous pensons qu’il est très important de ne pas oublier qu’il y a aussi le Karabakh, la Tchétchénie, la Moldavie et la Transnistrie et que nous aurons également à gérer au cours de la prochaine décennie un litige très délicat en Ukraine relativement à la Crimée. L’Union européenne ne doit pas commettre la même erreur que celle qu’elle a faite en Géorgie, en ne prenant pas ce conflit assez au sérieux.
À notre avis, tous ces conflits doivent donc être traités. Le Caucase et les autres régions voisines sont des régions très importantes. Elles sont toutes situées en Europe et doivent donc être traitées par l’Europe, par l’Union européenne qui doit leur accorder une priorité beaucoup plus élevée, et nous devrions le faire en coopération avec la Russie.
Que nous puissions ou non résoudre ces conflits d’une manière satisfaisante, je n’en suis pas sûre à présent, mais je suis réellement très optimiste quant au fait que cette impression de paix froide qui a gagné l’Europe - et l’ensemble de l’Union européenne, en fait - et provoqué de l’inquiétude également en Russie, est un avertissement suffisant et que les différentes parties vont maintenant s’asseoir pour de bon à la table de négociation.
Du point de vue de l’Occident, il est également très intéressant que, dans le contexte de la crise financière, la Russie épargne des États entiers dans le but de gérer elle-même cette crise. À l’ère de la mondialisation, l’intrication de nos économies va beaucoup plus loin que la question énergétique dont nous discutions tout à l’heure.
Si nous parvenons à adopter un autre ton et si l’Occident cesse de répéter comme il le fait depuis la fin des années 80 que son système est le système gagnant, nous parviendrons peut-être à une position mieux adaptée au traitement du litige.
Konrad Szymański (UEN). - (PL) Monsieur le Président, c’est peut-être la Russie qui a bénéficié le plus de la crise financière. Récemment, notre attention s’est manifestement détournée de l’agression de la Géorgie par la Russie pour se porter sur les problèmes qui accablent nos banques. Notre débat de ce matin a fait apparaître ce retournement avec évidence.
Toutefois, nous ne devons pas oublier que plus de 7 000 soldats russes sont encore stationnés actuellement en Ossétie et en Abkhazie. C’est plus de trois fois le nombre de soldats déployés le 7 août, donc la Russie ne respecte pas l’accord de paix comme nous voudrions qu’elle le fasse. Ce qui veut dire que les relations entre l’Union européenne et la Russie sont toujours dans l’impasse. Cela signifie aussi que nous n’avons actuellement aucune raison de reprendre le dialogue politique dans le cadre des instances conjointes européennes et russes; il n’y a aucune base justifiant la réouverture de négociations concernant l’accord de partenariat. Enfin, nous sommes déçus par la position de certains États membres qui suggèrent que l’agression de la Géorgie par la Russie peut être ignorée et que l’affaire n’est qu’une question de temps. Cette politique de la passivité pourrait coûter extrêmement cher à la politique étrangère de l’Union européenne dans son ensemble.
Vittorio Agnoletto (GUE/NGL). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous devons admettre que le Conseil a géré ses relations avec la Russie de manière plus équilibrée que la résolution adoptée par le Parlement européen sur les événements de Géorgie. Dans cette résolution, toutes les accusations sont portées contre la seule Russie, et même l’attaque lancée par la Géorgie les 7 et 8 août est justifiée.
Toutefois, si le rétablissement de la paix nous importe réellement, alors nous devons dire fermement «non» à toute adhésion de la Géorgie ou de l’Ukraine à l’OTAN. Nous savons qu’une telle adhésion ne servirait qu’à déstabiliser la région tout entière et à augmenter considérablement la probabilité d’autres guerres. Les négociations avec la Russie devraient être reprises, non seulement par intérêt économique, mais également parce que, tant que les problèmes ne sont discutés, ils perdurent, et que discuter est toujours la meilleure voie à suivre.
Parallèlement, nous devons rester intransigeants en matière de droits de l’homme, de liberté d’ information et de libertés politiques, des principes qui ne sont certainement pas la norme en Russie. La meilleure façon de pouvoir protéger ces droits n’est pas de se trouver otages de l’énergie; mais pour nous affranchir de notre dépendance à l’égard de la Russie, nous devons non seulement diversifier les sources de nos approvisionnements en énergie, mais également investir dans des énergies alternatives propres.
Je voudrais faire un dernier commentaire. J’ai entendu dire par la Commission et par le Conseil qu’ils sont extrêmement heureux de l’adhésion de la Russie à l’organisation mondiale du commerce. Je voudrais vous rappeler que vous aviez fait les mêmes commentaires quand la Chine a rejoint l’OMC, et nous avons vu les terribles résultats que cette adhésion a eus sur l’économie européenne et sur les travailleurs européens. Alors nous devrions peut-être chercher des solutions ailleurs: peut-être est-ce même l’ensemble du mécanisme de l’organisation mondiale du commerce que nous devrions remettre en question.
Gerard Batten (IND/DEM). - (EN) Monsieur le Président, le Kremlin a obtenu tout ce qu’il voulait de son marché avec le président Sarkozy. Ce marché du genre «la paix pour notre temps» du président Sarkozy lui a donné ce qu’il voulait, y compris une porte de sortie diplomatique. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le principe fondamental en relations internationales était que l’agression ne doit pas être payante, ou qu’aucune concession politique ne devrait être accordée aux agresseurs. Or Moscou sort gagnant de cette affaire, l’OTAN a été humiliée, l’UE jouant un double jeu.
En tant qu’institution, l’Union européenne n’est tout simplement pas du côté démocratique occidental de la nouvelle guerre froide. L’UE n’appartient pas au monde libre. Elle est anti-démocratique, non démocratique et impérialiste. Au plan institutionnel, elle a tendance à pencher du côté des autres empires anti-démocratiques, pas du côté des nations libres. L’UE n’est pas gouvernée par le droit, mais par l’idéologie.
Malheureusement, les gouvernements européens - en bons Européens - choisiront de suivre la désastreuse position de l’UE à l’égard de la Russie, plutôt que leur propre intérêt collectif national.
Sylwester Chruszcz (NI). - (PL) La Fédération de Russie est, avec les États-Unis, l’un des principaux partenaires de l’Union européenne. La Russie est un partenaire stratégique et fournit des matières premières pour la production d’énergie aux États membres de l’Union européenne, y compris à mon pays, la Pologne. La coopération avec la Russie est tout simplement un fait et les deux parties ont intérêt à ce que cette coopération soit fructueuse. L’attaque de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud et l’escalade du conflit ont fait peser une grave menace sur les relations entre Bruxelles et Moscou.
Toutefois, cela ne veut pas dire que nous devrions, comme certains responsables politiques européens le souhaiteraient, que nous tournions le dos à la Russie ou même que nous suspendions toute relation avec elle. La Russie a fait des efforts considérables ces vingt dernières années pour rejoindre le cercle des États européens démocratiques et, bien qu’elle ait encore beaucoup à faire en ce sens, il ne fait aucun doute que l’actuel et l’ancien présidents de la Fédération de Russie bénéficient d’un fervent soutien de la part de la population. J’espère que, malgré certains obstacles, la coopération fructueuse UE-Russie va se poursuivre, car les deux parties y ont tout intérêt.
PRÉSIDENCE DE M. MARTÍNEZ MARTÍNEZ Vice-président
Ria Oomen-Ruijten (PPE-DE). - (NL) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, on ne peut nier que nos relations avec la Russie aient changé récemment. Permettez-moi d’ajouter qu’à mon avis, isoler la Russie n’est pas une option. Parallèlement, il est difficile de négocier un partenariat si les États membres éprouvent un tel degré de méfiance à l’égard de la Russie.
En tant que présidente de la délégation pour les relations avec la Russie, je pense toutefois que nous devrions poursuivre le dialogue. C’est ce que font le Conseil et la Commission et c’est également ce que nous, en tant que Parlement, nous devrions faire. En fait, la continuité de ce dialogue a fait l’objet d’une discussion très animée au sein de notre délégation pour la Russie, relativement à la visite à Moscou que nous avons prévue pour la fin de cette semaine. Cette discussion a abouti à la conclusion que nous devrions continuer le dialogue, mais que nous devrions dire à nos partenaires que les choses ne seront pas comme avant. Nous devons partager ouvertement cet avis et essayer de nous engager dans une consultation constructive.
Nous attendons beaucoup plus de la part de la Russie. Le retrait des troupes de la zone tampon n’est qu’une première étape. Seul un retrait partiel ou complet des soldats d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud pourra faire retomber la tension. Bien que ces conditions ne soient pas reprises mot pour mot dans les accords, elles correspondent à l’esprit de ces accords, et j’aimerais entendre l’avis de M. Jouyet à ce sujet.
L’UE, et particulièrement sa présidence, a été incroyablement explicite et décisive ces derniers mois. Je pense que cette attitude doit être maintenue.
J’ai encore trois questions. Tout d’abord, en ce qui concerne la préparation du sommet: quels messages et étapes spécifiques estimez- vous nécessaires à la reprise des négociations? Deuxièmement, comment allez-vous y impliquer le Parlement? Troisièmement, je voudrais vous poser la question suivante. La Russie n’est pas partie au traité sur les bombes à sous-munitions qui est en train d’être signé à Oslo. Or, il s’avèrerait que le journaliste néerlandais a été tué par une bombe à sous-munitions russe. Madame la Commissaire, comment pouvons-nous, finalement,impliquer la Russie dans ce nouveau traité en cours de signature à Oslo?
