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Compte rendu in extenso des débats
Jeudi 21 janvier 2010 - Strasbourg Edition JO

2. Relations UE/Tunisie (débat)
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Procès-verbal
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  Le Président . – L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur les relations UE/Tunisie.

 
  
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  Neelie Kroes, membre de la Commission. (EN) Monsieur le Président, je voudrais remercier le Parlement de m’avoir invitée à participer à cette discussion sur la Tunisie.

Les relations entre l’UE et la Tunisie sont régies par un accord d’association signé en 1995. Au passage, la Tunisie a été le premier pays méditerranéen à signer un accord de ce genre et, depuis lors, elle a accompli d’énormes progrès.

Dans le cadre des relations internationales, la Tunisie est proche de l’UE et représente pour elle un partenaire fiable. Les opinions qu’elle exprime et les positions qu’elle adopte au sein des organisations internationales et d’autres forums sont modérées et équilibrées. Elle se montre coopérative sur des questions telles que la sécurité et les migrations et entretient de bonnes relations avec ses voisins du sud de la Méditerranée. En outre, elle a toujours participé de manière constructive à l’intégration régionale au sein du Maghreb.

La Tunisie participe activement à la politique européenne de voisinage et les rapports réguliers publiés par la Commission au sujet de la mise en œuvre, par la Tunisie, du plan d’action élaboré dans le cadre de la politique européenne de voisinage donnent une analyse très claire de la situation: le pays a accompli des progrès dans plusieurs domaines de coopération, dont le plan d’action.

Les réformes économiques ont progressé, permettant ainsi une croissance stable de l’économie tunisienne et des volumes d’échanges commerciaux avec l’UE. D’importants résultats ont également été obtenus dans le domaine social, notamment en ce qui concerne les soins de santé, l’éducation, la lutte contre la pauvreté et la protection des droits de la femme.

Par contre, les rapports font également état de lacunes, concernant notamment les domaines de la justice et de la liberté d’expression et d’association.

Le dialogue politique avec la Tunisie a été constant, sur tous les sujets couverts par le plan d’action, qui sont traités par dix sous-comités ainsi qu’au sein de groupes de travail. Le Conseil d’association UE-Tunisie s’est déjà réuni à plusieurs reprises et la prochaine réunion devrait se tenir dans les mois qui viennent.

Le 1er janvier 2008, la Tunisie est devenue le premier pays du sud de la Méditerranée à avoir créé une zone de libre-échange avec l’UE pour les produits industriels, deux ans avant la date initialement prévue. L’UE est le principal partenaire commercial de la Tunisie: 72,5 % de ses importations proviennent de l’Union et celle-ci est la destination de 75 % de ses exportations. La coopération financière de l’UE est chiffrée quelque part entre 75 millions d’euros et 80 millions d’euros par année, et la Tunisie a démontré qu’elle avait dans ce domaine une bonne capacité d’absorption.

Des négociations ont également été entamées au sujet de la libéralisation progressive du commerce de services et du droit d’établissement, ainsi qu’au sujet de l’agriculture et des produits de la pêche. La conclusion de ces négociations, ainsi que le rapprochement des dispositions législatives pertinentes marqueront une nouvelle étape dans les relations entre l’UE et la Tunisie et un pas de plus vers l’intégration de l’économie tunisienne au sein du marché unique de l’UE.

La Tunisie a demandé que ses relations avec l’UE soient relancées en accordant au pays un statut avancé. Nous pensons que cette initiative est dans l’intérêt de l’UE. Nous espérons également que la Tunisie va faire preuve d’une réelle volonté de mettre en œuvre davantage de réformes démocratiques et faire progresser la liberté d’expression. Sans progrès accomplis dans l’important domaine des droits de l’homme, les grandes réalisations de la Tunisie que je viens de mentionner seraient perçues comme incomplètes, malgré leur importance, particulièrement compte tenu des autres performances de la région.

En conclusion, je voudrais dire que, selon nous, les relations entre l’UE et la Tunisie sont solides et amicales et que nous pensons qu’il est tout à fait possible de les renforcer davantage.

 
  
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  Le Président. – L’ordre du jour appelle les déclarations des groupes politiques.

 
  
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  Ioannis Kasoulides, au nom du groupe PPE. Monsieur le Président, partenaire dans le contexte de l’Union pour la Méditerranée, le premier pays à conclure l’accord d’association, le premier qui soit doté d’un plan d’action pour la mise en œuvre de la politique de voisinage, la Tunisie contribue à la stabilité de la région; ce pays, comparativement en avance sur l’égalité des genres et sur la protection de la famille et de l’enfant, attend maintenant des négociations pour un statut avancé du partenariat.

Dans les accords susmentionnés, il y a des clauses sur la démocratie, l’état de droit et les droits de l’homme. Des procédures sont prévues pour dialoguer et pour pousser en avant ces sujets très sensibles et importants pour nous au Parlement européen. Si l’on veut des résultats tangibles, si on ne les obtient pas nécessairement à travers la polémique et la critique, il faut être soucieux d’éviter le parrainage, de convaincre que nous parlons en tant qu’égaux et non pas comme des supérieurs et des inspecteurs, de montrer que nous sommes aussi préparés à nous enquérir des soucis et des sensibilités de nos partenaires.

Dans un tel contexte, je suis certain que le gouvernement tunisien répondra avec des pas concrets en avant sur les domaines en discussion.

 
  
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  Pier Antonio Panzeri, au nom du groupe S&D.(IT) Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, si nous devions rendre un avis sur les relations existantes entre l’Union européenne et la Tunisie, il ne pourrait qu’être favorable, notamment en ce qui concerne la stabilisation de la région.

