Le Président. − L’ordre du jour appelle le débat sur six propositions de résolutions concernant le Venezuela(1).
Tunne Kelam, auteur. − (EN) Monsieur le Président, les députés de cette Assemblée sont très inquiets au sujet de la répression de la liberté des médias exercée par le régime vénézuélien.
La liberté des médias constitue l’un des piliers de la démocratie. Elle englobe indubitablement le droit de recevoir des informations auprès de multiples sources pluralistes. Or, le président Hugo Chávez a récemment commis plusieurs infractions envers la liberté des médias. En août dernier, il a ordonné la fermeture de 34 stations de radio en refusant de renouveler leur licence. En janvier, il a interdit la diffusion de RCTV International et de cinq autres chaînes câblées et satellites qui n’avaient pas relayé son discours officiel. De plus, il a déclaré que l’utilisation de Twitter et de l’internet, pour la diffusion d’informations contre le gouvernement, relevait du terrorisme. Nous déplorons la mort de deux étudiants vénézuéliens qui se sont opposés à cette fermeture de médias libres…
(Le Président retire la parole à l’orateur.)
Renate Weber, auteure. – (ES) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, la liberté d’expression n’est pas un droit virtuel que l’on peut convenir sans prendre en considération la réalité politique et sociale d’un pays. La liberté des médias d’exprimer des avis critiques sur le gouvernement ou des responsables politiques, qu’ils soient présidents, partisans de la majorité ou de l’opposition, représente une garantie cruciale pour la population. Il convient de garantir un accès aux informations issues de sources multiples, afin que le droit de vote ne soit pas un leurre.
Malheureusement, il apparaît que les nombreux actes anti-démocratiques, commis par le gouvernement ou le président Chávez au détriment de l’opposition, vont sonner le glas des médias au Venezuela. Nous pensons non seulement à la fermeture récente de la chaîne RCTV International, à laquelle les autorités vénézuéliennes de l’audiovisuel ont imposé une loi rétroactive, mais aussi à celle de 34 des stations de radios les plus populaires du pays depuis 2009.
Sans compter que Globovisión, dont la rédaction reste indépendante du gouvernement, subit des pressions pour rentrer dans le rang. N’oublions pas que la manière la plus perverse d’éliminer les médias consiste à introduire l’autocensure.
Après la fermeture de 34 stations de radio, le gouvernement d’Hugo Chávez a officiellement annoncé l’existence d’une liste contenant les autres stations qui allaient subir le même sort: une liste dont personne n’a conscience, étant donné que les procédures employées ne sont pas transparentes, une liste qui soulève de nombreuses incertitudes, sont seul but étant de promouvoir l’autocensure. Toutes ces infractions ont lieu sans que les tribunaux compétents ne répondent aux poursuites entamées auprès d’eux.
Dans un pays qui bafoue un principe universel comme la non-rétroactivité, dont les autorités judiciaires n’entendent rien, sinon les ordres du président, il n’existe ni prééminence du droit, ni séparation des pouvoirs. La démocratie n’existe pas. Malheureusement, telle est la situation du Venezuela aujourd’hui.
Véronique De Keyser, auteure. − Monsieur le Président, je suis désolée, mais la résolution sur le Venezuela que nous présente le PPE, notamment, est une mystification montée de toutes pièces pour instrumentaliser les urgences à des fins politiciennes et tenter de discréditer M. Chávez.
Je résume parce que ça ne vaut pas la peine d’y perdre du temps. Quatre chaînes nationales n’ont pas rempli les obligations d’enregistrement auxquelles elles sont tenues par la loi. Elles sont suspendues temporairement et, actuellement, se soumettent à ces obligations, et j’espère que leur régularisation sera rapide.
Dans une résolution commune avec les Verts et le groupe GUE, mon groupe rappelle son attachement inébranlable à la liberté d’expression et à sa pluralité. Mais je m’étonne de la conception à géométrie très variable que le PPE a de cette liberté d’expression. N’est-ce pas vous, chers collègues, qui avez voté contre la résolution sur la liberté la presse en Italie en défendant Berlusconi? Si vous voulez vous couvrir de ridicule aujourd’hui, je vous en prie, faites-le. Vous serez en nombre tout à l’heure au vote, profitez-en!
