Le Président. – L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur les massacres à Jos (Nigeria) en janvier et en mars.
Olli Rehn, membre de la Commission. − (EN) Monsieur le Président, c’est avec une grande tristesse que nous avons appris que l’ancien président Umaru Musa Yar’Adua est décédé la nuit dernière. Il a largement participé à la vie politique et démocratique du Nigeria et, par ses politiques, il a contribué à la stabilité de cette sous-région de l’Afrique de l’Ouest en particulier.
Conformément à la Constitution, le président par intérim Jonathan devient automatiquement le président en exercice. Nous pensons que le président de la Cour suprême du Nigeria lui fera prêter serment bientôt, peut-être d’ici ce soir. Ensuite, Il devrait à son tour faire prêter serment à un vice-président venant du nord du pays, ce qui suscite de nouvelles spéculations quant à la scène politique nigériane.
Durant ces derniers mois difficiles marqués par l’incertitude politique, l’Union européenne a été un partenaire engagé du Nigeria et a continué d’apporter un soutien solide et constructif. Les conflits violents qui ont eu lieu à Jos et dans les villages voisins en janvier et en mars de cette année, au cours desquels des centaines de citoyens auraient été massacrés ou grièvement blessés, ont été particulièrement dévastateurs. Des milliers de personnes se sont retrouvées sans abri et sont actuellement hébergées dans des camps.
Je partage tout à fait les inquiétudes que les députés expriment à propos des massacres commis à Jos et je voudrais vous assurer qu’ils ont déclenché une réaction ferme de la part de l’UE.
Dès l’annonce des événements de janvier et de mars, la Commission a pris contact avec la Croix-Rouge internationale au Nigeria et avec d’autres agences locales, qui ont confirmé que les besoins humanitaires de la plupart des victimes étaient satisfaits et que les hôpitaux étaient en mesure de faire face à l’afflux de victimes. L’UE a été l’un des premiers partenaires internationaux du Nigeria à faire connaître ses points de vue sur ces violences.
En janvier, la haute représentante et vice-présidente Catherine Ashton a fait, avec Hillary Clinton, David Miliband et Bernard Kouchner, une déclaration commune qui exprime un profond regret à l’égard des actes de violence et de la perte tragique de vies humaines. Nous avons demandé instamment à tous les acteurs concernés de faire preuve de retenue et de chercher des moyens pacifiques de résoudre les conflits et nous avons demandé au gouvernement fédéral de traduire en justice les auteurs d’actes de violence. L’Union européenne a publié d’autres déclarations sur le Nigeria en février et en mars et elle a entrepris une démarche diplomatique auprès du ministère nigérian des affaires étrangères afin de lui faire part de sa condamnation des dernières flambées de violence.
L’UE a demandé que le gouvernement fédéral nigérian mène une enquête exhaustive sur les causes des récents accès de violence et traduise en justice les auteurs de ces actes. Ces dix dernières années, de violents conflits ont provoqué la mort de plus de 14 000 personnes au Nigeria, et le déplacement à l’intérieur du pays de plus de trois millions de personnes.
Il n’est pas possible d’affirmer que les communautés musulmanes ou les communautés chrétiennes sont soit les agresseurs, soit les victimes, car, d’un point de vue historique, elles ont malheureusement été les deux. Cependant, il est évident que le conflit implique toujours des personnes extrêmement pauvres. Les conflits présentés comme religieux sont souvent provoqués par d’autres causes, telles que des conflits entre des chefs traditionnels, des litiges entre les communautés à propos de terres et de ressources, des querelles politiques internes, et des tentions entre les autorités étatiques et fédérales. Les différends religieux alimentent et aggravent souvent les conflits existants, ce qui donne lieu à des heurts plus importants.