Il est vrai que d’importants progrès ont été accomplis au point de vue économique et, dans le domaine social, les signaux sont également encourageants. Toutefois, du point de vue politique, à la suite des élections présidentielles du 25 octobre, nous devons à présent prendre davantage de mesures concrètes pour soutenir les efforts réalisés en vue d’obtenir des réformes démocratiques. Comme nous le savons, l’objectif recherché par l’Union dans le cadre de sa politique étrangère est de développer et de renforcer la démocratie, l’état de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La Tunisie a pris des engagements considérables dans le cadre du plan d’action de la politique de voisinage, dans les domaines de la démocratie, de la gouvernance et des droits de l’homme. Ce plan d’action prévoit toute une série de priorités, parmi lesquelles il convient d’accorder une attention particulière à la mise en œuvre et au renforcement des réformes, ainsi qu’au renforcement du dialogue politique et de la coopération, notamment en ce qui concerne la démocratie et les droits de l’homme, la politique étrangère et la sécurité.

C’est dans ce cadre que les institutions doivent être renforcées. Il permet en effet d’améliorer la participation à la vie politique des différents acteurs de la société tunisienne, de favoriser le développement du rôle de la société civile, de poursuivre le soutien des partis politiques afin de renforcer leur participation au processus démocratique et de promouvoir le respect de la liberté d’association, de la liberté d’expression et du pluralisme des médias.

Nous sommes convaincus que ces objectifs peuvent être atteints et il est raisonnable d’espérer que des progrès concrets seront réalisés. Nous nous engageons à protéger l’amitié qui lie l’Union européenne et la Tunisie, tout en consolidant la relation existante, même en sachant qu’il est possible qu’un conflit éclate au sujet de l’attribution d’un statut avancé à ce pays. Toutefois, il faut que la Tunisie prenne elle-même des mesures concrètes.

 
  
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  Louis Michel, au nom du groupe ALDE. Monsieur le Président, Madame la Commissaire, chers collègues, je voudrais d’abord remercier et féliciter Mme la Commissaire pour la position de la Commission. Je m’inscris totalement dans cette position, qui me paraît beaucoup plus raisonnable que ce qui a motivé – je ne sais pas sur la suggestion de qui – ce débat aujourd’hui.

La Tunisie est le premier pays, cela a été dit, de la région euroméditerranéenne à avoir signé un accord d’association. C’est un partenaire actif dans la politique de voisinage de l’Union européenne. Il est bon de rappeler, comme M. Kasoulides l’a fait, qu’elle est le seul pays méditerranéen à avoir, depuis le 1er janvier 2008, des relations de libre échange avec l’Union européenne. Cette coopération fonctionne très bien.

C’est un pays qui témoigne d’une excellente capacité d’absorption. La Tunisie a réalisé des progrès substantiels, qui se sont traduits par un très bon niveau de développement avec des résultats socio-économiques reconnus par les institutions internationales. Sur le plan économique, la Tunisie a réalisé un taux de croissance moyen de 4,6 % au cours de la période 2002-2008. De surcroît, elle a réussi à alléger le fardeau de sa dette.

Sur le plan social, il n’est pas juste d’ignorer les progrès réalisés, notamment en faveur de la femme. Les indicateurs sont éloquents, 59 % des étudiants dans l’enseignement supérieur sont des filles. L’enseignement obligatoire est généralisé pour les femmes de 6 à 16 ans. Les femmes constituent près du quart de la population active en Tunisie.

J’admets que ce bilan ne peut évidemment pas occulter la nécessité impérieuse d’encourager les autorités tunisiennes à progresser davantage sur la voie de la gouvernance et des droits de l’homme; on sait bien que des efforts restent à faire. Comme d’autres intervenants, je suis préoccupé par cette question, au nom des valeurs démocratiques qui sont les nôtres. Mais il faut aussi rappeler que nous ne sommes pas seuls à porter ces valeurs. Ces dernières vivent aussi au sein de la société tunisienne, qui est une société dynamique et proeuropéenne.

C’est pour ces raisons que nous devons soutenir la demande de la Tunisie d’accéder à un statut avancé au sein de ce partenariat avec l’Union européenne. Et je pense que c’est dans ce dialogue-là que nous trouverons le cadre approprié pour inciter nos partenaires à progresser davantage sur la voie de la gouvernance.

Le débat, nous devons le mener avec nos partenaires, évidemment, sans complaisance, mais sans sombrer, non plus, dans cette forme d’acharnement moralisateur dont l’Europe a trop souvent le secret et qui, souvent d’ailleurs, est contreproductive.

Je ne suis évidemment pas insensible à des cas particuliers sur lesquels d’aucuns s’interrogent. Nous avons le droit, évidemment, d’interpeller nos partenaires sur les situations qui nous paraissent inacceptables, mais je veux dire, pour terminer, que la Tunisie a réussi à forger un système politique fondé sur le principe de la séparation entre la religion et l’État.

La puissance publique, en Tunisie, a la capacité d’offrir un ensemble de services de base à la population, que d’autres pays de la région n’ont toujours pas pu mettre en œuvre, et je crois qu’il est bon de le rappeler aussi. Je suis donc extrêmement optimiste sur l’avenir des relations entre la Tunisie et l’Union européenne, du moment que ça se passe dans le respect mutuel, entre des partenaires qui se respectent et qui s’entendent sur l’essentiel.

 
  
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  Hélène Flautre, au nom du groupe Verts/ALE. Monsieur le Président, je suis impressionnée par les discours que je viens d’entendre, de la commissaire jusqu’à mes collègues. Je crois qu’on a vraiment un travail à faire pour avoir une appréciation juste et objective de la situation actuelle en Tunisie.

Quand je vous entends, franchement, j’ai l’impression d’entendre des intellectuels occidentaux parler avec bonheur, il y a plusieurs dizaines d’années, de la réussite économique et sociale dans les pays de l’URSS, avec une incapacité totale d’aller voir sur place ce qu’y sont nos valeurs communes. Que sont nos valeurs communes, Monsieur Michel? Ce sont les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.

Vous avez tous dit, à juste titre, que la Tunisie était notre partenaire le plus ancien en matière d’accord d’association; et c’est vrai. Et c’est pourquoi tout cela est très inquiétant, parce qu’il ne s’agit pas de lacunes, Madame la Commissaire, ni de petits pas, step by step. Non. Il y a une dégradation massive et continue des droits de l’homme et de la démocratie en Tunisie. Pouvez-vous me citer un seul journal qui a été autorisé depuis vingt ans, un seul parti qui a été autorisé depuis vingt ans, un seul syndicat qui a été autorisé depuis vingt ans? Non.

