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Procédure : 2008/2642(RSP)
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RC-B6-0571/2008

Débats :

PV 22/10/2008 - 14
CRE 22/10/2008 - 14

Votes :

PV 23/10/2008 - 8.7
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P6_TA(2008)0523

Compte rendu in extenso des débats
Mercredi 22 octobre 2008 - Strasbourg Edition JO

14. Commémoration de l’Holodomor, la Grande famine en Ukraine (1932-1933) (débat)
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Procès-verbal
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  La Présidente. - L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur la commémoration de l’Holodomor, la Grande famine ukrainienne de 1932-1933.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour souhaiter la bienvenue au Parlement européen à une délégation ukrainienne dirigée par son ambassadeur.

(Applaudissements)

 
  
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  Antonio Tajani, vice-président de la Commission. – (IT) Madame la Présidente, chers députés, je suis honoré de participer à ce débat qui commémore la Grande famine de 1932 et 1933, l’une des grandes tragédies du XXe siècle. Après de nombreuses années de silence, les témoignages de ces souffrances et les histoires personnelles de nombreux survivants de cet événement tragique réclament notre attention.

Il est essentiel de ne pas oublier l’expérience de l’Holodomor. L’histoire de la Grande famine illustre non seulement la tragédie du peuple ukrainien, mais elle nous rappelle aussi une fois de plus de quoi les êtres humains sont capables. Mais l’Holodomor a quelque chose d’important à nous apprendre: ses nombreuses victimes ne sont pas mortes en vain. Leur sacrifice nous rappelle de ne jamais permettre à un État de subjuguer ainsi une population, quelle qu’en soit la cause ou quel que soit son objectif. Cette famine désastreuse a démontré la supériorité des régimes constitutionnels sur ceux qui ne permettent aucune forme de contestation. Les tragédies telles que l’Holodomor ne sont possibles que dans les sociétés qui violent les droits des citoyens, la règle de droit et les principes démocratiques.

L’Union européenne est née des cendres de la guerre et de nombreux régimes totalitaires, de dictatures qui ont marqué profondément l’histoire de l’Europe et du monde entier. C’est pourtant de ces tragédies et de ces catastrophes que sont nées les démocraties européennes. Au cours des 50 dernières années, une longue période de paix a été bâtie sur ces ruines, une paix que nous avons le devoir de défendre et de porter au-delà des frontières de l’Union. Ces 50 années de paix sont la plus grande réussite d’une Europe unie.

Aujourd’hui, l’Ukraine a changé elle aussi. En tant que pays indépendant, membre du Conseil de l’Europe et signataire de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que de nombreux autres instruments internationaux visant à sauvegarder ces droits fondamentaux, l’Ukraine a une opportunité unique de se consolider, de renforcer sa position en tant qu’État démocratique respectueux des droits de l’homme et de la règle de droit. Il s’agit sans aucun doute d’une tâche ambitieuse et difficile. Nous avons été les témoins de nombreux bouleversements. De nombreux conflits politiques ont marqué l’histoire récente de ce pays, dont la démocratie s’est renforcée.

En ce moment historique, nous devons soutenir et encourager politiquement l’indépendance du système judiciaire. Il est important que l’Ukraine continue à lutter contre la corruption et qu’elle tienne compte des résultats des élections récentes afin de garantir le respect des principes démocratiques. Elle ne doit pas non plus oublier de protéger les citoyens les plus vulnérables et marginalisés et ce, quels que soient leur origine ethnique ou raciale, leur religion, leur orientation sexuelle ou de leur état de santé.

L’Union européenne continuera à soutenir l’Ukraine dans ces efforts importants. Dans le même temps, nous continuerons à collaborer avec nos partenaires ukrainiens pour rehausser le niveau de vie de tous les citoyens de ce pays en ouvrant de nouveaux marchés et en améliorant les perspectives en termes d’activités économiques et d’investissements, en plus de l’approfondissement des relations entre nos concitoyens.

En tant que commissaire chargé des transports, je voudrais rappeler que les réseaux transeuropéens ne servent pas uniquement à renforcer notre marché intérieur, mais qu’ils peuvent également servir d’outils permettant de repousser les frontières de l’Europe, d’ouvrir l’Europe à de nouveaux horizons et de renforcer les liens qui nous unissent à des pays amis en bordure de l’Union européenne, comme l’Ukraine.

Le plus bel hommage que nous puissions rendre aux victimes de l’Holodomor est la création d’une Ukraine prospère, stable et démocratique basée sur des institutions solides et sur une société civile engagée. Ce n’est qu’à cette condition que le sacrifice de si nombreuses victimes innocentes n’aura pas été vain.

 
  
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  Charles Tannock , au nom du Groupe PPE-DE. – (EN) Madame la Présidente, l’Union européenne repose sur la réconciliation, sur la conviction que nous pouvons construire un avenir meilleur en admettant notre passé dans toute sa brutalité.

L’Allemagne, à raison, a regardé en face et tenté d’expier les horreurs indicibles de la période nazie et de l’Holocauste. Les nouveaux États membres de notre Union trouvent leur propre façon de rechercher la vérité et la réconciliation par une analyse franche et sans compromis de leur passé totalitaire communiste. Mais certains pays s’efforcent encore de nier leur propre histoire. Il me semble par exemple que la Turquie continue à nier le génocide perpétré contre les Arméniens et les Assyriens en profitant de la première Guerre mondiale. La Russie, elle aussi, peine à admettre la brutalité de la dictature communiste de Staline.

L’objectif de la résolution dont nous discutons ce soir est d’exprimer notre horreur face à l’Holodomor, la famine provoquée intentionnellement en 1932-1933. Cette résolution reflète notre détermination à nous souvenir de ses millions de victimes, dont certaines vivent encore aujourd’hui et nous racontent l’horreur de cette époque. Leurs témoignages sont d’une importance capitale, parce qu’ils ne seront bientôt plus là. Ce n’est qu’en nous remémorant ces crimes monstrueux contre l’humanité que nous pourrons faire en sorte qu’ils ne se reproduisent jamais plus. Cette résolution ne contient pas le terme «génocide», parce que d’autres groupes politiques au sein de cette Assemblée pensent que la définition stricte de ce mot ne s’applique pas à l’Holodomor. Après tout, la Convention sur le génocide n’a été signée qu’après la deuxième Guerre mondiale. Mais peut-être aussi que ces groupes ont peur d’offenser la Russie actuelle, ce qui me semble plus regrettable.

Mais personne parmi nous ne souhaite minimiser les souffrances inimaginables infligées à l’Ukraine. Les mots ne suffisent pas à décrire l’atrocité de l’Holodomor. L’important n’est pas tellement le texte que nous utilisons, mais le sentiment que nous essayons d’exprimer dans notre résolution, à savoir notre solidarité avec l’Ukraine en ce 75e anniversaire des massacres perpétrés contre sa population si longtemps opprimée.

L’histoire nous enseigne l’importance, pour pouvoir punir les responsables de ces souffrances, de posséder des structures judiciaires internationales et un droit international forts comme ceux que nous possédons aujourd’hui. Nuremberg a marqué le début de ce processus long et difficile. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, qui jugera bientôt Radovan Karadzić, montre que ces principes sont aussi importants aujourd’hui que jamais. Hier, cette Assemblée a exprimé son soutien résolu en faveur de la traduction devant le Tribunal pénal international de Joseph Kony, le chef de l’Armée de résistance du Seigneur en Ouganda. Les tyrans assoiffés de massacres et de destruction, comme Joseph Staline dont nous discutons ce soir, ne doivent pouvoir trouver refuge nulle part.

L’Ukraine a beaucoup souffert tout au long de son histoire et j’espère aujourd’hui que la prochaine étape de cette histoire glorieuse verra l’Ukraine, dans un avenir relativement proche, prendre la place qui lui revient en tant que membre à part entière de l’Union européenne. Après la crise en Géorgie, nul ne peut douter que bon nombre de nationalistes russes ont du mal à accepter, par exemple, la souveraineté de l’Ukraine sur la Crimée. Mais je suis sûr que si nous nous unissons tous dans notre solidarité envers le peuple ukrainien, ce pays retrouvera un jour sa place au sein de la famille des nations européennes.

 
  
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  Adrian Severin , au nom du Groupe PSE. (EN) Madame la Présidente, il s’agit d’un débat très particulier. En tant qu’organe politique, la mission du Parlement européen est de légiférer et de fournir aux décideurs du pouvoir exécutif l’orientation politique nécessaire pour leur permettre de gérer correctement les défis, les opportunités et les dangers de notre époque. Notre mission est donc de faire l’histoire et non de l’écrire. On ne nous demande pas de juger le passé mais de construire le présent, et c’est en principe l’avenir qui nous jugera.

C’est pourquoi le groupe socialiste n’a accepté qu’à contrecœur d’approuver une résolution dont l’objectif semble être d’imposer une vérité historique concernant des événements tragiques qui se sont déroulés autrefois en Ukraine.

