Le Président. − L’ordre du jour appelle le débat sur la question orale à la Commission sur la protection des minorités traditionnelles nationales, ethniques et immigrantes en Europe, par Csaba Sándor Tabajdi, Hannes Swoboda, Jan Marinus Wiersma, Véronique De Keyser, Katrin Saks et Claude Moraes, au nom du groupe socialiste au Parlement européen (O-0002/2009 - B6-0005/2009).
Csaba Sándor Tabajdi, auteur. – (HU) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le continent européen compte plus de 300 différentes minorités ethniques et nationales et communautés linguistiques. Quelque 15 % des citoyens des 27 États membres de l’UE, sont membres d’une minorité nationale traditionnelle ou d’une communauté immigrante. Des langues et des groupes minoritaires sont confrontés à la menace de l’extinction ou de l’assimilation, alors que l’Union européenne a pour objectif la préservation de la diversité culturelle. Les communautés immigrantes, en croissance constante, connaissent une crise d’intégration; il suffit de penser aux émeutes qui éclatent dans les banlieues françaises autour de Paris, aux attaques terroristes de Londres ou aux tensions ethniques aux Pays-Bas.
L’Union européenne est-elle crédible quand elle condamne les violations des droits de l’homme et des minorités dans les pays tiers? Les responsables politiques de l’UE s’occupent-ils efficacement des problèmes des minorités ethniques et nationales des pays candidats potentiels des Balkans occidentaux, alors que certains États membres sont incapables de le faire chez eux et que leurs pratiques en la matière sont en fait diamétralement opposées à cette politique? Ceux qui sont incapables de faire face à ces questions ou qui refusent de s’y atteler et se cachent la tête dans le sable jouent avec l’avenir de l’Europe.
Avant le débat d’aujourd’hui, certains ont fait état de leur préoccupation, déclarant que la question est trop délicate. Oui, il s’agit en effet d’une question extrêmement délicate. Mais que deviendrait l’Union européenne si nous ne discutions que des sujets qui ne froissent aucun intérêt? Nous ne pouvons pas nous voiler la face devant ces problèmes! Les citoyens européens attendent de nous de vraies réponses. L’Union européenne doit garantir, aux niveaux local, régional, national et européen, les droits des indigènes et des minorités traditionnelles, des Roms et des quelques millions de personnes qui vivent sous un statut minoritaire et n’ont pas d’État indépendant, comme les Catalans, les Basques, les Écossais, les Bretons, les Alsaciens, les Corses, les Gallois, les minorités hongroises en Roumanie, en Slovaquie et en Serbie et les autres communautés nationales.
La subsidiarité et l’auto-gouvernance, le partage du pouvoir et la codécision sont les valeurs fondamentales de l’Union européenne. Il est très important que des formes de codécision, d’auto-gouvernance et d’autonomie soient introduites sur la base d’accords entre majorités et minorités, tout en respectant pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de États membres. En ce qui concerne les personnes qui appartiennent à des minorités immigrantes au sein d’un État, nous devons les aider à s’intégrer aussi pleinement que possible, et les minorités immigrantes doivent à leur tour faire preuve du plus grand respect à l’égard de la langue et des coutumes de l’État en question. Si le Parlement européen souhaite réellement devenir un centre de pouvoir, alors il doit affronter ces questions sensibles.
Jacques Barrot, vice-président de la Commission. − Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les parlementaires, cher Monsieur Tabajdi, le respect des minorités est un principe essentiel qui figure parmi les conditions préalables à l’adhésion d’un nouveau pays à l’Union. Les critères de Copenhague visent spécifiquement les pays candidats à l’adhésion à l’Union.
Le respect des droits des personnes appartenant à des minorités, y compris le respect du principe de non-discrimination, est un principe sur lequel l’Union est fondée. Mais l’Union n’a pas de compétences générales dans le domaine de la protection du droit des minorités. Il revient aux autorités nationales d’assurer une telle protection, conformément à leur ordre constitutionnel et à leurs engagements internationaux.
Aussi, les questions relatives à l’organisation ou à l’autonomie institutionnelles des minorités relèvent des États membres. De même, il revient à chaque État membre de décider de signer ou de ratifier la convention-cadre sur la protection des minorités nationales ainsi que la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui sont les deux instruments majeurs mis en place par le Conseil de l’Europe.
L’Union n’a donc pas de compétences pour adopter, comme il est suggéré dans la question, une législation générale fixant des normes de protection des minorités et des mécanismes de contrôle. Mais l’Union peut adopter des mesures sur certaines questions relevant de sa compétence, qui ont un impact positif sur la situation des personnes appartenant à des minorités.
Par exemple, concernant la politique menée par la Commission contre les discriminations fondées sur la race, l’origine ethnique, la religion, il s’agit de veiller à la mise en œuvre de la législation communautaire dans ce domaine et à la mise en œuvre de la directive visant à compléter cette législation.
L’adoption, le 28 novembre dernier, de la décision-cadre contre le racisme et la xénophobie constitue un autre exemple. Par cette décision-cadre, l’Union contribue à améliorer la situation des personnes appartenant à des minorités face à certains comportements dont elles sont victimes. L’Union s’est aussi mobilisée sur la situation de la minorité rom.
L’intégration des immigrés est un sujet d’importance croissante pour les États membres et l’Union européenne. En 2005, la Commission a soumis un programme commun pour l’intégration, qui constitue le cadre de travail d’une approche commune sur l’intégration dans l’Union européenne. Et l’Union a alloué un budget de 825 millions d’euros pour 2007-2013 afin de mettre en œuvre le Fonds européen sur d’intégration.
Trois nouvelles initiatives de la Commission verront le jour en 2009: la troisième édition du manuel sur l’intégration, le forum européen de l’intégration, pour associer encore davantage la société civile à la poursuite de nos travaux, et un site internet sur l’intégration, un guichet unique qui rassemblera l’information sur l’intégration et facilitera l’échange de bonnes pratiques entre tous ceux qui ont affaire à l’intégration.
Le rôle de l’Union européenne dans le domaine du multilinguisme, ce n’est pas de remplacer l’action des États membres mais c’est de soutenir et de compléter cette action. La politique de la Commission européenne pour le multilinguisme inclut les langues régionales ainsi que les langues parlées par des minorités.
Le respect de la diversité linguistique et culturelle est en effet l’une des pierres angulaires de l’Union européenne. Et ce respect de la diversité linguistique et culturelle fait désormais partie, de la Charte européenne des droits fondamentaux, qui dispose, à l’article 22: «L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique».
La dernière communication de la Commission, adoptée en septembre 2008, indique également que chacune des nombreuses langues, nationales, régionales ou parlées par des minorités ou des personnes immigrées, ajoute un apport à notre culture commune. Les principaux outils à la disposition de l’Union dans ce domaine sont ses programmes de financement, et particulièrement le programme de formation permanente 2007-2013.
Enfin, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne est pour nous un outil très précieux pour collecter les données utiles à l’élaboration et à la mise en œuvre de tous instruments et de ces politiques communautaires. À la suite de la demande du Parlement européen auprès de cette Agence des droits fondamentaux – dont je rappelle qu’elle siège à Vienne –, le programme de travail de l’Agence pour 2009 prévoit qu’un rapport comparatif sera rédigé sur la situation concernant les discriminations ethniques et raciales dans l’Union européenne, ce qui nous permettra de mettre à jour le rapport sur le racisme qui portait sur l’année 2007.
Voilà ce que je pouvais répondre. Autrement dit, nous n’avons pas de base juridique pour organiser la protection des minorités. Cette matière relève vraiment de la compétence des États membres. Mais, par contre, l’Union doit évidemment éviter toute discrimination à l’encontre d’un citoyen appartenant à une minorité.