La vérité, c’est que les libertés fondamentales sont proprement bafouées systématiquement et, avec elles, nos propres engagements. Il ne s’agit pas de donner des leçons de morale, il s’agit de faire respecter les valeurs de l’Union européenne et de respecter les engagements que nous avons pris à travers la signature de cet accord d’association.

Aussi, je réclame au moins une analyse partagée. Je pense qu’on a travaillé beaucoup pour obtenir un débat, mais il serait certainement plus utile de s’employer à mettre sur pied une vraie délégation, qui aille véritablement rencontrer cette société civile en Tunisie et les différentes composantes de cette société civile, pour dresser le bilan du harcèlement continu que subissent les défenseurs des droits de l’homme, les étudiants, les syndicalistes, les travailleurs, les avocats. Des putschs ont été organisés à peu près dans toutes les associations qui manifestaient une certaine autonomie à l’égard du pouvoir. Je crois donc que vous êtes en plein délire.

Je comprends bien, à travers vos interventions, pourquoi vous n’avez pas envie de voir la réalité tunisienne. Vous n’avez pas envie de voir la réalité tunisienne, parce que vous trouvez qu’il y a des intérêts économiques, parce que vous trouvez qu’il y a des intérêts dans la lutte contre le terrorisme, parce que vous trouvez qu’il y a des intérêts dans la lutte contre l’immigration illégale en jeu. Tout cela, vous l’avez dit de la manière la plus claire, et vous ressassez des avancées qui datent de Bourguiba sur l’égalité entre les hommes et les femmes et sur la famille. Enfin, ça date de Bourguiba. Aucune avancée depuis cette époque.

Je crois donc que, si nous ne voulons pas nous insulter nous-mêmes, insulter les accords que nous signons, insulter la politique de voisinage, insulter les valeurs de l’Union européenne, si nous ne voulons pas insulter tout cela, nous ne pouvons certainement pas proposer un statut avancé à la Tunisie. Alors là, je vous dis tout net, proposez cela et renoncez à toute exigence et à tout engagement en matière de droits de l’homme et de démocratie avec tous les pays de la Méditerranée; tel sera le résultat garanti.

 
  
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  Charles Tannock, au nom du groupe ECR. (EN) Monsieur le Président, la Tunisie est une amie et une alliée de l’Union européenne, une société prospère, progressiste, moderne et séculaire, basée sur la méritocratie, une société unique dans le monde arabe. Elle se montre également, et à juste titre, intraitable face à l’extrémisme jihadiste islamiste.

Un système politique fondé sur le multipartisme se développe rapidement dans le pays et les femmes y sont considérées comme des membres à part entière de la société. Pourquoi, alors, voulons-nous tenir à l’écart la Tunisie et ses dix millions de citoyens? Peut-être parce que nous sommes jaloux de sa réussite. Peut-être parce qu’elle est petite et dépourvue de pétrole et que, donc, elle ne présente pas d’intérêt économique pour l’UE, contrairement à la Libye ou à l’Arabie saoudite.

Selon moi, les personnes qui ont amorcé ce débat cherchent délibérément à saboter la plupart des progrès accomplis ces dernières années dans le cadre des relations UE-Tunisie. Il est particulièrement irritant de constater que ce débat est lancé juste au moment où les députés tunisiens sont en visite à Strasbourg et assistent, je pense, ici-même au débat.

La Tunisie a besoin de notre soutien, de nos encouragements et de notre dialogue, et non pas d’un flot constant de vitupérations absurdes. Il est profondément ironique que la gauche, qui se dit tellement favorable aux droits de la femme, attaque la Tunisie malgré le fait que ce pays offre aux femmes des perspectives et des libertés qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans le monde arabe.

Le fait que les autorités tunisiennes interdisent le port du hijab dans les lieux publics illustre leur détermination à protéger les valeurs tunisiennes de sécularité, de tolérance et de liberté. Nous devons respecter la Tunisie en tant que partenaire euro-méditerranéen avancé.

 
  
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  Le Président. – Bien qu’on ne m’ait pas dit qu’une délégation tunisienne était présente, ses membres ont fait signe de la main lorsque vous les avez mentionnés. Je voudrais donc vous souhaiter la bienvenue dans la galerie.

 
  
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  Marie-Christine Vergiat, au nom du groupe GUE/NGL. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, personnellement, je me félicite de l’organisation de ce débat sur la situation des droits de l’homme en Tunisie. La gauche unitaire européenne/gauche verte nordique y a largement contribué. De tout temps, j’ai défendu les droits de l’homme, mais les droits de l’homme sont les mêmes partout à travers le monde.

Je regrette que ce débat n’ait pas été accompagné du vote d’une résolution. Les paroles passent, seuls les écrits restent. Plus ancien partenaire de l’Union, la Tunisie reçoit les aides les plus importantes, par tête d’habitant, parmi les pays du Sud, et c’est un acteur zélé de la mise en place de la zone de libre-échange sur le pourtour méditerranéen, à tel point que ses dirigeants commencent à réclamer leurs dividendes et à demander à bénéficier d’un statut avancé.

Je partage totalement les propos d’Hélène Flautre et l’effarement qu’elle a manifesté devant certains propos. Les accords de partenariat de l’Union comportent désormais des clauses relatives à la démocratie et aux droits de l’homme. Celles-ci doivent être examinées avec la même vigilance que les clauses économiques. Or, le rapport de la Commission, Madame la Commissaire, sur la mise en œuvre de la politique de voisinage, ne peut pas être satisfaisant en la matière. Il y a un vrai «deux poids, deux mesures».