Nous l’avons fait parce que nous comprenons que la solidarité avec le peuple ukrainien et ses souffrances peut contribuer à mobiliser les Ukrainiens dans leurs efforts pour unir leur pays, le démocratiser, le moderniser et le ramener dans le giron de sa famille naturelle, l’Union européenne. Nous savons aussi qu’oublier les tragédies et les crimes du passé, c’est pour ainsi dire assurer qu’ils se reproduisent. La condamnation historique des crimes ne permet pas de dédommager leurs victimes ni leurs descendants, mais elle représente une réparation morale. Elle offre en outre une certaine garantie intellectuelle et politique contre la répétition de ces crimes et la résurgence des instincts malfaisants qui en ont été la cause.

En condamnant les crimes des anciens régimes totalitaires, nous jetons l’opprobre non seulement sur les criminels du passé, mais aussi sur tous ceux qui pourraient avoir envie de recourir aux mêmes méthodes criminelles à l’avenir. Le fait de savoir que l’impunité n’existe pas pourrait bien les en dissuader.

Nous devons affirmer aujourd’hui qu’il n’existe pas de raison d’État, d’objectif social ni de principe idéologique qui puisse excuser un crime tel que l’Holodomor, la famine artificielle qui a provoqué tant de souffrances pour de si nombreuses victimes innocentes dans une tentative insensée d’anéantir la dignité morale, la fierté nationale et l’existence matérielle même du grand peuple ukrainien.

Mais alors que nous condamnons ces crimes, que nous exprimons notre solidarité avec leurs victimes et que nous dénonçons cette tentative de détruire tout un peuple, nous ne pouvons pas rejeter sur un autre peuple la responsabilité de ces crimes.

L’Holodomor fut le produit d’un régime politique totalitaire. Tous les peuples qui ont été soumis à ce régime ont été victimes de crimes et de souffrances similaires. Le débat d’aujourd’hui ne doit pas simplement nous rappeler que nous devons toujours rester unis contre le totalitarisme, mais aussi que la génération ukrainienne actuelle, au nom et en souvenir des victimes de l’Holodomor, doit éliminer de son pays et de son histoire tous les instincts, toutes les tendances et toutes les pratiques autoritaires. Les Ukrainiens d’aujourd’hui doivent consolider leur unité nationale et réaliser ensemble leurs idéaux démocratiques.

Notre expression de solidarité devrait également inspirer les Ukrainiens à rechercher la solidarité et la réconciliation, à l’intérieur comme à l’extérieur de leur pays. À l’intérieur, avec leurs propres compatriotes appartenant à des groupes ethniques ou culturels différents, et à l’extérieur, avec nos voisins.

C’est l’une des meilleures façons pour eux de pouvoir un jour devenir membres de l’Union européenne et, s’ils choisissent cette voie, notre débat de ce soir n’aura pas été en vain. L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne serait la meilleure réparation historique que les Ukrainiens eux-mêmes puissent offrir aux victimes de l’Holodomor.

 
  
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  Grażyna Staniszewska, au nom du Groupe ALDE. (PL) Madame la Présidente, l’Holodomor, la famine artificielle provoquée en Ukraine, est l’un des plus grands crimes commis en Europe au XXe siècle. Pour prouver le bien-fondé de l’économie collective et pour détruire la principale menace qui pesait alors sur le régime communiste d’Union soviétique, à savoir les agriculteurs indépendants ukrainiens, le régime stalinien a provoqué une famine artificielle qui a entraîné la mort de plusieurs millions d’Ukrainiens. Toutes les réserves alimentaires ont été confisquées. La famine a provoqué un exode massif depuis les campagnes vers les villes, dont les autorités ont bloqué l’accès en instaurant des passeports internes et en interdisant les voyages en train. Ceux qui restaient dans les villages n’avaient pas d’autre choix que de glaner illégalement quelque nourriture dans les champs des fermes collectives, un délit puni par des peines de prison ou même par la peine de mort. Ils n’avaient pas le droit de garder la moindre poignée de grain pour eux-mêmes. Le régime a instauré la règle des «cinq épis», selon laquelle quiconque récoltait plus de cinq épis de blé risquait la peine de mort.

Malheureusement l’Holodomor, aussi appelé Grande famine, est un événement historique pratiquement inconnu dans de nombreux pays d’Europe occidentale. Jusqu’il y a peu, l’URSS niait catégoriquement ces faits historiques. Jusqu’à la chute de l’Union soviétique, toute mention de cet épisode était considérée comme un crime de «propagande antisoviétique». Des moyens de désinformation active étaient utilisés contre les journalistes occidentaux. Ce n’est que récemment que la publication des registres de la population a révélé le nombre de victimes de cette famine.

La famine ukrainienne a été reconnue comme un génocide par les gouvernements ou parlements de 26 pays, dont la Pologne. Je suis fermement convaincue que le Parlement européen ne restera pas inactif sur cette question. Nous devons reconnaître l’Holodomor en tant que crime contre le peuple ukrainien et en tant que crime contre l’humanité, et condamner fermement les actions du régime stalinien contre les paysans ukrainiens.

Je pense également qu’il est grand temps que toutes les informations concernant cette famine soient rendues publiques. Les pays de l’ancienne Union soviétique doivent permettre aux historiens d’accéder aux archives concernant l’Holodomor en Ukraine en 1932-1933 afin de permettre des études impartiales.

Cette année marque le 75e anniversaire de ce crime choquant. Je saisis cette occasion pour exprimer ma sympathie envers le peuple ukrainien victime de cette terrible tragédie.

 
  
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  Rebecca Harms , au nom du groupe des Verts/ALE.(DE) Madame la Présidente, le début de mon allocution est presque identique à celui choisi par M. Tannock. Cela n’arrive pas souvent. «The past is the prologue of the future», peut-on lire à l’entrée des Archives nationales de Washington, et à juste titre. Cette devise exprime l’espoir que les hommes puissent tirer les leçons de l’histoire. Parfois ils y arrivent, pas toujours. Nous pouvons en tout cas essayer.

Je remarque souvent, et une fois de plus à l’occasion de cette résolution sur l’Holodomor, que certains chapitres de l’histoire de l’Europe de l’Est et l’Ouest au siècle dernier sont moins connus que d’autres. Lors des discussions entre les groupes sur la décision de déposer ou non la résolution d’aujourd’hui, l’opinion prédominante a d’abord été sceptique. Interrogés sur la question, la plupart des députés ont admis qu’il n’avait aucune idée de ce que signifiait le terme «Holodomor» et de ce qu’il représentait. Nous sommes peut-être au début d’une prise de conscience commune de ce terrible moment de l’histoire qui s’est déroulé au cœur de l’Europe il n’y a même pas un siècle, mais à peine un bon demi-siècle. Cette prise de conscience nous permettra peut-être, avec l’aide des survivants, d’en écrire l’histoire avec précision.

Pour le groupe des Verts / Alliance libre européenne, la commémoration des victimes de cette tragédie est au cœur de l’admission que nous faisons en signant cette résolution. Nous pensons que pour rendre hommage dignement aux victimes, nous devons avoir une meilleure connaissance de cette tragédie, de ce terrible crime commis par le régime soviétique.

Deuxièmement, nous espérons que l’Ukraine et la Russie parviendront ensemble à faire face à cet épisode historique. Ce que nous ne voulons pas, et je dis cela en tant qu’Allemande née dans les années 1950, c’est que cette confrontation avec l’histoire et cette écriture correcte de l’histoire contribuent à creuser le fossé entre deux nations. Nous ne voulons pas que cela se produise en Ukraine, ni entre l’Ukraine et la Russie.

Je suis donc convaincue que l’ouverture des archives est une condition essentielle. Voilà ce que nous devons exiger. Le conseil de l’Europe devrait également en discuter afin que Moscou permette l’accès à ces archives.

Je me réjouis que le Parlement européen soit parvenu à adopter une position unie. J’espère sincèrement que l’Ukraine se concentrera sur l’étude de l’histoire et sur la commémoration des victimes, et que cette catastrophe ne sera pas manipulée à des fins politiques. Si elle y parvient, le rêve que les hommes puissent tirer les leçons du passé sera un peu plus proche de la réalité.

 
  
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  Adam Bielan , au nom du Groupe UEN. (PL) Madame la Présidente, nous commémorons cette année le 75e anniversaire de la famine de 1932-1933 en Ukraine. Cette famine ne fut pas une catastrophe naturelle, mais le résultat d’un projet génocidaire de Joseph Staline qui, après s’être occupé de l’intelligentsia ukrainienne, voulait détruire les populations rurales de l’Ukraine. Quelque 10 millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont morts des suites de ce génocide. Il s’agit d’une extermination intentionnelle et systématique perpétrée par les autorités de l’Union soviétique. Les intentions criminelles des communistes étaient claires. Pendant que les Ukrainiens mouraient de faim, les Soviétiques exportaient des millions de tonnes de céréales et bloquaient les frontières ukrainiennes pour empêcher sa population dévastée d’entrer en Russie. Les Soviétiques ont rejeté les propositions d’aide humanitaire de la communauté internationale, affirmant qu’il n’y avait pas de famine.