Rihards Pīks, au nom du groupe PPE-DE. – (LV) Merci, Monsieur le Président. M. Tabajdi s’est lancé dans une tâche énorme, qui consiste à essayer de définir et classer les communautés de personnes qui, historiquement, se sont formées en suivant des voies différentes et qui, en plus ou moins grand nombre, vivent dans des États dont le cœur est d’origine ethnique ou linguistique différente. Chacun sait qu’au fil des siècles en Europe les frontières et les noms des pays ont souvent changé, soit après une guerre, soit parce que des États se sont unis ou scindés, ou encore parce que des empires se sont constitués ou se sont effondrés et que très souvent, sans changer de lieu d’habitation, les gens sont devenus les sujets d’un autre roi ou résidents d’un autre pays. Pareillement, les migrations ont eu lieu tant au niveau individuel qu’au niveau du déplacement de communautés ethniques tout entières. Nous avons hérité des résultats de tous ces changements. Aujourd’hui, il va de soi que tout résident de l’Union européenne mérite une vie digne d’un être humain et d’avoir des chances équitables. Seulement, que pouvons-nous appeler réellement du nom de «minorité» au sens actuel? Les États peuvent-ils s’accorder sur la définition de critères uniformes? La question est cruciale, car aujourd’hui un nouveau type de migration prend forme: nous avons à la fois une migration interne à l’Union européenne et une migration originaire de pays tiers à l’Union. Personnellement, je pense que les spécialistes - chercheurs, historiens, ethnologues et linguistes – devraient tout d’abord se pencher sur la question et qu’ensuite, peut-être, les responsables politiques pourraient avoir le dernier mot. Si c’est les responsables politiques qui commencent, alors nous serons immédiatement confrontés à une subjectivité et à un égoïsme politiques considérables, d’autant que les élections approchent. Merci de votre attention.
Katalin Lévai, au nom du groupe PSE. – (HU) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, plus de 45 millions de personnes appartenant à 57 différentes minorités vivent dans l’Union européenne et dans les autres pays européens. Aujourd’hui, à l’heure où le fantôme du racisme revient hanter l’Europe et que le chauvinisme de la majorité dans les États-nations augmente visiblement, et ce jusqu’à un degré effrayant en Europe centrale et orientale, nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas avoir de politiques des minorités. L’UE ne dispose toujours pas d’un ensemble de règlements sur la protection de l’identité des minorités applicable à tous les États membres: cela a été dit et le commissaire lui-même l’a répété. Comme la question des minorités relève de la compétence des États membres, ces communautés doivent pour la plupart se contenter de ce qu’elles peuvent négocier avec leurs gouvernements. Le nombre total de citoyens des États membres d’Europe centrale et orientale appartenant à diverses communautés nationales minoritaires est beaucoup plus élevé qu’en Europe occidentale et leurs problèmes sont également plus complexes. Pour que, non seulement les minorités nationales, mais aussi toutes les personnes appartenant à ce qu’on peut effectivement appeler des nations européennes minoritaires, se sentent réellement chez elles en Europe, le législateur européen doit créer un cadre juridique prévoyant une gamme exhaustive de règles juridiques pour la protection des minorités.
Nous devons créer un type de structures politiques qui ne vise pas à l’exclusivité, mais au partage des domaines de compétence. Quand ce modèle deviendra une réalité partout dans l’Union européenne, alors les minorités nationales acquerront un statut et obtiendront de nouvelles opportunités pour la protection de leurs langues et de leurs cultures. À cet égard, la ratification du traité de Lisbonne revêt une importance clé, car deux de ses articles - grâce au travail du gouvernement hongrois - incluent les droits des personnes appartenant à des minorités. L’acceptation du Traité serait un grand pas en avant dans l’histoire de l’Union européenne. La crise économique actuelle n’avantage pas les minorités, car elle empoisonne les conflits et favorise la démagogie d’extrême-droite. En cette période tout particulièrement, l’Europe ne peut se permettre de négliger d’écouter la voix des minorités. Elle ne peut abandonner les minorités en ces temps de crise.
Henrik Lax, au nom du groupe ALDE. – (SV) Un débat au niveau européen sur la situation des divers groupes minoritaires est très opportun. Un point de vue commun sur les droits et les obligations qui devraient être applicables aux minorités nationales, ethniques ou linguistiques, aux immigrants et aux apatrides serait bénéfique à divers titres pour ces groupes et pour l’ensemble de l’Union. Près d’un dixième des citoyens de l’UE appartiennent actuellement à une minorité nationale, linguistique ou ethnique. Certains, comme moi-même, qui suis un Finlandais suédophone, sont bien traités. D’autres subissent des discriminations ou sont reniés. Il est important que les minorités nationales historiques puissent se considérer comme membres à part entière de l’Union. L’UE a besoin du soutien de ses minorités et ne doit pas négliger de leur donner la possibilité de participer activement à la prise de décision et à la tâche consistant à garantir un avenir commun sûr et harmonieux.
Il est clair qu’on ne peut appliquer aux minorités nationales les mêmes règles que celles applicables, par exemple, aux minorités immigrantes. Les immigrants ont besoin qu’on les aide à s’intégrer à leur nouvelle patrie. Les apatrides constituent une question à part et devraient être encouragés, par tous les moyens disponibles, à demander la nationalité de leur pays d’accueil.
L’UE a également besoin d’un point de vue commun sur les questions de minorités afin de pouvoir se défendre, elle-même et ses États membres, contre les pressions et les provocations extérieures, lorsque les droits des minorités sont utilisé comme des armes pour semer la discorde et créer la confusion. L’implication et la propagande de la Russie en Estonie et en Lettonie, par exemple, devrait servir d’avertissement. Nous ne devons pas mettre des armes entre les mains de ceux qui veulent nous nuire.
L’Europe a besoin d’un forum représentant les minorités qui pourrait servir d’organe consultatif sur les questions traitées par le Parlement européen et le Conseil de l’Europe. Il serait bon également que cette commission parlementaire soit investie officiellement de la responsabilité des questions concernant les minorités. Notre Parlement devrait adopter une déclaration sur les droits des minorités.
Enfin, je voudrais poser une question spécifique: la Commission est-elle prête à assumer la responsabilité de lancer un débat européen sur les minorités? Et est-elle prête à promouvoir activement le traitement équitable des minorités de l’Union et pas seulement la diversité linguistique, qui est souvent utilisée comme un moyen d’ignorer les groupes minoritaires?
(Applaudissements)
Jan Tadeusz Masiel, au nom du groupe UEN. – (PL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, la présence de certains groupes minoritaires dans les États membres remonte à plusieurs siècles, tandis que d’autres sont arrivés relativement récemment.
Les Roms sont l’un des groupes minoritaires traditionnels dont la présence, surtout dans les pays de l’Union, est attestée depuis des temps immémoriaux. Je regrette d’avoir à dire que dans mon pays, la Pologne, si les Roms ne sont pas discriminés, le niveau de leur intégration laisse beaucoup à désirer. Et ils partagent cet avis. Je pense que l’État doit aider davantage les Roms. Ils ont besoin, notamment, de formation professionnelle et d’éducation en général.
Les États membres devraient jouer un rôle de leader en matière d’intégration de ces communautés et groupes minoritaires. Cependant, la législation communautaire pourrait très utilement soutenir nos efforts. Je pense notamment à la définition des droits et des responsabilités des nouveaux arrivants des États islamiques qui éprouvent des difficultés à s’intégrer en Europe.
Mikel Irujo Amezaga, au nom du groupe des Verts/ALE. – (ES) Monsieur le Président, je voudrais exprimer ma profonde gratitude à l’égard de M. Tabajdi pour son travail de préparation et de présentation de cette question orale dont nous débattons ici aujourd’hui, ainsi que pour son travail intense d’élaboration de la résolution dont, malheureusement, nous ne discutons pas mais dont nous pourrons certainement discuter lors des prochaines séances plénières.
Cette résolution est nécessaire parce qu’il est clair que nous devons trouver un niveau minimum de protection pour les groupes minoritaires de l’Union européenne, ce qui n’existe pas pour le moment.
Je ne partage pas l’attitude du commissaire Barrot, qui consiste souvent à se retrancher derrière l’absence de législation de l’Union européenne en la matière. Il est manifestement contradictoire de mentionner les critères de Copenhague, de mentionner un autre type de législation et, en même temps – quand cela n’offre peut-être pas d’intérêt ou quand on manque peut-être de courage – de prétexter le manque de législation pour ne pas, disons, faire de progrès dans la protection des groupes minoritaires, parce qu’en fin de compte nous sommes devant un éternel dilemme. Nous ne sommes pas confrontés à un problème, mais plutôt à un défi que l’Union européenne doit relever, et c’est ainsi qu’on devrait considérer cette question.
Kathy Sinnott, au nom du groupe IND/DEM. – (EN) Monsieur le Président, dans chaque État membre de l’UE, il existe des groupes de personnes qui sont considérées différentes en raison de caractéristiques telles que l’origine ethnique, la langue, leurs tenues vestimentaires, la musique qu’elles jouent et leur religion. Lorsque, dans ces pays, les personnes s’engagent à respecter la dignité innée de chaque être humain, ces différences sont considérées comme enrichissantes, et les personnes sont valorisées. En réalité, lorsque la dignité de la personne humaine est valorisée, nous ne regardons pas du tout les minorités d’un œil négatif. Dans de nombreux pays toutefois, ce respect est faible ou non existant. Il en résulte une discrimination, dans laquelle les minorités sont abusées et reléguées aux pires des circonstances.