Csaba Sándor Tabajdi (PSE). - (HU) Monsieur le Président, la présidence française a joué un rôle exemplaire dans le traitement de la crise en Géorgie. Nous savons comment traiter les crises, mais nous ne sommes pas encore capables de les prévenir. Permettez-moi de rappeler à l’Assemblée qu’un ministre des affaires étrangères de l’UE, M. Steinmeier, ministre allemand des affaires étrangères, avait présenté un plan de règlement très sérieux qui a été accepté par toutes les parties, sauf Tbilissi. C’est un fait historique et c’est regrettable, car ce plan aurait même pu prévenir la guerre. Je suis convaincu que le plan Steinmeier pourrait encore servir de base principale pour un règlement négocié, bien que la situation soit beaucoup plus délicate aujourd’hui, étant donné que la position des Abkhazes et des Ossètes du Sud est désormais complètement différente. Permettez-moi d’ajouter tout de suite que les négociations ne peuvent être menées sans l’implication des deux peuples concernés, les Abkhazes et les Ossètes du Sud. En ce qui concerne leurs relations avec la Russie, leur avis est certainement crucial également.
Il est certain que nous ne pouvons pas simplement continuer à partir du point où nous étions. La Russie reste un partenaire stratégique et nous ne pouvons pas l’isoler, mais notre confiance a été ébranlée. La Russie, comme nous-mêmes, doit tirer les leçons de ces événements. Nous devons surtout comprendre pourquoi la Russie est beaucoup plus tolérante à l’égard de l’Ukraine et de la Géorgie lorsqu’elles se rapprochent de l’UE que lorsqu’elles se rapprochent de l’OTAN. Si nous voulons normaliser le partenariat stratégique Russie-UE, c’est un point que les États-Unis et nous-mêmes devons tirer au clair. Merci de votre attention.
Henrik Lax (ALDE). - (SV) Monsieur le Président, l’agression de la Géorgie par la Russie n’est pas un incident isolé. Nous assistons à un changement paradigmatique des relations de la Russie avec ses États voisins - une évolution qui peut avoir de graves conséquences si l’UE n’agit pas avec sagacité. En fait, nous sommes à la croisée des chemins, comme l’a déclaré le président en exercice du Conseil, M. Jouyet. Je suis préoccupé par le fait que plusieurs leaders de l’UE parlent déjà de reprendre les relations avec Russie comme si de rien n’était. Ils font comme s’il n’y avait pas eu de guerre en Géorgie, mais les troupes russes, fortes de 8 000 hommes, sont toujours présentes dans les zones occupées. Le nettoyage ethnique se poursuit.
L’UE doit envoyer un message clair et condamner fermement la politique impérialiste de la Russie, selon laquelle elle pense avoir le droit de protéger «ses» citoyens en occupant des États souverains. Aujourd’hui la Géorgie, demain ce sera le tour de l’Ukraine et du Belarus. C’est ce que je répéterai dans le cadre de la réunion que la délégation pour la Russie aura à Moscou vendredi. Si l’UE pousse à des négociations d’accord inconditionnel avec la Russie sur les bases qui existent aujourd’hui, cela signifiera que nous approuvons l’action de la Russie en Géorgie et que nous donnons à la Russie un chèque en blanc pour continuer sa politique impérialiste. L’UE a le devoir d’aider les victimes, pas les agresseurs. Je voudrais féliciter la commissaire Ferrero-Waldner pour sa proposition d’allouer 500 millions d’euros et j’espère que la conférence des donateurs de demain sera un succès.
Tatjana Ždanoka (Verts/ALE). - (EN) Monsieur le Président, je m’exprime aujourd’hui non seulement en tant que représentante de mon groupe politique et comme membre de la délégation UE-Russie, mais également en tant qu’unique locutrice native russe députée de ce Parlement.
Certains responsables politiques oublient que la Russie est actuellement le pays le plus peuplé d’Europe et que les russophones - 10 millions de personnes environ - sont le plus important groupe minoritaire de l’Union européenne. Malheureusement, beaucoup de ceux qui parlent des ressources de la Russie pensent uniquement aux matières premières et oublient la dimension humaine. N’oublions pas que les populations sont à la base des relations UE-Russie. Les locuteurs russes de l’Union européenne sont favorables à des relations entre l’UE et la Russie basées sur un partenariat stratégique. Non seulement nous sommes pour un marché commun UE-Russie, comme l’a dit le président Sarkozy aujourd’hui, mais également pour une circulation plus libre des personnes. Nous soutenons les droits de l’homme - également mentionnés par M. Sarkozy, mais nous sommes opposés au principe «deux poids deux mesures» en vertu duquel les institutions de l’Union européenne ferment les yeux sur les violations des droits des russophones dans les États baltes.
Ģirts Valdis Kristovskis (UEN) . – (LV) Sont-elles des concurrentes ou des partenaires, des actrices rusées ou des nigaudes dépendantes? Je parle des relations entre la démocratie occidentale et l’autocratie russe. Elles ont quelque chose du jeu du chat et de la souris. Deux mois après l’action militaire en Géorgie, M. Medvedev propose un nouvel accord européen de sécurité: très drôle. L’obligeant M. Sarkozy ne voit pas que la Russie a renforcé sa présence militaire en Ossétie du Sud et en Abkhazie. A-t-on des motifs de faire confiance à la Russie? Le processus du Kosovo et le conflit géorgien auraient pu être plus instructifs. Qu’est-ce qui crée cet optimisme chez les leaders de l’Europe? La Russie va exploiter à fond la crédulité occidentale, elle grille d’envie de se venger de l’Ouest dès que l’occasion se présente. La politique relative aux étrangers déclarée par la Russie en Ossétie, en Abkhazie et en Ukraine constitue un risque significatif; une guerre a lieu dans le cyberspace. Ce n’est pas pour rien que la population russe et ses médias, y compris dans les États baltes, soutiennent l’invasion de la Géorgie par la Russie. Au point où nous en sommes, nous ne devons pas nous précipiter pour reprendre des négociations globales avec la Russie. La Russie doit tout d’abord mettre en œuvre le plan de paix du Caucase.
Roberto Fiore (NI). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais me débarrasser de l’idée que la Russie a attaqué la Géorgie. Je pense que nous devrions adopter la proposition présentée par les Russes, qui ont demandé à l’époque qu’un tribunal statue sur la question de savoir qui est réellement responsable du déclenchement de la guerre.
Ceci dit, à une époque où la créativité comptable n’existe plus, je crois qu’il est essentiel de penser à l’économie réelle qui nous attend à l’avenir et qui est faite de matières premières, de terres et de travail et qui, pour l’Europe, inclut maintenant effectivement la Russie. Je voudrais également dire que ce n’est pas seulement une affaire économique: il y a une Europe occidentale basée sur le catholicisme qui pourrait s’associer à une Europe orientale basée sur la religion orthodoxe, et ce serait effectivement l’union des deux poumons de l’Europe, de ses deux poumons spirituels.
L’Europe a donc intérêt à coopérer avec la Russie et la Russie a intérêt à coopérer avec l’Europe.
Zbigniew Zaleski (PPE-DE). - Monsieur le ministre, après ce que M. Sarkozy a dit ce matin, à savoir qu’il faut que l’Europe parle d’une voix forte, j’ai quelques réflexions à faire en polonais.
(PL) Récemment, les relations avec la Russie ont changé. L’Europe s’est divisée; elle n’a pas parlé d’une seule voix. Le commissaire Mandelson a dit que la question de l’embargo sur la viande polonaise était une affaire bilatérale. Ce n’est pas le genre d’Europe que je veux et il n’y a pas de place ici pour une telle Europe.
La crise en Géorgie a temporairement ouvert les yeux de l’Europe occidentale, surtout ceux de nos collègues socialistes, sur ce dont la Russie peut être capable. C’est-à-dire qu’elle peut être séduisante, fascinante, mais également imprévisible et pas forcément respectueuse des accords qu’elle a signés. Son attitude à l’égard de l’adhésion à l’OMC peut difficilement être qualifiée d’enthousiaste. La Russie veut maintenir ses propres règles, qui lui donnent les coudées franches pour prendre des décisions avantageuses pour elle. Il ne sera pas possible de conclure les accords de paix dont nous avons besoin, si nous ne comprenons pas cette situation. La Russie est notre plus proche voisin, c’est un pays possédant un grand potentiel, un patrimoine culturel prestigieux, c’est une nation fière; fière de son territoire qui s’étend de la Baltique au détroit de Béring. Nous devons ouvrir avec la Russie un dialogue intégrant le respect pour le peuple russe, mais basé également sur une position commune ferme à l’égard de ses leaders, à savoir M. Medvedev et M. Poutine, et cela sans vivre dans la crainte que les Russes ferment les robinets du gaz à tout moment.
Dans une large mesure, le niveau de vie de la population russe et la satisfaction de ses besoins dépendent des importations en provenance de l’Union européenne. Ce fait devrait donner à nos leaders un sentiment de force et de dignité pour négocier avec un partenaire puissant. Ainsi, plutôt que de ramper, nous devrions nous asseoir en tant que partenaires autour de la table de négociation au Kremlin. Enfin, Signora comisaria, les présidents en exercice du Conseil soulignent que le retrait de la Russie de la zone tampon a été un succès, et que cette action est un signe positif. Peut-être cela devrait-il au contraire être considéré comme un recul, qui ne sert qu’à faire croire à une concession, car la Russie ne s’est pas retirée de l’Ossétie ni de l’Abkhazie et n’a pas l’intention de le faire. Soyons réalistes et essayons de prévoir leur prochaine initiative.
Hannes Swoboda (PSE). – (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Madame la Commissaire, il y a de nombreuses différences entre les États-Unis et la Russie. Je voudrais par-dessus tout voir en Russie une élection présidentielle aussi libre que celle à laquelle je m’attends aux États-Unis aujourd’hui.
Toutefois, les grandes puissances présentent aussi certaines similitudes et j’espère que beaucoup parmi vous pourront bientôt voir l’émission diffusée par la chaîne ARTE sur Henry Kissinger. En ce qui concerne l’intervention au Chili et les continuelles interventions en Amérique latine, Kissinger et le général Alexander Haig disent ceci: si quelque chose dérange les États-Unis, ils interviennent et provoquent un changement de régime. Ils déclarent eux-mêmes que leur action était pleinement justifiée. Nous pouvons dire à peu près la même chose de la Russie, mais probablement dans de moins nombreux cas que les États-Unis.
