Le Président. - L’ordre du jour appelle le débat sur les sept propositions de résolution sur les violations des droits de l’homme en Chine, notamment le cas de Liu Xiaobao(1).
Renate Weber, auteure. – (EN) Monsieur le Président, le mois dernier, M. Liu Xiaobao, le très célèbre écrivain et militant politique, a été condamné à 11 ans de prison pour «incitation à la subversion contre l’autorité de l’État». Il a été arrêté il y a plus d’un an, après avoir rédigé la Charte 2008, qui a été signée par plus de 10 000 citoyens chinois ordinaires et qui réclame ce qui est le plus normal dans une société démocratique: la liberté d’expression, des élections transparentes et l’état de droit.
Il ne fait aucun doute que les poursuites dont M. Liu Xiaobao fait l’objet, qui se basent uniquement sur ses initiatives pacifiques, et le harcèlement judiciaire qu’il a subi sont incompatibles avec les normes internationalement reconnues en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales. C’est pourquoi nous devons exiger la libération inconditionnelle de M. Liu Xiaobao.
Ces dernières années, les relations entre l’Union européenne et la Chine se sont principalement concentrées sur l’aspect économique, ce qui a relégué au second plan les questions démocratiques du pays et les graves violations des droits de l’homme qui se sont produites de manière systématique en Chine.
Il y a quelques jours, un fonctionnaire de police a reconnu pour la première fois que Gao Zhisheng, un militant des droits de l’homme et candidat au prix Nobel de la paix 2008, avait disparu après un an de détention par les autorités chinoises. Bon nombre de personnes craignent qu’il soit mort. Il y a quelques semaines, le gouvernement chinois n’a pas tenu compte de la demande de l’UE de ne pas exécuter un citoyen britannique.
Il est particulièrement inquiétant de constater à quel point le gouvernement chinois ignore ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme. L’on est en droit de se demander pourquoi, dans ces circonstances, la Chine a présenté sa candidature au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Était-ce simplement dans le but de légitimer la manière dont elle supprime les droits de l’homme?
En avril 2009, le gouvernement chinois a publié un plan national dans le domaine des droits de l’homme, un très long document qui n’était finalement qu’un bout de papier. Le doute n’est pas permis. Cette Assemblée, le Parlement européen, a l’obligation d’évaluer minutieusement les résultats du dialogue entre l’UE et la Chine sur les droits de l’homme.
Tunne Kelam, auteur. – (EN) Monsieur le Président, la Chine a fait preuve de progrès économiques impressionnants. Cependant, une partie de ces progrès a été réalisée au moyen de méthodes qui vont de manière flagrante à l’encontre des normes universellement acceptées dans le domaine des droits de l’homme. Les espoirs de voir que des événements tels que les jeux Olympiques inciteraient les autorités chinoises à montrer plus de respect pour les règles démocratiques se sont avérés vains. Au contraire, les actes de répression se sont multipliés et nous devons en tirer des conclusions.
Aujourd’hui, le Parlement européen exprime son inquiétude quant au sort réservé à Liu Xiaobao, un éminent militant des droits de l’homme et universitaire, qui est l’un des signataires de la Charte 2008 et qui appelle à la réforme constitutionnelle et à la protection des droits de l’homme. Plus de 10 000 citoyens chinois ont eu le courage de signer cette charte. Le mois dernier, Liu Xiaobao a été condamné à 11 ans de prison. Nous demandons aujourd’hui sa libération immédiate et inconditionnelle. Nous exprimons notre solidarité avec les actions pacifiques des citoyens chinois en faveur de réformes démocratiques et de la protection des droits de l’homme, auxquelles le gouvernement chinois s’est engagé.
Véronique De Keyser, auteure. − Monsieur le Président, les résolutions d’urgence sont toujours un exercice difficile parce que, bien souvent, plutôt que de traduire une urgence humanitaire, elles reflètent une impuissance politique. Le name and shame que nous pratiquons chaque mois est un recours ultime. Il signifie clairement que tous les autres instruments de dialogue et de pression se sont révélés inefficaces et que, faute de pouvoir agir, on dénonce.