Raül Romeva i Rueda, auteur. − (ES) Monsieur le Président, j’ai également deux problèmes en ce qui concerne le Venezuela. L’un a trait à la forme, l’autre au fond. Du point de vue de la forme, je dois dire que nos collègues du groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) abusent largement de cette séance d’urgence consacrée aux violations des droits de l’homme depuis quelque temps pour tenir un débat partisan, ce qui crée une situation complexe.
Leur volonté de mener des activités politiques partisanes est tout à fait légitime. Toutefois, le lieu est mal choisi. S’ils souhaitent déclarer leur soutien à leurs amis ou plutôt critiquer les gouvernements qu’ils n’apprécient pas, ce n’est ni le lieu ni le moment pour le faire.
Quoi qu’il en soit, il est impératif de prendre beaucoup plus au sérieux cette séance d’urgence consacrée aux violations des droits de l’homme et de la démocratie, sans quoi nous risquons de perdre notre crédibilité actuelle, laquelle sera très difficile à restaurer sur la scène internationale.
L’Amérique latine est le théâtre de nombreux cas flagrants de violation des droits de l’homme. Dans ce contexte, nous devons être plus cohérents. Souhaitons-nous débattre des droits de l’homme en Amérique latine? Dans ce cas, parlons de la Colombie et du Honduras. Comment se fait-il que ces questions ne soient jamais traitées en plénière au sein de cette Assemblée? Nous sommes confrontés en permanence à ce problème. Pourquoi un cas comme celui d’aujourd’hui, qui est une simple question administrative, suscite cette présence et ce soutien? C’est inacceptable. C’est inadmissible, car, et j’insiste sur ce point, nous perdons toute crédibilité et toute légitimité pour exprimer un avis sur de tels cas.
Permettez-moi d’être très clair. Je ne suis pas un partisan de Chávez. Je défends la liberté d’expression, même pour les personnes dont les avis sont totalement opposés au mien, que ce soit en Italie ou au Honduras. Mais là n’est pas la question aujourd’hui. Le problème que nous abordons aujourd’hui est essentiellement de nature administrative. Il concerne l’ordre public au Venezuela, un problème déjà traité, qui, selon les informations dont je dispose, est déjà résolu.
Dès lors, ce débat n’a pas lieu d’être. Il est tout à fait inutile. Si nous voulons continuer à ridiculiser cette séance d’urgence, poursuivons dans cette voie et nous finirons par ne plus débattre du tout, après avoir perdu toute crédibilité.
J’invite donc les membres du groupe PPE à prendre plus au sérieux cette séance d’urgence, ou elle n’aura alors plus la moindre utilité.
Joe Higgins, auteur. − (EN) Monsieur le Président, je tiens d’abord à souligner la profonde hypocrisie des groupes de l’aile droite de cette Assemblée, qui ont condamné le gouvernement vénézuélien pour la fermeture provisoire des structures de diffusion de Radio Caracas Television (RCTV) tout en se prétendant défendeurs de la liberté des médias. Ces mêmes groupes vantent l’introduction en Europe d’un système où la grande majorité des médias sont contrôlés par des milliardaires et des groupes privés majeurs, qui utilisent ce contrôle pour s’approprier des profits énormes tout en répandant leur propagande louant le capitalisme, le marché et le néolibéralisme; ce qui, à la lumière de la crise économique actuelle, constitue une diffamation et un abus à l’encontre de l’opinion publique. Citons à titre d’exemple la campagne incessante qui veut que la classe ouvrière paie les pots cassés, en diffamant sans limite les organisations ouvrières qui osent marquer leur désaccord.