Dans l’accord de Copenhague, nous insistons pour que chaque pays qui souhaite rejoindre l’UE ait un minimum de respect pour toutes les personnes vivant à l’intérieur de ses frontières. Ce principe s’écroule lorsque nous ignorons ces critères et que nous autorisons l’adhésion de pays où des personnes sont marginalisées et maltraitées.
En Irlande, par exemple, de nombreux enfants et adultes handicapés ont été placés dans des institutions dans les conditions les plus effroyables, au moment de l’adhésion de notre pays et des années plus tard.
Aujourd’hui, malgré l’introduction des critères de Copenhague, certaines minorités vulnérables vivent encore dans des conditions semblables au sein de pays qui ont récemment rejoint l’UE ou qui envisagent de le faire. Dans ces cas-là, les critères de Copenhague ont été clairement ignorés et le traitement réservé aux minorités n’a pas été considéré comme un obstacle à l’adhésion. Voilà qui nie l’objectif de l’accord. Si, pour adhérer à l’UE, un pays doit respecter les critères de Copenhague relatif au traitement de son peuple, il devrait être également possible de suspendre l’adhésion de ce pays en cas de non-respect ultérieur de ces critères.
Sergej Kozlík (NI). - (SK) Nous sommes en train de discuter du problème des minorités ethniques, ce qui veut dire, principalement, de la minorité ethnique hongroise, M. Tabajdi. En fait, la Hongrie est un pays où les minorités ethniques ont été presque complètement éliminées au cours des dernières décennies. Les déclarations de l’ancien médiateur pour les minorités en Hongrie, Jenö Kaltenbacha, le confirment. Le nombre de Slovaques vivant en Hongrie a chuté de plus de 300 000 à 18 000 pendant la période en question. Pour la minorité slovaque décimée, le hongrois est utilisé exclusivement comme langue de l’éducation dans les écoles de la minorité ethnique en Hongrie. Dans ces écoles, les élèves ont droit à quatre heures d’enseignement de la langue slovaque par semaine.
Il n’y a pas d’esprit de rétorsion en Slovaquie et, pour la minorité hongroise vivant en Slovaquie, les choses vont incomparablement mieux. Dans les écoles de la minorité hongroise, la langue de l’éducation est exclusivement le hongrois. Le slovaque est enseigné comme deuxième langue quelques heures par semaine. Les services religieux sont assurés uniquement en hongrois dans toutes les communautés slovaques de Hongrie, et ce exclusivement par des prêtres hongrois. En revanche, seuls des prêtres hongrois officient en hongrois dans les communautés hongroises de Slovaquie.
Pourtant, paradoxalement, le Parlement européen n’accorde aucune attention aux problèmes des minorités slovaque, allemande, serbe et autres minorités discriminées de Hongrie. On ne cesse de discuter des problèmes accessoires de la minorité hongroise que le gouvernement slovaque, de toute manière, étudie actuellement. Rien qu’aujourd’hui, dans le cadre de ce processus, il a adopté un amendement à la loi sur l’éducation, garantissant que les noms géographiques seront imprimés en hongrois ou en ukrainien dans les manuels destinés aux écoles des minorités. Ce sont les responsables politiques hongrois et les députés qui, sous couvert de régler les problèmes ethniques, imposent constamment leurs idées de solutions d’autonomie, y compris d’autonomie territoriale. Très récemment, c’est ce qu’a fait le président hongrois lors d’une visite de son homologue roumain à Budapest, qui l’a fermement éconduit. De telles attitudes doivent être démasquées et vigoureusement condamnées également par le Parlement européen.
Kinga Gál (PPE-DE). – (HU) Alors que les intérêts de toute autre minorité sociale protégée par des règlements antidiscriminatoires sont vigoureusement défendus, la protection juridique européenne, sans parler de la volonté politique, est réticente lorsque les minorités nationales traditionnelles sont concernées. Or l’existence de ces minorités dans l’Union européenne n’est pas une question politique mais un état de fait: elles comptent des millions de membres vivant dans l’UE et qui ne sont pas des immigrants. Ces personnes, qui vivent dans les États membres de l’Union, n’ont jamais quitté leur terre ancestrale. Ce sont les événements survenus au cours du XXe siècle qui ont conduit au déplacement des frontières de leur pays, les laissant depuis lors face à d’insolubles dilemmes. Comment peuvent-ils préserver leur identité et leur communauté, comment peuvent-ils donner à leurs enfants l’image d’un XXIe siècle plein d’avenir? Nous devons finir par admettre que les problèmes de ces communautés ne peuvent être résolus uniquement par le biais des droits humains universels ou de règlements antidiscriminatoires. Ces communautés exigent à juste titre toutes les choses que, dans le cas des populations d’importance similaire, l’Union européenne considère comme revenant de droit à ceux qui font partie d’une majorité. C’est pourquoi une réglementation de l’UE est nécessaire et pourquoi l’aide de l’UE est indispensable. Ces communautés ont le droit de penser, par exemple, que l’autonomie, qui a contribué à la prospérité et au développement des minorités du Sud Tyrol en Italie, pourrait également représenter une solution souhaitable pour elles.
Il ne fait aucun doute que certaines formes d’autonomie – y compris peut-être d’autonomie territoriale – pourrait offrir un avenir positif et gérable à ces communautés. Il ne devrait pas y avoir de mystification autour de ces communautés, la question devrait au contraire être discutée ouvertement, puisque, si une telle option peut représenter une solution positive dans un État membre sans porter préjudice à l’intégrité territoriale de l’État, elle pourrait représenter également une solution dans d’autres États membres. Les exigences justifiées de ces minorités, qui sont basées sur des principes fondamentaux et des pratiques actuellement en vigueur dans l’Union européenne, ne peuvent être des sujets tabous dans l’UE du XXIe siècle!
Bárbara Dührkop Dührkop (PSE). – (ES) Monsieur le Président, curieusement, au cours de chaque législature, nous soulignons la non-existence ou la fragilité de la protection juridique et matérielle de l’un ou l’autre groupe minoritaire des États membres.
Suite au récent élargissement à l’est, la situation est inévitablement devenue beaucoup plus complexe.
Si nous ajoutons aux minorités ethniques et linguistiques historiques celles issues de l’immigration récente, l’Europe des 27 compte une centaine de groupes. Il faut mentionner en particulier – ce qui a déjà été fait – les Roms, un groupe ethnique vivant parmi nous depuis des siècles. Il a ses propres caractéristiques et, de tous les groupes minoritaires de toute sorte, c’est celui qui souffre des plus grands désavantages.
Redoubler d’efforts pour parvenir à une intégration progressive, voire à l’assimilation, de ces groupes et faire de cette unité dans la diversité une réalité est un défi majeur pour l’Europe, Monsieur le Commissaire. Ce n’est pas pour rien que le traité de Lisbonne fait explicitement référence, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, aux droits des personnes appartenant à ces minorités et à leurs valeurs.
Chaque groupe social est différent. Les minorités linguistiques et historiques des États membres et leur droit reconnu et incontestable à s’exprimer dans leur langue maternelle ont peu ou rien à voir avec les nouveaux flux migratoires, lesquels ont aussi leurs caractéristiques propres.
En prenant comme base la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, nous demandons au Fonds social européen d’accorder son attention et des ressources aux groupes minoritaires.
2008, Année européenne du dialogue interculturel, vient à peine de s’achever et j’ai l’impression que ce dialogue vient seulement de commencer. Je pense que nous devrions profiter de cet élan pour continuer à développer ce dialogue de manière à créer des mécanismes de contrôle au niveau européen dans le but de protéger les groupes minoritaires.
Je terminerai en soulignant que les États membres ont le devoir de protéger et de préserver les traditions et les valeurs de l’Europe multiculturelle émergente et que le devoir de notre Parlement consiste à instaurer des normes d’intégration dans un cadre européen commun propice à une coexistence pacifique.
