Le Président. − J’ai reçu cinq propositions(1) de résolution concernant le Kazakhstan: le cas de Evgeniy Zhovtis (article 122).
Heidi Hautala, auteure. − (FI) Monsieur le Président, je souhaiterais faire un commentaire final sur le débat que nous venons d’avoir et dire qu’en tant que présidente de la sous-commission des droits de l’homme, j’ai récemment envoyé une lettre à la Conférence des présidents des commissions pour demander d’envisager d’avancer ces discussions, afin que le Parlement puisse être présent au complet et que le Conseil puisse jouer un rôle plus actif dans la discussion. J’espère que mes collègues des différents groupes discuteront de cette question avec les présidents de leurs groupes, l’autorité du Parlement étant sans cesse grignotée par le fait qu’il y a toujours si peu de présents ici.
Tournons-nous à présent vers le cas de Evgeniy Zhovtis. Le Kazakhstan est un pays d’Asie centrale de premier plan et il assumera la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe l’année prochaine. On ne peut donc être indifférent à la manière dont les délits sont jugés dans un pays qui sera à la tête des aspirations démocratiques de tous les pays sur un vaste territoire d’Europe. Il faut donc nous concentrer aujourd’hui sur le cas du défenseur des droits de l’homme, Evgeniy Zhovtis. Celui-ci a été déclaré coupable d’homicide involontaire dans des conditions plus que douteuses et condamné à quatre ans d’emprisonnement dans un centre de détention ouvert pour avoir écrasé un piéton en juillet de cette année.
Nous devons prendre en considération le fait que l’OSCE s’est posé la question de savoir si la procédure dont Zhovtis a fait l’objet s’était déroulée en violation du principe d’un procès équitable garanti par la constitution du Kazakhstan. Le Parlement européen doit également poursuivre ce débat avec le Conseil et la Commission, afin qu’ils puissent évoquer ce cas et exiger un procès équitable.
Monsieur le Président, le Parlement européen peut avoir une grande influence sur la mesure dans laquelle les pays d’Asie centrale adhèrent au principe de l’état de droit en consignant ces cas individuels. Et le cas d’Evgeniy Zhovtis fait certainement partie de ceux-là.
Justas Vincas Paleckis, auteur. − (LT) Alors que le Kazakhstan s’apprête à présider l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, il renie malheureusement ses engagements en matière d’alignement sur les normes européennes. Soulignant de façon injustifiable sa nature unique et particulière, le pays ne fait aucun cas des recommandations de l’OSCE sur les lois électorales et la liberté de la presse. Les violations répétées des droits de l’homme et la persécution directe des défenseurs des droits de l’homme suscitent de plus en plus de doutes quant à l’opportunité de confier à cet État la présidence d’une organisation qui se bat pour la mise en œuvre des principes démocratiques. Nous exhortons Astana à réaliser des progrès concrets dans les domaines de la démocratisation, de la protection des droits de l’homme, de l’état de droit et de la liberté de la presse. Les lois kazakhes fondées sur le droit international doivent être appliquées de manière appropriée et transparente dans les procédures judiciaires à l’encontre des activistes des droits de l’homme Evgeniy Zhovtis, Yesingepov et Dubanov. Nous devons espérer et demander que les jugements deviennent impartiaux et que la participation des prisonniers à des mouvements de défense des droits de l’homme n’influe pas sur le verdict. Nous demandons instamment au Conseil d’évoquer le cas de ces défenseurs des droits de l’homme à l’occasion de la prochaine réunion dans le cadre du dialogue UE-Kazakhstan sur les droits de l’homme qui se tiendra en octobre. Nous invitons la Commission européenne à proposer une aide intensive au Kazakhstan alors qu’il se prépare à présider l’OSCE, afin de nous assurer que cette importante organisation internationale ne sera pas compromise.
Renate Weber, auteure. − (EN) Monsieur le Président, tout d’abord je tiens à exprimer ma sympathie envers la famille des victimes de l’accident de voiture dans lequel M. Evgeniy Zhovtis a été impliqué. Il s’agit d’une tragédie humaine dans laquelle un homme a malheureusement perdu la vie. En même temps, permettez-moi de faire part de mon inquiétude concernant la situation actuelle de M. Evgeniy Zhovtis.