La Fédération russe actuelle fait preuve d’hypocrisie vis-à-vis de l’histoire des crimes communistes, et présente Staline comme un gestionnaire efficace. Certains pays occidentaux ont fermé les yeux lors de cette terrible tragédie pour le peuple ukrainien parce qu’ils étaient en train de nouer des liens diplomatiques avec l’Union soviétique, qu’ils souhaitaient faire dépendre de la coopération économique. Mais aujourd’hui nous ne pouvons pas rester silencieux, et il est de notre devoir d’honorer la mémoire des victimes de l’Holodomor.

 
  
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  Helmuth Markov, au nom du groupe GUE/NGL. – (DE) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, j’ai passé de nombreuses années de ma vie en Ukraine, j’y ai vécu, et cette question est donc, bien sûr, chargée d’émotions pour moi.

Il n’existe aucune raison, aucune excuse qui puisse justifier la famine de 1932-1933 ou en atténuer la gravité. Cette famine a touché l’Ukraine, la Russie, notamment dans les régions de la Volga, du Don et du Kouban, la Sibérie occidentale, le Sud de l’Oural et la partie Nord du Kazakhstan. Cette famine a fait des millions de victimes de différentes nationalités: des Ukrainiens, des Russes, des Kazakhs, des Juifs, des Allemands, des Bélarusses, des Tartares et bien d’autres encore. Nous devons commémorer ces victimes et dire clairement que cette famine était l’expression et le résultat d’une politique inhumaine, du crime consistant à exporter des céréales tout en laissant son propre peuple mourir de faim.

Mais alors, pourquoi ne suis-je pas d’accord avec cette résolution? Tout d’abord, parce qu’elle associe cette tragédie et ce crime uniquement à l’Ukraine et aux Ukrainiens. Comme je l’ai dit, cela ne reflète pas la réalité historique. Quiconque refuse de considérer aussi les autres républiques socialistes de l’Union soviétique et les autres nationalités concernées fait preuve de racisme et de mépris pour la souffrance des victimes concernées.

Deuxièmement, cette résolution reconnaît l’Holodomor comme un génocide. Le génocide est défini comme une extermination selon des critères ethniques. C’est le cas notamment de l’Holocauste. En mettant ces deux crimes sur le même pied, nous nions le caractère unique du crime d’extermination des Juifs européens commis par le régime national-socialiste. Jusqu’à présent, l’unicité de ce crime avait fait l’objet d’un large consensus démocratique.

La sévérité dont nous devons faire preuve pour condamner les événements survenus en Union soviétique ne nécessite pas cette assimilation. Je suis convaincu que c’est la principale raison pour laquelle l’ambassadeur israélien en Ukraine, Mme Kalay-Kleitman, a déclaré dans une interview avec le Serkalo Nedeli qu’Israël ne pouvait pas reconnaître l’Holodomor comme un acte de génocide ethnique.

Troisièmement, le 10 décembre 2008, nous fêterons le 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme des Nations unies. Les droits de l’homme sont universels et indivisibles. On ne peut pas les approcher de façon sélective, selon les circonstances ou les intérêts politiques. Le XXe siècle a connu une multitude de crimes horribles qui, bien qu’ils aient tous causé la mort de millions d’innocents, ne sont pas comparables: la première Guerre mondiale, l’invasion fasciste, l’agression japonaise contre la Chine et la Corée, les bombes atomiques larguées par les États-Unis sur Hiroshima et Nagasaki, la politique menée par Staline contre son propre peuple, les ravages des différentes puissances coloniales dans leurs sphères d’influence, la terreur de Khmers Rouges, le massacre des Tutsis et des Hutus. Cette liste monstrueuse est presque infinie. Le Parlement européen devrait condamner ces actes inhumains sous toutes leurs formes.

Quatrièmement, il ne devrait plus jamais y avoir de famine, que ce soit pour des raisons politiques ou économiques. Face aux milliards d’euros dégagés pour aider les banques, Ingeborg Schäuble, présidente sortante de l’association humanitaire Welthungerhilfe, a demandé un plan de sauvetage contre la faim dans le monde. Il faudrait consacrer 14 milliards d’euros par an à l’agriculture des pays en développement pour atteindre les objectifs du Millénaire et réduire de moitié d’ici 2015 le nombre de personnes souffrant de la faim. En 2007, la faim a touché 923 millions de personnes.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éradiquer la faim comme la peste.

 
  
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  Bastiaan Belder, au nom du groupe IND/DEM.(NL) Madame la Présidente, Holodomor est une combinaison des mots ukrainiens holod (famine) et moryty (mettre à mort), et signifie donc «l’extermination par la faim». Le terme Holodomor désigne la mort par la famine de 6 à 7 millions de personnes, dont 3,5 millions en Ukraine, 2 millions au Kazakhstan et plusieurs centaines de milliers dans le Caucase septentrional, le long de la Volga et en Sibérie occidentale, au cours des années 1932 et 1933.

L’Holodomor désigne la confiscation brutale des récoltes de céréales des agriculteurs ukrainiens par Staline et ses sbires, qui voyaient en cette mesure un moyen bolchéviste efficace d’enseigner aux habitants de ce pays les principes de la collectivisation forcée de l’agriculture.

L’Holodomor fait référence à la négation délibérée par les staliniens de la terrible famine survenue en Ukraine et dans d’autres régions de l’Union soviétique, privant ainsi des millions de victimes de toute aide intérieure ou extérieure.

L’Holodomor fait référence aux exportations ininterrompues de céréales par le pouvoir soviétique pendant les années de famine 1932 et 1933, alors que les volumes exportés auraient pu nourrir un million et demi de personnes pendant un an.

L’Holodomor désigne le génocide des villageois ukrainiens par l’adoption d’une politique de famine pure et simple sous la forme d’un blocus économique complet des campagnes, d’amendes en nature ou encore des listes noires et du gel des approvisionnements imposés par le décret du 18 novembre 1932 adopté par Molotov, l’envoyé de Staline à Kharkiv à l’époque.

L’Holodomor, c’est le symbole de la paranoïa de Staline vis-à-vis du nationalisme ukrainien, que le grand guide considérait comme la cause principale de ce qu’il percevait comme un approvisionnement insuffisant en céréales depuis le grenier de l’Europe.

L’Holodomor symbolise le rêve de Staline d’anéantir à tout jamais les rêves d’autonomie ou même d’indépendance de l’Ukraine.

Nous savons aujourd’hui que ce plan démoniaque a échoué.

 
  
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  Bruno Gollnisch (NI). – Madame la Présidente, de la Russie soviétique de Lénine à la Corée du Nord de Kim Il-sung, aujourd’hui, en passant par la Chine de Mao, l’Éthiopie de Mengistu, le Cambodge de Pol Pot - et cette liste, hélas, n’est pas exhaustive -, on peut affirmer que la famine est consubstantielle au communisme.

Cependant, la famine qui a tué près de 10 millions d’Ukrainiens entre 1932 et 1933 n’est pas seulement le résultat de l’absurdité économique et sociale du communisme, ni de la haine qu’il porte au monde paysan. Mais elle a été programmée par les autorités soviétiques qui ont, d’une part, réquisitionné tous les stocks de nourriture des paysans, y compris les semences et, de l’autre, utilisé les forces de l’ordre pour interdire, par tous les moyens, les départs massifs d’Ukrainiens qui tentaient alors d’échapper à la mort. C’est ce qui se passe encore aujourd’hui en Corée du Nord.

L’article 6 du statut de la Cour pénale internationale définit le génocide comme l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tant que tel et aussi, je cite, «la soumission intentionnelle du groupe à des conditions devant entraîner sa destruction physique, totale ou partielle». L’extermination par la famine - l’Holodomor - décidée par les communistes soviétiques en 1932 correspond à cette définition, n’en déplaise à notre collègue, M. Markov.

Le 28 novembre 2006, le parlement ukrainien a qualifié de génocide l’Holodomor. Il est regrettable que l’Organisation des Nations unies, à cause du veto russe et de la lâcheté des gouvernements français et britannique, ait refusé de lui donner cette qualification. Celle-ci ne remet pas en cause, d’ailleurs, l’honneur du peuple russe qui, lui aussi, a été victime du communisme, mais elle dénonce l’horreur de ce totalitarisme, qui a tué dans le monde 200 millions d’êtres humains, et que nous dénonçons aujourd’hui, il faut le dire, bien tardivement.

 
  
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  José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra (PPE-DE).(ES) Madame la Présidente, le débat de ce soir a pour but de commémorer (c’est-à-dire de nous remettre en mémoire) le sacrifice de millions de personnes victimes d’un désastre démographique sans précédent en temps de paix et provoqué par les politiques de Staline.

Madame la Présidente, je pense que la famine dont ces populations ont souffert était le résultat d’une attaque menée contre les agriculteurs ukrainiens qui résistaient fermement à la collectivisation.

Comme M. Bielan, notamment, l’a rappelé au Parlement, il s’agit bien là d’un acte délibéré. La récolte de 1932, bien qu’inférieure à la moyenne, aurait suffi à nourrir toute la population - comme le prouve d’ailleurs le fait que cette même année, l’Union soviétique ait exporté plus d’un million de tonnes de céréales vers l’Europe occidentale.