István Szent-Iványi (ALDE). - (HU) Monsieur le Président, un citoyen européen sur dix appartient à une minorité nationale. Nombre d’entre eux ont l’impression d’être des étrangers dans leur propre patrie. Ils se tournent vers l’Union européenne pour qu’elle garantisse leurs droits et qu’elle les aide à améliorer leur situation. En matière de droits de l’homme, la plus grande dette de l’Union européenne est celle qu’elle a à l’égard de la protection des minorités. Bien qu’il existe des motifs juridiques de protéger efficacement les minorités, la volonté politique de les affirmer est souvent insuffisante. La ratification du traité de Lisbonne pourrait améliorer la situation, mais en soi ce n’est pas une solution magique. Il est important que les institutions existantes travaillent efficacement et, notamment, que les compétences de l’Agence pour les droits fondamentaux en matière de minorités soient renforcées. Les diverses minorités considèreraient comme un signe positif que la nouvelle Commission ait un commissaire exclusivement chargé des affaires des minorités. Cela enverrait un signal clair selon lequel les membres des minorités sont également des citoyens à part entière d’une Europe unificatrice. L’Europe ne peut avoir des citoyens qui se sentent étrangers chez eux, puisque, d’une manière ou d’une autre, nous sommes tous issus de minorités.
László Tőkés (Verts/ALE). - (HU) Monsieur le Président, je tiens à exprimer ma gratitude et ma satisfaction de voir inscrite à l’ordre du jour la protection des minorités nationales traditionnelles et ethniques ainsi que des minorités immigrantes en Europe. Je trouve déplorable qu’en l’absence du soutien nécessaire de la part des groupes politiques, notre débat conjoint d’aujourd’hui se termine sans qu’une décision soit prise et qu’il ne soit toujours pas possible d’adopter l’accord-cadre de l’UE sur la protection des minorités. Dans les pays de l’ancien bloc communiste, le principe de la non-intervention était suprême. Je considère qu’il est inacceptable que l’Union européenne laisse, de la même manière, la solution du problème des minorités dans le domaine de compétence de chaque État membre. Je considère les déclarations du président Traian Băsescu à Budapest rejetant les demandes justifiées des Hongrois de Transylvanie en faveur de droits collectifs et de l’autonomie rappellent la position dictatoriale des autorités à l’époque du communisme. L’Union européenne est la patrie commune des minorités nationales, ethniques et religieuses et c’est précisément pour cette raison que l’UE ne peut repousser plus longtemps l’introduction en leur faveur d’une protection institutionnelle, juridiquement réglementée.
Patrick Louis (IND/DEM). - Monsieur le Président, dans le cadre de nos cultures où se sont déployés l’État de droit et les droits de la personne humaine, il est bon de défendre les droits de l’individu minoritaire, mais il est vite hasardeux de légiférer sur les droits des minorités non nationales, en tant que communautés.
Pour les minorités non nationales, et je limite mon sujet à cela, l’approche communautariste doit être écartée car elle sera inévitablement destructrice de la cohérence de nombreuses nations européennes. Dans l’État de droit, la régulation du vouloir vivre ensemble doit rester de compétence nationale. Dans celui-ci, la majorité ne peut être l’adversaire de la minorité, à moins de douter définitivement de la démocratie.
Devant la misère ou la menace, certains doivent fuir leur pays d’origine et chercher refuge. Le droit de l’asile est une sorte de vote avec les pieds. Il est devenu heureusement un droit fondamental. Mais, comme tout droit, sa contrepartie est un devoir. En l’occurrence, c’est celui de se plier aux règles, langues et usages du pays qui reçoit.
Le droit d’asile est un droit précieux car c’est un droit inhérent à la personne humaine. Même si l’on appartient à une minorité, il ne légitime pas la naissance d’un droit communautaire. L’allégeance ultime doit toujours rester celle que l’on donne au pays où l’on s’installe. Il est illusoire de croire que la juxtaposition de communautés de passage, de mémoires séparées, font un pays. Avec la durée, cela fait tout juste un champ d’indifférence ou de bataille.
Le pays d’accueil, on l’aime ou on le quitte. Telle est la responsabilité née de la liberté d’aller et venir.
Marian-Jean Marinescu (PPE-DE). - (RO) Je voudrais exprimer mon soutien à la protection des minorités et au respect de leurs cultures, de leurs langues, de leurs traditions et coutumes. Je pense que tous les États membres devraient inclure des références à la protection des minorités dans leur législation nationale dans divers domaines.
À cet égard, je pense que la législation roumaine en la matière est particulièrement bien conçue et qu’elle peut servir de modèle à d’autres États membres. La preuve de cette déclaration est corroborée par l’un de nos collègues de ce Parlement, pour qui j’ai le plus grand respect, qui est né, a été élevé et a fait ses études dans une communauté hongroise de Transylvanie, et qui est aujourd’hui un excellent représentant de la Hongrie dans cette Assemblée. Toutefois, la protection des minorités ne doit pas conduire à des excès tels que des droits collectifs, la promotion de l’autonomie et l’auto-détermination, y compris territoriale.
Je ne pense pas qu’il soit utile de classer les minorités en différentes catégories, car cela pourrait suggérer l’idée que ces catégories doivent être traitées de différentes manières. Tous les citoyens doivent être traités sur un pied d’égalité et jouir des mêmes droits et obligations à l’égard des communautés au sein desquelles ils vivent. La décentralisation et l’autonomie locale prévues dans la législation nationale reflètent très bien toutes les aspirations des citoyens, quelles que soient leur nationalité ou leur origine ethnique. Il n’est pas normal de discuter de concepts qui ne sont pas encore consacrés par le droit international en vigueur et qui ne sont pas acceptés au niveau des États membres. Nous ne sommes pas tenus non plus d’adopter les dispositions du Conseil de l’Europe.
La minorité Rom mérite une mention spécifique. Je suis fermement convaincu que les programmes communs de l’UE, surtout dans le domaine de l’éducation, accélèreraient considérablement l’intégration des Roms.
Enfin, je voudrais vous rappeler que toute nation, quelle que soit sa taille, est une minorité comparée aux 500 millions de citoyens de l’Europe.
Monika Beňová (PSE). – (SK) La protection des minorités est incontestablement un principe fondamental, et dans mon pays, la République slovaque, un niveau vraiment exceptionnellement élevé de protection est garanti aux minorités. Si nous devons parler de minorités ethniques, on peut dire que cette norme est également garantie sous la forme de l’autonomie culturelle et éducative, puisque notre plus importante minorité ethnique possède sa propre université.
Toutefois, je suis fondamentalement opposée à l’ouverture d’une discussion sur l’autonomie territoriale, parce que je considère qu’il s’agit d’une question politique et juridique très importante, et aussi parce que je la trouve, en termes humanistes, navrante. Elle pourrait entraîner le malheur des populations. L’ouverture de discussions sur l’autonomie territoriale menacerait aussi fondamentalement l’unité et l’avancée réussie de l’Union européenne.
Pour conclure, Monsieur le Commissaire, puisque vous avez parlé de respect – oui, il est parfaitement normal que la société majoritaire nourrisse le plus grand respect pour ses minorités, mais je pense que les minorités vivant dans une société fonctionnant sainement devrait avoir un égal respect pour cette société.
Tatjana Ždanoka (Verts/ALE). - Monsieur le Président, je tiens à remercie M. Tabajdi pour son excellent travail. Il est déplorable que nous ne puissions pas conclure nos débats par une résolution.
J’ai la ferme conviction que les droits des minorités doivent faire partie intégrante de l’acquis communautaire. Malheureusement, la Commission rechigne à suggérer la moindre mesure dans ce domaine. Nous ne devrions pas oublier que les droits des minorités font partie des droits de l’homme et que, par conséquent, nos normes en la matière doivent être aussi élevées que possible. N’oublions pas non plus que le respect et la protection des minorités comptent parmi les critères de Copenhague. La Commission n’applique même pas correctement ces critères dans le cadre du processus d’adhésion.
Nous sommes prêts à faire des concessions, dans l’espoir que la situation s’améliore par la suite, mais, depuis les adhésions, il n’existe toujours pas d’instrument pour aborder la question, comme le commissaire Barrot l’a indiqué le mois dernier. L’Union européenne a élaboré des normes communes dans le domaine des droits de minorités, et c’est là un devoir absolu.