Il est incontestable que toute personne coupable d’un délit doit accepter que des sanctions juridiques soient appliquées sans discrimination, et M. Zhovtis, qui est un remarquable défenseur des droits de l’homme, le sait mieux que quiconque. En revanche, nous voulons nous assurer que les autorités kazakhes n’utilisent pas l’accident de voiture dans lequel M. Zhovtis a été impliqué pour le punir de quelque chose d’autre. M. Zhovtis ne doit pas être puni pour son activité de défenseur des droits de l’homme et pour sa critique ouverte du gouvernement kazakh.
C’est pourquoi je pense qu’il est de la plus haute importance que les autorités judiciaires kazakhes procèdent immédiatement à une deuxième enquête, complète et impartiale, dans le plein respect des principes de transparence et de l’état de droit, sur les circonstances de cet accident, et réexaminent la condamnation de M. Zhovtis et la sentence prononcée contre lui.
Elisabeth Jeggle, auteure. − (DE) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, mesdames et messieurs, je voudrais commencer en disant que mon groupe a été quelque peu surpris de voir l’appréciation juridique d’un dramatique accident de voiture à l’ordre du jour en tant que résolution d’urgence sur les questions liées aux droits de l’homme.
Pour le groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens), il est dès important de préciser que nous ne souhaitons pas a priori mettre en cause les jugements rendus par une cour indépendante, à moins qu’on ait affaire à un procès manifestement à grand spectacle qui ne respecte pas les principes du droit. Nous avons déjà assisté à cela en Iran. Il doit y avoir une ligne claire ici. En ce qui nous concerne, un système judiciaire indépendant est l’élément essentiel de toute démocratie. Comme c’est le cas ici, nous devons d’abord prendre en considération le jugement rendu.
Nous devons également reconnaître qu’une personne a été tuée dans un accident de voiture − nous devrions en être attristés et effectivement nous le sommes − mais également qu’un examen judiciaire a eu lieu. Le fait qu’Evgeniy Zhovtis, militant bien connu des droits civils, soit impliqué dans cette affaire a attiré l’attention du monde et suscité des réactions, tout ceci nous conduisant à en discuter ici aujourd’hui.
Le groupe PPE reconnaît les efforts du Kazakhstan et ses progrès sur la voie de la démocratie et de l’état de droit. Nous voudrions assurer le Kazakhstan de notre appui explicite et l’encourager à continuer résolument sur cette voie. Concernant ce cas particulier, nous exhortons les autorités kazakhes, dans leur propre intérêt, à fournir au public autant d’informations que possible, à faire connaître leur position sur ces événements et à accorder à M. Zhovtis un droit de recours équitable ou une procédure de révision régulière conformes aux usages dans un État de droit.
Le Kazakhstan va assumer la présidence de l’OSCE. Cela constituera un vrai défi!
Struan Stevenson, au nom du groupe ECR. – (EN) Monsieur le Président, je partage pleinement l’avis de Mme Jeggle. Je suis complètement abasourdi de voir que, devant l’ensemble du Parlement ici à Strasbourg, nous avons un débat urgent sur un accident de la route au Kazakhstan, même s’il s’agit d’un accident au cours duquel une personne est décédée et où le conducteur de la voiture se trouve être un activiste des droits de l’homme qui a été condamné en bonne et due forme à quatre ans d’emprisonnement dans un établissement de basse sécurité qui s’est soudain transformé, dans les termes de la résolution, en «camp de travail». Je crains que porter ce genre de cas devant ce Parlement discrédite réellement la réputation de ce dernier et que le bon travail que nous essayons de faire en matière de droits de l’homme soit dévalué, lorsque nous commençons à parler d’accidents de la route.
Sommes-nous sérieusement en train d’insinuer que le gouvernement kazakh a jeté un civil sous les roues de la voiture d’un activiste des droits de l’homme? Sommes-nous sérieusement en train d’insinuer que la sentence est trop sévère pour quelqu’un qui a été reconnu coupable d’homicide involontaire? Nous ne pouvons continuer à diffamer un pays comme le Kazakhstan, juste pour des raisons politiques, pour essayer de ternir sa réputation avant qu’il ne préside l’OSCE l’année prochaine. Cela est motivé par des raisons politiques, et c’est une honte de voir ce sujet figurer à l’ordre du jour. J’espère que le Parlement rejettera ces résolutions et soutiendra les amendements.