Le 25 octobre dernier, M. Ben Ali a été réélu pour son cinquième mandat, avec plus de 89 % des voix. Ce seul chiffre montre l’état de la démocratie dans ce pays. Une démocratie verrouillée, où les défenseurs des droits de l’homme, les magistrats, les avocats, les journalistes – bref tous ceux qui osent ne pas soutenir le régime – sont harcelés, emprisonnés, et même torturés, pour certains d’entre eux.

Depuis septembre dernier, c’est une véritable dérive policière et répressive du régime qui est mise en place. Le cas de Taoufik ben Brik, jugé samedi prochain, en témoigne. Mais on pourrait aussi parler de Sawyer Maclouf, de Fahem Boukadous, condamnés, l’un pour avoir parlé des conditions environnementales de son pays, et l’autre de manifestations ouvrières dans son pays.

Oui, telle est la situation sociale de la Tunisie. Des défenseurs des droits de l’homme comme Kamel Jendoubi, Sihem ben Sedrin, Sana ben Achour, Kemais Chamari, sont victimes d’une campagne de presse honteuse. Sadok Chourou croupit dans une prison depuis seize ans, Radia Nasraoui, qui fait son travail d’avocate, est traînée dans la boue, entravée en permanence dans son métier.

Des étudiants sont arrêtés, arbitrairement condamnés, comme d’autres. On retire les passeports, on ne les renouvelle pas, on interdit à certains militants des droits de l’homme de sortir du territoire pour venir témoigner. Les réunions des associations indépendantes du pouvoir sont interdites, on contrôle leurs visiteurs, et je n’ai pas le temps suffisant pour faire un vrai bilan de la réalité de la politique sociale.

Pourquoi le gouvernement tunisien tarde-t-il tant à répondre au rapport de l’ONU? Pourquoi avoir refusé d’accueillir des observateurs de l’Union européenne si les élections sont si démocratiques que ça? Les faits sont là, ils sont de plus en plus dénoncés par les journaux de nos pays.

La Commission et le Conseil doivent en tenir compte. La Tunisie doit tenir ses engagements en matière de démocratie et de droits de l’homme. Il n’est pas acceptable, effectivement, d’aller de l’avant sur un statut avancé. Oui, je suis pour l’égalité des partenariats! Oui, tous les pays du monde doivent être traités de la même façon, mais à condition de tenir leurs engagements. Je m’arrêterai là, Monsieur le Président.

 
  
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  Gerard Batten, au nom du groupe EFD. (EN) Monsieur le Président, la situation en Tunisie semble globalement positive. La société tunisienne est la plus stable de toute l’Afrique du Nord. La Tunisie a ce que l’on appelle techniquement une démocratie, bien que, en comparaison avec les pays occidentaux, il s’agisse probablement seulement d’une semi-démocratie, mais nous ne devons pas les critiquer pour cela, car ils ont accompli d’énormes progrès. Le pays a adopté officiellement une politique visant à parvenir à une démocratie totale et il s’agit d’une société stable dotée d’un haut niveau de sécurité individuelle. Ce résultat a été obtenu grâce à l’élimination des extrémistes islamistes et des communistes, un prix à payer qui en valait vraiment le coup. La politique officielle tunisienne est la réalisation de l’unité culturelle: la création d’une nation. C’est une leçon qui serait profitable à de nombreux pays européens, dont le mien, le Royaume-Uni.

Sur le plan économique, la Tunisie est en progrès. Seuls 7 % de la population vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Le pays affiche l’un des meilleurs niveaux de santé publique d’Afrique du Nord, avec une espérance de vie relativement élevée. Au niveau politique, sa constitution limite le nombre de sièges pouvant être obtenus par un parti à la chambre des députés et 20 % des sièges sont réservés aux partis minoritaires. Cela semble plutôt évolué, comparé au système électoral «first past the post» en vigueur au Royaume-Uni, qui, selon moi, constitue une conspiration contre l’électeur visant à garder les partis conservateur et travailliste au pouvoir et à éliminer tout le reste. Nous avons donc peut-être des choses à apprendre des Tunisiens.

Au sujet du Royaume-Uni, mon parti, le parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, a essuyé des critiques de la part de groupes islamistes extrémistes et soi-disant libéraux la semaine dernière, lorsque nous avons proposé l’interdiction de cacher son visage dans les lieux publics, ainsi que dans les lieux privés, si les personnes concernées souhaitent imposer cette obligation. Pourtant, regardez ce que la Tunisie a fait. La loi n° 108 interdit le hijab, ce qui va bien plus loin que tout ce qui a été proposé jusqu’ici. Le ministre des affaires religieuses, Boubaker El Akhzouri, a accusé le hijab d’aller à l’encontre du «patrimoine culturel» de la Tunisie, estimant que l’habit islamique était un «phénomène étranger» dans la société tunisienne. Tout cela est très intéressant de la part d’un pays islamique. Plus j’en apprends sur la Tunisie, plus ce pays m’impressionne. J’ai néanmoins vu certains chiffres indiquant que l’on prévoyait de consacrer 70 millions d’euros à des projets clés du programme européen de voisinage. Les citoyens de ma circonscription, qui font partie des personnes les plus pauvres de Londres, ne peuvent pas se permettre ce type de dépenses. Nous voulons des échanges commerciaux, de l’amitié et de la coopération avec la Tunisie, mais pas en dépouillant le contribuable britannique. Aidons ce pays à devenir plus démocratique et plus prospère et, si je peux leur donner un conseil gratuit… Laissons-les vivre bien à l’écart de l’Union européenne et préserver leur liberté et leur indépendance.

 
  
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  Andreas Mölzer (NI).(DE) Monsieur le Président, l’UE et la Tunisie entretiennent des relations commerciales étroites aux multiples facettes. La Tunisie, qui reçoit 80 millions d’euros par an au titre de l’aide financière, est un parfait exemple de politique de développement réussie. En tant qu’économie émergente, la Tunisie a hérité d’un rôle de premier plan au sein du Maghreb: elle a été le premier pays méditerranéen à créer une zone de libre-échange avec l’UE et elle récolte aujourd’hui les bénéfices de cette croissance économique saine. On attend donc de la République tunisienne qu’elle participe de manière constructive aux délibérations relatives à la feuille de route Euromed pour le commerce après 2010 ainsi qu’à la coopération avec les pays du Maghreb.