Les mesures prises par l’UE au Nigeria associent la diplomatie et la coopération au développement à long terme. Dans le cadre du Fonds européen de développement, nous soutenons la coopération au développement au Nigeria. Les deux domaines principaux sont, d’une part, la paix et la sécurité et, d’autre part, la gouvernance et les droits de l’homme. De plus, nous promouvons activement la paix et la sécurité au travers d’un dialogue politique régulier avec le Nigeria, en vertu de l’accord de Cotonou, et nous menons un dialogue régulier avec le Nigeria sur les droits de l’homme et les principes démocratiques, y compris les discriminations fondées sur l’origine ethnique ou raciale, ou sur la religion.
Enfin, je crois qu’il est essentiel que nous restions attentifs au problème des violences intercommunautaires récurrentes au Nigeria. Je propose qu’elles soient traitées en priorité en vue d’un dialogue lors de la prochaine réunion ministérielle entre l’UE et le Nigeria, qui se tiendra à l’automne de cette année.
Gay Mitchell, au nom du groupe PPE. – (EN) Monsieur le Président, tout comme le commissaire, je voudrais adresser mes condoléances au peuple nigérian à la suite du décès du président Umaru Yar’Adua.
Les récentes explosions de violence qui se sont produites au Nigeria révèlent un problème plus large de ce pays. Les incidents qui ont eu lieu à Jos, une ville marquée depuis longtemps par les violences, sont très alarmants. Cette ville se trouve sur une ligne de démarcation entre le nord musulman et le sud chrétien, un fait qui a amené bon nombre de personnes à croire que les incidents ne se basent que sur une haine religieuse.
Dans notre proposition de résolution commune, nous avons appelé à un examen plus poussé des causes à l’origine du conflit. Venant d’Irlande, je sais que, pendant bien trop longtemps, le conflit en Irlande du Nord a été considéré comme un conflit entre catholiques et protestants, alors que, en réalité, il s’agissait d’une question bien plus nuancée que cela et que, au cœur du problème, il y avait des questions bien plus graves, comme celles liées aux droits civils.
Il est impératif que nous évitions des explications simplistes selon lesquelles ces massacres atroces sont fondés uniquement sur une haine religieuse. Nous devons tenir compte de facteurs sociaux, politiques et économiques avant de tirer des conclusions. Il convient également de reconnaître la rivalité entre les ethnies Haoussa et Berom comme un facteur de violence. Le modus operandi et les conséquences des massacres sont similaires à ceux des conflits précédents, qui ont eu lieu en 2001, en 2004 et en 2008. La violence a été employée dans le passé pour régler des différends et l’a, une fois encore, emporté sur le dialogue.
Il est extrêmement décevant qu’un pays comme le Nigeria, qui est le huitième plus grand producteur de pétrole au monde, compte une si grande part de sa population sous le seuil de pauvreté. Ce n’est qu’en assurant la paix et la sécurité, la démocratie et la stabilité politique que le Nigeria pourra sortir de la pauvreté et créer de la richesse et une justice sociale, qui permettront alors à la population de renoncer à la violence vue comme un moyen de résoudre les conflits.
Je recommande vivement à la Commission de poursuivre le dialogue avec le Nigeria conformément à l’accord de Cotonou, d’examiner les causes à l’origine de ce conflit, et d’apporter toute l’aide nécessaire pour garantir que ces atrocités ne se répètent pas.
Thijs Berman, au nom du groupe S&D. – (EN) Monsieur le Président, notre groupe S&D se joint au commissaire Rehn pour adresser ses condoléances à la suite du décès du président Umaru Yar’Adua.
Les violents affrontements entre musulmans et chrétiens, qui ont éclaté à Jos au Nigeria, en janvier et en mars de cette année, illustrent la situation tendue et explosive de cette région. Bien que la raison évidente paraisse avoir une dimension religieuse, nous devons également nous concentrer sur d’autres causes sous-jacentes, comme mon collègue Gay Mitchell l’a également souligné, à juste titre. Cette région souffre surtout d’un manque de ressources et de l’accès inégal à celles-ci par différentes communautés. De plus, la lutte pour obtenir des terres agricoles fertiles est une cause importante des conflits violents entre colons chrétiens et colons musulmans. Les agriculteurs autochtones se sentent menacés par les colons qui cherchent des pâturages pour leurs animaux d’élevage.