Le traitement de la fermeture de RCTV au cours de cette séance d’urgence représente un abus majeur à l’encontre de cette procédure. Par ailleurs, la plupart des médias au Venezuela sont en fait des établissements privés, tout comme les puissants groupes de médias qui ont conspiré pour renverser Hugo Chávez en 2002, qui a été élu et réélu à maintes reprises par la population vénézuélienne. En réalité, le groupe PPE de ce Parlement suit la même ligne de conduite que les conspirateurs du coup d’état: ils veulent renverser le gouvernement d’Hugo Chávez, car il n’a pas mis en œuvre les préceptes du capitalisme mondial en appliquant urbi et orbi la privatisation et la dérégulation. Le tout sans tolérer la moindre opposition au programme néolibéral. Oui, de manière générale la classe ouvrière d’Amérique latine se révolte. Non, je ne m’abstiendrai pas de certaines critiques acerbes contre le gouvernement vénézuélien.
Malgré le soutien massif de la majorité de la population vénézuélienne, Hugo Chávez, n’a, en fait, pas définitivement rompu avec le capitalisme et s’est tourné vers le véritable socialisme démocratique. Le pays tend vers la bureaucratie, dans une certaine mesure. Enfin, ceux qui ont le même avis que moi sur le fond, ai sien du groupe Socialismo Revolucionário par exemple, luttent contre ces tendances et pour les droits des travailleurs et le véritable socialisme, ce qui signifie, d’ailleurs, que les médias ne sont pas régis par des intérêts capitalistes ni bureaucratiques, mais sont démocratiquement ouverts à tous les secteurs de la société.
Tomasz Piotr Poręba, auteur. – (PL) Monsieur le Président, c’est effectivement ici, au sein du Parlement européen, que nous devons parler aujourd’hui de la situation du Venezuela, où un dictateur bafoue la loi, supprime l’opposition, ferme des chaînes de télévision indépendantes, exproprie des entreprises et ferme une foule d’institutions. Ce lieu est tout indiqué. Ce pays est confronté à des violations évidentes des droits de l’homme.
Toutefois, il existe aussi d’autres problèmes. Son régime déstabilise non seulement la situation dans son propre pays, mais aussi dans la région. Les actions provocatrices contre la Colombie, en l’occurrence le soutien des guérillas FARC, devraient entraîner un réel conflit dans la région.
La Colombie est l’un de nos partenaires stratégiques. Apportons-lui notre soutien à l’heure où ce pays est si durement attaqué par Chávez et est poussé, de manière déloyale ou provocatrice, à intensifier le conflit dans la région. Tel est notre devoir. Si ces attaques et les provocations s’intensifient, l’Union européenne et le Parlement européen seront tenus d’épauler la Colombie, d’être avec la Colombie et de soutenir la Colombie dans un conflit avec le Venezuela qui, j’en ai bien peur, est imminent.
Bogusław Sonik, au nom du groupe PPE. – (PL) Monsieur le Président, c’est toujours la même chose: quelqu’un prend le pouvoir pour un meilleur avenir, pour abolir les inégalités, pour libérer les victimes des oppresseurs et des tyrans, pour mettre fin à la pauvreté et à la misère, pour utiliser les richesses nationales au service de la nation. C’est l’objectif visé par chaque révolution et des personnes qui, via les mécanismes de la démocratie, adoptent le poste de leurs rêves, comme le président, pour abandonner dès le lendemain leurs slogans sur la liberté, la démocratie et la société. À compter de ce moment, ils sont guidés par une seule devise: «prendre le pouvoir et ne plus jamais le lâcher». Les dictateurs atteignent cet objectif en utilisant des méthodes identiques: censure, police secrète, emprisonnement des personnes à contre-courant, dispersion et division des forces de l’opposition et contrôle complet des médias. À titre d’exemple, la répression par Lénine de l’insurrection des marins héroïques de Kronstadt représentait un genre de charte fondatrice, le symbole parfait de la pensée du XXe siècle. Ce diagnostic est également vrai aujourd’hui pour le Venezuela. La liberté des médias joue un rôle de premier ordre dans la démocratie et le respect des valeurs fondamentales. La Commission européenne devrait entreprendre une action appropriée.