Dans le cas de la Chine, je ne suis pas sûre que multiplier les résolutions d’urgence comme nous le faisons – mars 2009, novembre 2009, janvier 2010, plus le projet d’une autre résolution en mars 2010 – soit productif. Non pas que je sous-estime la difficulté de ce pays à gérer sa transition vers la démocratie, mais parce que je crois que revenir sans cesse à la charge, ce n’est pas se tromper de cible, c’est se tromper de stratégie. Il y a d’autres instruments politiques plus convaincants.
J’ai été la première à demander des résolutions sur les Ouïgours et à espérer éviter ainsi, en vain hélas, des exécutions capitales. Je soutiens, au nom de mon groupe, Liu Xiaobao, ce dissident de Tiananmen, condamné récemment, dont le seul crime est d’être épris de démocratie, mais je refuse de clouer tous les deux mois la Chine au pilori, tout simplement parce que cela ne la fera pas plier. Bien au contraire! Car cet acteur commercial incontournable, ce pays qui a un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, qui est en pleine croissance et en pleine évolution démocratique, dont nous avons besoin pour lutter contre le changement climatique, ce pays doit être un partenaire, à qui on dit ses quatre vérités, mais qu’on respecte pour les efforts qu’il engage. C’est ce respect qui manque dans la résolution.
C’est pour ces raisons politiques que mon groupe a retiré sa signature. Mais pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur la question des droits de l’homme, auxquels je tiens au moins autant que vous, mon groupe votera en faveur de tous les amendements qui s’y rapportent. Quant à l’issue finale du vote, elle dépendra des amendements que nous avons déposés.
Marie-Christine Vergiat, auteure. − Monsieur le Président, la Chine est un grand pays, riche de son histoire, et dont les capacités de développement sont immenses. La tenue des jeux olympiques à Pékin, l’année dernière, n’a pas eu les résultats que certains avaient escomptés.
Les relations que l’Union européenne est en mesure d’entretenir avec ce pays revêtent une importance toute particulière. Il est de notre devoir, en tant que parlementaires européens, de dire haut et fort ce que nous trouvons important et ce qui n’est pas supportable.
Or, la situation des droits de l’homme dans ce pays n’est pas supportable. Le cas de M. Liu Xiaobao, coupable de réclamer des réformes démocratiques dans son pays avec plus de 10 000 de ses compatriotes est, à cet égard, exemplaire. Oserai-je dire qu’à mes yeux, c’est plutôt un exploit que de permettre une telle mobilisation dans ce pays?
Nous devons exiger la libération de M. Xiaobao et de tous ceux et de toutes celles qui, comme lui, sont harcelés, emprisonnés, pour avoir commis un seul crime, celui de défendre les droits de l’homme, et notamment l’un des plus fondamentaux d’entre eux, la liberté d’expression.
Tout récemment, comme l’a dit un de mes collègues, un citoyen britannique a effectivement été exécuté, alors qu’il était déficient mental. C’est la première fois qu’un Européen est exécuté en Chine depuis plus de cinquante ans. Oui, la liberté d’expression est bafouée chaque jour un peu plus, comme vient de nous le révéler Google, qui a pourtant la réputation d’être, sinon l’opérateur qui protégerait le mieux – du moins le moins mal – les internautes.
On sait que, pour s’installer en Chine, les opérateurs doivent, à la demande des autorités chinoises, installer des logiciels de filtre, ce que même Google avait fini par accepter. Nous ne pouvons pas accepter qu’un gouvernement opère des actes de piratage sur l’internet et empêche les internautes de s’exprimer.