Cette politique, comme l’ont souligné tous les intervenants dans ce débat, a eu pour conséquence la mort de 6 à 8 millions de personnes dans toute l’Union soviétique, dont 5 à 6 millions en Ukraine. La gravité de cet événement ne réside pas seulement dans la mort d’un si grand nombre de personnes, mais aussi dans le silence et la dissimulation.

C’est pourquoi je suis convaincu, Madame la Présidente, qu’il est important que le Parlement européen, comme d’autres institutions telles que les Nations unies ou l’assemblée parlementaire de l’OSCE l’ont fait avant lui, rende hommage aujourd’hui au sacrifice de toutes ces victimes d’une idéologie totalitaire et criminelle et garde vivant leur souvenir.

Toutefois, Madame la Présidente, et d’autres l’ont dit également au sein de cette Assemblée, le plus important est de regarder vers l’avenir et de faire en sorte que les enfants qui naissent aujourd’hui dans le grand pays d’Ukraine ne connaissent les horreurs de l’Holodomor, vécues par les générations précédentes, que par les livres d’histoire et les archives des journaux.

 
  
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  Józef Pinior (PSE).(PL) Madame la Présidente, le Parlement européen commémore aujourd’hui le 75e anniversaire de la Grande famine en Ukraine, l’un des crimes contre l’humanité les plus graves du XXe siècle. La famine qui a frappé l’Ukraine, la région de la Volga, le Kazakhstan et d’autres régions d’Union soviétique en 1932-1933 n’est pas le résultat d’une catastrophe naturelle, mais de la politique de Staline. La collectivisation forcée de l’agriculture, la lutte contre la propriété privée dans les campagnes, l’anéantissement des classes moyennes et de l’entreprise privée sous une dictature totalitaire, la violence de l’État envers les agriculteurs. Tous ces facteurs ont provoqué la famine et la mort dans des circonstances horribles de millions de personnes. L’Union européenne rend hommage aux victimes de ce crime et salue ceux qui y ont survécu, les derniers témoins vivants de cette tragédie.

La Grande famine a touché principalement le peuple ukrainien. La politique de Staline en Ukraine consistait d’une part à imposer la collectivisation dans des conditions inhumaines, et d’autre part à détruire la culture nationale et les églises et à réprimer l’intelligentsia. Au cours des années 1930, de nombreux écrivains ukrainiens ont été exécutés, mis en prison ou envoyés dans des camps de travail. Les groupements d’écrivains ont été dissous en 1932. De nombreuses personnalités culturelles nationales ont péri. La Rozstriliane Vidrodzenniya («Renaissance du peloton d’exécution») symbolise l’Ukraine au XXe siècle.

La famine qui a touché l’Ukraine et d’autres régions de l’Union soviétique est un sujet de recherches fondamental pour les historiens, les analystes politiques et ceux qui étudient le totalitarisme. La Grande famine ne doit pas faire l’objet de manipulations idéologiques ni de politiques nationalistes. Il faut ouvrir toutes les archives du régime stalinien et mener des recherches précises pour déterminer le nombre de victimes, avec des descriptions académiques précises des causes, du déroulement et des conséquences de la famine. Le fait de connaître la vérité sur le passé contribuera à l’unité et au développement d’une culture démocratique en tant que fondement permanent de l’Europe.

Je voudrais profiter de ce débat pour rendre hommage aux œuvres magnifiques de l’émigré polonais Jerzy Giedroyc, dont la revue Kultura, publiée à Paris, a permis à la Pologne et à l’Ukraine de mieux se comprendre. Je voudrais présenter au Parlement européen l’anthologie en ukrainien publiée dans Kultura en 1957 et consacrée à la persécution des écrivains ukrainiens (Rozstriliane Vidrodzenniya), éditée par Lavrinenko, mais aussi les chroniques polono-ukrainiennes de 1952, publiées par le professeur Bohdan Osadchuk dans cette même revue, comme des exemples d’une Europe qui collabore pour vaincre le fatalisme historique et pour parvenir à un accord entre les nations concernant une communauté démocratique future.

 
  
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  Šarūnas Birutis (ALDE).(LT) Mesdames et Messieurs, l’Holodomor, la Grande famine ukrainienne, est un épisode de l’histoire européenne que nous ne devons pas oublier. Je suis convaincu que cette famine doit être reconnue comme un acte de génocide commis par l’Union soviétique contre la nation ukrainienne. Il s’agit de l’un des pires crimes contre l’humanité commis du temps de l’Union soviétique. La tragédie du peuple ukrainien était un secret bien gardé. Même en Europe, peu de gens savaient que l’un des crimes les plus sauvages du XXe siècle avait été commis, non pas dans un pays lointain, mais ici même en Europe et en temps de paix. Des millions d’Ukrainiens ont été victimes d’une famine provoquée délibérément par les autorités soviétiques. L’anéantissement des paysans par le régime totalitaire soviétique représente également une crise identitaire pour l’Ukraine. Nous devons donc tout d’abord condamner les partisans du régime qui, dans les anciennes républiques soviétiques, nient ce crime comme ils nient d’autres crimes de l’époque communiste. Nous devons ensuite soutenir l’objectif de l’Ukraine, l’objectif de nos futurs collègues, d’obtenir la reconnaissance internationale de ce génocide perpétré contre la nation ukrainienne. Et troisièmement, l’Holodomor n’est que l’un des nombreux crimes du communisme, et ces crimes devront tôt ou tard faire l’objet d’un deuxième Nuremberg.

 
  
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  Milan Horácek (Verts/ALE).(DE) Madame la Présidente, l’Union européenne et de nombreux autres pays ont reconnu le désastre connu sous le nom d’Holodomor, qui a eu lieu en Ukraine en 1932-1933, comme un crime contre le peuple ukrainien. Même l’Assemblée générale des Nations unies, en 2007, a commémoré les victimes de l’Holodomor et condamné le régime.

Le régime stalinien d’Union soviétique a provoqué artificiellement une pénurie alimentaire pour forcer l’Ukraine - et pas seulement l’Ukraine - à accepter l’agriculture planifiée. Aux yeux des dirigeants de l’époque, cet objectif était plus important que les vies humaines. Ils n’ont accordé aucune attention au peuple, et des millions de personnes ont connu une mort atroce. Cela signifie que l’Holodomor n’est pas une catastrophe naturelle, c’est un crime préparé par les hommes et exécuté de sang froid.

Je me réjouis du débat d’aujourd’hui. La réhabilitation systématique et la dénonciation publique des crimes sont la seule façon de venir à bout du passé. L’ouverture des archives est un premier pas important dans la bonne direction. Ceci concerne non seulement l’Ukraine mais aussi tous les autres pays qui ont vécu sous le régime communiste soviétique, et évidemment la Russie elle-même.

Comme le montre notre expérience des archives, il ne suffit pas d’accorder un accès général au public. Il faut également apporter une aide à la recherche d’informations. Pour y parvenir, on peut par exemple ouvrir des centres de documentation employant des historiens.

Les crimes commis ne peuvent plus être empêchés, mais nous ne devons jamais les oublier, et nous ne devons surtout pas oublier leurs victimes. La reconnaissance internationale de l’Holodomor comme un meurtre massif, commis contre la population d’Ukraine et d’ailleurs, est d’une importance capitale pour la politique mondiale. Elle pourrait constituer un précédent pour de nombreuses autres nations qui ont connu des massacres semblables dans le passé.

En tout cas, l’Union européenne envoie un message clair à la Russie en commémorant le crime commis et en le condamnant catégoriquement. Elle indique ainsi sans la moindre équivoque, à l’approche des négociations de partenariat et d’association à venir, que le respect des droits de l’homme, l’un des piliers de l’Union européenne, n’est pas négociable.

 
  
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  Wojciech Roszkowski (UEN).(PL) Madame la Présidente, en 1932-1933, les autorités de l’URSS ont réquisitionné les aliments des fermes collectives d’Ukraine, privant ainsi les ouvriers agricoles de nourriture. Ces confiscations ont provoqué la famine connue sous le nom d’Holodomor et la mort de millions de personnes dans un pays connu autrefois comme un grenier à blé. Cette opération menée par Staline et ses sbires avait pour cible les agriculteurs ukrainiens, en tant que classe sociale et que nation. À ce titre, l’Holodomor répond à la définition du génocide adoptée par la Convention de l’ONU de 1948.

La résolution que nous avons rédigée à l’occasion du 75e anniversaire de l’Holodomor est un compromis qui concède dans une large mesure la réalité de ce crime. Sa seule lacune est qu’elle ne qualifie pas clairement l’Holodomor de génocide. Cette lacune est le résultat de la pression exercée par plusieurs groupes au sein du Parlement. Durant les négociations de compromis, j’ai remarqué que le groupe socialiste s’opposait généralement aux débats historiques. C’est une attitude bien commode quand on pense que les socialistes européens sont toujours les premiers à condamner le nazisme et le général Franco, alors que leurs sentiments leur interdisent de le faire dans le cas des autorités soviétiques ou des républicains espagnols.