Edit Bauer (PPE-DE). - (HU) Merci beaucoup, Monsieur le Président. Il existe dans l’Union européenne quelques territoires politiques où une double norme est appliquée. Les critères de Copenhague sur les droits des minorités s’appliquent aux pays candidats – comme nous l’avons déjà entendu aujourd’hui – mais ces mêmes droits n’existent pas dans le droit communautaire. Si la richesse de l’Europe tient à sa diversité culturelle et que personne ne veut voir la culture et la langue des petites nations disparaître, alors le besoin de protection, y compris de protection juridique des minorités ethniques est encore plus important. Dans les nouveaux États membres, la protection apparente offerte par l’internationale socialiste a disparu et les sentiments nationaux se renforcent. De plus, diverses formes de nationalisme oppressif apparaît souvent dans les nouveaux États membres, surtout depuis que les critères de Copenhague ne sont plus contraignants. Nous constatons souvent un renforcement des efforts assimilationnistes – soi-disant dans l’intérêt des minorités. Malheureusement, c’est un outil politique souvent utilisé par les partis populistes pour retourner la majorité contre la minorité.
L’introduction de normes juridiques internes visant à protéger le statut juridique des minorités est inévitable. Ces normes doivent suivre les meilleures pratiques européennes, en s’appuyant sur les différentes formes d’auto-gouvernance qui ne doivent pas être dénoncées comme une sorte de crime politique, ni rejetées. En revanche, le principe de subsidiarité devrait être étendu pour permettre aux minorités de prendre des décisions en ce qui concerne leurs propres affaires. La méthode de la coordination ouverte pourrait peut-être être utile à cet égard, jusqu’à ce qu’une base juridique soit créée. Je voudrais poser la question suivante au commissaire: ne serait-il pas possible d’utiliser cette option, cette méthode, pour donner une solution au statut juridique des minorités? Enfin, je voudrais remercier M. Tabajdi pour son excellent travail dans ce domaine.
Corina Creţu (PSE). – (RO) Nous disposons, au niveau européen, d’un ensemble cohérent de règlements, de critères et de recommandations qui garantissent la protection des citoyens appartenant aux minorités nationales, et les cas d’infraction sont relativement rares dans l’Union européenne. La Roumanie permet à ses minorités de jouir de droits nationaux qui vont au-delà des normes européennes pertinentes. En fait, la présence dans cette Assemblée de députés roumains qui sont ethniquement hongrois en est la preuve vivante.
Il est vital pour l’harmonie interethnique en Europe que les droits de l’homme soient respectés, mais il convient de s’opposer à tout exploit séparatiste déclenché par la détérioration des droits ethniques. Le projet européen est un projet d’intégration et non un projet visant à créer des enclaves basées sur des critères ethniques.
Je pense également que nous devrions accorder plus d’attention à la situation des minorités nationales dans les pays voisins de l’UE et ce d’autant plus lorsqu’elle implique des citoyens possédant la nationalité de certains des États membres. Un exemple de ceci nous est fourni par les Roumains vivant en Ukraine, en Serbie et en République de Moldavie, qui sont privés de leurs droits fondamentaux et font l’objet d’un processus intensif de dénationalisation.
Josu Ortuondo Larrea (ALDE). – (ES) Monsieur le Président, il existe dans l’UE plusieurs langues parlées par des groupes européens historiques et qui ne peuvent être utilisées dans les débats dans ce Parlement, puisqu’elles ne sont pas reconnues comme langues d’État. C’est une perte pour la démocratie représentative.
L’une de ces langues est le basque, l’euskera, qui n’est pas une langue minoritaire mais une langue officielle, du moins dans la zone méridionale du Pays Basque, lequel, au point de vue administratif, est considéré comme étant une partie de l’État espagnol. Toutefois, il n’en est pas de même – et il ne s’agit pas du tout d’une attaque personnelle, Monsieur le Commissaire – dans la partie septentrionale du Pays Basque, qui est rattaché à l’État français, dont le président a déclaré devant l’Assemblée des Nations unies que ne pas respecter les identités et les langues nationales revient à semer les graines de l’humiliation et que, sans ce respect, il n’y aura pas de paix dans le monde. Ce qui n’empêche que ni l’euskera, ni le corse, le breton ou l’occitan ne se voient accorder la moindre considération officielle, pas plus qu’ils ne reçoivent de soutien pour garantir que leur usage soit respecté et encouragé.
C’est pourquoi je demande à l’Agence pour les droits fondamentaux d’être vigilante et d’œuvrer pour faire en sorte qu’au sein des États membres, il n’y ait aucune violation du droit de tout peuple européen d’utiliser sa langue maternelle et aucune discrimination à l’égard de ses citoyens, et que toutes les langues maternelles soient considérées comme officielles dans leurs territoires respectifs.
(L’orateur continue en basque)
Eskerrik asko jaun-andreok zuen laguntzagatik Europako hizkuntza guztien alde.
Daniel Petru Funeriu (PPE-DE). - (EN) Monsieur le Président, je me félicite de ce débat, d’autant que l’histoire européenne nous a montré qu’en temps de crise, les tensions ethniques étaient susceptibles d’enflammer des situations sinon stables. Je voudrais croire que l’intention des initiateurs de ce débat est de souligner les valeurs et réalités fondamentalement généreuses du projet européen, parce que les réalités de l’Union européenne sont effectivement les meilleures au monde en termes de traitement des minorités. C’est pourquoi nous devrions clamer haut et fort que cette Assemblée n’accepte et n’acceptera aucune action discordante et aucun affaiblissement des normes que je viens de mentionner.
Comme le commissaire Barrot l’a souligné, dans chaque pays de l’Union, il existe un cadre juridique clair et, souvent, officiel qui garantit la protection de notre diversité culturelle. Pourtant, si l’on veut que notre société multiethnique soit durable, quel autre moyen que l’enseignement supérieur avons-nous? Des exemples de la vie réelle montrent que la résolution des problèmes liés à l’éducation favorise le développement de la Communauté. Par sa nature même, l’éducation unit plus qu’elle ne divise. En fait, elle nous apprend que nous sommes tous la minorité de quelqu’un d’autre. L’université Babeş-Bolyai en Roumanie, dans la ville transylvanienne de Cluj, est une université multiculturelle qui ne cesse d’être citée par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en tant qu’exemple positif d’excellence multiculturelle et interethnique.
Au besoin, l’enseignement supérieur dans la langue des minorités fait partie du système éducatif national. Permettez-moi de citer l’exemple de l’université Sapientia en Roumanie.
Ces exemples positifs ne doivent toutefois pas nous empêcher de rester vigilants et nous devons prendre conscience de ce que le problème le plus épineux reste peut-être à résoudre: régler la situation difficile de la communauté rom partout en Europe. Je pense que la façon la plus efficace de résoudre à long terme ce problème européen éminemment difficile passe par l’éducation. Je voudrais qu’un vaste débat soit organisé sur la manière dont l’Europe envisage de tirer profit de notre système éducatif unique, afin que nous restions unis dans notre diversité.
Silvia-Adriana Ţicău (PSE). – (RO) Le Conseil de Europe est l’institution qui veille au respect des droits de l’homme. En vertu du principe de subsidiarité, les droits et la protection des minorités relèvent de la compétence des États membres. Les minorités traditionnelles et ethniques, les minorités migrantes et immigrantes doivent se conformer à la législation nationale de l’État membre où elles résident.
Je pense que l’intégration de nouvelles minorités migrantes ne devrait pas faire partie de la politique commune d’immigration que l’UE est en train d’élaborer. Cette politique ne pourra être définie que lorsque les obstacles actuels à la libre circulation des travailleurs des États membres qui ont rejoint l’Union européenne après 2004 auront été levés au sein de l’UE.
La protection des minorités migrantes fait partie des principes promus par l’Europe sociale. Établir des conditions de travail équitables pour tous les citoyens européens, quel que soit leur État membre d’origine, leur garantit un niveau de vie décent. En tant que socialiste européenne, je soutiens le développement d’un cadre européen pour l’immigration légale, mais je défends activement, avant tout, le respect des principes de base de l’Union européenne pour tous les citoyens européens.
Csaba Sógor (PPE-DE). - (HU) Malheureusement, ce projet de décision débattu aujourd’hui au Parlement ne l’est que sous la forme d’une question. Les représentants des minorités et communautés nationales traditionnelles ont tenté de convaincre la majorité, au moyen de procédures parlementaires pacifiques, que ce qui est bon pour les 14 États membres de l’Union européenne sera bon pour l’ensemble du territoire de l’UE. Si les minorités nationales traditionnelles se retrouvent dans un nouveau pays, ce n’est pas leur faute, et c’est sans jamais avoir quitté leurs patries séculaires. Personne n’a demandé à leurs membres s’il voulaient changer de nationalité ou adopter une nouvelle langue officielle. Ces minorités nationales traditionnelles sont les plus loyaux des citoyens de leurs pays respectifs. Malgré les guerres, les crises économiques, les conflits politiques internes et l’assimilation, ils n’ont pas abandonné leur patrie, nouvelle et pourtant ancestrale et séculaire. Leur loyauté est intacte. C’est précisément pour cette raison qu’il est incompréhensible que plusieurs dizaines de millions de membres de populations importantes de grands pays craignent les quelques milliers ou, tout au plus, le demi-million de membres d’une minorité.