Ces deux grandes puissances sont également quelque peu fâchées avec le droit international. Les interventions en Amérique latine, notamment, étaient manifestement contraires au droit international. La guerre en Irak était clairement une infraction au droit international, et les actions de la Russie en Abkhazie et en Ossétie du Sud étaient également contraires au droit international. Dans le cas du Kosovo, il nous faudra attendre que la Cour internationale de justice détermine si l’action était contraire au droit international.
Dans les deux cas, M. Zaleski - et je dis cela parce que je vous tiens en haute estime - vous aviez absolument raison quand vous avez dit que c’est un pays fascinant et puissant, mais imprévisible. Ces caractéristiques s’appliquent autant aux États-Unis qu’à la Russie, et nous devons réagir à ce fait.
Dans les deux cas, toutefois, je pense que rompre les négociations serait une erreur. Après la violation manifeste du droit international dans la guerre d’Irak - et c’était une violation gravissime qui a entraîné la mort de milliers de personnes - nous n’avons pas dit: «nous rompons toute négociations avec les États-Unis». Nous avons, bien entendu, poursuivi les discussions avec ce pays.
Je ne compare pas la structure interne des États-Unis et celle de la Russie, mais seulement leur comportement au niveau international. Le président Sarkozy a parfaitement raison - et je le remercie pour sa politique pragmatique et claire: nous devons absolument nous engager dans ce dialogue.
Mon deuxième commentaire concerne le fait que nous devons renforcer les pays voisins, d’autant qu’ils sont aussi nos voisins. Nous devons donner à l’Ukraine et à la Géorgie la force nécessaire pour qu’ils puissent également traiter avec leur difficile voisin, la Russie. Toutefois, nous devons veiller à ce que notre action soit rationnelle. L’initiative prise par M. Saakachvili ne l’était pas. Le comportement de M. Iouchtchenko à l’égard de Mme Timochenko, par exemple, ne l’est pas non plus. Nous devons nous assurer que nos voisins prennent des initiatives rationnelles. S’ils agissent ainsi et que nous les soutenons, alors ils résisteront eux aussi à la Russie qui, encore une fois, essaie de jouer à la grande puissance.
Andrzej Wielowieyski (ALDE). – Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Monsieur le Ministre, je suis très reconnaissant à M. Swoboda de ne pas vouloir rompre le dialogue avec les États-Unis, mais revenons à nos moutons. Il est évident que les deux parties, c’est-à-dire l’Union européenne et la Russie, ont besoin d’une coopération loyale et efficace, notamment dans le domaine énergétique.
Sans notre aide technologique, il est sûr que la Russie ne pourra donc pas, effectivement, profiter de ses ressources. Mais évidemment, aussi, nous avons besoin de la politique énergétique commune et efficace qui nous manque, comme on l’a déjà souligné dans ce débat.
Évidemment, en ce qui concerne l’établissement de la paix dans le Caucase, une politique commune est aussi nécessaire. La réalisation des accords conclus par les présidents Sarkozy et Medvedev, en ce qui concerne également le recul des troupes russes en Abkhazie et en Ossétie - qui sont maintenant trois fois plus nombreuses qu’il y a trois mois - est nécessaire, justement comme preuve indispensable de bonne volonté et de coopération loyale et crédible.
La responsabilité des Russes, dans la situation de la République caucasienne, est évidente. C’est donc la présence militaire des Russes depuis seize ans qui n’a pas été un élément d’apaisement des conflits, mais plutôt l’instrument de la politique impériale de ce grand pays, qui essayait de profiter de ces conflits. La diminution du nombre de soldats russes en Abkhazie et en Ossétie, comme l’ont déjà dit certains de mes collègues, au niveau d’avant le conflit du mois d’août, devrait alors ouvrir la voie à des négociations efficaces.
Hanna Foltyn-Kubicka (UEN). - (PL) Monsieur le Président, quand le président Sarkozy s’est exprimé devant cette Assemblée aujourd’hui, il a dit que la Russie avait satisfait à ses obligations concernant le retrait de ses troupes sur leur position antérieure au 7 août et il a appelé à la reprise des relations normales avec la Russie. Une telle action serait une grave erreur et donnerait de facto au gouvernement de la Fédération de Russie un sentiment de complète impunité.
Je voudrais vous rappeler que 8 000 soldats russes sont actuellement stationnés en Abkhazie et en Ossétie du Sud, y compris dans des lieux où ils étaient présents avant le début du conflit. Un nettoyage ethnique brutal a eu lieu dans les villages frontaliers; des soldats abkhazes ont occupé les gorges de Kodori contrôlées par la Géorgie. Plus de 200 observateurs de l’Union européenne doivent encore obtenir le droit d’entrer dans l’une des deux républiques, qui ont été reconnues par la Russie comme États indépendants. Il me semble que cet état de choses est loin de ressembler à la situation antérieure au 7 août 2008.
Il ne peut être question d’un retour à des relations normales alors que les Russes continuent à manquer à leurs obligations. Si l’Union européenne se résout malgré tout à le faire, elle risque de se couvrir de ridicule et prouvera ainsi que, tôt ou tard, elle légitimera toute action entreprise par la Russie, même la plus dangereuse.
Bastiaan Belder (IND/DEM). - (NL) Monsieur le Président, les États membres de l’UE n’ont pas serré les rangs en réaction à la division territoriale unilatérale de la Géorgie réalisée sous la supervision russe. Une fois encore, nous n’avons pas vu l’ombre d’une réponse européenne conjointe, et encore moins d’une réponse ferme, aux machinations du pouvoir au Kremlin. La question cruciale reste donc: qu’entend l’Union par «partenariat stratégique» avec la Fédération de Russie? Autrement dit, Moscou est-il réellement un partenaire indispensable pour Bruxelles, ou suis-je en train de d’aborder un sujet tabou en Europe en posant ces questions?
Après tout, le fait est qu’à ce jour la Russie a saboté toute réponse internationale efficace aux programmes nucléaires iranien et nord-coréen. Par ailleurs, Moscou n’est pas non plus apparu comme un partenaire vraiment indispensable dans la lutte sanglante contre le terrorisme islamiste, par exemple sur le front afghan.
Rien que dans le domaine de l’énergie, les chiffres suggèrent dans toute leur froideur qu’il y existe probablement un partenariat stratégique, et même indispensable, entre l’Union européenne et la Russie: aujourd’hui, les 27 États membres de l’UE dépendent à 70 % environ des exportations de pétrole et de gaz russes. Dans son intérêt l’UE devrait cependant réduire cette considérable dépendance le plus vite possible. En effet, Moscou admet que ses réserves énergétiques seront épuisées d’ici 10 à 15 ans.
Mesdames et Messieurs du Conseil et de la Commission, où en est aujourd’hui votre stratégie de diversification énergétique? La récente découverte de nouvelles réserves de gaz au Turkménistan va sûrement vous galvaniser et vous pousser à l’action.
Josef Zieleniec (PPE-DE). – (CS) Lors d’une réunion au sommet extraordinaire le 1er septembre, l’Union européenne s’est engagée à reprendre les négociations avec la Russie sur le nouvel accord de partenariat dès que les troupes russes se seraient retirées du territoire géorgien pour revenir à leurs positions antérieures au 7 août. Pour que l’Union tienne sa parole et montre qu’elle est un partenaire cohérent, la seule condition de redémarrage des négociations devrait être une évaluation pour savoir si oui ou non les troupes russes sont derrière leurs positions du 7 août. La Russie n’a pas encore rempli cette condition. La reprise des négociations ne doit en aucun cas être interprétée comme un consentement de notre part à la politique russe dans le Caucase et au maintien du blocage de fait des négociations concernant les futurs arrangements pour la région. Nous devons tracer une ligne infranchissable entre la reprise des négociations et leur continuation.
L’accord de partenariat et de coopération est un document clé qui cimentera nos relations avec la Russie. Je crois que ce nouvel accord de partenariat est nécessaire autant pour l’Union que pour la Russie, et même encore plus pour cette dernière. Un nouvel accord qui améliore le texte existant tant au point de vue qualitatif et quantitatif est une condition préalable et, en même temps, c’est le reflet de la qualité de nos relations avec la Fédération de la Russie. Il est donc essentiel de clarifier notre position et nos valeurs pendant les négociations. Je crois que, une fois effectuée l’évaluation objective et unanime montrant que la Russie s’est retirée jusqu’à ses positions du 7 août, l’Union européenne devrait commencer les négociations, comme promis. Toutefois, la poursuite des négociations doit être conditionnée, au strict minimum, par l’engagement ferme de la Russie à ne pas utiliser ses force contre la Géorgie ou tout autre de ses voisins et à ce que les litiges concernant notre voisinage partagé soient résolus avec l’accord de l’Union européenne. Le test clé déterminant pour notre acceptation à reprendre les négociations avec la Russie doit être la disponibilité de celle-ci à trouver une approche commune pour résoudre les problèmes concernant le Caucase, l’Ukraine et la Moldavie, plutôt que d’agir sur une base unilatérale en recourant à la force.
Libor Rouček (PSE). – (CS) Comme le reste du monde, l’Europe est confrontée à toute une série de graves problèmes mondiaux, tels que la proliférations des armements nucléaires, le terrorisme international, le réchauffement planétaire, les conflits non résolus au Moyen-Orient et en Afghanistan, la crise financière mondiale, entre autres. Seule, l’Union européenne ne peut en résoudre aucun. Leur résolution nécessite la coopération des autres acteurs de l’échiquier international, dont la Russie. Mais la Russie a également besoin de coopération et de dialogue. La Russie a besoin de vendre ses matières premières minérales, elle a besoin d’acheter la technologie, l’expertise, les biens de consommation occidentaux et bien d’autres choses. Ce n’est qu’alors que la Russie aura une chance de se moderniser et de réformer progressivement son économie et sa société. En coopérant, l’Union européenne et la Fédération se créeront un avenir commun. Une telle entente nécessite toutefois une condition préalable: le dialogue, un dialogue à tous les niveaux, de la politique énergétique aux activités réciproques d’investissement, sans oublier, bien sûr, le dialogue sur les droits de l’homme, les droits civils et la démocratie.