Au cours de ces négociations, j’ai également entendu dire que le fait de commémorer les victimes exigeait de la déférence, et qu’il fallait par conséquent éviter l’emploi de mots tels que «génocide». Cette attitude moralisatrice et cette mémoire sélective dont font preuve les socialistes européens montrent que le matérialisme historique a cédé la place à un relativisme hystérique. Je continue toutefois à espérer que ceci ne s’applique pas à tous les membres des partis de gauche de cette Assemblée.

J’ai entendu également que les socialistes s’opposaient à un vote sur la vérité historique. C’est la vérité vraie. Le problème est que nous ne parlons pas ici de la vérité sur l’Holodomor, nous n’exprimons que la vérité sur nous-mêmes. Les résolutions relatives à des questions historiques impliquent toujours l’affirmation de certaines valeurs, et le refus de prendre position constitue intrinsèquement une prise de position. Ce refus signifie que les paroles prononcées sont creuses. Comment peut-on exprimer ses valeurs sans se prononcer sur les événements du passé? Un génocide est un génocide, qu’il ait été commis par Hitler ou Staline et quelle que soit la façon dont le gouvernement russe actuel l’envisage. Quiconque prétendrait aujourd’hui que les victimes de l’Holocauste méritent moins d’attention que les chambres à gaz mettrait sa crédibilité en péril. Nous sommes tous égaux devant la loi et la vérité!

 
  
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  Georgios Toussas (GUE/NGL).(EL) Madame la Présidente, l’anticommunisme sort de son carquois la flèche de la famine en Ukraine pour servir les besoins de sa campagne, dont l’objectif est de réécrire l’histoire, de criminaliser l’idéologie communiste et d’interdire les actions des communistes. Nous pourrions d’ailleurs encore citer de nombreux pays dans lesquels les symboles et les actions des partis communistes restent interdits, y compris des pays membres de l’Union européenne.

Il s’agit donc d’une tentative flagrante de déformer la réalité historique et de lui donner une interprétation arbitraire et non scientifique parce que, tout simplement, l’objectif premier est de donner une base à la diffamation stratégique du socialisme et du communisme.

L’anticommunisme a toujours accompagné les attaques les plus dures et les plus sauvages contre le peuple. À mesure que la campagne antipopulaire de l’Union européenne contre les droits fondamentaux, arrachés par la classe ouvrière à coups de sacrifices et au prix d’une lutte acharnée, se renforce, que son exploitation par le capital devient plus sauvage et plus barbare encore, que la politique impérialiste de l’Union européenne contre les pays et les nations devient plus agressive et criminelle, nous assistons à une intensification de l’anticommunisme, de la diffamation réactionnaire du socialisme observée au XXe siècle et des attaques lancées contre les défenseurs de la classe ouvrière et contre les sections opprimées des partis communistes.

Cette propagande grossière est la suite logique de la tentative d’utiliser le mensonge sans vergogne et la calomnie afin de noircir, surtout aux yeux des jeunes, l’énorme contribution du système socialiste: sa contribution à la défaite du fascisme et à la création, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, d’une société libérée de l’exploitation de l’homme par l’homme. Nous assistons à une tentative d’assimiler le socialisme, qui représente tout ce que la pensée humaine a pu produire de progressiste, au fascisme réactionnaire et inhumain qui est le véritable produit de la barbarie capitaliste.

Tous les historiens objectifs s’accordent à dire que cette famine en Ukraine a été provoquée par un sabotage massif de la part des paysans riches qui, en réaction au nouveau pouvoir soviétique et à la collectivisation des terres, ont commencé par provoquer une guerre civile avant de détruire les machines, de tuer les animaux, d’incendier les installations des kolkhozes et de saboter de toutes les façons possibles l’ensemencement et la récolte. La grande sécheresse et l’épidémie de typhus qui ont éclaté en Ukraine à cette époque y ont également contribué.

De toute évidence, nous ne pouvons organiser de cette façon un débat destiné à révéler la vérité historique. Si vous pensez réellement avoir des arguments, organisez un débat permettant l’expression de tous les faits scientifiques qui vous permettront de découvrir la vérité.

 
  
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  Zbigniew Zaleski (PPE-DE). – (PL) Madame la Présidente, l’Holodomor est une réalité qui symbolise l’une des façons les plus inhumaines de massacrer une population. Une idéologie censée servir le peuple a dégénéré jusqu’à prendre une forme inimaginable à l’heure actuelle. Il s’agit d’une méthode simple - il ne fallait pas d’armes, pas d’hommes, pas de chambres à gaz. Il a suffi de confisquer tout ce que la terre avait donné pour faire disparaître les populations «désobéissantes» des villages, qui ne s’intégraient pas au système. Les populations ont été poussées vers une vision utopiste que bon nombre de personnes trouvent encore attrayante aujourd’hui, malgré ses horreurs et ses coûts, et que certains députés de gauche défendent encore au sein de ce Parlement. L’idéologie bolchéviste a utilisé des méthodes que rien ne saurait justifier. Ma thèse de doctorat sur l’Ukraine a étudié le traumatisme subi par les rares personnes qui ont survécu à cette horreur socialiste. Les témoignages des survivants révèlent que la faim a suscité le cannibalisme. Nous connaissons par exemple le cas d’une mère qui a envoyé son fils de six ans dans la forêt en plein hiver, parce qu’il n’aurait pas survécu au village - il aurait été mangé.

Nous avons d’un côté les années 1930, avec Joseph Staline, père sage et ami des peuples, annonçant la révolution mondiale. Et de l’autre côté, nous avons des millions de personnes au ventre gonflé, mourant dans les rues. Cela a dû être une vision horrible, même pour les commissaires politiques au service des autorités. Telle était la situation dans l’Ouest de l’Ukraine. Dix ans plus tard, ce sont les habitants de l’Est de la Pologne qui ont connu une tragédie semblable, à plus petite échelle. L’idéologie nationaliste de l’UPA ukrainienne, complice des nazis, a entraîné l’épuration ethnique des Polonais. Les méthodes utilisées étaient tout aussi sauvages: des personnes ont été brûlées vives, des femmes enceintes ont vu leur ventre ouvert au couteau, des enfants ont été décapités à la hache. Les hommes étaient au front. Aujourd’hui ce Golgotha de l’Est, comme l’appellent ses survivants, est un sujet tabou qui provoque des silences embarrassés. Comble de l’ironie, on érige aujourd’hui des statues aux dirigeants nationalistes de l’époque. À l’heure où nous rendons hommage aux victimes de l’Holodomor, c’est peut-être l’occasion - et nous avons des spectateurs venus d’Ukraine - d’honorer également les Polonais et les Ukrainiens assassinés sauvagement parce qu’ils ne partageaient pas cette idéologie. Il n’est pas facile d’admettre de tels faits, mais si nous ne le faisons pas, il sera difficile aussi de rapprocher les peuples, d’accepter l’Ukraine dans la sphère des valeurs européennes auxquelles nous aspirons au sein de cette Assemblée.

Je comprends les protestations de la Russie contre l’Union européenne. Les Russes nous disent que si nous voulons parler de l’Holodomor, nous ferions aussi bien de parler de l’extermination des indiens du Nouveau monde par les colonisateurs. L’Holodomor mérite une condamnation particulière. Mais nous devrions commémorer également les millions d’Ukrainiens, de Polonais et de Tartares envoyés dans des camps de travail - c’est-à-dire des camps de la mort - de Sibérie durant la deuxième Guerre mondiale. Dans l’intérêt de ce regroupement, je voudrais y ajouter les 100 000 prisonniers de guerre de l’armée du général Paulus envoyés en Sibérie après Stalingrad, dont 5 000 seulement ont survécu jusqu’en 1955. Pour le bien de l’Europe, son Parlement ne peut pas minimiser ces tragédies du XXe siècle.

 
  
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  Csaba Sándor Tabajdi (PSE). (HU) Comme l’a déclaré le plus grand poète hongrois du XXe siècle, «nous devons confesser le passé». Nous devons en effet reconnaître le passé, mais pas pour encourager les tensions entre les peuples et entre les pays. Chaque peuple doit assumer ses propres fautes. La façon dont les Allemands ont assumé leur propre rôle dans la deuxième Guerre mondiale est exemplaire. M. Zaleski, qui est polonais, a fait allusion au fait que de nombreux peuples ont des fautes à avouer et que l’Holodomor n’est pas la seule. Je parle en tant que représentant d’un pays dont le parlement a été le premier, en 2003, à condamner l’Holodomor. Mais j’apprécierais énormément que ce débat ne dégénère pas en réquisitoire contre la Russie. Les membres de cette Assemblée, ceux qui prennent la parole, devraient connaître la carte ethnique de l’Ukraine et devraient savoir quels comtés ont été victimes de cette horreur stalinienne, de cette tentative de la part de la dictature communiste d’exterminer la classe paysanne. La plupart des victimes étaient ukrainiennes, mais pas toutes. Dans ces villes - Donetsk, Dnepropetrovsk, Odessa - il y a eu également des victimes parmi les populations roumaines, russes et juives et d’autres encore. Dans ces endroits, c’est la paysannerie que le pouvoir cherchait à exterminer.