Les institutions européennes, dans leur ensemble, doivent réagir. Les internautes chinois doivent pouvoir accéder à des informations non censurées. L’Union européenne se doit de soutenir les entreprises du secteur de l’internet qui refusent d’aider les autorités chinoises à censurer l’internet ou, pire, à arrêter les défenseurs des droits de l’homme, les démocrates ou, plus simplement, les journalistes, comme ce fut le cas avec M. Xiaobao en avril 2005.
Enfin, mes chers collègues, je ne peux terminer mon intervention sans vous demander de ne pas oublier les morts de Tiananmen, plusieurs centaines de jeunes Chinois ont trouvé la mort dans la nuit du 3 au 4 juin de 1989. C’était il y a vingt ans, un triste anniversaire, que nous nous serions honorés de commémorer en rendant hommage à ces jeunes victimes. Mais tous les événements de 1989 n’ont pas eu droit à la même attention.
Charles Tannock, auteur. – (EN) Monsieur le Président, le fait que nous débattons à nouveau, au sein de ce Parlement, des violations des droits de l’homme en Chine montre que les dirigeants communistes autoritaires de Pékin restent déterminés à réduire au silence tout dissident politique.
Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher de soulever ces questions au Parlement. Je crois que nous avons non seulement le devoir de le faire, mais que nous devons cela aux victimes de violations des droits de l’homme en Chine, comme Liu Xiaobao, dont la plupart n’ont pas eu le droit de s’exprimer. C’est pourquoi nous débattons à nouveau de cette question aujourd’hui.
En effet, en décernant le prix Sakharov à Hu Jia en 2008, les députés européens ont montré au monde à quel point ils considèrent la question des droits de l’homme en Chine avec sérieux. Nous la considérons avec sérieux parce que la Chine est réellement importante. Sa très grande taille, son immense envergure internationale et sa puissance militaire et économique obligent l’UE à rechercher un partenariat stratégique fondé sur le respect et la sécurité mutuels.
Finalement, notre relation avec la Chine reposera peut-être également sur nos valeurs démocratiques communes, les droits de l’homme et l’état de droit: nous ne pouvons que l’espérer. Néanmoins, je pense que nous espérons tous voir arriver le jour où cela sera réellement mis en pratique en République populaire de Chine. L’on a suggéré que ces idéaux sont, d’une certaine manière, étrangers à l’Asie. Je pense toujours à la démocratie de Taïwan et à l’immense Inde dotée de traditions démocratiques séculières, qui se développent dans une société libre, pour, en substance, démentir l’idée selon laquelle la République populaire de Chine ne peut devenir démocratique.
Heidi Hautala, auteure. – (FI) Monsieur le Président, ce qui importe à propos de l’affaire Liu Xiaobao, c’est que, à présent, 10 000 personnes ont ouvertement exprimé leur soutien en sa faveur et je pense que le Parlement européen devrait reconnaître le courage de ces personnes et les en féliciter.
En même temps, nous devons nous rappeler que la Chine elle-même a promis d’améliorer la situation des droits de l’homme. La Chine a cherché à rejoindre le Conseil des droits de l’homme en affirmant qu’elle s’engagerait à promouvoir et à protéger les droits de l’homme et qu’elle respecterait les normes les plus strictes dans ce domaine. Ce sont donc les propres promesses que la Chine a faites auprès des Nations unies et c’est à celles-ci que nous devrions faire référence.
Cette résolution traite également des dialogues entre l’UE et la Chine sur les droits de l’homme et, nous avons beau vouloir être optimistes, le bilan indique qu’ils ne se sont guère avérés utiles. Les institutions de l’Union européenne doivent également réfléchir entre elles à la manière dont elles peuvent améliorer leurs propres stratégies et faire comprendre à la Chine que ses engagements sur les questions relatives aux droits de l’homme nous concernent également et que l’avenir de la coopération entre la Chine et nous dépend, d’une manière décisive, de ces engagements.
Enfin, nous pourrions demander pourquoi la politique de l’Union européenne à l’égard de la Chine est si incohérente et contradictoire et ce que nous pouvons faire à ce sujet. Le Parlement européen, quant à lui, soutiendra certainement la Commission dans un effort commun visant à établir une nouvelle stratégie avec la Chine.