Nous appelons donc à un examen plus poussé des causes du conflit. Si rien n’est fait en matière de pauvreté et de discriminations, ces affrontements se poursuivront. Cela signifie que l’égalité des chances doit être étendue à toute la population et que celle-ci doit avoir accès à des biens fondamentaux, tels qu’un enseignement adéquat ou l’accès au pouvoir politique. Une solution durable à long terme ne peut être trouvée que si tous ces facteurs sont pris en considération. Nous demandons que les auteurs d’actes de violence soient traduits en justice de manière équitable et transparente, mais nous sommes choqués d’apprendre que certains gouverneurs locaux menacent à présent d’exécuter les condamnés à mort dans le seul but de vider les prisons nigérianes surpeuplées, où des personnes doivent attendre des années avant de voir un juge. Les gouverneurs d’État du Nigeria feraient mieux de résoudre les nombreux problèmes sous-jacents du système de justice pénale. Ce n’est qu’alors que les auteurs d’affrontements violents pourront bénéficier d’un procès équitable et transparent.
Charles Goerens, au nom du groupe ALDE. – Monsieur le Président, nous apprenons à l'instant la disparition de Umaru Yar'Adua. Moi aussi, je voudrais vous faire part de notre compassion, au nom de mon groupe, face à la disparition prématurée du président du Nigeria.
Cette disparition a lieu au moment où le clivage entre musulmans et chrétiens prend une tournure particulièrement atroce. Les 200 chrétiens tués dans la région de Jos sont à l'origine de la présente résolution. On pourrait longtemps épiloguer autour de cette barbarie pour retenir, une énième fois, qu'il y a à la base, bien entendu, un clivage religieux. On pourrait aussi, pour la énième fois, retenir que la pauvreté n'arrange strictement rien. Qu'elle est le résultat, entre autres, de l'incapacité des autorités politiques de venir à bout de la corruption. On pourrait aussi, pour la énième fois, mentionner les litiges autour des quelques rares ressources naturelles, notamment les terres fertiles, situées dans cette région, ainsi que le changement climatique qui, lui aussi, amplifie encore les facteurs que je viens de citer.
Que peut faire l'Union européenne en pareilles circonstances?
Bien entendu, elle peut invoquer l'article 8 de l'accord de Cotonou pour renforcer le dialogue avec les autorités politiques de ce pays. Nous allons le faire.
On peut aussi condamner les atrocités. Nous allons le faire dans la présente résolution.
On peut bien entendu déplorer que ce pays riche – premier pays exportateur de pétrole du continent africain – n'arrive pas à investir cette richesse aux fins de la lutte contre la pauvreté.
En fait, on peut tout faire, condamner, recondamner et rerecondamner tout cela. Je crois qu'il y a une lueur d'espoir et c'est le Nigeria lui-même qui doit se mettre à la pointe d'un mouvement de redressement de ce pays. Celui qui assure d'ores et déjà l'intérim, Goodluck Jonathan, a toutes les qualités requises pour lutter de façon courageuse contre les maux que je viens de citer.
C'est au pays lui-même de se redresser et je crois que rares sont les gens de cette trempe. Il faut souhaiter bon courage, lucidité et aussi apporter notre soutien à cette personnalité extraordinaire qu'est le président qui assume l'intérim dans ce pays.
Nicole Kiil-Nielsen, au nom du groupe Verts/ALE. – Monsieur le Président, le groupe des Verts s'associe également aux condoléances qui viennent d'être exprimées par les collègues.
Nous soutenons complètement la résolution sur les atrocités de masse au Nigeria, qui ne sont malheureusement qu'un des éléments du triste tableau des droits de l'homme dans ce pays.
Je voudrais ici, pendant le temps qui m'est imparti, vous parler des prisons nigérianes, qui sont peuplées de détenus dont les droits sont systématiquement violés. Comme l'a révélé un rapport d'Amnesty International de 2008, 65 % des détenus dans ce pays n'ont jamais été reconnus coupables d'une quelconque infraction. Certains attendent d'être jugés depuis dix ans.