Zigmantas Balčytis, au nom du groupe S&D. – (LT) Plusieurs membres de notre groupe ont déjà affirmé leur position, et je conviens aussi que la question de la liberté d’expression au Venezuela ne concerne pas uniquement l’Amérique latine, mais toute l’Europe et le monde entier. Si nous devions examiner en détail les violations de la liberté d’expression, je pense que nous serions confrontés au même problème dans certains États membres de l’Union européenne.
Je suis convaincu que cette question a peut-être été ajoutée trop hâtivement à l’ordre du jour et que nous devons traiter des problèmes bien plus graves, et des crimes plus graves, pas seulement en Amérique latine, mais aussi dans d’autres pays. Dès lors, nous avons exagéré sur ce point.
Izaskun Bilbao Barandica, au nom du groupe ALDE. – (ES) Monsieur le Président, je conviens qu’il existe des problèmes bien plus graves que celui-ci, mais dans un souci de cohérence, je me dois également de dénoncer la situation actuelle au Venezuela. J’ai voté en faveur de l’initiative sur l’Italie.
Il y a quelques jours, je dénonçais ici même une affaire qui impliquait la fermeture du seul journal d’Espagne en langue basque, au Pays basque. Aujourd’hui, je suis ici pour dénoncer la fermeture de Radio Caracas en 2007 et celle de 34 stations de radio en 2009.
Je souhaite que nous puissions uniquement être confrontés à des problèmes administratifs et que les droits de ces médias soient restaurés. Je suis toutefois préoccupé d’entendre que le président Chávez assimile les nouveaux sites de réseautage social au terrorisme national et d’entendre que l’internet est sérieusement menacé.
Il est de mon devoir de défendre les droits des citoyens, de défendre la liberté d’expression, de défendre le droit des médias à diffuser des informations libres et pluralistes, car cela signifie défendre le droit des citoyens à la totale liberté d’information.
Andreas Mölzer (NI). – (DE) Monsieur le Président, nous savons que le Venezuela est l’un des pays producteurs de pétrole les plus riches au monde. Nous savons également que ce pays dispose d’un énorme potentiel en matière d’énergie hydroélectrique. Pourtant, comme nous le savons tous, la population du Venezuela subit les conséquences de plusieurs années de gestion bancale. Pendant des décennies, ce pays n’a pas été capable d’investir le revenu du pétrole dans le développement durable ou dans le développement de ses infrastructures. Le rattachement de la devise nationale sur le dollar américain vient s’ajouter à la liste des mesures contre-productives. Récemment, le président Chávez a essayé de surmonter ce problème en dépréciant la devise nationale et en maîtrisant la dette publique. Toutefois, la nationalisation des banques, l’expropriation et la fermeture provisoire des établissements alimentaires s’avèreront probablement insuffisants pour écarter le risque d’inflation à long terme.
Le président Chávez mène une politique économique dirigiste, une économie centralisée similaire à celles d’autres régimes autoritaires, qui est indubitablement et inéluctablement vouée à l’échec. La situation pourrait continuer à empirer, ce qui sera probablement le cas si les producteurs de denrées alimentaires, lesquels ont été contraints de produire à des prix fixes soit différents du cours du marché pendant des années, tentent de se révolter à un certain moment, où que ce soit. Je déplore également le fait que, pendant que les Vénézuéliens souffrent de cette situation précaire en subissant des coupures d’électricité, des pénuries d’eau et une économie déplorable, le président Chávez achète des armes pour la Garde nationale pour un montant supérieur à 70 millions de dollars. Cela n’augure rien de bon, en particulier à la lumière des manifestations continues à la suite de la fermeture d’un diffuseur critique du gouvernement, au cours desquelles des étudiants et des membres de l’opposition se sont violemment heurtés aux forces de police.