Je pense que la décision de l’Union européenne de poursuivre l’évaluation des relations UE-Russie avant le prochain sommet de Nice est judicieuse. L’Union a fait savoir clairement sa volonté de reprendre les négociations avec la Russie sur un nouvel accord de partenariat et de coopération. Toutefois, il y a une condition préalable: la Russie doit satisfaire aux obligations prévues par les accords du 12 août et du 8 septembre.
István Szent-Iványi (ALDE). – (HU) Monsieur le Président, l’UE œuvre actuellement en faveur d’un partenariat et d’une coopération avec la Russie, mais il est hors de question de parler d’un partenariat qui ne serait pas basé sur la réciprocité, le droit international et la conformité aux accords. Les actions perpétrées par la Russie en Géorgie ont détruit la base psychologique la plus fondamentale de tout partenariat: la confiance. Cette confiance ne peut être restaurée que si l’accord en six points est mis en œuvre dans tous ses détails et dans sa totalité. Ce qu’il faut, ce ne sont pas des «avancées» ou des «pas dans la bonne direction» mais une conformité réelle et totale. La Russie doit, en fin de compte, décider si elle considère l’Europe comme un partenaire, un rival ou un adversaire. Moscou doit savoir que, quelle que soit sa décision - de nous considérer comme des partenaires ou des adversaires - l’avenir et l’indépendance de l’Ukraine, de la Géorgie et d’autres pays voisins ne peuvent faire l’objet de luttes d’influence. L’Europe ne consentira jamais plus à une nouvelle partition du continent, à un nouvel accord de Yalta. Nous voulons réellement un partenariat, mais un partenariat qui soit construit sur la réciprocité et le respect mutuel. Merci de votre attention.
Laima Liucija Andrikienė (PPE-DE). – (EN) Monsieur le Président, la guerre russo-géorgienne et ses suites met en lumière la nécessité politique pour l’Union européenne de faire sérieusement le point sur ses relations avec la Russie, comme la commissaire l’a dit à juste titre aujourd’hui. De plus, le principe du business as usual devrait être suspendu jusqu’à ce que l’Europe obtienne des réponses claires de la Russie à certaines questions très importantes.
Il doit être dit que l’Europe doit trouver un ton nouveau, différent, plus ferme pour parler à la Russie. La raison en est que la Russie est retournée à l’approche des «sphères d’influence» du XIXe siècle ou, tout simplement, à la doctrine de la realpolitik. Le discours de la Russie sur les intérêts privilégiés de son voisinage témoigne de ce retour au passé Cette realpolitik se nourrit en Russie de nationalisme agressif à l’intérieur et de l’étiquetage «ennemis» des pays qui l’entourent. Dans un tel contexte, il est crucial que l’Europe comprenne qu’il est nécessaire qu’elle déploie ses instruments de pouvoir les plus fermes.
La réaction européenne au conflit russo-géorgien et à ses suites a été mitigée. Certains considèrent qu’il est raisonnable que les relations entre l’UE et la Russie reprennent en vertu du business as usual. Ils pensent ainsi malgré le fait que Moscou n’a pas entièrement satisfait à ses obligations relatives au retrait de ses troupes et, plus important encore, qu’il a reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Reprendre le business as usual avant que Moscou n’ait pleinement satisfait à ses engagements revient à faire preuve d’une volonté d’apaisement. L’Europe doit dialoguer avec la Russie, mais elle doit le faire de manière cohérente et sans renoncer à ses principes.
L’UE n’a que des moyens de pression limités à l’égard de la Russie. Néanmoins, la Russie ne serait pas indifférente à l’égard d’une position occidentale unie. La Russie est très sensible à la question de son standing et de son prestige international, à la différence entre le G7 et le G8, par exemple. Les programmes de recherche technologique, les accords commerciaux et les combustibles nucléaires sont également des choses qui intéressent Moscou.
Enfin, l’UE doit rester forte et cohérente afin de promouvoir sa vision de la manière dont le partenariat avec la Russie devrait évoluer.
Ioan Mircea Paşcu (PSE). – (EN) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Madame la Commissaire, les relations de l’UE avec la Russie avaient besoin d’une réévaluation, même sans les événements de Géorgie. L’énergie, la sécurité et les questions communes de voisinage nécessitent un concept de gestion commune qui n’existe pas encore. Dans l’UE, la préférence va encore à une action bilatérale, plutôt que multilatérale, qui diminue l’efficacité de notre approche. De plus, sur la base des différentes expériences acquises au sein de l’Union, il n’y a pas encore de perception commune d’une Russie située entre l’Est et l’Ouest comme condition préalable à une position commune. Je vais être très clair. Nous, à l’Est, nous sommes les moins enclins à avoir une confrontation parce que nous serions les premiers à y perdre. De même, nous sommes les moins disposés à permettre qu’un comportement russe inacceptable soit ignoré parce que, là encore, nous serions les premiers à y perdre s’il se répétait.
Généraliser dans un sens ou dans l’autre est une erreur. D’une part, les relations avec la Russie ne devraient pas devenir totalement l’otage de ce qui s’est passé en Géorgie. D’autre part, ce qui s’est passé en Géorgie ne devrait pas être ignoré simplement pour ne pas affecter nos relations bilatérales. Nous n’avons pas besoin de rompre nos relations avec la Russie. Après tout, nous nous avons connu encore pire dans le passé. Nous devons avoir un dialogue sincère basé sur nos forces - apparemment la seule chose que la Russie respecte - dans le cadre duquel nous indiquerions à la Russie ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, et où la Russie nous dirait enfin ce qu’elle attend réellement de nous. J’espère que nous pourrons, la Russie et nous, nous accommoder de cette solution.
Alexander Graf Lambsdorff (ALDE). – (DE) Monsieur le Président, il existe dans la politique étrangère européenne une tradition forgée en grande partie par Hans-Dietrich Genscher, qui s’engageait dans des négociations avec l’Union soviétique même pendant les périodes les plus difficiles de la guerre froide, mais toujours sur la base d’une analyse pondérée des intérêts russes. À cette époque, le principal objectif de l’Union soviétique était la défense du statu quo, alors que le principal objectif de la Russie d’aujourd’hui est de changer le statu quo à son avantage. C’est une position totalement différente en termes d’intérêts russes. La Russie a objectivement intérêt aux conflits gelés et à la critique de la charte de Paris par le biais de la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Là sont ses intérêts. Elle a intérêt à un Ukraine instable.
Il n’y a rien de bon dans tout cela. C’est un défi pour nous. Toutefois, c’est beaucoup mieux que la menace existentielle de l’Union soviétique; or, même à cette époque, nous nous engagions dans des négociations avec les Russes. Par conséquent, une chose est claire en ce qui nous concerne: nous ne voulons pas de la rhétorique de la guerre froide, mais nous ne voulons pas non plus être naïfs. Nous voulons un dialogue critique avec Moscou. Nous sommes pour l’objectif à long terme d’un partenariat stratégique, mais contre l’hypothèse naïve que nous avons déjà atteint cet objectif.
Je voudrais ajouter que j’aurais été heureux si nous avions pu tenir ce débat à Bruxelles et non à Strasbourg.
Francisco José Millán Mon (PPE-DE). – (ES) Monsieur le Président, la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, est un acteur mondial important. Elle possède un énorme arsenal nucléaire, un immense territoire et d’abondantes ressources naturelles, notamment en gaz et en pétrole. Sa coopération est essentielle à la résolution de problèmes tels que le processus de paix au Moyen-Orient, la question du nucléaire iranien, la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme, le changement climatique et la prolifération des armements nucléaires.
En conséquence, je pense que nous ne devons pas isoler la Russie, mais plutôt essayer d’instaurer avec elle un dialogue et un régime de coopération. Nous pourrions aussi établir des relations à un autre et plus ambitieux niveau. Ayant laissé derrière elle une longue période de totalitarisme politique et d’économie centralisée, la Fédération de Russie est un voisin européen qui s’est lancé il y a une dizaine d’années sur la route de la démocratie, des droits de l’homme et d’une économie d’initiative privée.
Si la Russie continue à adhérer à ces idéaux, ses relations avec l’Union européenne devraient être étroites, de vraies relations de voisins et de partenaires basées sur des valeurs fondamentales communes. La crise russo-géorgienne a été très grave. Pour nous, les représentants de l’Union européenne, les principes de bases doivent être le non-usage de la force, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États et une conformité de bonne foi aux accords internationaux.
Cet été, la Russie ne s’est pas comportée conformément à ces principes. Il me semble également que les accords du 12 août et du 8 septembre n’ont pas été mis en œuvre de manière totalement satisfaisante par la Russie, qui a peut-être profité des ambiguïtés que contiennent ces accords.
La conférence Genève n’a pas très bien commencé non plus. Si les autorités russes veulent nouer avec nous, l’UE, des relations de coopération et de confiance véritables, elles doivent adopter un comportement différent de celui qu’elles ont eu ces derniers mois. Elles doivent également veiller au respect, chez elles, des droits de l’homme et de l’État de droit que le président Medvedev lui-même a proclamés au début de son mandat.
En cette période cruciale, tel est mon avis, Mesdames et Messieurs. Nous devons être vigilants et essayer de convaincre la Russie que d’intenses relations de confiance mutuelle entre de véritables partenaires et voisins européens exigent que nous partagions les mêmes principes fondamentaux et les mêmes règles de base.
Kristian Vigenin (PSE). - (BG) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, la question des relations avec la Russie fait partie de celles qui reviennent souvent à l’ordre du jour de cette Assemblée, ce qui suffit à prouver combien elle est importante, pas seulement pour les institutions, mais aussi pour les citoyens de l’Union européenne. Je salue votre approche, Madame la Commissaire, parce que nous devons vivre dans le monde réel et parce que nous devons être pleinement conscients des risques et des conséquences négatives que représente une confrontation ouverte avec la Russie. Nous devons essayer de tirer les leçons de toute situation conflictuelle, en la transformant en force pour l’avenir. Nous ne sous-estimons pas la gravité de la campagne militaire en Géorgie. La prévention est la seule politique qui pourrait éviter la survenue de semblables développements dans les pays voisins.