Les problèmes sont tels que le Nigeria n'a d'autre choix que de les reconnaître et de promettre de réformer le système. Réforme que l'on attend toujours.
Si je concentre mon intervention sur les prisons, c'est que l'actualité immédiate nous a encore rappelé à quel point la vie d'une personne humaine a peu de valeur au Nigeria, a fortiori dans les prisons.
Le Conseil économique national du Nigeria a annoncé le projet d'exécuter des centaines de condamnés à mort pour décongestionner les prisons. Tuer pour faire baisser la surpopulation carcérale. Rien de plus choquant, a fortiori quand il est certain que nombre de ces condamnés à mort sont innocents et que la plupart n'ont pas eu droit à un procès équitable, d'autant plus qu'en février 2009 le ministre fédéral des affaires étrangères du Nigeria déclarait devant l'ONU que son pays appliquait un moratoire de fait en matière de peine capitale.
C'est pourquoi je proposerai, à l'occasion du vote, un amendement oral visant à dénoncer cette prise de position récente de plusieurs gouverneurs nigérians.
Peter van Dalen, au nom du groupe ECR. – (NL) Monsieur le Président, je voudrais également adresser les condoléances de mon groupe au peuple nigérian à la suite de la mort de leur président.
Monsieur le Président, les atrocités commises à Jos et dans ses environs défient toute description et ne sont malheureusement pas des incidents isolés. Elles vont se répéter si rien n’est fait. Des actes de violence éclatent encore presque tous les jours et ce sont les chrétiens, en particulier, qui en sont les victimes.
Le Nigeria doit faire quatre choses. Premièrement, il doit, sans délai, mener une enquête indépendante et examiner le rôle de l’armée, qui n’est manifestement pas parvenue à protéger efficacement les citoyens. Deuxièmement, il doit traduire en justice les auteurs des actes de violence. De telles atrocités ne peuvent être tolérées. Troisièmement, il doit encourager le dialogue entre les groupes ethniques et religieux. Quatrièmement, il doit chercher une solution aux tensions entre les différents groupes de la population qui prétendent aux mêmes terres.
L’Europe doit bien entendu aider le Nigeria à mettre en œuvre ces mesures, mais elle doit aussi exercer une pression sur ce pays, car il est absolument impératif d’arrêter la spirale de la violence.
Marie-Christine Vergiat, au nom du groupe GUE/NGL. – Monsieur le Président, mes chers collègues, je vais bien évidemment moi aussi m'associer aux condoléances qui viennent d'être exprimées au peuple nigérian après la mort de son président.
La Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique ne votera pas la proposition de résolution commune qui nous est proposée aujourd'hui et elle a refusé de s'y associer.
En effet, nous considérons que cette résolution, contrairement à certains éléments d'intervention que je viens d'entendre, ne s'attaque pas réellement aux causes des violences récurrentes qui se produisent dans ce pays et n'en traite d'ailleurs qu'une partie, même si nous dénonçons ces violences et demandons effectivement que leurs auteurs soient poursuivis et jugés.
En effet, le Nigeria est un grand pays d'Afrique, riche d'une histoire séculaire, de loin le plus peuplé du continent avec ses 140 millions d'habitants. On pourrait même dire que ce devrait être un pays riche depuis qu'on y a découvert des gisements pétroliers. La valeur de son PIB le place en deuxième position en Afrique, après l'Afrique du Sud et avant l'Algérie. Pourtant, la majorité de sa population vit en-deçà du seuil de pauvreté et c'est le seul pays au monde disposant d'importantes ressources pétrolières à présenter un déficit budgétaire.
Comble de l'ironie, le Nigeria importe la quasi-totalité des produits pétroliers dont son économie a besoin en raison de l'insuffisance de ses capacités de raffinage. Il faut dire que ses trois principales raffineries sont hors d'état de fonctionner et, pire, que sa production d'or noir a chuté de façon impressionnante au cours de ces dernières années en raison des attaques incessantes perpétrées contre les installations pétrolières.
Pourquoi le Nigeria est-il dans cette situation?