Nous devons reconnaître qu’il s’agit bien d’un génocide, mais pas sur une base ethnique. Selon les principes d’une dictature communiste stalinienne du XXe siècle inacceptable et vouée à l’échec, les autorités ont cherché à éliminer une classe entière, la paysannerie, les agriculteurs indépendants. Les victimes de cette campagne sont pour la plupart ukrainiennes, mais nous devons rendre hommage à toutes les victimes, quelle que soit leur nationalité. M. Roszkowski a dit que le groupe socialiste s’efforçait de dissimuler et de minimiser les faits, ce qui n’est pas vrai. Nous respectons simplement les faits, et nous insistons sur les faits, parce qu’en prenant le parti de condamner l’Holodomor, nous ne voulons pas participer à une condamnation de la Russie. La Russie a encore beaucoup à faire pour affronter son passé stalinien, par exemple en ce qui concerne le massacre de Katyn, mais nous ne devons pas non plus oublier que le peuple russe a souffert au moins autant de la dictature stalinienne, et qu’il compte autant de victimes que les autres peuples.

Je pense donc qu’il faut rendre hommage aux victimes, mais que ce débat devrait respecter les faits historiques. Nous nous inclinons par respect devant les victimes de l’Holodomor, mais nous ne devons pas servir la cause du nationalisme ukrainien. Nous devons au contraire faire en sorte que la Russie, l’Ukraine et tous les autres pays affrontent leur passé et fassent la paix.

 
  
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  István Szent-Iványi (ALDE). (HU) Madame la Présidente, après de nombreuses années de dénégations et de silence, personne aujourd’hui ne conteste plus que l’Holodomor constitue l’un des massacres politiques délibérés les plus graves du XXe siècle. En rendant hommage à ses victimes, le Parlement européen ne fait que respecter une obligation déjà ancienne. Les meilleurs alliés du pêché sont l’indifférence et l’oubli. Nous ne devons pas oublier! Des millions de personnes sont mortes pour que Staline puisse réaliser son projet dictatorial. Ce projet n’était pas uniquement d’imposer par la force la collectivisation de l’agriculture, même si c’était bien l’un de ses objectifs, mais aussi de briser la conscience nationale ukrainienne et de détruire les institutions de son identité nationale. À l’époque de l’Holodomor, et tout au long des années 1930, 80 % des intellectuels ukrainiens ont été exécutés. L’église ukrainienne indépendante a été interdite. La langue ukrainienne a été bannie de la vie publique. L’Holodomor constitue donc une partie indélébile de l’identité nationale et de la mémoire collective des Ukrainiens.

Nous devons reconnaître les sacrifices que les citoyens ukrainiens ont consentis pour vivre dans la liberté et pour pouvoir déterminer leur propre avenir. Le Parlement européen reconnaît les ambitions politiques de l’Ukraine. En adoptant cette résolution, nous exprimons clairement que le passé et l’avenir de l’Ukraine sont liés de façon inséparable au passé et à l’avenir de l’Europe. Je vous remercie de m’avoir donné la parole.

 
  
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  Inese Vaidere (UEN).(LV) Mesdames et Messieurs, la famine artificielle en Ukraine, ou famine génocidaire, est l’un des crimes contre l’humanité les plus graves de l’histoire de l’humanité. Elle remplit tous les critères de la définition du génocide. Ce crime est tout d’abord de nature ethnique dans la mesure où il visait le peuple ukrainien rebelle, qui avait manifesté à plusieurs reprises son opposition à la russification. Il s’agit également d’un génocide social contre les agriculteurs prospères d’Ukraine, bien que la famine ait tué indifféremment les riches et les pauvres. Il s’agit d’un crime d’un cynisme total. Le régime communiste totalitaire de Staline a tout simplement trouvé la façon la plus économique de tuer un grand nombre de personnes. Des millions de personnes sont mortes lentement en Ukraine des suites de cette horrible famine. Aujourd’hui, certains documents récemment publiés nous apprennent que les nazis eux-mêmes, dans les années 1930, se sont rendus à Moscou pour acquérir de l’expérience en extermination de masse. La décision prise à l’époque de confisquer la nourriture venait de Moscou. La guerre du gaz de 2006 entre l’Ukraine et la Russie a également été décidée à Moscou. La Russie actuelle, de par sa conception de la politique étrangère, montre clairement qu’elle souhaite rétablir sa position dans sa partie du monde. Les historiens officiels de Moscou n’ont pas honte d’admettre que la famine artificielle en Ukraine était entièrement le résultat d’actions humaines. Il faut espérer que l’Ukraine ne sera pas le prochain pays, après la Géorgie, à subir une agression brutale de la part de la Russie. Nous devons dire clairement que les événements survenus en Ukraine constituent un génocide. Mon pays, la Lettonie, l’a déjà fait, comme de nombreux autres pays l’ont fait également par le biais de déclarations parlementaires. Je voudrais souligner une fois de plus que nous devrions considérer les crimes du communisme totalitaire comme étant aussi condamnables que les crimes nazis. Nous avons besoin d’un nouveau Nuremberg, parce que les victimes innocentes sont tout aussi victimes quel que soit l’auteur des crimes en question. Bien que nos pays aient connu des expériences différentes, il est absolument indispensable de parvenir à une compréhension uniforme des événements qui ont marqué l’histoire de l’Union européenne. En fait, cette compréhension de l’histoire est le fondement même de notre avenir commun. Merci.

 
  
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  Tunne Kelam (PPE-DE).(EN) Madame la Présidente, les régimes totalitaires communistes ont utilisé systématiquement les famines artificielles pour parvenir à leurs fins. Il y a 75 ans, Staline a décidé d’anéantir l’identité nationale et la résistance ukrainiennes en provoquant une famine de ce type au cœur même du grenier à blé de l’Europe.

Il ne s’est pas contenté de refuser toute assistance aux régions touchées par la famine. Pire encore, l’Armée rouge a isolé par la force des centaines de village. Les villageois affamés ont été privés de leur droit le plus élémentaire - leur droit de fuir une mort certaine. Ceux qui tentaient de fuir étaient pourchassés comme du gibier et abattus. Il a fallu attendre jusqu’à aujourd’hui pour que nous réagissions à l’un des crimes les plus épouvantables de la dictature communiste. Il est grand temps d’évaluer ces crimes de façon correcte et objective.

Toutes les victimes de crimes contre l’humanité ont droit au même statut. Les victimes du nazisme ne peuvent pas avoir priorité sur les victimes du communisme pour la seule raison que l’Europe ne possède pas d’approche uniforme des régimes totalitaires et qu’elle hésite à prendre position concrètement vis-à-vis des crimes commis dans la partie orientale du continent.

Nous avons le devoir de savoir ce qui s’est passé sous Staline, aussi précisément que nous savons ce qui s’est passé sous Hitler. Nous ne devons pas seulement exprimer notre solidarité envers la nation ukrainienne, comme envers toutes les nations victimes de crimes totalitaires, mais nous devons émettre un jugement moral. Ce n’est qu’ainsi que nous atteindrons l’objectif de ces débats: faire en sorte qu’aucune partie de l’Europe ne connaisse jamais plus ce mépris monumental et destructeur de la vie et de la dignité humaines.

Nous avons besoin d’une réconciliation à l’échelle européenne, d’une réconciliation qui ne peut provenir que de la vérité et de la justice. Notre devoir est de faire en sorte que le fameux «plus jamais ça» s’applique également à la nation ukrainienne.

 
  
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  Janusz Onyszkiewicz (ALDE).(PL) Quand on lui a demandé si le renversement du capitalisme valait la peine de risquer une guerre nucléaire, Mao Zedong a répondu que même le sacrifice de cent millions de vies ne serait pas excessif s’il permettait au reste de l’humanité de connaître pour toujours le bonheur d’un monde communiste. Joseph Staline suivait la même logique révoltante et criminelle. Face à la résistance croissante des paysans contre la collectivisation, il a décidé d’éliminer physiquement les habitants des régions les plus rebelles. Ces régions étaient peuplées d’Ukrainiens. Leur élimination permettait également de régler le problème des nationalités, parce que comme l’a déclaré Staline à une autre occasion, «le problème des nationalités est essentiellement un problème paysan».

Ainsi donc, des millions de personnes sont mortes en Ukraine des suites d’une campagne criminelle. Il est révélateur que les statistiques démographiques officielles indiquent une population ukrainienne de plus de 31 millions en 1926, alors qu’en 1939, malgré une croissance démographique naturelle considérable, cette population n’était plus que de 28 millions.

Mais les habitants de l’Ukraine soviétique n’ont pas été les seuls à mourir. Les réquisitions administratives de denrées alimentaires, accompagnées d’interdictions d’importer de la nourriture depuis d’autres régions, ont provoqué une famine dans la région de la Volga, dans le Kouban et dans le Caucase septentrional. La population de ces régions était majoritairement ukrainienne, mais il y avait également des Russes. Si nous soulevons aujourd’hui la question de la famine en Ukraine, c’est aussi pour exprimer notre conviction que cet épisode dramatique de l’histoire de notre Europe commune n’est toujours pas suffisamment connu.