Il y a deux mois, j’ai demandé à M. Solana s’il s’attendait à ce que la Russie soit plus accommodante et plus préparée à accepter un compromis après la guerre en Géorgie, ou si elle continuerait au contraire à agir de manière plus belliqueuse et plus cavalière. Bien sûr il n’a pas répondu, mais aujourd’hui je peux conclure que le scénario négatif ne se produira pas. Toutefois, tout dépend aussi beaucoup de nous. Je crois que le défi que nous avons à relever c’est de savoir comment nouer de nouvelles relations pragmatiques avec la Russie sans compromettre les valeurs fondatrices de l’UE. Il est donc important que nous ayons une stratégie claire garantissant que toute avancée dans le sens d’une coopération sur les questions de politique économique, énergétique et étrangère et sur le traitement de toute autre grande question, doit donner lieu, parallèlement, à une avancée en matière de promotion des droits de l’homme et de réformes démocratique en Russie.
En conclusion, je voudrais souligner qu’il est important de mettre en évidence les questions qui peuvent engager la Russie à mettre en œuvre les politiques que nous avons en commun - je n’énumérerai pas toutes ces questions ici. Je crois que l’approche suivie jusqu’à ce jour par la Commission et le Conseil sera maintenue et conduira au succès.
Merci de votre attention.
Toomas Savi (ALDE). - (EN) Monsieur le Président, le Parlement européen est la seule institution de l’UE directement élue par les citoyens de l’UE. On l’a également appelé la conscience de l’Europe. Au fil des ans, cette conscience a été troublée par les conflits provoqués par la Russie. Souvenons-nous de la guerre en Tchétchénie; souvenons-nous de l’Ukraine; des files de camions faisant la queue pendant des semaines aux frontières finlandaise, estonienne et lettone; le conflit gelé de Transnistrie; les cyber-attaques contre l’Estonie; l’interdiction de la viande polonaise. Et voici pour couronner le tout l’agression de la Russie contre la Géorgie.
Je suis préoccupé par le fait que l’UE réagit timidement, qu’elle tourne autour du pot au lieu de discuter de sanctions. Nous ne faisons qu’encourager la Russie à adopter un comportement encore plus irresponsable. Je suis convaincu qu’une conscience claire à l’égard de la Russie n’est pas un luxe que l’Union européenne ne peut s’offrir.
Ari Vatanen (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, la semaine prochaine, la construction d’un circuit de F1 va commencer à Moscou. Si on veut construire un circuit, on doit s’en tenir aux plans dessinés par l’architecte. Il n’y a pas deux solutions. Nous sommes censés être les architectes de la démocratie dans cette Assemblée et peut-être devrions-nous parler, pas exactement des relations UE-Russie, mais des relations UE-Kremlin, parce que les chefs du Kremlin changeront un jour, et nous espérons que cela changera en mieux.
Il va de soi que nous voulons «faire avec» la Russie, que nous voulons «faire avec» le Kremlin. C’est indiscutable, mais la question est: à quelles conditions? Cela ne peut pas être à leurs conditions. Cela doit se faire aux conditions universelles de valeurs universelles. Nous sommes censés défendre les fondations mêmes de l’UE. Si on fait partie des scouts, on doit respecter le code scout. Si nous fermons les yeux sur les… - comment dirais-je - pratiques actuelles du régime du Kremlin, nous nous privons nous-mêmes, pour ainsi dire, de la raison d’être de l’UE. Nous trahissons également le peuple russe, parce que nous devons soutenir les forces démocratiques partout dans le monde. Ne faisons pas deux poids deux mesures. Nous devons donner de l’espoir à ces peuples qui luttent pour les valeurs fondamentales de la vie. C’est notre devoir.
Si la Russie devient démocratique, nous devons l’accueillir dans toute structure internationale. Nous devons voir loin, comme les pères fondateurs l’ont fait. Pourquoi la Russie n’appartiendrait-elle pas un jour à une UE réformée ou à l’OTAN? On ne sait jamais. M. Monnet et M. Schuman étaient des visionnaires. C’est la voie à suivre. Cette discussion devient très sérieuse, alors puis-je simplement vous rappeler - quand je pense à nos relations - une blague russe. Un poulet dit à un cochon: «Formons une co-entreprise. Constituons une société de petit-déjeuner. J’apporte les œufs et tu apportes le lard».
Katrin Saks (PSE). - (ET) Il est clair que nous ne pouvons pas parler de restauration ou d’amélioration des relations avec la Russie s’il n’y a pas de confiance mutuelle. Or la confiance ne pourra pas être rétablie si le plan de paix n’est pas mis en œuvre dans sa totalité. Je vois les relations avec Moscou selon deux perspectives. Tout d’abord, au niveau de l’État membre, où je partage l’avis qu’il est plus judicieux de discuter de ces sujets que de rompre les relations. Mais au niveau de l’Union européenne, notre message est que l’Union devrait prendre en compte nos désirs et nos craintes à nous, les petits pays qui ont connu une histoire différente. De même que la politique étrangère russe agressive ou les violations des droits de l’homme ne peuvent être le seul message de la Russie, agir pour ses intérêts en ignorant les plus faibles, c’est-à-dire les pays d’Europe orientale, ne peut pas non plus être la seule forme de comportement de l’Union européenne.
J’ai apprécié ce que le président français de droite Nicolas Sarkozy a dit aujourd’hui: il a souligné la nécessité de dialoguer au lieu de contre-attaquer. Il nous a rappelé qu’on pensait qu’il ne servait à rien d’aller à Moscou, mais qu’y aller avait tout de même arrêté les troupes russes. Il évident que nous n’avons pas besoin d’une nouvelle guerre froide. Mais nous avons besoin de défendre nos principes européens de souveraineté, d’intégrité territoriale et de politique et de démocratie basées sur des valeurs.
J’appelle l’Union européenne à continuer d’appliquer une politique étrangère durable avec la Russie et à ne pas rompre les relations. Les députés du Parlement ont le devoir d’apaiser les tensions. Nous avons besoin de diplomatie et aussi d’une diplomatie populaire, dont le festival de théâtre russe très apprécié qui vient de se terminer dans mon pays, l’Estonie, est un bon exemple. Je voudrais également appeler les leaders de l’Europe, la présidence de l’UE et les chefs de partis du Parlement européen à ne pas oublier les sentiment de crainte et d’horreur que la Russie continue à susciter chez ses voisins en poursuivant sa politique agressive. Il est clair qu’actuellement il y a très peu de confiance et de respect dans les relations entre l’Union européenne et la Russie, à cause de…
(Le président retire la parole à l’oratrice)
Jerzy Buzek (PPE-DE). - (PL) Je vous remercie de me donner l’occasion de discuter de cette question. Je crois que nous tous, dans cette Assemblée, nous voulons la même chose. Nous voulons coopérer avec la Russie. Nous voulons également une situation politique stable et prévisible en Europe. De son côté, la Russie a certainement besoin de nous - l’Union européenne - parce qu’elle veut vendre du gaz et du pétrole brut, mais surtout parce qu’elle a ses propres problèmes intérieurs et extérieurs. La Russie a besoin de notre stabilité, de notre responsabilité et de notre force. Alors qu’est-ce qui sépare les membre de cette Assemblée sur cette question? C’est que nos avis divergent sur la façon de gérer nos relations avec la Russie en vue de réaliser les objectifs de l’Union européenne, non seulement au plan économique, mais également en matière de respect des principes et des système de valeurs en lesquelles nous croyons.
Je voudrais vous donner un exemple tiré de ma propre expérience. En 2001, les relations entre la Russie et la Pologne étaient vraiment très bonnes et le ministre polonais des affaires étrangères a été reçu à Moscou avec tous les honneurs. Le premier ministre russe est venu à Varsovie pour discuter d’importantes questions relatives à nos relations réciproques, notamment dans le domaine de l’énergie. Il a même prolongé sa visite d’une journée, un fait plutôt rare dans ces circonstances. Tout ceci malgré le fait que, à peine deux ans plus tôt, en 1999, la Pologne avait expulsé une douzaine de diplomates russes qui étaient impliqués dans diverses activités sans aucun rapport avec la diplomatie. Une courte crise s’en était suivie jusqu’à ce que les Russes reconnaissent finalement qu’il valait la peine de parler et avec nous et d’entreprendre des actions conjointes. Ainsi, quand quelqu’un est dans son bon droit, il a la force de maintenir sa position.
Les Russes sont un peuple fier, avec de grandes traditions. Ils apprécient la détermination et la force de caractère chez les autres, plus que les explications compliquées visant à dire que «noir n’est pas tout à fait noir». Quand on a manifestement raison, une position ferme et résolue est la seule solution.
Maria-Eleni Koppa (PSE). - (EL) Monsieur le Président, l’Union européenne est aujourd’hui confrontée au problème de la restauration de ses relations avec la Russie. Ces relations doivent être fondées sur le respect des droits de l’homme et l’adhésion au droit international. L’évolution du contexte international est telle que de nouvelles relations stratégiques doivent être forgées entre l’Union européenne et la Russie. L’objectif final, c’est une Europe unifiée, sans les lignes de démarcation qu’elle a connues dans le passé.
Nous devons coopérer étroitement dans le cadre de la politique européenne de voisinage pour établir la stabilité dans ce domaine, étant donné qu’aucun des conflits gelés dans le Caucase n’a de chance sérieuse d’être résolu sans la Russie. Nous avons intérêt à chercher des solutions communes aux problèmes communs, à reprendre le plus vite possible les négociations en vue d’un partenariat et à ouvrir un dialogue dans un esprit de compréhension et de respect réciproques. Ce n’est qu’ainsi qu’il y aura quelque espoir de trouver, même aux problèmes les plus difficiles, des solutions propres à servir mutuellement nos intérêts. La politique interne de stabilité de l’Europe dans son ensemble en a également besoin.