Parce que ce pays est un exemple flagrant de la mainmise de certaines compagnies internationales, en l'occurrence de compagnies pétrolières, et notamment de l'une d'entre elles, qui exploite 40 % de l'or noir nigérian, sur les ressources de l'Afrique, avec la complicité de certains de nos gouvernements.
Ces compagnies font et défont les gouvernements en fonction de leurs besoins propres et au détriment des besoins de la population du pays. Le delta du Niger, dont la faune et la flore étaient parmi les plus belles du monde, est devenu un véritable dépotoir. Non seulement à cause de l'exploitation du pétrole mais aussi parce que, chaque mois, 500 conteneurs remplis de déchets toxiques les plus divers entrent dans le port et sont déposés à ciel ouvert dans d'immenses décharges.
Le Nigeria est l'un des pays les plus corrompus du monde. Les parrains des juntes successives se sont mis dans la poche plus de 325 milliards sur les 400 milliards que l'or noir a rapportés au pays. Et où sont ces dollars? Sur des comptes en Suisse, en Grande-Bretagne et en France.
Pour ma part, je trouve cette situation intolérable et je trouve que la résolution que nous adoptons n'est pas à la hauteur des enjeux qu'implique la solidarité internationale de l'Union européenne vis-à-vis de l'Afrique.
Fiorello Provera, au nom du groupe EFD. – (IT) Monsieur le Président, chers collègues, nous savons à quel point la coexistence pacifique est difficile entre les différents groupes religieux au Nigeria, en particulier entre les chrétiens de différentes confessions et les musulmans. Comme nous le rappelle la résolution sur laquelle nous allons voter, la situation est extrêmement grave: plus de 14 000 personnes ont été tuées dans des conflits religieux ou ethniques depuis la fin du régime militaire en 1999. Il y aurait eu plus de 500 morts au cours des trois derniers mois.
Malheureusement, le Nigeria n’est pas le seul pays à connaître des conflits et des tensions entre groupes religieux. Il serait donc souhaitable que le Parlement européen élabore un rapport annuel sur la liberté religieuse dans le monde, qui réagisse de manière structurée à un problème essentiel à la stabilité de nombreux pays. Je voudrais citer une déclaration du commissaire Rehn, que j’estime personnellement et qui a affirmé que le Nigeria est un pays très pauvre: ce n’est pas vrai, le Nigeria est un pays très riche, mais il est affligé d’une classe dirigeante corrompue et incompétente qui a pillé les ressources du pays en appauvrissant des millions de citoyens.
Voilà donc le véritable problème. Et le redressement social et économique de ce pays, comme celui de bien d’autres pays africains, dépend d’une nouvelle classe dirigeante, consciente des besoins des citoyens.
Hans-Peter Martin (NI). – (DE) Monsieur le Président, après la prochaine coupe du monde de football qui se déroulera en Afrique du Sud, nous concentrerons à nouveau notre politique africaine sur le Nigeria. C’est un grand pays riche, qui connaît d’immenses inégalités sociales. Bien sûr, il est également pris dans le conflit qui oppose Chinois et Européens sur la voie de la mondialisation. Je suis fermement convaincu que nous devons continuer à suivre la voie européenne, ce qui signifie que nous devons lutter contre les abus et violations des droits de l’homme et que c’est de ceux qui ont été emprisonnés que nous devons faire nos partenaires, et non pas des dirigeants corrompus de certaines cliques et de certains groupes du gouvernement, qui nous offrent des bénéfices à court terme. Dans ce cas, nous devons soutenir la résolution ainsi que ce que Mme Vergiat a déclaré. Ces intentions vont loin assez, mais il est important que l’UE défende les droits de l’homme. Nous ne pouvons pas tolérer ce que la Chine compte faire au Nigeria, ni son dédain des droits de l’homme.