Cristian Dan Preda, au nom du groupe PPE. – (RO) «Nous devrions cesser de considérer la parole comme un délit.» C’est ce que Liu Xiaobao a déclaré dans la Charte 2008, le manifeste politique qu’il a initié et que des milliers de citoyens chinois ont soutenu, comme on l’a déjà dit. Liu Xiaobao a été condamné à 11 ans de prison et sera privé de ses droits politiques durant deux ans supplémentaires pour cette déclaration et pour sa défense continue des droits de l’homme. Je crois que cette sanction prouve que les autorités chinoises intensifient leur campagne contre les militants des droits de l’homme. L’annonce de ce dimanche selon laquelle Tzu Yong Jun, un chef de file des manifestations de la place Tiananmen, a également été condamné à neuf ans de prison renforce cette preuve.
Par conséquent, je crois qu’il est vital de mettre en avant la question des droits de l’homme au prochain sommet UE-Chine, comme le précise l’article 9 de la résolution.
Je pense, comme Mme Hautala vient également de le suggérer, que le dialogue n’est pas suffisant en matière de droits de l’homme. Cette question des droits de l’homme doit être examinée dans le cadre de sommets parce que le dialogue n’a produit aucun résultat jusqu’à présent.
Zigmantas Balčytis, au nom du groupe S&D. – (EN) Monsieur le Président, l’Union européenne négocie en ce moment avec la Chine un nouvel accord-cadre, qui ouvrira la voie au développement des relations économiques avec ce pays.
Ces relations sont très étroites, mais nous ne devons pas fermer les yeux sur les violations répétées des droits de l’homme et de l’état de droit.
L’Union européenne doit renforcer le dialogue entre l’UE et la Chine à propos des droits de l’homme. Ce dialogue, instauré en 2000, s’est avéré inefficace. L’UE et, plus particulièrement, le haut représentant devraient assurer la coordination et l’efficacité de la politique étrangère commune de l’Union européenne à l’égard de la Chine. Le respect des droits de l’homme doit servir de base à cette politique.
Helga Trüpel, au nom du groupe Verts/ALE. – (DE) Monsieur le Président, lorsque la Chine a été sélectionnée pour accueillir les jeux Olympiques, j’ai tout d’abord espéré, après toutes les promesses de la Chine d’améliorer la situation des droits de l’homme, que cela se produirait peut-être réellement.
Cependant, pendant et après les jeux Olympiques, nous avons malheureusement dû admettre qu’il n’y a pas eu d’amélioration, mais plutôt une détérioration de la situation des droits de l’homme. Maintenant, à la suite de la condamnation de Liu Xiaobao, nous avons même vu l’interdiction par la police d’une fête homosexuelle, ce qui risque clairement de créer en Chine un climat politique glacial pour les dissidents, les défenseurs des droits de l’homme et les homosexuels.
C’est la raison pour laquelle nous exigeons la libération immédiate de Liu Xiaobao et d’autres défenseurs des droits de l’homme et nous prions la Chine en particulier, si elle souhaite devenir un partenaire reconnu au sein de la communauté internationale, de mettre un terme à ses mesures de censure et à ses méthodes de surveillance convulsives.
Bien entendu, cela concerne en particulier l’internet. Nous ne pouvons pas accepter le filtrage politique sur l’internet. La défense de la liberté d’expression dans toutes les nations du monde constitue un élément essentiel des droits fondamentaux. Les droits de l’homme sont universels et indivisibles, que ce soit ici en Europe, aux États-Unis, au Soudan ou en Chine. La République populaire de Chine devra s’y faire si elle veut réellement exercer un rôle différent.