(Applaudissements)

 
  
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  Andrzej Tomasz Zapałowski (UEN).(PL) Madame la Présidente, le siècle dernier a connu un grand nombre de terribles massacres. Certains de ces massacres ont privilégié les armes à feu, d’autres les chambres à gaz, les haches et les fourches, d’autres encore ont eu recours à la famine. Dans l’Ukraine soviétique, ce massacre a consisté à condamner des millions de personnes à mourir de faim dans une région qui possède les terres les plus fertiles du monde. Cette famine a été provoquée délibérément, et non causée par une catastrophe naturelle ou par les conditions météorologiques.

Il est préoccupant qu’au fil des années, ce génocide à l’encontre des Ukrainiens, des Polonais et des Russes n’ait pas été désigné par le terme qui convient, de même qu’il est préoccupant qu’aujourd’hui encore, le génocide commis contre des centaines de milliers de Polonais, de Juifs et d’Ukrainiens qui se sont opposés au fascisme des nationalistes ukrainiens sur le territoire ancien et actuel de la Pologne durant la deuxième Guerre mondiale ne soit pas désigné comme tel. Il est d’autant plus préoccupant que l’absence d’une condamnation suffisante donne aujourd’hui une certaine légitimité aux organisations qui revendiquent l’héritage de ces meurtriers. Ces organisations fonctionnent légalement en Europe aujourd’hui même. Aucun génocide ne peut se justifier au nom de la politique. Tous doivent être dénoncés comme tels et condamnés.

 
  
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  Ari Vatanen (PPE-DE).(EN) Madame la Présidente, nous évoquons cette famine artificielle aujourd’hui, 75 ans après les faits, parce que si nous ne le faisons pas maintenant, l’heure la plus sombre, les douze coups de minuit, de la justice sera arrivée. Il nous reste deux heures avant minuit, mais nous construisons l’avenir. Nous ne pouvons pas construire cet avenir sur des fondations instables. Il faut qu’il soit construit sur des fondations solides, c’est-à-dire sur la vérité. Nous ne pouvons pas le bâtir sur des mensonges, ce qui reviendrait à le bâtir sur du sable.

L’important n’est pas de savoir combien de personnes sont mortes en Ukraine. L’important est que les victimes de cette famine artificielle - la population ukrainienne - aient le sentiment que la justice est faite, parce que nous devons faire en sorte que les gens reprennent foi en la justice. Sans cela nous ne parviendrons pas à construire une société juste et ils ne croiront pas en l’avenir. Nous devons entendre les cris de toutes les victimes, qu’il s’agisse de victimes du nazisme, de l’apartheid, de l’esclavage ou du communisme.

Ce Parlement défend les valeurs fondamentales de l’humanité. Nous ne pouvons pas envoyer un message ambigu. C’est pourquoi nous devons être réellement impartiaux, aussi difficile que cela puisse être pour nous. Dans le cas contraire, nous ne défendons pas la dignité humaine. Il est très inquiétant de constater qu’aujourd’hui, la Russie réécrit l’histoire. Comment pourrions-nous construire un avenir commun dans ces circonstances? C’est le moment idéal pour discuter de l’Ukraine, parce qu’en ce moment même, en 2008, l’Ukraine a besoin de notre aide. Elle doit pouvoir espérer un avenir meilleur, ce qui implique d’adhérer un jour à l’Union européenne.

 
  
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  Jana Hybášková (PPE-DE).(CS) Cette famine a été le résultat d’une politique systématique et soigneusement préparée par J. V. Staline. Ses objectifs étaient clairs: le renoncement volontaire à la propriété terrienne, l’établissement de collectivités agricoles, le détournement de tous les produits agricoles et des réserves de semences pour nourrir l’armée russe et la sous-alimentation délibérée des villes et villages d’Ukraine. L’objectif principal était de supprimer et de détruire l’Ukraine en tant que nation. Il s’agit d’un génocide. Cette famine a consisté à persécuter la population civile d’un pays pour des raisons politiques et raciales, et elle répond donc à la définition légale d’un crime contre l’humanité. Il ne s’agit pas simplement de commémorer une famine. C’est une question de réparation symbolique pour les victimes, d’étude minutieuse, d’analyse, de connaissance et d’acceptation d’une responsabilité commune et, parallèlement à cela, d’une clôture commune des comptes au niveau européen. Le communisme est un crime contre l’humanité. Ses conséquences sont comparables à celles du fascisme et du nazisme.

C’est pourquoi nous devrions créer un Institut européen de la conscience européenne et faire du 23 août la Journée en l’honneur des victimes de tous les régimes totalitaires. Nous devons comprendre le communisme comme un élément tragique de notre histoire européenne commune. Ce n’est qu’en admettant ensemble notre responsabilité vis-à-vis du passé que nous pourrons trouver la voie de l’avenir. Les situations telles que celle de la société irakienne et d’autres parties du monde aujourd’hui, par exemple, nous enseignent que plus les dégâts subis par le tissu social sont profonds, plus ils seront chers, difficiles et pénibles à réparer. L’Ukraine porte encore des cicatrices profondes. Offrons-lui notre aide.

 
  
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  Urszula Gacek (PPE-DE).(PL) Madame la Présidente, le Parlement européen commémore aujourd’hui les victimes de l’un des plus grands crimes de Staline, les victimes de la famine provoquée délibérément par le régime bolchévique despotique qui régnait sur l’Union soviétique et dont l’objectif était d’affaiblir et de détruire la nation ukrainienne et d’étouffer ainsi son désir de liberté et de créer son propre État indépendant. L’Ukraine, et avec elle certaines régions du Sud de la Russie, du Caucase septentrional et du Kazakhstan, ont connu la souffrance horrible et révoltante et le désespoir de familles entières mourant de faim.

Aujourd’hui, nous voulons rendre hommage à tous ceux qui ont été tués par la Grande famine d’Ukraine. Les victimes des exécutions de masse, des massacres militaires et des campagnes d’épuration ethnique méritent elles aussi que nous honorions leur souvenir et que nous gardions en mémoire les crimes commis à leur encontre. Quelle que soit la cause au nom de laquelle ces crimes ont été commis, quels que soient les objectifs idéologiques poursuivis, ces crimes ont tous en commun la souffrance de leurs victimes.

Nous devons faire preuve de solidarité avec le peuple ukrainien, mais nous devons aussi demander à l’Ukraine de confronter les pages sombres de son histoire. Entre 1939 et 1945, les nationalistes de l’Armée nationale ukrainienne ont assassiné brutalement 150 000 Polonais, principalement des femmes et des vieillards. Les maris et pères, exilés en Sibérie, vivaient peut-être l’enfer, mais ils avaient l’espoir que leurs familles des régions frontalières à l’Est de la Pologne étaient en sécurité. Malheureusement, ces familles ont été victimes des nationalistes qui ne voulaient pas laisser de place à leurs voisins polonais dans le nouvel État ukrainien. Les victimes des massacres des régions frontalières orientales attendent encore le jour où leur destinée sera elle aussi gravée dans la conscience collective de l’Europe, comme nous le faisons aujourd’hui pour les victimes de la Grande famine.

 
  
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  Colm Burke (PPE-DE).(EN) Madame la Présidente, venant moi-même d’Irlande, un pays frappé lui aussi par une terrible famine il y a plus de 150 ans, je comprends le désir des Ukrainiens de voir commémorer les victimes de la famine artificielle de 1932-1933.

Cette résolution du Parlement fait suite à d’autres résolutions commémoratives adoptées précédemment par d’autres organisations internationales telles que l’UNESCO et l’OSCE. Notre résolution sur la commémoration des victimes de l’Holodomor en Ukraine a été adoptée lors de la 34e session de la Conférence générale de l’UNESCO, et soutenue notamment par l’Irlande.

Lors de la réunion ministérielle de l’OSCE organisée à Madrid en novembre 2007, 30 pays se sont joints à la déclaration de l’Ukraine commémorant le 75e anniversaire de l’Holodomor.

L’intégration européenne doit continuer à se baser sur une volonté de confronter l’histoire tragique du XXe siècle. Il est important que cette résolution du Parlement européen demande à tous les pays de l’ancienne Union soviétique d’ouvrir complètement leurs archives concernant cette tragédie afin de permettre leur analyse détaillée et de permettre aux historiens de dévoiler et d’analyser en profondeur les causes et les conséquences de cette famine.

Les membres des familles des victimes qui vivent aujourd’hui ont envie de tourner la page, et ils doivent donc pouvoir accéder à ces informations afin de comprendre la catastrophe la plus grave de l’histoire contemporaine de l’Ukraine.

Je joins ma voix à cette expression de solidarité envers les millions d’Ukrainiens victimes de cette calamité et, en particulier, envers les familles de ceux qui ont péri des suites de cette famine artificielle.