Mario Mauro (PPE). – (IT) Monsieur le Président, chers collègues, la violence ne résout pas les conflits; elle ne fait qu’aggraver leurs tragiques conséquences. Outre le fait qu’elle soit inopportune, immorale, injuste et inhumaine, la violence n’a pas de sens: elle n’est pas avantageuse. C’est la façon la moins efficace de résoudre des problèmes qui touchent une région entière. En effet, si l’élément qui déclenche la violence entre la minorité chrétienne et les musulmans n’est pas seulement le fondamentalisme religieux, mais un manque de développement économique qui donne lieu à du ressentiment et à des tensions entre les différents groupes ethniques, alors ce que l’Union européenne, l’Union africaine et l’ensemble de la communauté internationale doivent faire comprendre au gouvernement fédéral nigérian (qui est responsable de nombreux aspects de cette situation), c’est que l’encouragement à la coexistence civilisée et pacifique entre les divers groupes et ethnies du pays est un facteur avantageux pour tout le monde et pour la population tout entière.
Au-delà de la mise en œuvre d’un système d’enquête approprié, comme bon nombre de personnes l’ont demandé, et de la punition des responsables des épouvantables effusions de sang des derniers mois – j’oserais dire des dernières années –, il est indispensable que toutes les initiatives possibles soient prises, d’une part pour soutenir le dialogue interethnique et interconfessionnel et d’autre part, comme de nombreuses personnes l’ont proposé, pour former une nouvelle classe dirigeante.
Par cette résolution, nous espérons vraiment faire comprendre que la résolution des conflits, en particulier dans un pays aussi riche en matières premières – et spécifiquement en pétrole – que le Nigeria, entraînerait une amélioration de l’accès aux ressources et une meilleure distribution de celles-ci. Je crois que l’accord signé le 12 décembre 2009 entre la République fédérale du Nigeria et la Commission européenne peut aider ce pays à aller dans cette direction.
Aujourd’hui, par conséquent, la sécurité est au cœur des innombrables problèmes que connaît ce pays ,et la principale menace n’est pas le conflit lui-même, mais les raisons qui en sont à l’origine et qui ont déclenché celui-ci: c’est sur ce point qu’il faut agir pour aider le Nigeria à progresser vers un véritable développement économique et démocratique.
Corina Creţu (S&D). – (RO) Je voudrais également adresser mes condoléances au peuple nigérian, dont le président est décédé la nuit dernière.
Malheureusement, ce décès fait apparaître un nouveau facteur de risque, qui s’ajoute aux tensions déjà existantes: il s’agit de la perte d’une autorité centrale dans un pays gravement affecté par les violences. Comme vous le savez, au début de cette année, plus de 300 musulmans ont été massacrés. À peine deux mois plus tard, un nombre similaire de chrétiens ont été assassinés en seulement deux heures. Pour le moment, seule la présence de l’armée dans les rues retarde l’intention de certains chrétiens et musulmans de se venger.
À mon avis, le principal problème, pour l’heure, est de savoir comment maintenir l’ordre, de façon à éviter de nouvelles atrocités. Compte tenu de cela, je pense qu’une présence internationale est nécessaire. Ensuite, il y a le problème de l’impunité, qui concerne d’une manière générale les zones de conflit de l’Afrique. À mesure que les tueurs seront arrêtés et reconnus coupables, nous verrons baisser le niveau de la violence. Il convient d’impliquer une nouvelle fois la communauté internationale de manière concrète. Elle s’est révélée sensible aux problèmes dans les Balkans et au Proche-Orient, mais elle ferme les yeux sur les souffrances de l’Afrique.
Charles Tannock (ECR). – (EN) Monsieur le Président, je me souviens très bien que, quand j’étais enfant, je regardais à la télévision les images de l’horrible guerre civile dans la région nigériane du Biafra. Malheureusement, quarante ans plus tard, peu de choses semblent avoir changé. Les images révoltantes de Jos, où des centaines de personnes innocentes ont été brutalement tuées à coups de machette, nous rappellent que le Nigeria est un pays chroniquement instable.