Je suis fermement convaincue qu’en tant qu’Européens, nous devons clairement faire savoir à la Chine, dans le cadre de nos relations officielles lors des sommets – précisément parce que nous nous intéressons à la coopération dans les domaines de la politique relative à la protection du climat, de la politique environnementale et de la réglementation des marchés financiers –, qu’elle doit de toute urgence modifier sa politique en matière de droits de l’homme.
Lorenzo Fontana, au nom du groupe EFD. – (IT) Monsieur le Président, chers collègues, l’un des problèmes majeurs dans le domaine des droits de l’homme en Chine est le recours aux travaux forcés dans les «laogai», les camps de concentration chinois.
Cette question, en plus de constituer une véritable forme d’esclavage moderne, concerne en particulier l’économie européenne. En fait, il est certain que de très nombreux produits exportés du marché chinois sont produits par des détenus des «laogai», tandis que les coûts de la main-d’œuvre sont visiblement cassés, ce qui occasionne une concurrence déloyale pour les produits européens.
En se basant également sur l’expérience des États-Unis, qui ont déjà adopté plusieurs lois interdisant l’importation de produits chinois fabriqués dans les «laogai», l’Europe peut et devrait tout mettre en œuvre pour empêcher l’arrivée de biens entièrement ou partiellement produits en ayant recours au travail forcé.
Premièrement, il convient de mener une campagne en vue de sensibiliser les citoyens à cette question et, deuxièmement, les mêmes critères d’hygiène et de sécurité exigés pour les produits européens devraient être imposés à tous les produits importés en Europe et une législation relative à l’étiquetage devrait être introduite pour garantir la traçabilité des biens.
En outre, il est impératif de demander aux entrepreneurs qui investissent en Chine de suivre des règles précises en ce qui concerne les droits des travailleurs. Enfin, nous devons établir des règles et, surtout, veiller à leur respect, afin qu’il soit totalement interdit d’importer des biens issus du travail forcé.
Je suis convaincu que c’est la seule manière dont nous pouvons véritablement aider le peuple chinois dans son combat pour les droits de l’homme. Autrement, nous resterons des complices qui veulent priver ces personnes de liberté.
Edward McMillan-Scott (NI). - (EN) Monsieur le Président, j’ai l’honneur d’être le vice-président du Parlement européen chargé de la démocratie et des droits de l’homme. Cette résolution se concentre à juste titre sur Liu Xiaobao, le principal auteur de la Charte 2008. Une version anglaise de cette charte est disponible sur mon site Internet charter08.eu.
Après ma dernière visite à Pékin en mai 2006, tous les dissidents avec lesquels j’ai été en contact ont été arrêtés, emprisonnés et, dans certains cas, torturés, comme Hu Jia, qui est toujours en prison et qui a besoin d’un traitement médical, et, en particulier, Gao Zhisheng, qui aurait disparu après trois ans et demi de détention, d’assignation à domicile et de torture, ce qui l’a poussé deux fois à tenter de se suicider. Les lettres ouvertes que Gao Zhisheng a adressées au régime en 2005 ont déterminé la nature de la Charte 2008. L’enquête qu’il a menée sur la persécution de Falun Gong, un groupe spirituel bouddhiste, a donné lieu à un soutien général en Chine. Je crois que les autorités devraient maintenant faire revenir Gao Zhisheng et le libérer.
Il est absolument certain que le Parlement européen ne perdra pas espoir en une réforme en Chine et, bien sûr, au Tibet.
Eija-Riitta Korhola (PPE). - (FI) Monsieur le Président, il est intolérable que les intérêts commerciaux soient prépondérants dans les relations entre l’UE et la Chine et que le respect des droits de l’homme et le développement démocratique ne soient que vaguement mis en avant dans les relations cordiales.
C’est avec intérêt que j’ai suivi l’audace dont a fait preuve Google, une société qui exploite un moteur de recherche, et son intention de cesser de coopérer avec les autorités chinoises en ce qui concerne le filtrage et la censure sur l’internet et même de quitter le pays. En outre, Google exige visiblement la liberté d’expression pour les internautes chinois.