Étant donné, comme nous en convenons tous, que les droits de l’homme représentent une source de préoccupation particulière pour l’Union européenne, nous devons apporter notre assistance en la matière. Nous devons agir, non seulement dans les cas impliquant des violations des droits de l’homme, mais aussi en examinant les pistes d’amélioration des conditions de vie de la population au Venezuela, sans nous ingérer directement dans les affaires intérieures de ce pays. Nous devrons faire preuve de beaucoup de compétences et de diplomatie à cette fin. J’espère que l’Union européenne sera à la hauteur.
Martin Kastler (PPE). – (DE) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je suis quelque peu surpris de constater que, dans cette Assemblée, le groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) soit accusé d’imposer ce sujet qui, malgré l’urgence de la question, ne réjouit pas forcément chaque membre de la majorité de gauche de cette Assemblée de par sa présence à l’ordre du jour. Je doute qu’il rencontre l’aval de la majorité dans cette Assemblée. Je tiens simplement à poser une question. À l’instar des autres groupes, notre groupe est parfaitement habilité à soulever cette question. Même si M. Chávez, qui est actuellement au pouvoir, est peut-être l’un de vos amis ou un ami de l’ancienne Présidence espagnole en fonction, nous devons simplement continuer de nous interroger sur les actions entreprises à cet égard.
Je suis assez surpris qu’une personne comme M. Chávez puisse tenir des propos assimilant Twitter à un système terroriste. Je suis désolé, mais toute personne vivant à notre époque qui décrit Twitter comme un système terroriste vit dans un autre monde, à l’âge de pierre. Permettez-moi également de vous dire ceci: nous, le groupe PPE, ne nous laisserons pas intimider par cette accusation. Nous dénonçons les violations des droits de l’homme partout. Personnellement, je dénonce les violations des droits de l’homme lorsque la liberté des médias est en danger. À cet égard, permettez-moi d’ajouter que les journalistes vénézuéliens sont contraints d’obéir et que des juges sont envoyés en prison s’ils relâchent une personne arrêtée par erreur. En tant qu’Européens, nous devons avoir le courage de nous dresser contre de telles pratiques.
Je ne permettrai pas à Mme de Keyser et à d’autres députés de cette Assemblée de pointer cette accusation sur le groupe PPE. Comme tout un chacun, nous sommes parfaitement autorisés à mettre en avant les violations des droits de l’homme et des libertés, en Europe ou ailleurs dans le monde, pour en débattre ensemble.
Marietje Schaake (ALDE). – (EN) Monsieur le Président, le gouvernement vénézuélien a essayé à tort de restreindre la liberté d’expression et le pluralisme dans les médias et sur l’internet. Ces tentatives désespérées de censurer l’information et l’expression me rappellent le comportement de Mahmoud Ahmadinejad. En fait, le président Hugo Chávez parle de Mahmoud Ahmadinejad comme d’un ami. Avec de tels amis, qui se cherchent des ennemis, il y a de quoi s’étonner.
Le fait que M. Chávez considère Twitter et la messagerie textuelle comme des actes de terrorisme nous prouve qu’il considère les personnes et la libre circulation de leurs idées, ainsi que l’opposition, comme ses ennemis. Je dois avouer que je suis une utilisatrice de Twitter et de la messagerie textuelle. En Europe nous considérons heureusement la liberté d’expression comme un droit fondamental et universel, y compris sur l’internet. La limitation des possibilités numériques en matière d’expression, d’information et d’échange d’idées témoigne de la crainte du gouvernement vénézuélien envers ses concitoyens et leur volonté de mettre un terme à la violence et à l’oppression.
L’étendue de la mobilisation des citoyens est attestée par l’exemple d’Oscar Morales, qui a créé un groupe Facebook appelé «Un million de voix contre les FARC», dans l’espoir de réunir un million de personnes en ligne. Il a rapidement mobilisé 12 millions de personnes pour manifester dans les rues du monde entier contre la violence des FARC. Ce mouvement a été alimenté par des citoyens qui ont utilisé la technologie comme un vecteur. Toute tentative de brider ce vecteur est non seulement injuste, mais s’avèrera aussi inefficace.