Janusz Wojciechowski (ECR). - (PL) Monsieur le Président, je partage les mêmes doutes que l’intervenant précédent, M. Stevenson. Le Kazakhstan est un pays important. Il fait beaucoup d’efforts pour progresser sur la voie de la démocratie. Bien sûr, pour l’instant, ce n’est pas un modèle de libertés démocratiques, mais la situation des droits civils dans ce pays − et je connais un peu le Kazakhstan, car je l’ai visité à de nombreuses occasions − est nettement meilleure que dans la plupart des pays voisins de la région, et il n’est heureusement pas confronté au genre de problèmes qui existent en Russie, par exemple, et dont nous venons de discuter.
Je partage l’avis de M. Stevenson, pour qui le Parlement européen ne devrait pas user de son autorité pour exprimer sa position sur un cas isolé dramatique. Il se peut qu’une certaine clarification soit nécessaire en l’occurrence, mais certainement pas une résolution du Parlement européen. Cela affaiblirait la valeur de la résolution, et les gens cesseraient d’écouter la voix du Parlement européen si des questions qui ne méritent pas un débat général ou une résolution parlementaire viennent détourner son attention.
Eija-Riitta Korhola (PPE). - (FI) Monsieur le Président, le Kazakhstan a un rôle important à jouer en Asie centrale, tant au niveau économique qu’en termes de politique de sécurité, et la coopération du pays avec l’Union européenne s’est développée. Il était agréable d’entendre le ministre kazakh des affaires étrangères Marat Tashin promettre l’année passée, en prévision de la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, et une nouvelle fois au mois de mai dernier, des améliorations de la situation des droits de l’homme dans son pays. Malgré l’attention internationale, les médias ont pourtant été soumis à un contrôle plus strict et la liberté de culte a été médiocre. En outre, nous avons appris plusieurs cas d’arrestation arbitraire de militants des droits de l’homme.
La sentence prononcée à l’encontre du militant des droits de l’homme Evgeniy Zhovtis donne également à penser, et le propre intérêt du gouvernement du Kazakhstan est de lever ces doutes; cela est indiscutablement le cas dans la perspective de son prochain mandat à la présidence de l’OSCE. Nous espérons le meilleur et sommes impatients de voir cette affaire tirées au clair.
Bernd Posselt (PPE). – (DE) Monsieur le Président, tout d’abord je voudrais dire que je suis ravi de revoir Mme Hautala ici. Mais elle n’y a pas été pendant quelques années et pendant ce temps nous avons eu le Conseil les après-midis du jeudi. Les Présidences tchèque et allemande étaient ici les jeudis. Je ne pense pas que nous devons déplacer le débat, car nous ne pouvons pas tout examiner le mercredi, nous devons donc être ici et nous devons obliger le Conseil à être ici lui aussi les jeudis après midi. La solution consiste à ne pas condenser tout l’ordre du jour le mercredi.
Il s’agit en fait d’un cas très difficile. Toutefois, précisément parce que nous ne pouvons pas encore avoir une totale confiance dans le gouvernement du Kazakhstan par rapport à l’état de droit, nous devons insister pour que ce cas soit examiné avec objectivité. À cet égard, je soutiens pleinement Mme Jeggle. C’est pourquoi nous avons signé la résolution. Cette affaire doit être soumise à un examen objectif et rien ne doit être caché ni dissimulé.
Meglena Kuneva, membre de la Commission. − (EN) Monsieur le Président, la Commission a constaté avec inquiétude des rapports signalant des vices de procédure pendant le procès du défenseur kazakh des droits de l’homme M. Evgeniy Zhovtis, qui a été déclaré coupable d’homicide involontaire à la suite d’un accident de la circulation ayant entraîné la mort d’une personne. Comme vous le savez, les autorités kazakhes ont rejeté les allégations affirmant que le jugement contre M. Zhovtis est motivé par des raisons politiques.
La Commission approuve pleinement la déclaration de la Présidence de l’UE sur ce cas devant le Conseil permanent de l’OSCE du 10 septembre. Vu la gravité des vices de forme présumés dans les investigations et le procès, nous invitons le Kazakhstan, qui assumera la présidence de l’OSCE, à s’assurer que l’appel sera traité dans le plein respect du droit national et des normes internationales. La Commission continuera de suivre cette affaire de près.