Maintenant, on pourrait très facilement penser que tout est rose, s’il n’y avait pas ce paragraphe qui lie l’aide européenne à l’accord de partenariat visant à favoriser le respect des droits de l’homme. C’est précisément là que la contradiction se situe: l’argent utilisé pour stimuler l’économie tunisienne sert également à financer et à soutenir un système dictatorial et anti-démocratique. C’est un problème qui se présente souvent quand il s’agit de notre aide au développement et à l’association. Nous devons faire quelque chose, parce que l’UE ne peut pas encourager les violations des droits de l’homme, même indirectement, que ce soit en Tunisie, au Congo ou, bien entendu, en Turquie, qui est un pays candidat à l’adhésion.

 
  
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  Salvatore Iacolino (PPE).(IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la Tunisie, comme tous les pays du Maghreb, est une importante zone stratégique. Elle présente un énorme potentiel de croissance et c’est une région attrayante, avec d’énormes intérêts, non seulement économiques, mais surtout européens.

Des programmes ont également été lancés récemment avec l’Union européenne afin d’encourager la coopération transfrontalière. C’est donc le moment ou jamais de raviver les relations nouées par l’Union européenne avec les pays africains qui se trouvent à nos frontières, en commençant par la Tunisie, et ce en exploitant à fond le potentiel de cette région et en maintenant son développement économique et social, mais dans un cadre de liberté et de sécurité.

La relation entre les pays méditerranéens est le facteur clé qui donnera force et cohésion à un ambitieux programme de développement économique et social. En termes politiques, on pourrait dire que la Tunisie est un pays où la démocratie est encore relativement jeune; toutefois, le plan d’action défini semble être conforme aux attentes de l’Union européenne.

L’émergence de nouveaux partis et une présence féminine raisonnable au parlement, à la suite des élections qui se sont tenues fin octobre 2009, confirment que d’importants progrès ont été réalisés en termes de participation démocratique. Quoi qu’il en soit, la liberté de la presse doit être encouragée et protégée, tout comme l’égalité des chances entre hommes et femmes et, d’une manière plus générale, les droits de l’homme fondamentaux.

C’est dans ce contexte que nous pouvons aider la Tunisie à mener à bien les efforts qu’elle a entrepris, en supprimant tous les obstacles susceptibles d’empêcher le développement total des êtres humains dans ce pays, et ce dans le cadre d’un statut plus avancé.

Le rôle central joué par la Tunisie dans la région méditerranéenne et le processus de modernisation entrepris dans ce pays nécessitent une approche sérieuse et équilibrée qui débouchera sur l’affirmation inconditionnelle des valeurs défendues par l’Union européenne. Aujourd’hui plus que jamais, le Parlement européen ne peut pas laisser commettre des erreurs sur le chemin vers la démocratie.

En revanche, un dialogue constructif et une diplomatie attentive peuvent permettre de consolider une relation destinée à être renforcée dans un pays qu’il faut, dans certains secteurs - comme la justice et la liberté d’association –, aider à grandir, mais un pays qui, je le répète, est absolument primordial pour la politique de stabilité dans la Méditerranée.

 
  
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  Carmen Romero López (S&D).(ES) Respecter la Tunisie signifie également respecter son opposition démocratique, qui cherche à s’organiser malgré la répression, et respecter sa société civile, qui est aussi l’opposition de demain. Je voudrais donc saluer les députés tunisiens qui assistent en ce moment à cette séance, mais je voudrais aussi saluer ceux qui pourraient rejoindre un jour le parlement, mais qui sont actuellement menacés et risquent l’emprisonnement. Nous pensons par conséquent qu’il est très important que la société civile s’organise et que l’opposition démocratique soit respectée, même si elle n’est pas encore organisée.

En Espagne – je peux en parler, en tant que députée espagnole –, nous avons connu, pendant la dictature, une société dans laquelle l’opposition démocratique était torturée et réprimée. Si l’opposition n’est pas terroriste, tant qu’elle est démocratique, elle a des valeurs, qui sont les valeurs de l’avenir. Nous devons donc aider cette opposition, qui n’est pas encore organisée, mais qui est démocratique, et qui lutte pour les valeurs de la transition tunisienne et pour leur consolidation. Nous devons aussi aider l’opposition à s’organiser.

Nous devons également aider l’opposition pour que ses membres puissent devenir les dirigeants et les acteurs de demain, que ce soit dans l’opposition ou au gouvernement, mais l’alternance est essentielle dans une société démocratique.

C’est pourquoi cette escalade de la violence à laquelle nous assistons actuellement et qui pourrait s’intensifier à l’avenir, n’est pas la meilleure carte de visite pour un pays sollicitant un statut avancé.

Nous savons que la Tunisie est membre du partenariat euro-méditerranéen, qu’elle a des intérêts dans la région méditerranéenne et qu’elle a également des désirs de démocratie. C’est pourquoi, pendant cette période, nous voulons également qu’elle contribue à cette consolidation démocratique et qu’elle puisse s’organiser de manière à être véritablement un membre loyal, qui contribue à faire de la Méditerranée une zone émergente dotée de valeurs démocratiques.

Tel est notre souhait pour l’avenir et ce que nous désirons pour la Tunisie.

 
  
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  Tomasz Piotr Porêba (ECR).(PL) Monsieur le Président, la Tunisie est sans aucun doute un partenaire avec lequel l’Union européenne doit maintenir ses relations, tant au niveau de la région méditerranéenne toute entière qu’au niveau bilatéral. Néanmoins, tout en gardant à l’esprit nos intérêts économiques, nous devons aussi, en tant qu’Union européenne, insister sur la transparence des processus démocratiques et sur l’état de droit dans ce pays.