Il faut faire comprendre aux pays du Caucase et aux États-Unis que des relations euro-atlantiques élargies doivent aller de pair avec la normalisation des relations avec Moscou. Si l’objectif est véritablement la sécurité collective, alors la coopération et la participation de chacun est nécessaire. Sinon, ce sera le retour à l’impasse de la mentalité de la guerre froide.
Gunnar Hökmark (PPE-DE). - (SV) Monsieur le Président, la carte de l’Europe a été modifiée par des forces armées et par la guerre. En agissant ainsi, la Russie a montré qu’elle est prête à recourir à la force militaire pour parvenir à ses fins politiques. Ne laissons pas ce fait en dehors de notre débat d’aujourd’hui. Il va naturellement affecter notre vision de la Russie, mais il va aussi influencer les diverses exigences qui doivent être imposées relativement à toute future coopération. Je voudrais mettre en garde ceux qui comparent cette situation à d’autres situations. Monsieur Swoboda, s’il vous plaît, ne comparez pas cette situation à celle de l’Irak. L’Irak était une des dictatures les plus brutales qui soient et elle était en conflit avec la communauté internationale. Nous pouvons avoir des avis divergents sur ce qui s’est passé, mais ne comparez pas l’Irak avec un démocratie européenne et un État souverain.
Il n’y a pas d’excuse à ce qui a été fait à la Géorgie. N’essayez pas d’excuser ce qui est inexcusable. Ni la Russie, ni un autre pays n’a d’intérêts sécuritaires légitimes dans un autre pays européen quel qu’il soit. Ce principe doit être le point de départ de toute coopération européenne. Sinon la base de la coopération sera faussée et la voie ouverte à d’autres violences.
Nous sommes engagés dans plusieurs domaines dans une coopération d’envergure qui nécessite l’implication de la Russie. Ces domaines incluent le secteur énergétique, l’Iran et le changement climatique. Je pense que l’Europe et l’Union européenne devraient être ouvertes à la coopération, mais en maintenant clairement les exigences qui doivent constituer la base de cette coopération. Nous devrions saluer la coopération, mais ce principe devrait également être clairement énoncé quand on en vient aux exigences auxquelles il ne peut être dérogé. Cette attitude nous permettra également d’aider la Russie à accepter progressivement la démocratie et le respect des règles fondamentales. Elle doit être à la base de la politique européenne à l’égard de la Russie.
Ioannis Varvitsiotis (PPE-DE). - (EL) Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la Commissaire, je comprends pourquoi beaucoup de mes collègues prennent position contre la Russie. Ils souffrent à cause du passé. En Grèce, nous avons eu une guerre civile qui a duré quatre années entières et fait de nombreux morts.
Alors, nous ne pouvons pas continuer à regarder en arrière. Nous devons aussi reconnaître les points où la Russie a raison. Avons-nous oublié que Poutine a averti que la reconnaissance du Kosovo déclencherait un retour de flamme? Avons-nous oublié que Bush a rompu la promesse faite par les États-Unis à la Russie de ne pas étendre l’OTAN vers l’est?
Il n’y a qu’une seule politique que nous devrions suivre: c’est la politique formulée par le président Sarkozy aujourd’hui quand il a dit qu’il serait irresponsable de laisser une crise se développer dans les relations entre l’Union européenne et la Russie.
Adrian Severin (PSE). - (EN) Monsieur le Président, la Russie n’est plus l’ennemi soviétique de l’Europe libre et démocratique. La Russie n’est pas encore le partenaire stratégique de l’Union européenne. Il faut sortir de cette ambiguïté. La Russie est trop grosse pour être isolée; la Russie est trop importante pour être ignorée. L’Union européenne doit construire sur ces réalités.
Les crises géopolitiques dans le Caucase du Sud et les Balkans occidentaux prouvent que la Russie et les démocraties euro-atlantiques pourraient promouvoir, de manière désintéressée, des mesures unilatérales à leur convenance, sans tenir compte de leurs priorités respectives.
La récente crise financière et économique mondiale a prouvé que la Russie et l’Union européenne sont interdépendantes et ont besoin l’une de l’autre. Par conséquent, nous devons convoquer une nouvelle conférence sur la sécurité et la coopération dans une Europe élargie, de Vancouver à Shanghai cette fois, pour refondre les principes et les règles de relations internationales et du droit international des organisations internationales...
(Le président retire la parole à l’orateur)
Bogusław Rogalski (UEN). - (PL) Petit à petit, la Russie reprend le contrôle de ses voisins et parvient à ses fins dans le domaine de la politique étrangère. Elle présente au monde des faits accomplis, tandis que les responsables politiques européens se contentent d’éructations hypocrites et faibles. Le président français a eu beau inonder la Russie de flatteries, la Russie n’a pas pour autant retiré ses troupes des régions rebelles de Géorgie et elle a reconnu leur indépendance. La chancelière allemande, pour sa part, a garanti à Tbilissi que la Géorgie rejoindrait l’OTAN. Quelques semaines plus tard, elle assurait au président Medvedev qu’il n’y avait pas de raison de précipiter les choses.
Oui, la Russie sait à n’en pas douter comment récompenser une telle loyauté. La société allemande E.ON s’est vu accorder l’accès aux réserves sibériennes et au marché énergétique et les deux pays vont construire ensemble un gazoduc, un cordon ombilical, sous la mer Baltique. Le président français, de son côté a signé à Moscou des contrats de plusieurs milliards concernant la modernisation du système ferroviaire russe. L’exemple le plus honteux du comportement de l’Europe à l’égard de la Russie, c’est quand le président Sarkozy a déclaré que la Russie avait le droit de défendre ses citoyens.
Allons-nous croire que le président du Conseil ne savait pas que cette méthode a été utilisée par la Russie à plusieurs reprises dans le passé? C’est un nouveau Yalta…..
(Le président retire la parole à l’orateur)
Le Président. – Mesdames et Messieurs, je dois vous dire que, lorsque vous parlez à la vitesse du dernier orateur, il n’y a pas d’interprétation car les interprètes ne peuvent évidemment pas soutenir ce rythme. La procédure de la main levée n’a pas été conçue comme une astuce permettant de s’exprimer quand aucun temps de parole ne vous a été attribué. Nous allons soumettre la procédure au Bureau, car de plus en plus de députés l’utilisent. Il est évident que lorsque 14 ou 15 députés demandent la parole de cette manière, nous ne pouvons pas les caser tous. Quoi qu’il en soit, veuillez noter que si vous parlez très vite, il n’y a que vous et vos compatriotes qui pourront vous comprendre car aucun interprète ne peut suivre ce rythme.
Christopher Beazley (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, j’ai trois questions à poser à la commissaire. Elle s’est prononcée en faveur de la reprise des négociations, de même que mon collègue Hökmark. Quels sont les intérêts de l’UE qu’elle défendra pendant ces négociations? Exigera-t-elle que les troupes russes - 8 000 soldats stationnent encore sur le territoire géorgien - se retirent, notamment de la gorge de Kodori, que les soldats abkhazes ont illégalement occupée, en la prenant aux troupes géorgiennes?
Deuxièmement, la Russie va-t-elle envisager de contribuer aux fonds nécessaires pour réparer les dommages subis par les citoyens géorgiens et les infrastructures géorgiennes et causés par les troupes russes?
Enfin, est-il exact qu’elle dispose d’informations selon lesquelles, tandis que Saakachvili est accusé d’intempérance, il y avait en fait 400 chars russes...
(Le président retire la parole à l’orateur)
Miloš Koterec (PSE). – (SK) Si nous traitons la Russie comme un ennemi, nous partons sur une base fausse. Comme cela a été dit à de nombreuses reprises, nous partageons de nombreux intérêts communs stratégiques avec la Russie. La mondialisation est un fait et nous devrions être conscients des risques réels que nous courons en ce qui concerne l’avenir, la paix, le développement et notre existence même.
J’en conviens: condamnons la réaction disproportionnée en Géorgie et toute autre action de ce genre. Mais qu’est-ce que nous nous imaginions? Nous critiquons, nous réagissons; mais travaillons donc aussi avec la Russie en la traitant d’égal à égal et comme un partenaire potentiellement stratégique et contribuons aux solutions proposées au sommet de novembre. Ce faisant, nous prendrons au moins soin de nos propres intérêts.
Reinhard Rack (PPE-DE). – (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Madame la Commissaire, le débat précédent a montré très clairement que nous avons d’innombrables sujets de préoccupation communs avec la Russie, et que nombre de ces sujets communs s’avèrent aussi être des points de friction: la situation dans le Caucase et en Géorgie et la question de l’énergie ont été discutées de nombreuses fois, ainsi que la question de nos intérêts communs dans la crise financière, qui a été évoquée à nouveau et à juste titre.
Ma requête à la Commission et au Conseil - que le président Sarkozy a brièvement abordée - est la suivante: l’Europe pourrait-elle cesser de se contenter de réagir aux situations et essayer, activement et proactivement, de prendre l’initiative d’ouvrir des discussions sur la série de questions qui sont importantes pour nous. Un dialogue constructif avec la Russie est nécessaire, mais il ne devrait pas être systématiquement déterminé par des initiatives prises par une seule partie.
Tunne Kelam (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je pense que le principal problème n’est pas la Russie, mais la nature contradictoire de l’UE, la division des valeurs, les tentations et la nécessité de continuer le business as usual. La solution consiste à montrer de manière convaincante que l’UE est sérieuse quand elle parle de mettre en pratique ses valeurs universelles - il ne s’agit pas des valeurs de l’UE ou des valeurs russes - et de garantir que ce qui s’est passé en Géorgie ne se reproduise plus jamais en Europe. La Géorgie fait partie de l’Europe.
Comment devrions nous appliquer cette solution? Pas en y allant sur la pointe des pieds, comme M. Savi l’a suggéré, mais en prenant clairement position sur la manière de prévenir que de telles choses surviennent à l’avenir.
Ma question concerne également la conférence des donateurs. Devrions-nous demander à la Russie de couvrir une partie des dommages...