 
  
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  Zita Pleštinská (PPE-DE).(SK) Mon père, Štefan Kányai, qui a passé plus de dix terribles années dans les goulags russes dans l’Oural, à Karaganda et au Kazakhstan, m’a souvent dit: «Il reste des témoins qui se souviennent du génocide de Staline, un massacre commis sans armes. Le régime de Staline a arraché de nombreuses pages des annales de l’histoire européenne et tu as donc le devoir d’ouvrir les archives de l’ancienne Union soviétique et d’y réinsérer ces pages manquantes. Le souvenir des victimes est sacré, tu dois donc agir!»

Je suis extrêmement émue de voir mon nom, aux côtés des noms de mes collègues du groupe PPE-DE et des autres groupes politiques, en tête d’une résolution par laquelle nous confirmons que l’intégration européenne est fondée sur la volonté de confronter l’histoire tragique du XXe siècle. Puisse cette résolution adoptée en 2008, en ce 75e anniversaire de la famine, symboliser notre solidarité envers le peuple ukrainien et en particulier envers les survivants de la famine et envers les familles et les proches des victimes.

Puisse cette résolution représenter une leçon pour la nouvelle génération qui n’a pas connu l’oppression. La liberté est précieuse et n’est jamais garantie. Le mal existe toujours et nous devons y faire face.

 
  
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  Czesław Adam Siekierski (PPE-DE).(PL) Madame la Présidente, ce n’est qu’après la chute du bloc de l’Est que nous avons commencé à prendre conscience de l’horrible vérité concernant ce qui s’est passé en Ukraine et dans d’autres parties de l’Union soviétique sous Staline. Le totalitarisme était parvenu à empêcher le monde de découvrir ces horribles crimes contre l’humanité. La grande famine ukrainienne de 1932-1933 est un fait historique que les autorités communistes ont nié jusqu’à la fin de l’Union soviétique. Nous connaissons à présent le sort des innombrables victimes innocentes condamnées à mourir lentement de faim. Bien que de nombreuses années se soient écoulées depuis l’Holodomor, nous sommes loin de savoir exactement combien de personnes ont été tuées par la politique de Staline.

Je voudrais souligner que le fait de reconnaître la Grande famine comme un génocide ou de dénoncer le totalitarisme stalinien ne constitue pas une attaque contre le Kremlin, comme on l’affirme souvent à tort. Il s’agit simplement de rendre hommage aux victimes d’un système totalitaire. En tant qu’institution internationale vouée à la défense des droits de l’homme, l’Union européenne devrait exprimer sa position clairement et sans équivoque. Si nous souhaitons honorer la mémoire des victimes avec la dignité qu’elles méritent, nous devrions adopter une résolution qui montre clairement la vérité historique et qui exprime la solidarité et la sympathie de l’Union européenne.

 
  
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  Mieczysław Edmund Janowski (UEN). (PL) Madame la Présidente, nous avons du mal aujourd’hui à imaginer ce que signifie la famine d’une population entière. Il est difficile également d’imaginer comment des millions de personnes ont pu mourir de faim en Ukraine, un pays capable de nourrir l’Europe entière. Cette famine provoquée par le communisme totalitaire a causé la mort d’enfants, de femmes et d’hommes ukrainiens et d’autres nationalités de l’Union soviétique de l’époque. Comment devons-nous qualifier ce crime commis il y a 75 ans? Il n’y a qu’un nom pour ce crime, celui de génocide. Des personnes ont été exécutées ou envoyées dans les camps pendant cinq ans pour avoir volé cinq épis de blé à une ferme collective.

Quand nous évoquons cet événement aujourd’hui, nous ne parlons pas de la Russie. Nous voulons rendre hommage aux victimes du communisme et déclarer sans la moindre équivoque que de tels crimes ne doivent jamais se reproduire.

 
  
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  Antonio Tajani, vice-président de la Commission. – (IT) Madame la Présidente, chers députés, je ne sais pas ce que nous pourrions dire de plus pour condamner un crime aussi atroce que celui commis par la dictature stalinienne, l’une des deux dictatures criminelles qui ont ravagé l’Europe au siècle dernier. Il n’y a rien à ajouter, parce que les députés qui ont parlé avant moi ont parlé avec énormément de dignité et de conviction.

Mme la Présidente, pour conclure ce débat, je voudrais lire quelques mots du grand écrivain Vassili Grossman, qui a décrit les moments les plus tragiques de l’Holodomor dans son roman Tout passe. Je l’ai lu comme une sorte de prière laïque, une remise en mémoire de millions de victimes que nous associons au souvenir de si nombreuses victimes innocentes dont le sacrifice, je le répète, ne doit pas être vain pour l’Europe.

La mort de millions de personnes victimes de dictatures cruelles au siècle dernier doit être le terreau qui permettra à la démocratie de continuer à germer. Il faut que ces morts aient l’effet inverse de celui voulu par ces dictateurs. L’Union européenne, je l’ai dit dans mon introduction, a été créée pour construire et garantir la paix. Mais nous ne pouvons pas oublier le sacrifice de si nombreuses victimes innocentes.

Je vais maintenant vous lire les mots simples par lesquels Grossman raconte cette tragédie survenue il y a de nombreuses années: «La faim a rasé le pays. Elle a commencé par emporter les enfants, puis les vieillards, puis les autres. Au début, les gens creusaient des tombes pour y enterrer les morts. Puis ils ont arrêté parce qu’ils n’en avaient plus la force. Les morts restaient dans les cours et, à la fin, ils restaient dans les maisons. Tout était silencieux et le pays entier était décimé. Je ne sais pas qui fut le dernier à mourir.»

Nous n’oublierons jamais. Nous n’oublierons jamais ces victimes innocentes à l’heure où nous nous efforçons de construire un avenir différent.

 
  
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  La Présidente. – J’ai reçu quatre motions de résolution(1) déposées conformément à l’article 103, paragraphe 2, du règlement.

Ce débat chargé d’émotion est clos.

Le vote aura lieu demain, jeudi 23 octobre.

Déclarations écrites (article 142)

 
  
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  András Gyürk (PPE-DE) par écrit. (HU) Je suis convaincu qu’en plus d’aspirer à une intégration toujours plus poussée, le Parlement européen doit également s’efforcer systématiquement de confronter les périodes les plus sombres de notre histoire commune. C’est pourquoi je me réjouis que la séance d’aujourd’hui nous permette d’attirer l’attention sur la famine ukrainienne, l’un des épisodes les plus tragiques des dictatures communistes du XXe siècle, dont l’oubli est incompréhensible.

Les désaccords qui entourent cette famine, qui a coûté la vie à quelque 3 millions de personnes, montre bien qu’aujourd’hui encore, cette période de l’histoire n’a pas fait l’objet d’un examen suffisant. Nous ne partageons pas l’opinion de ceux qui attribuent cette catastrophe simplement à de mauvaises récoltes, à la résistance de la population ukrainienne ou à quelques décisions erronées de politique économique.

Nous devons dire clairement que la tragédie ukrainienne a été la conséquence directe d’une politique de la terreur menée au niveau de l’État. En mettant fin à la collectivisation forcée et à la confiscation des réserves alimentaires, les dirigeants de l’Union soviétique auraient pu sauver des millions de vies humaines. Mais ils ne l’ont pas fait. C’est précisément pour cette raison que les événements du début des années 1930 en Ukraine sont tout à fait comparables aux pires génocides de l’histoire.

Je pense que toutes les dictatures, qu’il s’agisse de la barbarie des régimes nazis ou communistes, ont la même origine. Nous devons utiliser tous les outils dont nous disposons pour mieux faire prendre conscience aux nouvelles générations des horribles méfaits du communisme. La création d’un institut de recherche européen et d’un monument dédié à l’histoire des dictatures pourrait jouer un rôle important dans ce processus.

 
  
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  José Ribeiro e Castro (PPE-DE), par écrit.(PT) Voilà 75 ans que l’appareil stalinien a mis en marche l’un des crimes les plus graves que l’Europe ait jamais connus: l’Holodomor, la grande famine qui a coûté la vie à plus de 3 millions d’Ukrainiens.

Après avoir été privés, comme ils le sont encore aujourd’hui, d’éléments fondateurs importants de leur identité collective, les Ukrainiens ont été privés délibérément de nourriture dans une démonstration cruelle du «socialisme réel» et dans le contexte de campagnes de collectivisation forcée et de soviétisation menées par l’un des régimes les plus meurtriers de l’histoire.

Aujourd’hui les Ukrainiens, accompagnés en cela par tous les autres Européens, se souviennent de la brutalité, de la tyrannie et de la violence communistes dont ils ont été victimes et dont les conséquences constituent, en droit international, un cas manifeste de génocide. Il s’agit sans le moindre doute d’une «soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle», pour reprendre les mots exacts de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Il y a un an, le président de ce Parlement a qualifié l’Holodomor de «crime horrible contre l’humanité». Je partage tout à fait cette opinion et je m’incline en mémoire des victimes. Je salue tous les Ukrainiens et notamment ceux qui vivent et travaillent dans mon pays, le Portugal.

 
  

(1) Voir procès-verbal.

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