Les différentes formes d’auto-gouvernance existant dans l’Union européenne, comme l’autonomie territoriale et culturelle, sont le fruit d’une politique de consensus de la part de la majorité et de la minorité, et elles n’ont pas affaibli le pouvoir économique, politique ou social de l’État en question, ni celui de l’Union européenne. Mon pays, la Roumanie, existe sous sa forme actuelle depuis 1920. En 1930, la population vivant sur son territoire comprenait 28 % de non-Roumains; aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 10 %. Outre la Roumanie, plusieurs autres États membres ont des préoccupations similaires. Les lois et les droits existent, mais leur mise en œuvre ne peut être garantie, bien que la diversité linguistique, ethnique et régionale soit une valeur européenne. Par conséquent, il est important de formuler un projet de lignes directrices basées sur des exemples existants et réussis dans l’UE, qui soient acceptables par tous et qui aient pour cadre le respect de l’intégrité territoriale des États.
Gábor Harangozó (PSE). - (HU) Merci beaucoup, Monsieur le Président. Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d’abord dire que c’est avec joie que je soutiens l’initiative de Csaba Tabajdi visant à améliorer la situation des minorités vivant dans l’Union européenne. Bien que d’excellents exemples prouvent que les minorités nationales sont considérées comme une valeur et une opportunité dans l’Union européenne, comme au Sud Tyrol ou dans l’île d’Åland, malheureusement, en Europe orientale, nous rencontrons aussi l’attitude inverse, parfois même dans les discours des responsables politiques. C’est précisément pour cette raison que nous devons d’urgence nous opposer à des déclarations qui rejetteraient définitivement et perpétuellement les demandes d’autonomie des minorités nationales, en se référant aux exigences fixées par l’Union européenne. En conséquence, nous devons parler avec détermination et déclarer que les minorités nationales ont le droit à l’autonomie en tant qu’exercice des droits des minorité au niveau de la Communauté, et que nous devons garantir ces droits fondamentaux-là aussi, en vertu de l’ordre juridique de l’Union européenne. Par conséquent, je soutiens sans réserve l’élaboration d’une réglementation complète pour la protection des droits des minorité à l’échelle européenne. Merci de votre attention.
Michl Ebner (PPE-DE). - (IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, aujourd’hui est un très bon jour et le mérite en revient en particulier, avec mes remerciements, à M. Tabajdi, président de l’intergroupe et champion des minorités.
Je m’exprime aujourd’hui en italien, qui est la langue de l’État italien, mais qui n’est pas ma langue maternelle. Je le fais pour une raison spécifique: un grand nombre de minorités ethniques issues de différents pays et groupes ethniques vivent en Italie. Aujourd’hui, je veux utiliser cette démonstration – ainsi que la démonstration qu’une minorité ethnique n’est pas simplement une minorité ethnique en soi, mais qu’elle doit faire l’expérience de la solidarité – pour donner à ces minorités une voix ici dans cette Assemblée. Je veux également dire aux minorités italiennes qui vivent à l’étranger que, sinon, elles n’auraient pas cette possibilité.
M. Barrot a parlé aujourd’hui de non-discrimination. Je pense que la nondiscrimination ne suffit pas, parce que nous devons parvenir à l’égalité des droits et que l’égalité des droits ne sera réalisée que lorsque nous aurons des populations en situation de minorité auxquelles nous donnerons une aide conséquente pour atteindre un niveau identique à celui de la majorité. C’est pourquoi nous avons besoin de discrimination positive dans certaines situations. Ceci, je pense, est une idée nouvelle, une idée à suivre.
L’Union européenne possède des compétences en la matière. En faisant référence aux articles 21 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à l’article 2 du traité de Lisbonne – espérons qu’ils entreront en vigueur le plus vite possible – associés aux critères de Copenhague et à une petite dose de flexibilité et d’imagination législative, nous serions en mesure de réaliser énormément de choses. Je voudrais mentionner, notamment, l’article 2 du traité de Lisbonne sur la protection des droits individuels – et à cet égard je remercie en particulier l’ancien ministre des affaires étrangères, M. Frattini, qui a contribué de manière décisive à son inclusion.
Nous espérons obtenir une protection des droits des groupes minoritaires: c’est notre but. Comme il y a 168 groupes minoritaires dans l’Union européenne et environ 330 sur le continent européen, une centaine de millions de nos concitoyens sur ce continent vivent cette situation. Nous, au Sud Tyrol, nous avons atteint un niveau qui pourrait, bien sûr, être amélioré, mais qui est néanmoins très, très bon. Quand j’entends des représentants dans cette Assemblée ou des députés de populations majoritaires dire que leurs minorités sont bien traitées, je me méfie un peu. Je serais plus rassuré si les représentants de ces minorités disaient qu’ils sont bien traités.
Nous, citoyens de l’Union européenne, devons comprendre que les minorités représentent une valeur ajoutée, un pont entre les cultures, entre les peuples et les pays. Nous devons travailler en faveur de l’unité dans la diversité culturelle.
Katrin Saks (PSE). - (ET) Mesdames et Messieurs, la diversité linguistique et culturelle que nous considérons comme un atout pour l’Union européenne devient souvent un problème au niveau des États membres, surtout dans les zones où les frontières ont été déplacées suite aux vicissitudes de l’histoire, ou qu’une minorité est devenue la majorité et la majorité est devenue une minorité, comme en Estonie, ma patrie. Pour un pays, ces cas représentent vraiment un immense défi.
Toutefois, à l’échelle de l’Union européenne, il est très important d’éviter le système «deux poids, deux mesures». Les critères de Copenhague, déjà mentionnés par les précédents orateurs dans plusieurs interventions et auxquels les nouveaux États membres avaient l’obligation de se conformer, ont déjà été discutés, mais nous savions également parfaitement que ces mêmes critères, ces mêmes exigences – par exemple les exigences en matière d’éducation – ne sont pas satisfaites dans beaucoup des anciens États membres. Il est crucial que tous les pays soient traités de la même manière et que des normes minimales s’appliquent à tous.
Rareş-Lucian Niculescu (PPE-DE). - (RO) tout d’abord, je ne pense pas que l’Union européenne ait besoin d’une politique commune de protection des minorités. Tous les citoyens européens, indépendamment de leur origine ethnique, doivent jouir des mêmes droits. D’autre part, si ceux qui ont demandé que la question soit discutée veulent réellement une politique européenne dans ce domaine, nous pouvons les assurer que la législation roumaine, par exemple, peut être considérée comme un modèle de bonnes pratiques.
La Roumanie s’est dotée d’une législation qui est peut-être la plus généreuse et la plus moderne d’Europe en matière de minorités nationales. Celles-ci jouissent de droits politiques et sociaux extensifs, identiques à ceux applicables à tous les citoyens. Les minorités de taille importante, comme la minorité hongroise, ont le droit d’être éduquées dans leur langue maternelle à tous les niveaux. Les représentants des minorités peuvent siéger au parlement, même s’ils n’ont pas obtenu les voix nécessaires. En fait, depuis que la Roumanie fonctionne en tant qu’État démocratique, le parti de la minorité hongroise, qui a été mentionné ce soir et au cours des débats d’hier soir, a fait partie du gouvernement roumain pendant 12 années sur 19.
Flaviu Călin Rus (PPE-DE). – (RO) Le minorités de tout type doivent être protégées, non seulement parce que leur identité unique, leurs valeurs, leurs traditions et leurs langues doivent être préservées, mais aussi pour permettre le développement de leurs cultures. Je pense que la Roumanie, qui est un État unitaire et souverain, est un pays modèle en termes de respect des droits individuels des membres de toute minorité.
Je salue les progrès réalisés par mes collègues, ainsi que leur préoccupation constante pour la protection des minorités nationales traditionnelles et ethniques. C’est une attitude sensée et qui va de soi. Toutefois, en ce qui concerne les relations entre la majorité et la minorité, je voudrais attirer votre attention sur deux aspects: 1) Je pense que non seulement les membres de la minorité devraient être impliqués dans les mesures de ce type, mais que les majorités doivent également s’occuper des questions relatives aux minorités, dans la même mesure, précisément pour soutenir et protéger ce que nous appelons «l’unité dans la diversité», qui s’instaure en Roumanie. 2) J’estime que les minorités devraient être concernées de manière identique par le statut des majorités, car ce n’est que si elles sont associées que ces deux entités forment cet ensemble unitaire qui contribue au développement naturel de toute société.