(Le président retire la parole à l’orateur)
Czesław Adam Siekierski (PPE-DE). - (PL) Établir de bonnes relations avec la Fédération de Russie représente un énorme défi pour l’Union européenne. La Fédération de Russie est l’un de nos plus puissants partenaires en matière politique, économique et militaire.
Les récents événements en Géorgie ont largement entamé notre confiance dans notre voisin de l’Est. La politique étrangère russe a révélé les aspirations d’un Kremlin qui vise à reconstruire un vaste empire mondial et ne respecte pas suffisamment les accords internationaux. Moscou a clairement délimité sa sphère d’influence. Ce comportement place l’Union européenne dans un situation très difficile. Dans cette circonstance, nous avons heureusement parlé d’une seule voix, bien que cette voix soit à peine audible.
À la suite des événements de Géorgie, nous devrions réfléchir à la question de savoir comment poursuivre une politique cohérente à l’égard de la Russie. La question de la sécurité, par exemple, exige actuellement une action immédiate de notre part.
(Le président retire la parole à l’orateur)
Charles Tannock (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je voudrais rendre un hommage spécial à M. Sarkozy, sous la présidence française, pour avoir veillé à ce que 90 % du plan en six points soient appliqués en termes de retrait des troupes de Géorgie. Je pense que les leaders russes, MM. Poutine et Medvedev, ont réalisé un peu tard que leur agression disproportionnée contre la Géorgie était une erreur, car ils ont toujours besoin de bonnes relations avec l’Ouest ou de faire face au désastre économique. En outre, seuls le Venezuela, le Nicaragua et le Hamas terroriste ont à ce jour reconnu l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, ce qui embarrasse leur gouvernement. De plus, leurs plus proches alliés, comme le Belarus et l’Ouzbékistan, ont résisté aux pressions visant à leur faire admettre le nouveau concept russe de l’auto-détermination récemment découvert, qui n’a jamais été appliqué aux Tchétchènes.
La Russie doit comprendre que les sphères d’influence style XIXe siècle sont passées de mode dans le monde moderne. Alors à l’avenir, bas les pattes en Ukraine et notamment en Crimée; bas les pattes en Moldavie ou dans les républiques du Caucase du Sud. Leur intégrité territoriale doit être respectée par Moscou dans le...
(Le président retire la parole à l’orateur)
Jean-Pierre Jouyet, président en exercice du Conseil. – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire qu’il est normal que nous ayons entendu, dans cette enceinte, des positions différentes, compte tenu de la nature de l’Union. Ça a été un débat de qualité - je m’en réjouis - à part l’intervention de M. Batten, qui m’a choqué, à titre personnel. Mais hormis cette intervention, les autres ont été parfaitement légitimes. Je remercie également Mme Neyts et M. Couteaux pour leur proposition de lecture, cela va nous permettre d’enrichir notre vision des relations entre Napoléon et la Russie et, à Benita et à moi, de faire mieux connaissance avec celles entre l’Autriche et la Russie.
S’agissant plus fondamentalement de l’origine et du déroulement du conflit, je vais faire trois remarques pour ce qui est de la Présidence de l’Union: la première, c’est que, bien évidemment, le recours à la force a été une erreur; la seconde, c’est qu’il y a eu une réaction disproportionnée de la part de la Russie mais, comme il a été souligné ce matin, pour qu’il y ait réaction, il a fallu qu’il y ait action, même si cela reste disproportionné; la troisième, c’est que l’Union européenne souhaite une enquête internationale indépendante sur l’origine et le déroulement du conflit.
Sur l’étendue du retrait russe et la stabilité du Caucase, je voudrais dire aussi qu’il ne faut pas non plus faire comme s’il ne s’était rien passé. On nous a dit: «La présidence fait comme si les relations étaient normales». Non, enfin, il s’est passé des choses depuis le mois d’août. Il y a deux mois, nous étions confrontés à un conflit armé, le 10 octobre, nous avons pu constater le retrait russe des zones adjacentes, c’est un pas - comme je l’ai dit - supplémentaire essentiel.
Cela ne signifie pas que la Russie a satisfait à l’ensemble de ses obligations, nous en sommes pleinement conscients - et je réponds là notamment aux intervenants qui ont souligné les problèmes qui se posent dans la région d’Algori - mais à ce stade, l’essentiel, c’est d’engager, maintenant, un processus politique, et c’est le but du cycle de conférences qui s’engage à Genève. Le message de l’Union est qu’il ne doit plus y avoir de zones d’influence sur le continent. L’Union européenne et la Russie ont un voisinage commun au profit duquel nous devons coopérer, et non nous affronter.
Concernant la reprise des négociations sur le partenariat, je dis que la négociation du futur accord est reportée, qu’elle n’est pas suspendue, pour les raisons juridiques qui ont été invoquées également lors du débat de ce matin et, comme l’a dit le Conseil européen le 15 octobre dernier, la poursuite des négociations prendra en compte l’évaluation qui est demandée à la Commission et au Conseil. Ceci est parfaitement logique, comme l’a d’ailleurs souligné Mme Neyts. Je précise qu’il faut bien distinguer ce qui est reprise des négociations de la tenue du sommet Union européenne-Russie du 14 novembre. Ce sommet se tiendra, il est plus que jamais nécessaire, ce débat l’a montré. Le sommet n’a pas pour vocation, par lui-même, de procéder à un exercice de négociation du futur accord de partenariat.
Je souhaite également revenir sur ce qu’ont dit plusieurs intervenants sur la notion d’interdépendance. C’est vrai que cette interdépendance doit être conçue au sens large. Elle existe dans tous les domaines: elle existe sur le plan énergétique, c’est une évidence, et je dirais même que pour certains États membres de l’Union, c’est une dépendance à laquelle il convient de remédier par la diversification des sources d’approvisionnement. Au-delà, nous sommes également dépendants dans le domaine de la sécurité internationale, et c’est pour cette raison que l’Union européenne ne doit pas laisser sans réponse les propositions du président russe, M. Medvedev, en faveur d’un nouveau cadre de sécurité européen même si le point de vue de l’Union européenne n’est pas nécessairement le même que celui de la Russie.
Je souhaiterais, à cet égard, comme l’a fait un certain nombre d’entre vous, rappeler notre attachement à l’acte final d’Helsinki, à la charte de Paris, documents auxquels la Russie a souscrit, M. Onyszkiewicz a eu raison de le souligner. Dans ce contexte, il faut bien évidemment, comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, une analyse sobre des relations avec la Russie. Il n’est pas question de retour à la guerre froide, il n’est pas moins non plus question de transiger avec les valeurs et avec ce que sont nos principes. Mais pour cela, nous avons plus que jamais besoin d’avoir un dialogue construit avec la Russie.
Je remercie tous ceux qui ont félicité la présidence française de l’Union européenne pour son action, surtout M. Wielowieyski et M. Tannock. La présidence française a agi d’autant plus efficacement, et je veux conclure, qu’elle peut compter sur le soutien de l’ensemble des États membres, de la Commission européenne, de votre Assemblée. La division de l’Union européenne serait sans nul doute le meilleur moyen pour la Russie d’affaiblir l’Union.
Compte tenu de la très forte polarisation du débat entre ceux qui nous ont rejoints le plus récemment et les anciens membres de l’Union européenne, il faut souligner que nous avons plus que besoin, et ce débat le montre, d’unité dans le traitement de la crise géorgienne, que nous avons plus que jamais besoin d’unité dans le dialogue avec la Russie: unité de l’Union européenne dans la condamnation de l’usage de la force par les parties et la violation de l’intégrité territoriale; unité de l’Union européenne dans l’action, c’est-à-dire le déploiement des observateurs civils sur le terrain; unité, enfin, de l’Union européenne dans la définition de ses intérêts, notamment dans le domaine énergétique et dans le domaine plus global de la sécurité internationale. C’est sur la base de cette unité que reprendront, le moment venu, les négociations d’un futur accord avec la Russie.
Benita Ferrero-Waldner, membre de la Commission. − Monsieur le Président, ce débat a été très intéressant, mais c’est aussi un débat qui a fait apparaître des réflexions très différentes. Il y a différents points de vue et différent aspects, tout comme nous voyons certains aspects différents prévaloir dans le cadre du débat au Conseil. J’abonde complètement dans le sens de notre président du Conseil et de notre ami: le plus important, c’est que nous parlions d’une seule voix, et d’une voix ferme. C’est ce qui devrait se faire lors de la prochaine réunion du sommet européen avec la Russie.
Quels sont nos intérêts? Je pense les avoir exposés clairement dans ma première intervention. Comme nous sommes très interdépendants, il y a tout d’abord tous les intérêts importants en matière économique et énergétique, mais il y a aussi des intérêts relatifs à l’échiquier mondial. Parmi ces derniers, ont été mentionnés le changement climatique, la sécurité des approvisionnements énergétiques, la question de savoir comment nous pouvons parvenir à un futur accord à Copenhague. Que faire en ce qui concerne l’Iran et le Moyen-Orient? Il est clair que nous avons un intérêt dans toutes ces différentes questions, et c’est ce que je voulais souligner et réitérer.
Lors du prochain Conseil Affaires générales et relations extérieures le 10 novembre, nous aurons une très importante discussion et j’espère que nous trouverons le bon protocole d’accord sur la poursuite des négociations sur le nouvel accord UE-Russie, car celles-ci n’ont été que reportées. Je pense que les paroles de notre président ont été très claires. Je le dis parce que je pense que c’est la meilleure voie à suivre, mais en même temps, nous devrons également signer. Nous devons prendre la Russie comme elle est et non comme nous voudrions qu’elle soit. Cela aussi, c’est clair. Cela signifie aborder le sujet des droits de l’homme tel qu’il a été décrit aujourd’hui et parler de toutes les différences. C’est ce que nous avons fait lors des derniers sommets où j’étais personnellement présente.