Je partage l’inquiétude de mes collègues quant au traitement réservé à Liu Xiaobao et à d’autres prisonniers politiques chinois et j’espère que le Conseil et la Commission aborderont l’affaire de Liu Xiaobao lors du prochain sommet entre l’UE et la Chine. Les accords en cours de négociation devraient préciser clairement que l’évolution des relations commerciales avec la Chine doit être liée de manière plus efficace au dialogue politique et au respect des droits de l’homme.
Gesine Meissner (ALDE). – (DE) Monsieur le Président, nous avons parlé de différents points concernant la manière appropriée de s’adresser à la Chine et d’exercer une pression sur elle, car il est clair qu’un rien a un grand effet sur ce pays. Mme De Keyser a déclaré que, pour cette raison, son groupe a retiré sa signature. Je ne pense pas que ce soit la bonne méthode. En tant que citoyens de l’UE, qui a inclus les droits de l’homme dans la Charte des droits fondamentaux et dans le traité de Lisbonne, nous devrions continuer de signaler les violations des droits fondamentaux de l’homme. Nous n’avons pas d’autres choix pour le moment. Lorsque nous penserons à une meilleure solution, j’y accorderai immédiatement mon soutien.
Toutefois, il ne s’agit pas uniquement de Liu Xiaobao; il s’agit également de Gao Zhisheng, qui a disparu, et, d’après ce que nous entendons maintenant, il se serait suicidé. Tout le monde suppose qu’il a probablement été assassiné d’une terrible manière ou d’une autre. C’est inacceptable. À propos des jeux Olympiques, nous avons constaté que, lorsque nous nous rendons en Chine et que nous y établissons un contact, la situation des droits de l’homme reste totalement inchangée. Nous avons tous espéré un changement, mais en vain. Par conséquent, nous ne devons pas cesser de lancer nos appels urgents.
Neelie Kroes, membre de la Commission. – (EN) Monsieur le Président, l’UE a clairement exprimé sa vive préoccupation à propos du jugement disproportionné prononcé à l’encontre de Liu Xiaobao, un éminent défenseur des droits de l’homme, qui a été condamné à 11 ans de prison pour son rôle en tant qu’auteur de la Charte 2008, un projet d’introduction en Chine d’une réforme démocratique et fondée sur les droits, et pour la publication sur l’internet de plusieurs essais sur des questions relatives aux droits de l’homme.
Nous attachons une grande importance à la liberté de pensée et d’expression, qui, comme nous le savons tous, sont les pierres angulaires de notre système démocratique. Le verdict prononcé à l’encontre de M. Liu est absolument incompatible avec le droit à la liberté d’expression, qui est inscrit dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont la Chine est signataire. Au passage, nous accordons également de l’importance à la protection du droit à l’expression et à l’orientation sexuelle, comme l’a indiqué Mme Trüpel.
L’Union européenne a tenté d’observer le procès et nous regrettons profondément que nos observateurs se soient vu refuser l’entrée dans la salle d’audience. Les détails du procès, que nous avons néanmoins pu connaître, indiquent clairement que M. Liu n’a pas eu l’occasion d’assurer sa propre défense et qu’il n’a pas fait l’objet d’un procès équitable. L’UE continuera de demander au gouvernement chinois de libérer M. Liu de manière inconditionnelle et de cesser le harcèlement et la détention d’autres signataires de la Charte 2008.
Notre politique globale à l’égard de la Chine consiste en un engagement constructif dans le cadre de notre partenariat stratégique. À plusieurs occasions, nous avons félicité la Chine pour ses progrès en matière de droits sociaux et économiques, ainsi que pour le lancement récent de son plan d’action dans le domaine des droits de l’homme, mais, d’un autre côté, nous nous inquiétons vivement à propos des droits civils et politiques et de certains événements récents, comme ceux que les honorables députés ont soulevés dans la proposition de résolution.