Charles Tannock (ECR). – (EN) Monsieur le Président, la liberté des médias et la démocratie libérale sont les piliers de l’Union européenne. Pour Hugo Chávez, le pseudo-dictateur du Venezuela, ils sont simplement des obstacles sur sa route vers le pouvoir absolu. Ce n’est pas un démocrate, mais un démagogue qui a ruiné l’économie vénézuélienne.
Pourtant, cette Assemblée abrite une bonne part de partisans de M. Chávez, comme M. Higgins: peut-être parce qu’ils retrouvent en M. Chávez leur anti-américanisme virulent et leur ressentiment du succès du président Uribe dans la Colombie voisine. Je trouve lamentable que d’autres groupes politiques de gauche refusent de rejoindre le courant politique dominant de cette Assemblée en condamnant les infractions toujours plus arbitraires et graves des libertés fondamentales perpétrées par le régime de Chávez. Sa réponse à une chaîne de télévision qui avait critiqué son régime a été de tout simplement l’interdire de diffuser.
Cela me rappelle une situation similaire en République populaire de Chine, où le régime communiste a essayé d’empêcher une entreprise européenne de diffuser des programmes télévisés anti-communistes. Chávez s’est donc rangé, sans vergogne, du côté des dirigeants autoritaires et durs de Chine. Ses plus proches amis sur la scène internationale sont les dictateurs Castro, Loukachenko et Ahmadinejad, ce qui en dit long.
Mon groupe, l’ECR, soutient la population vénézuélienne dans ses efforts pour instaurer une véritable démocratie dans ce pays.
Laima Liucija Andrikienė (PPE). – (EN) Monsieur le Président, force est de constater que la démocratie et les droits de l’homme ne cessent de se détériorer au Venezuela. Nous devrions également nous souvenir que le Venezuela a été reconnu par diverses organisations de défense des droits de l’homme comme le pays d’Amérique latine où règne la pire des situations en matière de liberté des médias.
La politique du lieutenant colonel Chávez a échoué à de nombreux égards, mais il s’est uniquement maintenu au pouvoir en éliminant l’opposition, en s’adjugeant le contrôle des médias et en manipulant le processus électoral. Je tiens à réagir aux propos de certains collègues pour rappeler que notre responsabilité, notre mission, est de soutenir la population vénézuélienne victime des persécutions, des violations des droits de l’homme et des arrestations orchestrées par son président.
Cristian Dan Preda (PPE). – (RO) À mes yeux, Hugo Chávez a repris les pires aspects du socialisme totalitaire du siècle dernier. Je ne fais pas référence à son attitude envers les investissements étrangers, qui représente aussi un problème majeur dans la mesure où elle est totalement incohérente. Je fais néanmoins référence à son attitude envers la liberté des médias et ce qui incarne le pluralisme, car Hugo Chávez tente de copier le pluralisme, simplement en fermant des stations de radio qui refusent de diffuser ses discours interminables et en créant des stations publiques pour encourager le pluralisme. Copier le pluralisme n’est pas la même chose que de l’accepter, car la démocratie ne peut fonctionner sur la base d’une caricature du pluralisme.
Les proches de Chávez ont déjà été désignés. Il ne lui manque rien d’un dictateur puisqu’il hait le pluralisme. Dès lors, je pense que les socialistes ne devraient pas le défendre. Rappelons que l’une des victimes des récentes manifestations était un étudiant socialiste.
Janusz Władysław Zemke (S&D). – (PL) Monsieur le Président, je tiens à soutenir l’avis présenté dans cette Assemblée par Mme De Keyser, au nom de mon groupe. Nous ne pouvons tolérer aucune violation de la liberté des médias. Nous assistons sans nul doute à des événements troublants au Venezuela. Je pense toutefois que nous devrions redoubler de prudence avant de rendre des jugements radicaux, catégoriques et définitifs. À mes yeux, nous devrions apporter une réponse à une question fondamentale au sujet des stations qui ont été fermées. Ont-elles toutes été fermées pour des raisons politiques ou parce que certaines d’entre elles ne remplissaient simplement pas les exigences légales? En apportant une réponse à cette question et en établissant une distinction entre la politique pure et ce qui relève de la loi, nous apporterions des éléments très utiles pour le positionnement de cette Assemblée.