En ce qui concerne les questions posées sur les 8 000 soldats, le Conseil européen y a donné une réponse claire; il a constaté avec satisfaction que les troupes russes se sont retirées des zones adjacentes à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie, ce qui représente une avancée supplémentaire et essentielle dans la mise en œuvre des accords des 12 août et 8 septembre, de même que le lancement des discussions internationales à Genève prévues par ces accords. Je pense que Genève est le meilleur lieu pour continuer à négocier en vue d’une solution politique. Le démarrage de ces discussions a été difficile, mais le processus est lancé et maintenant nous voulons aller de l’avant. Voilà pour mon premier commentaire.
Deuxièmement, pour vous répondre franchement, la Russie ne sera pas présente à la conférence des donateurs, mais je pense que le temps viendra où la question de dommages pourrait être mise sur la table; une enquête internationale sera alors réalisée. Le Conseil, qui est favorable à une telle discussion internationale, en a déjà discuté.
Permettez-moi de dire un mot sur les droits de l’homme. Comme je l’ai dit précédemment, nous sommes préoccupés par certains développements internes à la Russie, notamment la mort violente de journalistes, les restrictions imposées aux ONG, la situation dans le Caucase du Nord en général et en Ingouchie en particulier. Nous avons également appelé à des enquêtes approfondies sur des affaires telles que le meurtre d’Anna Politkovskaia et la mort récente de Magomed Yevloyev après son arrestation par la police. Comme je l’ai dit, le dernier cycle de consultations sur les droits de l’homme a lieu aujourd’hui et il offrira certainement l’occasion d’exprimer clairement ces préoccupations.
Nous avons aussi déclaré officiellement à la Russie qu’elle doit coopérer pleinement avec le Conseil de l’Europe et ratifier le protocole 14 sur la Cour européenne des droits de l’homme et le protocole 6 sur la peine de mort.
Concernant l’adhésion à l’OMC, nous, l’Union européenne, nous restons fortement partisans de l’adhésion à l’OMC parce que nous pensons que cette démarche créera un terrain de jeu équitable, ce qui est nécessaire à notre communauté économique, et nous pensons qu’il est de notre intérêt de partenaire commercial majeur que la Russie adhère à un système réglementé. Mais c’est également important dans la perspective du développement de nos relations bilatérales. Il est donc essentiel que nous continuions à appuyer ce projet. Nous devons continuer à nous engager ouvertement aux côtés des Russes en faveur de cette importante procédure, mais il est évident que nous devons trouver des solutions pour eux et avec eux, en temps utile.
La question de la sécurité des approvisionnements énergétiques et de l’énergie propre a été abordée. Je dirai simplement que nous avons aussi ouvert un dialogue sur l’énergie et un dialogue sur l’environnement. Par conséquent, les questions d’efficacité énergétique, d’énergie propre, etc., ont déjà été traitées lors de différentes réunions du G8 et de nos sommets européens et elles seront certainement l’un des thèmes importants de la phase préparatoire de Copenhague, où nous aurons également besoin de la coopération de la Russie. La Commission a soutenu la mise en œuvre conjointe de projets dans le cadre du protocole de Kyoto et elle est prête à en faire plus, parce que nous pensons que c’est une question très importante.
Concernant l’architecture sécuritaire européenne, je voudrais simplement expliquer que le président Medvedev l’a déjà mentionnée au sommet UE-Russie de juin à Khanty-Mansiysk - pas après la crise en Géorgie, mais avant. J’y étais et je le sais très bien, je voulais seulement le mentionner par souci de clarté. C’est une vieille idée russe qui est revenue sur le devant de la scène et je pense qu’il est intéressant que le président Sarkozy ait proposé d’en parler, éventuellement, au sommet de l’OSCE en 2009. Nous n’y sommes pas encore, mais permettez-moi de dire qu’il est extrêmement important que la question d’un partenariat sécuritaire soit discutée, mais toujours relativement à toutes les relations existantes en matière de sécurité, ceci étant un principe que nous devons clairement poser.
Pour terminer, permettez-moi de dire qu’il est tellement important que nous fassions avancer la question des conflits gelés - c’est clair - que je proposerai une communication sur le partenariat oriental très prochainement, fin novembre/début décembre. Nous en avons déjà discuté au Conseil, et il y aura aussi une très forte composante sécuritaire, mais nous avons également d’autres mécanismes institutionnels comme le groupe de Minsk qui ne devraient donc pas en être exclus.
Mes dernières remarques seront pour les bombes à sous-munitions, car ce sujet a également été mentionné. Permettez-moi de dire que nous devons regretter profondément que des bombes à sous-munitions aient été utilisées des deux côtés, créant ainsi d’énormes obstacles au retour dans leurs foyers des personnes intérieurement déplacées. En conséquence, nous voulons discuter avec les organisations internationales actives dans ce domaine pour nettoyer les zones concernées, mais aussi pour faire en sorte que ces bombes à sous-munitions n’existent plus à l’avenir.
Le Président. − Le débat est clos.
Déclarations écrites (article 142)
Alexandra Dobolyi (PSE), par écrit. – (EN) Les récents événements ont soulevé des questions quant à la nature de nos relations à court et à long terme. Mais nous devons aller de l’avant. Les négociations entre l’UE et la Russie sur un nouvel accord de partenariat stratégique devraient continuer. Les deux parties ont tout intérêt à conclure cet accord. L’UE a tout intérêt à promouvoir un véritable «partenariat stratégique» avec Moscou. Nous devons être pragmatiques et réalistes et poursuivre une politique orientée sur les résultats. L’UE doit trouver une meilleure approche commune pour traiter avec la Russie de questions telles que les actuels défis économiques mondiaux, l’énergie, l’interdépendance économique, la non-prolifération, le terrorisme et le changement climatique, parce que ces sujets relèvent de nos intérêts réciproques fondamentaux. Nous ne pouvons pas nous permettre de marginaliser la Russie, nous devons nous engager avec elle de manière constructive. Aujourd’hui plus que jamais, le dialogue et la coopération à long terme sont nécessaires. Isoler la Russie ne servirait à rien. Les relations doivent être renforcées dans de nombreux domaines d’intérêt mutuel, notamment en ce qui concerne le traitement de la crise financière actuelle et la création d’une nouvelle architecture financière mondiale - où la coopération avec la Russie, ainsi qu’avec la Chine et l’Inde, est absolument nécessaire - et l’établissement de la stabilité et de la sécurité dans la zone commune de voisinage de l’UE et de la Russie.
Lasse Lehtinen (PSE), par écrit. – (FI) Le monde occidental est encore une fois déçu dans ses espoirs concernant la Russie. Après l’effondrement de l’Union soviétique, on a cru que la Russie, désormais libérée de ses verrous idéologiques et ayant rejeté le communisme, se débarrasserait en même temps du totalitarisme, de l’autoritarisme et que la persécution des dissidents cesserait. On croyait, comme on l’avait cru souvent auparavant, que la Russie pourrait se rapprocher de l’Europe et de ses valeurs. Or la Russie n’est pas devenue une économie démocratique de marché, mais une sorte de dictature capitaliste d’exploitation, où les droits civils sont subordonnés à une puissance supérieure.
Dans les discussions, il est parfois difficile de faire la distinction entre les rêves qu’on prend naïvement pour des réalités et le pragmatisme calculateur. L’UE et les États membres ont réagi à la guerre en Géorgie de manière très diverse. Nous devons maintenant nous demander si, par exemple, l’attitude sélective de la Russie, qui met l’accent sur les valeurs économiques, ne compromet pas notre base de valeurs communes. L’UE est construite sur des valeurs communes et l’idée que tous les problèmes pratiques devraient être résolus par la négociation et non par la guerre. L’institution doit être maintenue en vie pour que les plus petits membres de l’UE et ceux qui ont l’intention d’y adhérer puissent également continuer à exister. Dans le contexte des relations bilatérales des États membres avec la Russie, ces principes communs ne sont pas négociables.
Andres Tarand (PSE), par écrit. – (ET) Monsieur le Président, plusieurs députés de ce Parlement ont déclaré que l’avidité est la cause de l’actuelle crise financière. Dans un article publié au printemps dernier, M. Schöpflin décrit ce phénomène vieux comme le monde comme un facteur important dans les relations UE-Russie. Je dois dire qu’à l’époque de la publication de son article j’étais parvenu à la même conclusion en prenant en considération les relations de plusieurs États membres de l’UE concernant l’énergie au cours des dernières années. Ces dernières semaines - depuis le premier choc des événements d’août - on a retrouvé ce même phénomène dans l’affaire géorgienne. Un certain groupe de personnalités politiques ont pu se convaincre mutuellement, afin de soulager leur conscience collective, que le principal coupable du conflit était Saakachvili. Peut-être Saakachvili a-t-il également organisé la déportation de Géorgiens de Moscou il y a deux ans et commandé le positionnement de la division de paracommandos Pskov dans la zone la veille des batailles? Je crois qu’il est plus raisonnable de considérer cette affaire comme le résultat de la dangereuse politique de restauration des sphères d’influence russes, et nous devrions réagir en conséquence.
Bernard Wojciechowski (IND/DEM), par écrit – (PL) Ceci se manifeste dans le secteur économique par le besoin que la Russie a des investissements et de la technologie de l’Union européenne. L’Union européenne a besoin des matières premières russes. En 2001, les États membres de l’UE représentaient 79 % des investissements étrangers russes, soit un montant de près de 30 milliards de dollars. En mai 2004, la part des vingt-cinq États membres de l’Union européenne dans les échanges commerciaux de la Russie s’établissait à 55 %.
Il n’est pas dans l’intérêt des États membres de l’Union européenne de laisser leurs relations avec la Russie se détériorer. L’Union doit diversifier ses approvisionnements en pétrole brut et en gaz naturel. Grâce à son potentiel politique et économique, la Russie est un partenaire sérieux pour l’Union européenne. Si l’Union européenne voulait promouvoir sur l’échiquier international des idées qui diffèrent de celles des États-Unis, alors le soutien politique de la Russie pourrait être la clé de leur mise en œuvre. Par exemple, le protocole de Kyoto est entré en vigueur à la suite de la ratification du document par la Russie, en échange de quoi l’Union européenne a acquiescé à l’adhésion de la Russie à l’OMC.