La Tunisie a beau être un pays stable, elle n’est malheureusement pas un pays dans lequel toutes les normes démocratiques sont garanties. D’après les organisations non gouvernementales internationales, les forces de sécurité y torturent les prisonniers et agissent en tout impunité, car elles sont protégées par des hauts fonctionnaires. La liberté de la presse et la liberté d’expression sont gravement limitées et la situation des journalistes serait l’une des pires de tous les pays arabes. La répression a souvent des origines religieuses. Les persécutions infligées à la minorité chrétienne deviennent de plus en plus dérangeantes. Le gouvernement tunisien ne tolère ni les mouvements de protestation, ni l’existence d’une opposition indépendante.

Étant donné que la Tunisie a été le premier pays méditerranéen à signer un accord d’association avec l’Union européenne, nous devons absolument insister pour qu’elle respecte les termes de cet accord. Le respect des droits de l’homme et des normes démocratiques en Tunisie doit être obligatoire pour que la coopération avec ce pays se poursuive.

 
  
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  Dominique Baudis (PPE). - Monsieur le Président, chers collègues, pour échapper aux caricatures – nous en avons entendues quelques-unes ce matin –, j’aimerais rappeler quelques éléments objectifs concernant la Tunisie, pays partenaire de l’Union européenne.

La situation sociale a évolué très favorablement, avec une progression spectaculaire du revenu moyen par habitant et, désormais, l’immense majorité des Tunisiens entrent dans les critères définissant l’appartenance à la classe moyenne. Plus de 90 % des Tunisiens bénéficient d’une couverture sociale et plus du quart du budget de la Tunisie est consacré à l’éducation, si bien que ce pays fait partie des tout premiers à avoir atteint les objectifs du millénaire en matière d’enseignement primaire.

Enfin, M. Michel l’a rappelé tout à l’heure, les droits de la femme sont reconnus et garantis. À l’université, les étudiantes sont plus nombreuses que les étudiants, 40 % des professeurs sont des femmes, le quart des députés, ou des élus locaux, ou des journalistes, sont des femmes. Bien des pays pourraient envier de tels résultats.

 
  
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  Sylvie Guillaume (S&D). - Monsieur le Président, je veux, de mon côté, joindre ma voix à celles qui se sont déjà exprimées pour dénoncer la situation particulièrement préoccupante dans laquelle se trouve le journaliste et écrivain Taoufik Ben Brik en Tunisie.

Après plusieurs arrestations de journalistes, de syndicalistes, malmenés et victimes de violences, après le refoulement de journalistes étrangers au moment de l’élection présidentielle, la répression se poursuit contre des opposants politiques et défenseurs des droits humains. Après un procès bâclé, un éloignement carcéral rendant difficiles les visites de sa famille, Taoufik Ben Brik est laissé dans un état de santé qui fait craindre pour sa vie.

Comment ne pas voir dans cette situation un acharnement contre une personne qui dérange? Il ne suffira donc pas de valoriser les échanges économiques comme solde de tout compte. Il me semble en revanche indispensable que l’Union européenne réagisse rapidement et fermement en demandant la libération de Taoufik Ben Brik et d’autres prisonniers d’opinion.

La situation des droits de l’homme en Tunisie s’est dégradée de façon alarmante. Elle altère le travail de coopération de l’Europe avec ce pays, et l’amélioration concrète de cette situation constitue une condition à l’ouverture de négociations sur un statut avancé UE-Tunisie.

 
  
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  Michael Gahler (PPE).(DE) Monsieur le Président, notre coopération avec la Tunisie a été construite sur des bases solides. L’accord d’association et l’accord de libre-échange ont déjà été mentionnés. Mme Kroes a dit que nous envisagions l’intégration de l’économie tunisienne au sein du marché intérieur. Il s’agit vraiment là de l’ultime étape de la coopération avec un pays hors UE et l’on peut donc parler de fondations stables. La Tunisie est un partenaire solide et amical qui a les capacités de renforcer davantage encore nos relations, pour citer, encore une fois, Mme Kroes.

C’est précisément parce que nous entretenons des relations aussi étroites que nous pouvons également parler avec nos collègues des questions qui nous préoccupent. J’ai moi-même noué un dialogue avec nos collègues, qui se trouvent ici dans la galerie, et je pense que nous devrions pouvoir parler de tout.

Toutefois, à cet égard, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. En Tunisie, nous avons également un problème dans le sens où le pays, en tant que pays arabe souhaitant évoluer de manière séculaire, est menacé par les extrémistes. Les personnes qui prennent des mesures contre les extrémistes islamistes ont toute ma sympathie.

Néanmoins, dans d’autres domaines, je pense que nous allons progresser dans nos négociations en cours. Nous pouvons parler de tout avec la Tunisie, car elle est un partenaire fiable. J’ai donc hâte de poursuivre ce dialogue.

 
  
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  Cristian Dan Preda (PPE). - Monsieur le Président, comme cela a déjà été souligné, la Tunisie est un partenaire important de l’Union; on a également mentionné et rappelé le volet extrêmement important que représente, en Tunisie, le côté social. Je voudrais encore ajouter à cela des aspects politiques qui sont significatifs parce que, comme cela a été dit, c’est une société qui pratique le multipartisme, même limité, avec un quota pour l’opposition, sans doute, mais c’est tout de même du multipartisme. Il y a aussi l’égalité des genres qui a été mentionnée.

Dans tous nos pays, dans les pays d’Europe, tous ces côtés politiques s’accompagnent de la liberté de la presse, et c’est ce qui fait la différence, en fait, parce qu’en Tunisie, cette liberté existe, mais elle est limitée, et l’on a, effectivement, des journalistes qui sont en difficulté.

La question qui se pose est la suivante: est-ce que le rapprochement de l’Union pourra augmenter cette liberté ou pas? De mon point de vue, le rapprochement de l’Union pourrait aider la Tunisie à compléter les progrès sociaux réalisés par des avancées politiques extrêmement importantes.

 
  
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  Harlem Désir (S&D). - Monsieur le Président, Madame la Commissaire, vous avez dit espérer que la Tunisie ferait des progrès en matière de réformes démocratiques et de liberté d’expression. Et vous avez raison, parce que ce serait tout simplement conforme à l’accord d’association et aux engagements qui ont été pris par la Tunisie, vis-à-vis de l’Union européenne.