Eija-Riitta Korhola (PPE). – (FI) Monsieur le Président, il est plutôt curieux de constater à quel point certains de mes collègues ici présents jugent inopportun de parler d’un des pays les plus corrompus au monde. Les opposants du président Hugo Chávez croupissent toujours en prison, condamnés pour des motifs clairement politiques. La défense d’une telle situation ne provoque-t-elle pas une humiliation embarrassante pour quiconque soutient une idéologie donnée?
Les Vénézuéliens doivent également endurer des coupures d’électricité et d’eau complètement inutiles, dans le pays d’Amérique latine le plus riche en énergie. La fermeture de stations de radio et de chaînes de télévision et la répression violente de manifestations d’étudiants démontrent la présence d’un régime totalitaire. Pourquoi, dès lors, ne devrions-nous pas réagir? Étant donné que les médias doivent agir conformément au droit en vigueur, ils ne devraient pas être fermés sauf si les autorités n’ont pas d’autre choix, et uniquement après l’épuisement de tous les moyens légaux. Les personnes accusées doivent également avoir la possibilité de se défendre et d’avancer leurs convictions.
Si le gouvernement vénézuélien est favorable à la prééminence du droit et aux droits de l’homme, il doit protéger la liberté d’expression et apprécier la contribution cruciale que la critique et l’ouverture apportent à un pays dirigé de manière constitutionnelle.
Gabriel Mato Adrover (PPE). – (ES) Monsieur le Président, bien qu’il s’agisse purement d’une question administrative pour certaines personnes, c’est bien plus pour d’autres. Nous parlons de liberté.
Je sais que pour certaines personnes, la liberté doit être défendue de certaines manières et en certains endroits. Toutefois, je sais aussi que pour certaines personnes, la véritable liberté, leur propre liberté, est celle qui est imposée par certains dictateurs, qu’ils défendent voire encouragent dans certains cas, et non la liberté des personnes comme nous, qui défendons ce mot dans son sens le plus profond, qui croyons en la liberté des médias et qui croyons qu’une terre ne peut être prise par décret. Vous devriez interroger les milliers de personnes des Îles Canaries qui ont été victimes de cette situation au Venezuela.
Nous parlons de droits, de pluralité et de liberté. Malheureusement, certaines personnes n’y croient pas encore.
Viviane Reding, vice-présidente de la Commission. − (EN) Monsieur le Président, la Commission prend note des propositions de résolution présentées par le Parlement en ce qui concerne la situation au Venezuela. Vous pouvez être assuré que la Commission suit la situation de très près.
À cet égard, l’UE s’inquiète de la fermeture permanente de médias, y compris de RCTV International. Nous comprenons que cette question s’étend bien au-delà des simples exigences légales et doit être examinée dans le contexte de la problématique de la liberté d’expression au Venezuela. Ce sujet est une source de préoccupation qui a reçu un large écho sur la scène internationale ces derniers mois.
À titre d’exemple, en novembre 2009, le rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations unies a avancé que la loi spéciale proposée contre les crimes contre les médias au Venezuela, je cite, «impliquerait de sérieuses violations du droit à la liberté d’opinion et d’expression et réduirait la liberté des médias dans ce pays si elle était adoptée sous sa forme actuelle». Le rapporteur a également invité le Venezuela à respecter complètement les articles 19 et 20 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Venezuela est signataire, et qui garantit le droit à la liberté d’opinion et d’expression.
Je vous rappelle également qu’en 2009, l’Union européenne a formulé une déclaration relative à ces problèmes, car, à nos yeux, la liberté d’expression et le libre accès aux informations font partie intégrante du dialogue que nous entretenons avec les autorités vénézuéliennes. Nous déplorons profondément la mort de deux manifestants, les blessures de plusieurs personnes, membres des forces de sécurité et manifestants confondus. Nous partageons l’avis de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui a exprimé ses profondes inquiétudes sur les incidents graves et violents survenus lors des manifestations pour et contre le gouvernement du président Chávez, et qui a invité le gouvernement vénézuélien à maîtriser les manifestations, je cite, «dans le cadre du respect des droits de l’homme conformément aux normes interaméricaines».