Nicodim Bulzesc (PPE-DE). – (RO) Comme contribution à ce débat, je voudrais faire le commentaire suivant: les minorités nationales font beaucoup de bruit parce qu’elles n’ont pas d’arguments pour justifier tous les droits qu’elles réclament. Je voudrais lancer un slogan à ce sujet: «faire des histoires n’est pas raisonnable et la raison ne fait pas d’histoires».
Le droit de l’Union européenne ne peut pas uniquement protéger les minorités et désavantager les communautés nationales parce que nous autorisons la discrimination positive. Je voudrais vous donner un exemple où la réalité contredit les assertions qui ont été faites. Certaines personnes ont prétendu que les droits des minorités hongroises ne sont pas respectés dans le domaine de l’éducation en Roumanie et, comme j’ai une expérience dans l’enseignement, je voudrais citer en exemple les universités roumaines, qui appliquent les normes européennes en matière de traitement des minorités.
Alexandru Nazare (PPE-DE). - (RO) Dans le cadre de ce débat, je voudrais mettre en lumière la détérioration du respect des droits religieux des Roumains qui vivent dans la vallée de Timoc en Serbie. Il s’agit d’une communauté de plus de 100 000 Roumains.
Je voudrais saisir cette occasion pour exprimer ma préoccupation concernant la décision du conseil municipal de la ville serbe de Negotin de démolir les fondations d’une église orthodoxe de langue roumaine, alors même que le prêtre, Boian Alexandru, avait obtenu les approbations nécessaires. Ce serait la deuxième église pour les Roumains vivant en Serbie. Pour avoir osé construire la première, le Père Alexandru a été condamné à une peine de deux mois avec sursis. Je voudrais souligner que la Serbie s’est engagée, conformément à l’article 5 de l’accord de stabilisation et d’association, à respecter les droits de l’homme et à protéger les minorités ethnique et religieuses.
Je voudrais conclure en vous lisant un passage d’une lettre du Père Alexandru, dans laquelle il forme l’espoir que les autorités serbes ne démoliront pas cette église où les offices religieux seront célébrés en roumain. Je cite: «… pour nous aider, également, à obtenir ces droits dans notre pays, où nous vivons, la Serbie, pour que nous puissions au moins disposer de notre église et de notre école et parler en roumain.».
Adrian Severin (PSE). - (EN) Monsieur le Président, l’Union européenne n’a aucune compétence en ce qui concerne le statut des minorités nationales au sein des États membres. Ce n’est toutefois pas un problème, puisque tous les États membres de l’Union européenne sont aussi membres du Conseil de l’Europe, une organisation bien équipée et expérimentée pour aborder ce problème. Reproduire l’activité du Conseil de l’Europe serait néfaste pour nos travaux sur les minorités et ne ferait que créer confusion et frustration.
Ensuite, je suis inquiet de constater que notre approche en matière de minorités place trop l’accent sur des solutions qui étaient peut-être valables il y a des décennies voire des siècles. Je pense que, dans ce domaine aussi, il serait utile de développer notre imagination plus que notre mémoire.
Enfin, plutôt que de revisiter des domaines déjà exploités, l’Union européenne serait bien avisée d’élaborer un concept de protection transnationale des droits culturels dans un continent où chaque communauté ethnique et culturelle est aussi une minorité.
Dragoş Florin David (PPE-DE). - (RO) À notre époque actuelle de mondialisation et de liberté de circulation, je pense que les idées exprimées ici ce soir sur l’autorité territoriale n’ont aucun sens. Je pense qu’il y a plus d’un million de Roumains qui vivent en Espagne et en Italie, mais je ne vois pas pourquoi ils demanderaient une autonomie territoriale dans ces pays.
Je pense que la mise sur pied d’une commission ou d’une sous-commission du Parlement européen chargée de contrôler les droits des minorités serait une excellente idée, et permettrait de mettre en œuvre la politique européenne à ce niveau ou, du moins, certaines procédures pour faire respecter les droits des minorités. Je ne pense pas que la Roumanie ait jamais refusé la visite d’aucun président d’un État européen et pourtant, encore une fois, c’est une rumeur qui a couru ici. Je pense que la Roumanie représente un modèle de bonnes pratiques pour de très nombreux pays de l’Union européenne.
Iuliu Winkler (PPE-DE). - (HU) Merci beaucoup, Monsieur le Président. Les minorités nationales qui vivent sur le territoire de l’Union européenne enrichissent l’UE. Le Parlement européen doit se faire le leader de la défense des minorités ethniques en lançant un vaste débat sur le statut juridique des minorités. Le Parlement doit prendre la responsabilité d’élaborer et d’adopter un règlement cadre contraignant pour tous les États membres. Un tel règlement cadre ne servira réellement les intérêts des communautés minoritaires que si – n’oublions pas le principe de subsidiarité – ses dispositions incluent le fait que l’adoption de diverses formes d’autonomie basées sur un consensus entre la majorité et les minorités est la bonne façon de doter les communautés minoritaires d’un statut approprié. Merci de votre attention.
Miloš Koterec (PSE). - (SK) Certes, les minorités doivent être respectées et leurs droits doivent être garantis au plan juridique par les États membres de l’UE. La diversité culturelle et linguistique doit être préservée, car elle est le fondement d’une Union fonctionnant sainement. Toutefois, nous ne permettrons pas à des groupes politique basés sur une position minoritaire de promouvoir des intérêts autonomistes qui défient souvent le principe de l’intégrité territoriale des États et qui, de plus, ont souvent pour origine un sentiment d’injustice à l’égard de décisions prises dans le passé.
L’autonomie territoriale sur une base nationale et, en outre, non fondée sur l’homogénéité, mais qui abuse souvent politiquement du statut minoritaire de la population majoritaire dans une certaine microrégion ou dans une communauté, est une menace à la volonté de vivre et de coexister pacifiquement dans l’Union européenne.
Christopher Beazley (PPE-DE). - Monsieur le Président, deux questions pour M. le commissaire.
Pendant ce débat, beaucoup de parlementaires et de collègues ont parlé de double standards, des obligations inégales entre les anciens pays membres et les nouveaux. Quelles mesures prenez-vous envers les anciens, c’est-à-dire les quinze pays membres qui ne respectent pas l’accord de Copenhague?
Deuxième question, sur les minorités religieuses, juives et musulmanes sur notre continent, dans notre Union: quelles mesures la Commission prend-elle pour protéger leur foi, leur loi, leur façon de vivre?
Csaba Sándor Tabajdi, auteur. − Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, la première question à laquelle il faudrait répondre est de savoir si le dossier des minorités nationales constitue une compétence exclusivement nationale.
Je ne pense pas, parce que, si les droits de l’homme ne constituent pas une affaire intérieure des pays membres de l’Union européenne, les droits des minorités nationales non plus. Il faut clarifier cela, c’est évident. On a bombardé la Yougoslavie en raison de la violation des droits des Kosovars, alors pourquoi ne clarifions-nous pas cette question?
Deuxième chose: pourquoi, avant l’adhésion, la situation dans les nouveaux pays membres était-elle meilleure alors qu’à l’heure actuelle elle est pire?
Troisièmement, mon collègue français a posé la question, il y a deux poids et deux mesures. C’est vrai, la situation de la communauté hongroise en Roumanie est meilleure malgré les problèmes. Il y a des problèmes en Roumanie, mais la situation est meilleure qu’en Alsace ou en Bretagne. Pourquoi y a-t-il deux poids et deux mesures?
Quatrièmement, l’autonomie territoriale. En Finlande, dans l’île d’Åland, au Sud Tyrol, en Italie, l’autonomie territoriale a bien stabilisé le pays et, en Espagne, le système des autonomies, malgré quelques extrémistes basques qu’il faut condamner, est un très bon exemple.
Finalement, Monsieur le Président, il faut préciser que la non-discrimination, l’égalité de traitement, ne sont pas suffisants pour compenser le désavantages des minorités. Or, en fin de compte, les minorités satisfaites sont les facteurs stabilisants des pays de l’Europe. Comme M. Henrik Lax le dit toujours: «s’il y a une politique bien menée, c’est toujours payant». C’est la réalité et je vous remercie pour le débat.