C’est pourquoi je suis très surpris des propos tenus, aussi bien par M. Baudis que par M. Michel, qui semblent vous encourager à faire l’impasse sur cette partie de notre relation et de notre coopération avec la Tunisie, et de renoncer finalement à l’article 2 de l’accord d’association.

Et on est très loin, effectivement, d’un respect de ces engagements, si l’on en juge par le sort, déjà évoqué par ma collègue Sylvie Guillaume, réservé au journaliste indépendant Taoufik Ben Brik, emprisonné depuis le mois d’octobre dernier, au terme d’un procès au cours duquel ses avocats et la procédure n’ont en rien été respectueux du droit. Et, à sa privation de liberté inacceptable s’ajoutent un état de santé dégradé, une restriction du droit de visite.

Je vous demande donc, Madame la Commissaire, si la Commission va intervenir, dans le cadre du conseil d’association, en faveur de M. Taoufik Ben Brik, pour demander sa libération immédiate et faire en sorte que sa situation, son état de santé - au moins sur un plan humanitaire – puissent être pris en compte?

 
  
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  Malika Benarab-Attou (Verts/ALE). - Monsieur le Président, j’ai rencontré, le 14 janvier, des membres de la délégation tunisienne lors d’un échange franc et nos visions respectives ont fait l’objet de débats.

Franco-algérienne, je suis une maghrébine convaincue et je milite pour un Maghreb uni, pluriel et démocratique. La question des droits de l’homme est essentielle pour moi et elle est l’une des valeurs fondamentales de l’Union européenne. Le débat sur cette question, telle qu’elle se pose en Tunisie, est indispensable et pertinent.

J’ai rencontré, hier matin, l’épouse de M. Ben Brik, qui mène une grève de la faim, ainsi que des militants du réseau euroméditerranéen des droits de l’homme, et je suis inquiète. Il apparaît que la vie de M. Ben Brik est en danger, du fait de sa maladie et des conditions de sa détention. Vous comprendrez que si ce risque se concrétisait, la responsabilité des autorités tunisiennes serait grande.

Au-delà des relations commerciales, les questions sociales doivent être prises en compte. Le phénomène des jeunes Tunisiens qui viennent se jeter dans la Méditerranée est le fruit d’une société fermée qui n’offre aucune perspective à sa jeunesse. Le rempart contre l’intégrisme et les enjeux économiques ne doivent pas être des prétextes pour bafouer les droits de l’homme. Aujourd’hui, une avancée réelle dans ce domaine est essentielle dans le domaine des droits de l’homme. Il ne s’agit pas d’un acharnement moralisateur, mais d’une urgence que l’Union européenne doit soutenir.

 
  
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  Alf Svensson (PPE).(SV) Les pays d’Afrique du Nord sont souvent mis dans le même sac et, autant qu’il me semble, cela dessert énormément la Tunisie.

On a évoqué l’égalité. Par rapport à quantité d’autres pays arabes, la Tunisie fait figure d’exception, en ayant adopté des lois visant à protéger les enfants ainsi que les femmes. Comme il a déjà été souligné, les universités tunisiennes comptent davantage de filles que de garçons et le niveau de vie a augmenté. Les infrastructures du pays sont en bon état. Depuis les élections, le parlement a élu – ou nommé – un comité sur les droits de l’homme.

La volonté affichée par la Tunisie de coopérer avec l’UE est une occasion que nous devrions saisir à deux mains. Maintenant que la Tunisie a une délégation qui visite actuellement Bruxelles et Strasbourg, et qu’elle demande un soutien dans le cadre de ses actions visant à promouvoir les droits de l’homme et de développement, ainsi que le renforcement de ses liens avec l’UE, selon moi, il serait contraire aux principes de l’UE de rejeter ces demandes et de ne pas développer davantage nos relations.

 
  
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  Rosario Crocetta (S&D).(IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je me rends en Tunisie deux à trois fois par an depuis 1982 et, en tant que catholique, j’ai assisté à la messe le 6 janvier, comme je le fais régulièrement. Par conséquent, je trouve extrêmement difficile d’envisager la Tunisie comme un pays suppresseur de liberté religieuse.

Des problèmes existent, mais, bon sang, arrêtons de regarder ces pays, qui essayent d’avancer, avec nos yeux d’Occidentaux, car si nous devions nous envisager nous-mêmes dans cette optique, une optique que quelqu’un utilise ce matin au sujet de la Tunisie, et bien certains pays européens se verraient probablement refuser l’entrée dans l’Union, car la violence et les suppressions de libertés qui y règnent sont bien plus graves qu’en Tunisie.

La question découle donc d’un fait concret: nous avons devant nous un pays qui a aboli le fondamentalisme islamique, qui fait des efforts pour établir une coopération et une politique de paix avec l’Europe, qui essaie d’évoluer. Il y a bien sûr des problèmes. Je pense que, pour les résoudre, nous devons renforcer le dialogue et l’amitié et aider ces pays à obtenir davantage de résultats.

 
  
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  Neelie Kroes, membre de la Commission. (EN) Monsieur le Président, je remercie les honorables députés pour leur ouverture et leur franchise et pour avoir formulé leurs interventions de manière à ce que l’accent soit mis sur les moyens de trouver une solution, bien que certains groupes aient des approches différentes.

Cela étant dit, je voudrais commencer en faisant une remarque en réponse à la déclaration de M. Désir. Il a fait référence à une remarque de Louis Michel. Je suis sûre que Louis Michel n’a besoin de personne pour s’exprimer, mais nous faisions partie de la même équipe dans une autre vie, et je connais donc en quelque sorte sa position à ce sujet. Si, d’après M. Désir, l’impression est que nous avons suggéré de ne rien faire, ce n’est pas l’impression que j’ai eue et j’espère sincèrement que vous n’avez pas non plus eu cette impression après mon intervention introductive de tout à l’heure.