Les tensions ethniques, religieuses – en particulier entre chrétiens et musulmans –, tribales, culturelles et économiques semblent être endémiques au Nigeria. L’incertitude actuelle qui fait suite au décès, survenu hier, du président – j’adresse mes condoléances au peuple nigérian – donnera inévitablement lieu à une lutte pour le pouvoir, ce qui aggravera l’instabilité de ce grand pays africain. Je m’inquiète donc de la viabilité à long terme du Nigeria en tant qu’État unitaire. Certains, dont le non-conformiste président libyen Khadafi, ont suscité la controverse en proposant que le Nigeria soit partagé en deux. Bien sûr, le Soudan, un autre pays divisé entre le nord musulman et le sud chrétien, semble prêt à se diviser en deux l’année prochaine. Cette division probable créera un précédent, en ce sens que les frontières coloniales en Afrique ne sont plus sacro-saintes, ce qui soulève de nombreuses questions intéressantes sur l’avenir de l’Afrique.
Joe Higgins (GUE/NGL). – (EN) Monsieur le Président, l’horrible massacre qui a eu lieu en janvier et en mars dans l’État du Plateau, au Nigeria, a fait des centaines de victimes innocentes, dont un très grand nombre de femmes et d’enfants. Bien que les divisions sectaires et tribales soient des facteurs du déclenchement de ces atroces massacres et d’autres, nous devons creuser plus profond pour trouver les causes réelles.
L’ingérence coloniale et la conquête brutale de l’Afrique qui ont eu lieu dans le passé, souvent en exploitant les divisions communautaires et tribales, ont laissé des traces durables. D’après une analyse faite par le service des actualités de la BBC, bien que les actes de violence opposent musulmans et chrétiens, certains analystes affirment que les causes sous-jacentes sont politiques et économiques, en faisant référence à la misère d’une immense partie de la population nigériane et à la corruption avérée des élites dirigeantes.
Le Nigeria est l’un des pays les plus riches au monde en ressources naturelles et minérales, y compris en pétrole. Malheureusement, les élites locales corrompues et les multinationales étrangères, dont Shell Oil, s’approprient la part du lion de ces richesses, laissant une immense partie de la population nigériane dans une pauvreté abjecte. Je m’associe à mes collègues du mouvement démocratique socialiste du Nigeria, qui exigent que la richesse du pays devienne propriété publique et qu’elle soit soumise au contrôle démocratique de la majorité de la population, des travailleurs et des pauvres. Sur la base de cette richesse, il est tout à fait possible d’offrir une vie décente à tous les Nigérians et de surmonter les clivages communautaires. En effet, l’alternative est de diviser le Nigeria et ainsi infliger au peuple de nouvelles horreurs.
Filip Kaczmarek (PPE). – (PL) Monsieur le Président, le Nigeria est un pays important, un pays très important. C’est pourquoi nous nous intéressons à ce qui s’est produit le 7 mars près de la ville de Jos.
Le problème, au Nigeria central, ne réside pas seulement dans le fait que les personnes tuées sont des chrétiens, en réaction à l’assassinat de musulmans, en janvier de cette année. Dans le cas du Nigeria, les conflits religieux sont aggravés par d’autres conflits et l’on a déjà cité certains d’entre eux: des conflits économiques, ethniques et sociaux. Toutefois, il existe également deux autres types de divisions: une division historique – car dans cette partie du pays, les chrétiens sont considérés comme des autochtones et les musulmans comme des étrangers, bien qu’ils y vivent depuis deux ou trois générations – et une division politique. D’une manière générale, les chrétiens soutiennent le parti démocratique populaire et les musulmans soutiennent habituellement l’opposition, à savoir le «Parti de tout le peuple nigérian». Il existe donc de très nombreux différends et nous ne devons pas considérer ces événements comme des exemples évidents de persécutions religieuses.
La constitution nigériane garantit la liberté de religion: la liberté de confession, la liberté de culte et le droit de changer de religion. Vous pensez peut-être que ma citation de la constitution nigériane est une approche naïve, mais je voudrais rappeler à chacun que les valeurs découlant de la plus ancienne constitution écrite – la constitution américaine – et de la plus ancienne constitution écrite européenne – la constitution polonaise – sont des valeurs qui sont toujours pertinentes et durables. Par conséquent, nous demandons au gouvernement fédéral du Nigeria, ainsi qu’aux gouverneurs et aux autorités locales, de résoudre ce problème, non seulement au nom de nos valeurs, mais aussi au nom des valeurs et des principes inscrits dans leur propre constitution. Je pense qu’il est essentiel de faire référence à leurs propres documents.