Lors de nos contacts politiques réguliers et, plus particulièrement, durant notre dialogue avec les autorités chinoises sur les droits de l’homme, nous communiquons l’engagement de l’UE à l’égard des droits de l’homme. Comme vous le savez, la dernière session s’est tenue le 20 novembre 2009 à Pékin. La solidité de notre relation nous permet de discuter de manière franche de ces questions. L’année dernière, au cours du 12e sommet entre l’UE et la Chine qui a eu lieu à Nanjing, nous avons abordé la question des droits de l’homme, tant lors des discussions que pendant la conférence de presse.
Mmes Vergiat et Korhola ont évoqué les cyberattaques visant Google. La Commission pense qu’il s’agit d’un nouvel événement préoccupant touchant à la liberté d’expression en Chine. Évidemment, nous surveillons cette situation de près. Nous pensons que des consultations sont en cours entre cette société et les autorités chinoises. Nous resterons vigilants au cas où des attaques similaires viseraient des sociétés de l’UE.
Je tiens à assurer à ce Parlement que nous continuerons d’aborder ces questions, y compris au plus haut niveau, en rappelant à la République populaire de Chine ses obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme. Nous rappelons également les garanties constitutionnelles de la Chine en ce qui concerne la liberté d’expression. Nous partageons tous l’objectif d’une Chine plus ouverte et plus transparente, qui adhère aux normes internationales concernant les droits de l’homme et qui collabore à la résolution des défis mondiaux. À cet effet, nous devons poursuivre l’élaboration de notre partenariat stratégique.
Je voudrais réagir à une question posée par Mme De Keyser. En ce qui concerne l’exécution du citoyen britannique, Akmal Shaikh, l’Union européenne l’a condamnée de la manière la plus ferme possible. Elle regrette profondément que la Chine n’ait pas tenu compte des demandes répétées de l’Union et de l’un de ses États membres de commuer la peine de mort prononcée à l’encontre de M. Shaikh.
Le Président. – Le débat est clos.
Le vote aura lieu à 12 heures.
Déclarations écrites (article 149)
Cătălin Sorin Ivan (S&D), par écrit. – (RO) Le droit à la vie et le droit à la liberté d’expression et de pensée constituent la base de l’intégration européenne et de notre vision du monde. Lorsque l’un de nos partenaires, en l’occurrence la Chine, viole sans cesse ces droits, nous devons réagir. Cependant, nous ne devons pas le faire en nous basant sur le modèle de la honte et du blâme, accuser la Chine et ignorer les différences de culture et de civilisation qui nous séparent. Cette résolution sur la violation des droits de l’homme en Chine, notamment dans le cas de Liu Xiaobao, fait preuve d’une approche simpliste des questions auxquelles la société chinoise fait face. Nous n’avons certainement pas adopté notre position au mépris du principe de l’inviolabilité des droits de l’homme qui sous-tend la résolution, à laquelle nous souscrivons sans réserve. En fait, notre position concerne la manière dont elle a été communiquée. Pour obtenir les résultats recherchés, nous devons maintenir un climat dénué de conflit entre l’UE et la Chine. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons contribuer à l’évolution de la Chine vers une société qui accorde une grande importance au respect des droits de l’homme.
Anneli Jäätteenmäki (ALDE), par écrit. – (EN) «Ne soyez pas malveillant» est la célèbre devise de Google. Depuis plusieurs années, leur politique en Chine fait l’objet de critiques, qui mettent en question cette devise. Des groupes de défense des droits de l’homme ont accusé Google d’aider le gouvernement chinois à réprimer ses citoyens, en particulier les militants des droits de l’homme. Apparemment, Google sera moins malveillant à l’avenir. Sa décision de lancer un moteur de recherche non filtré en Chine mérite les plus chaleureuses félicitations. En annonçant la modification de leur politique en Chine, Google met en jeu les bénéfices venant du plus grand marché de l’internet au monde et risque d’abandonner 400 millions d’utilisateurs. Dans ce cas particulier, Google a démontré qu’une grande entreprise internationale peut réellement rester fidèle à sa politique éthique. Ses fondateurs étant toujours présents au sein de sa direction, il est très probable que Google reflète à l’avenir ses valeurs et convictions essentielles dans son activité quotidienne. Et, si la société Google continue de prospérer, elle prouvera qu’il n’y a pas de conflit inhérent entre le fait de gagner de l’argent et un comportement durable et humain.