Il y a en effet une différence en termes d’approche. Certaines personnes réclament simplement un dialogue d’égal à égal, et M. Kasoulides est favorable à cette approche. D’autres préféreraient des liens d’amitié. Toutes ces approches consistent à s’asseoir autour d’une table pour discuter des questions qui se posent et tenter de parvenir à un accord commun sur la meilleure façon de résoudre certaines questions sur lesquelles nous sommes tous d’accord. Il n’y a aucun doute là-dessus, car les droits de l’homme et la liberté d’expression sont effectivement une composante très importante et même essentielle de tout accord.

Cela étant dit, je voudrais revenir sur certains points qui ont été abordés. Premièrement, au sujet du renforcement des institutions. Ce que nous essayons de promouvoir et d’encourager dans le cadre de toutes les réunions organisées ou programmées ces prochains mois, c’est l’établissement d’un dialogue régulier qui permettra de réaliser d’importants progrès dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie.

Ces prochains mois, il y aura une réunion de la sous-commission «Droits de l’homme» et soyez assurés que nous y aurons un débat substantiel qui abordera les questions qui nous préoccupent tous et les moyens de les résoudre.

Au sujet des violations des droits de l’homme en Tunisie, les intervenants ont souvent fait référence au fait que la Tunisie avait été critiquée pour ses violations des droits de l’homme. Depuis les élections présidentielles et législatives qui se sont tenues en octobre dernier, la répression contre les partis d’opposition, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme s’est intensifiée. La communauté internationale a très clairement fait savoir que ce type de comportement était inacceptable de la part des autorités et qu’il était contraire aux engagements internationaux pris par la Tunisie. Par conséquent, pour répéter ce que j’ai déjà dit, au sein de l’UE, nous devons bien nous comprendre: un engagement est un engagement et nous devons nous y tenir.

La Tunisie doit en effet faire preuve d’un plus grand respect des valeurs communes fondamentales, dont les droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit. Elle doit, au passage, également respecter ses propres engagements internationaux dans ce domaine. La Commission poursuivra sa politique d’engagement et de dialogue sur ces questions, particulièrement dans le cadre des organismes créés au titre de l’accord d’association.

En même temps, l’UE apporte un soutien visant à améliorer la gouvernance et à promouvoir les réformes dans le domaine de la justice grâce à la coopération et à l’assistance technique. Notre priorité est de faire progresser la Tunisie dans ce domaine, notamment en encourageant activement les défenseurs des droits de l’homme et les organisations de la société civile dans le cadre de l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme.

Des efforts sont également consentis dans le domaine de la coopération judiciaire: l’UE a consacré 17,5 millions d’euros au financement d’un projet d’assistance technique ayant pour but la modernisation du pouvoir judiciaire. Cette initiative a été critiquée par certains députés européens, car elle suppose le transfert de fonds vers le système judiciaire du président tunisien.

Ce projet comporte de nombreux volets, ayant notamment trait à la formation des juges et des avocats, à l’assistance technique des tribunaux, à l’infrastructure et à l’amélioration de l’information des citoyens. Dès que ce projet sera terminé, nous évaluerons ses résultats. Je reconnais tout à fait que nos activités dans ce domaine nous font courir certains risques politiques, mais, si nous voulons encourager les réformes, il nous faut agir; sinon, la coopération européenne se cantonnera une fois de plus au secteur économique. Nous sommes tous d’accord pour dire que ce n’est pas la bonne approche et que cela serait incohérent avec nos propres objectifs politiques globaux relatifs à nos relations avec la Tunisie.

À propos du point abordé par Mmes Flautre et Vergiat, qui est le statut avancé de la Tunisie, je pense qu’il convient d’accorder la priorité à la poursuite et au renforcement du dialogue avec la Tunisie. Nous savons tous qu’il s’agit d’un allié important de l’UE dans cette région et qu’elle a accompli des progrès considérables en termes de modernisation économique et sociale. Peut-être que tout cela revient en fin de compte à considérer le verre comme à moitié vide ou à moitié rempli. Cela étant dit, nous pensons qu’il faut poursuivre notre politique consistant à soutenir les forces qui œuvrent, en Tunisie, pour la modernisation politique, économique et sociale de leur pays. Nous sommes favorables aux propositions de la Tunisie visant à renforcer la relation entre les deux partenaires. Le Conseil et la Commission étudieront très attentivement ces questions et je suis disposée à vous tenir au courant de tout nouvel élément dans ce dossier.

En revanche, s’il est dans l’intérêt de l’UE de renforcer ses relations avec la Tunisie, j’estime que l’attribution d’un statut avancé nécessite un engagement plus ferme de la part de la Tunisie au sujet des droits de l’homme et de la gouvernance. Il n’y aura pas de chèque en blanc.

 
  
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  Le Président. – Le débat est clos.

Déclaration écrite (article 149)

 
  
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  Edward Scicluna (S&D), par écrit. (EN) Je ne pense pas que ce débat tombe à point nommé, puisqu’il survient juste au moment où le dialogue entre la Tunisie et l’UE est renoué au niveau de la Commission et du Parlement. Le dialogue avec la Commission a notamment débouché sur la programmation de plusieurs réunions de sous-commissions (dont la sous-commission «Droits de l’homme et démocratie»), tandis que, dans le cadre du dialogue avec le Parlement européen, une importante délégation parlementaire tunisienne, composée de quatre partis politiques représentés à la chambre des députés tunisienne, s’est récemment rendue à Bruxelles et la réunion interparlementaire Tunisie-PE a été programmée pour le mois de mars 1010 à Bruxelles. Au moment où un dialogue important et constructif entre la Tunisie et l’UE vient d’être renoué, je pense qu’il est fâcheux d’avoir organisé un débat susceptible de saper ces efforts. Veillons à ce que la Tunisie et les autres États hors UE se conforment aux normes européennes dans les domaines économique, social et politique, mais faisons-le dans le cadre d’un dialogue suffisamment planifié et structuré.

 
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