Jacques Barrot, vice-président de la Commission. − Monsieur le Président, j’ai écouté les interventions avec beaucoup d’attention et je suis sensible à la passion qui, quelquefois, sous-tendait ces prises de position.
M. Tabajdi, à l’instant, vient d’évoquer toute une série de problèmes. Je suis bien conscient que ces problèmes existent. Cependant, encore une fois, même si c’est avec quelques regrets, mais je ne peux pas faire autrement, je dois rappeler que la protection des groupes, des minorités nationales en tant que groupes, ne fait pas partie des compétences de l’Union et même pas de l’Agence des droits fondamentaux.
Néanmoins, et j’ai insisté beaucoup pour cela, l’Agence abordera les discriminations ethniques et raciales quand elle mettra à jour le rapport sur le racisme de 2007. Mais, je le répète, les traités n’octroient aucune compétence dans ce domaine ni à l’Union européenne, ni à la Commission, ni à l’Agence.
On a évoqué la méthode ouverte de coordination, mais cette méthode implique aussi qu’il y ait une compétence. Il est bien évident que, si le Conseil modifiait sa position, peut-être cela ouvrirait-il d’autres voies. Mais, pour le moment, nous sommes, nous, surtout attentifs à lutter contre les discriminations qui peuvent précisément atteindre les individus appartenant à des minorités.
Là, il faut être très clair. Nous avons, au niveau communautaire, les moyens de lutter contre les discriminations. L’article 13 du traité instituant la Communauté européenne a constitué la base juridique de deux directives: la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, et la directive du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
Donc, de ce côté-là, on a bien en effet la volonté de lutter contre toutes les formes de discrimination des citoyens appartenant à une minorité. D’ailleurs, l’Agence des droits fondamentaux entreprendra, à ma demande, une étude très très approfondie sur toutes ces discriminations.
C’est cela que je peux vous répondre. Je ne peux pas aller au-delà parce que nous n’en avons pas les moyens juridiques. Les États membres ne nous le permettent pas.
Ceci étant dit, la situation des Roms dans l’Union européenne, par exemple, est effectivement déplorable. Leur intégration est une priorité pour l’Union et pour la Commission. Ceci a été réaffirmé lors du premier sommet européen des Roms, le 16 septembre, auquel j’ai pris part, avec le président Barroso et le commissaire Špidla. À la suite de ce sommet, une plateforme européenne sur les Roms sera mise en place par mon collègue Špidla. Cette structure flexible permettra de relever les défis au niveau de l’Union européenne. Cependant, il faut faire attention aussi. La Commission pense qu’une approche ethnique serait contreproductive.
Je voudrais terminer en disant que j’ai été sensible à ce qui a été dit. Il est bien évident que la force de l’Union européenne c’est précisément de résoudre ce problème des conflits entre minorités et majorités dans un État donné. Mais c’est vrai que l’Union européenne est actuellement une fédération d’États-nations et, à cet égard, il est difficile pour nous de pouvoir aller au-delà.
Cela étant, de manière informelle, rien n’interdit d’échanger les bonnes pratiques, les meilleures pratiques. Vous avez évoqué les très bonnes pratiques dans certains États qui sont rentrés plus tard dans l’Union européenne. Eh bien, il faut sans doute qu’à partir de ces bonnes pratiques, on puisse inspirer d’autres exemples de ce type.
Voilà ce que je peux dire, Monsieur le Président, en regrettant de ne pas pouvoir faire une meilleure réponse, mais je suis bien obligé d’être dans le droit fil de ce que l’Union européenne est dans l’état actuel des choses. Cela étant, encore une fois, s’il y a des discriminations concernant des individus appartenant à une minorité, soyez sûr que je serai d’une fermeté absolue car j’entends bien faire respecter cette non-discrimination, que d’ailleurs la Charte des droits fondamentaux va institutionnaliser de manière très ferme, je l’espère, grâce à la ratification de Lisbonne.
Le Président. − Le débat est clos.
Déclarations écrites (article 142 du règlement)
Genowefa Grabowska (PSE), par écrit. – (PL) Dans l’Europe contemporaine, aucun pays ne conteste les droits des minorités. D’après la devise de l’UE, «L’unité dans la diversité», nous sommes en train de construire une Europe multiculturelle, une Europe où les minorités nationales coexistent avec de grands États monolithiques et jouissent pleinement de leurs droits politiques et de citoyens. Il semble que l’Europe soit unanime a ce sujet. Aujourd’hui, quiconque remettrait en question les droits des minorités n’aurait certainement aucun succès en politique. Les droits des minorités sont consacrés par l’ordre juridique de chaque État membre de l’UE et ils sont également confirmés par de nombreux accords internationaux.
J’ai donc été stupéfaite par l’arrêt rendu par la Cour administrative suprême de Lituanie le 30 janvier dernier. D’après cet arrêt, apposer des panneaux indiquant le nom des rues en polonais à côté d’autres panneaux portant ces mêmes noms en lituanien constitue une infraction à la loi. Les autorités de la région de Vilnius ont reçu l’ordre de retirer les panneaux en polonais dans un délai d’un mois. Le fait est particulièrement curieux, car les Polonais ethniques représentent 70 % de la population de la région de Vilnius, et on trouve presque partout ailleurs des panneaux portant les noms des rues en polonais. Ceci s’est produit, malgré le fait que la Lituanie s’est engagée à respecter la Charte européenne de l’autonomie locale et qu’elle a ratifié la Convention cadre européenne pour la protection des minorités nationales de 1995. L’article 11 de cette dernière prévoit l’utilisation des langues minoritaires, y compris pour les noms de rues. On comprend difficilement pourquoi la Lituanie, qui est maintenant membre de l’UE depuis cinq ans, ne tient pas compte des normes communautaires et néglige de garantir les droits des minorités sur son territoire.
Iosif Matula (PPE-DE), par écrit. – (RO) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je viens d’une région située à la frontière entre la Hongrie et la Roumanie, le comté d’Arad, où il y a bien longtemps que les problèmes concernant les minorités ont été résolus.
Dans cette zone, mes collègues et amis d’enfance qui ont fréquenté l’école primaire puis ont fait leurs études à l’université en hongrois continuent aujourd’hui à utiliser le hongrois dans les institutions où ils travaillent.
J’ai été président du conseil du compté d’Arad et de l’autorité régionale de Roumanie de l’Ouest. Dans cette région, où se trouvent les comptés d’Arad, de Timiş et de Bihor en Roumanie, et de Csongrád et Békés en Hongrie, les Roumains et les Hongrois ont réalisé ensemble des dizaines de projets conjoints et travaillent actuellement à d’autres projets, tous utilisant une seule langue européenne pour résoudre des problèmes européens communs.
J’invite quiconque voudrait avoir une idée de première main sur le modèle roumain pour résoudre les problèmes de minorité, à venir personnellement jeter un coup d’œil sur la situation réelle avant d’exprimer son avis dans les divers forums européens.
Andrzej Tomasz Zapałowski (UEN), par écrit. – (PL) Les droits des minorités nationales des États membres de l’UE constituent un important volet des droits de l’homme. Dans la pratique, toutefois, ce sujet est souvent exploité aux fin d’actions visant à répandre le révisionnisme en Europe et à remettre en question le tracé des frontières.
Le droit de chacun d’utiliser sa langue maternelle et le droit de préserver sa culture et ses coutumes traditionnelles comptent incontestablement parmi les droits qui doivent être protégés.
Récemment en Europe, on a vu plusieurs cas où certaines minorités ont exprimé le souhait de voir des territoires déterminés revenir au pays avec lequel elles ont des liens d’appartenance. Ceci a provoqué la réaction de la majorité. Il y a également eu des cas où des minorités comptant plusieurs millions de personnes ont été ignorées et se sont vu refuser le statut de minorité. C’est ce qui est arrivé, par exemple, aux Polonais en Allemagne. De ce fait, l’Allemagne commet une violation des droits fondamentaux des minorités.
Le cas des personnes qui sont arrivés dans l’Union en provenance de pays extra-européens est tout à fait différent. Ces personnes ont évidemment droit au respect de leur culture et de leur langue. Toutefois, elles ne peuvent être autorisées à créer leurs propres domaines spéciaux auxquels elles transfèreraient les lois de leur pays d’origine. Si elles veulent vivre parmi nous, elles doivent être prêtes à s’intégrer dans nos pays et devenir des citoyens responsables du pays où elles s’établissent.