Nuno Melo (PPE), par écrit. – (PT) Des violations des droits de l’homme se sont produites de manière récurrente en Chine et nous ne pouvons pas oublier de les condamner. Le fait que l’UE est l’un des principaux partenaires économiques de la Chine renforce notre responsabilité de condamner toutes les mesures qui violent les droits de tout citoyen, en particulier les personnes qui défendent la liberté d’expression et les droits de l’homme dans ce pays. Il est essentiel que la République populaire de Chine respecte et honore les engagements qu’elle a pris devant le Conseil des droits de l’homme.
Alajos Mészáros (PPE), par écrit. – (SK) Plus un pays est grand géographiquement et plus il est indépendant sur le plan économique, plus il est difficile d’exiger de sa part le respect des droits de l’homme. Je trouve qu’il est inacceptable que, dans ses relations avec la Chine, l’Union européenne continue d’accorder la priorité aux intérêts économiques. Pratiquement à chaque réunion aux plus hauts niveaux diplomatiques, nous sommes uniquement capables de rappeler timidement la question des violations des droits de l’homme qui ont lieu dans ce pays. En Europe, malheureusement, nous avons connu de nombreuses expériences négatives à propos de régimes communistes pratiquant la répression des droits de l’homme. Je suis donc convaincu que le nombre réel de violations des droits de l’homme est bien plus élevé que ce que les informations dont nous disposons nous laissent croire. C’est pourquoi il est urgent que nous puissions obtenir de la Chine le respect des droits de l’homme, même au prix d’un sacrifice économique et politique. Dans le cas contraire, l’évolution de la situation en Chine risque d’avoir une incidence défavorable sur l’évolution générale de la situation politique en Asie, entraînant également un effet sur l’économie et la politique mondiale générale.
Wojciech Michał Olejniczak (S&D), par écrit. – (PL) J’ai voté en faveur de la résolution condamnant les violations des droits de l’homme parce que nous ne devons pas les tolérer ou les accepter, que ce soit en tant que personnes ou en tant que citoyens. Un comportement qui porte atteinte à des personnes, ainsi qu’à leur liberté et à leurs droits, qui ont été définis il y a de nombreuses années, va à l’encontre des fondements sur lesquels nos démocraties occidentales reposent. Le dialogue entamé en 2000 entre l’Union européenne et la Chine n’a pas apporté les résultats escomptés. Nous devons donc nous demander si nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir et, si la réponse est «non», nous devrions appliquer les dispositions de résolutions relatives à l’efficacité de la coopération économique. Les droits de l’homme devraient constituer la base du dialogue entre l’Union et la Chine et les intérêts des personnes devraient passer avant les intérêts économiques.
L’arrestation et la condamnation de Liu Xiaobao, un défenseur de la paix et militant des droits de l’homme qui a demandé plus de démocratie en Chine, montrent clairement que nos mesures actuelles ne sont pas efficaces. Par conséquent, il vaut la peine d’adopter d’autres mesures, outre les résolutions, qui permettront d’obtenir un plus grand respect de ce pour quoi Liu Xiaobao lutte, ainsi que des milliers de Chinois et de bien d’autres personnes dans le monde.
Il y a trente ans, des réformes ont débuté en Chine, qui a montré au monde que quelque chose changeait, qu’elle pouvait faire quelque chose en faveur de la société. Nous en attendons autant aujourd’hui. Nous voulons aujourd’hui avoir un partenaire qui respecte les principes qui, pour nous, sont fondamentaux.