Nous suivons attentivement et avec inquiétude la tendance du pays à se radicaliser au niveau politique. Les élections de septembre ont été largement considérées comme un jalon pour l’avenir de ce pays. À cet égard, l’UE souligne l’importance de la tenue d’élections dans un environnement pacifique, transparent et complètement démocratique.
Dans le cadre des délibérations que l’UE tient avec les autorités vénézuéliennes, nous avons toujours souligné l’importance de respecter pleinement les obligations internationales et les engagements en matière de droits de l’homme, y compris la liberté d’expression et des médias, pierre angulaire de la démocratie et de la prééminence du droit. Comme vous le savez, ce principe est ancré dans la Charte européenne des droits fondamentaux, qui fait maintenant partie de nos Traités. Cela met un accent spécifique sur la liberté d’expression et le respect du pluralisme dans les médias, en Europe et dans nos relations internationales.
L’Union européenne, via l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme, soutient les activités des organisations de la société civile dans ce domaine très spécifique. De plus, nous soutenons en permanence toutes les initiatives destinées à promouvoir la tolérance, les espaces de dialogue et la compréhension mutuelle.
Au nom de la Commission, je tiens à assurer le Parlement que nous continuerons à suivre de près l’évolution de la situation au Venezuela. Nous traduirons notre volonté de soutenir et de renforcer la démocratie, la protection et la promotion des droits de l’homme dans notre politique de coopération et dans nos relations avec le Venezuela, dans le futur comme par le passé.
María Muñiz De Urquiza (S&D). – (ES) Monsieur le Président, si la procédure «à mains levées» fonctionne efficacement, le Président devrait regarder dans cette Assemblée qui demande la parole, ce que j’ai fait de manière très visible pour m’exprimer «à main levée» dans le débat sur le Venezuela. Vous ou vos services devriez être attentifs à ceux qui désirent prendre la parole.
Le Président. − Madame Muñiz De Urquiza, il n’est pas physiquement possible pour moi de regarder dans toutes les directions en même temps. Je suis entouré de personnes très attentives. Quoi qu’il en soit, lorsque j’ai donné la parole au dernier député, j’ai également dit «le dernier député à prendre la parole sera M. Mato Adrover». Si vous souhaitiez protester, vous auriez dû le faire à ce moment-là.
Le débat est clos. Le vote aura lieu à la fin des débats.
Déclarations écrites (article 149)
Monica Luisa Macovei (PPE), par écrit. – (EN) Je soutiens cette résolution, car je suis préoccupée par les mesures anti-démocratiques prises par le gouvernement au Venezuela, en particulier celles qui entravent la liberté des médias, la liberté d’expression et le droit de réunion, ainsi que le degré élevé de corruption subi par la population vénézuélienne. Le contrôle des médias et des avis divergents est typique des régimes totalitaires. Comme indiqué par les groupes de défense des droits de l’homme, en janvier 2010, le gouvernement Chávez a menacé de prendre des mesures contre les câblo-opérateurs qui diffusaient des chaînes qui ne remplissaient pas les exigences du gouvernement, à savoir l’interruption de leurs programmes pour diffuser des messages présidentiels. Par conséquent, les câblo-opérateurs du pays ont cessé de diffuser sept chaînes. En 2009, Chávez a obligé des stations de transmettre en direct 141 discours, dont l’un a duré sept heures et 34 minutes. En ce qui concerne la corruption, le gouvernement devrait mettre en œuvre pleinement et efficacement la convention des Nations unies contre la corruption et les autres instruments pertinents, et prendre au sérieux les préoccupations des Vénézuéliens concernant la corruption, un indicateur de bonne gouvernance dans n’importe quel pays.