Laima Liucija Andrikienė (PPE). – (EN) Monsieur le Président, je voudrais exprimer mon profond regret à l’égard des actes de violence qui ont éclaté dans la région de Jos et causé la mort de plusieurs centaines de personnes. C’est un nouvel exemple de l’importance du processus de réconciliation qu’il est indispensable d’entreprendre pour permettre la coexistence pacifique entre la population musulmane du nord et la population chrétienne du sud.
Je voudrais faire remarquer que les atrocités sont largement dues aux privations et à l’oppression que subissent les personnes qui habitent dans des régions riches en pétrole et qui ne bénéficient pas du développement général du pays. Nous recommandons vivement aux autorités nigérianes de veiller à un développement plus équitable et démocratique de tous les groupes sociaux du pays, et à la protection et à l’application des droits humains fondamentaux. Enfin, tout particulièrement aujourd’hui, j’adresse mes condoléances au peuple nigérian, à la suite du décès de son président.
Cristian Dan Preda (PPE). – (RO) Je voudrais également adresser mes condoléances au peuple nigérian à la suite du décès du président Umaru Yar’Adua.
Je voudrais aborder deux points dans mon intervention. Premièrement, je voudrais commencer par un point soulevé par un habitant du Nigeria à qui l’on a demandé quelle était la cause du fléau que connaît ce pays. Il a répondu très clairement: «nous voyons que des personnes coupables d’atrocités et de crimes sont condamnées et ensuite», poursuit-il, «elles disparaissent vers la capitale et nous ne les revoyons plus». Autrement dit, nous ne voyons jamais de signes de responsabilité publique pour les crimes commis.
Deuxièmement, je voudrais souligner que nous devons tenir compte de l’aspect religieux du conflit. Plusieurs orateurs semblent avoir déclaré qu’il y a un aspect religieux, mais que, au fond, tout est lié à des questions sociales et économiques. En fait, le président par intérim Goodluck Jonathan a pris cet aspect en considération et a invité les chefs religieux à un dialogue. Nous devons le soutenir dans cette démarche.
Andrzej Grzyb (PPE). – (PL) Monsieur le Président, les images que nous avons vues il n’y a pas très longtemps sur différentes chaînes de télévision étaient choquantes. Les scènes de ce qui paraissait être un étalage victorieux de personnes assassinées dans la ville de Jos et dans ses environs étaient révoltantes. Comme l’a dit M. Mauro, rien ne peut justifier la violence, car la violence est en soi un mal. En tant que membres de la société européenne et députés du Parlement européen, nous ne devons pas ignorer ce qui s’est passé. C’est pourquoi je soutiens pleinement la résolution.
Quelles que soient les causes à l’origine du conflit et qui sont perçues comme le contexte de la violence, nous voulons réagir pour que les droits de l’homme et les libertés civiles soient respectés au Nigeria, un pays qui nous est cher, évidemment. Je voudrais également profiter de l’occasion pour adresser mes condoléances au peuple nigérian à la suite du décès de son président.
Olli Rehn, membre de la Commission. − (EN) Monsieur le Président, merci pour le débat très sérieux et responsable de ce jour. Bon nombre d’entre vous ont souligné la complexité des problèmes sociaux du Nigeria. Je suis d’accord avec vous, et la Commission est consciente de la complexité de ces problèmes. Nous poursuivons notre partenariat engagé avec le Nigeria, et je ne peux que partager votre avis sur l’importance qu’il y a à lutter contre la corruption et l’impunité, car la corruption est, malheureusement, profondément enracinée, elle entrave le développement de la société et la progression démocratique dans ce pays riche en ressources, et elle pourrit ainsi la vie des citoyens ordinaires.
Nous apportons activement un soutien ferme et constructif au Nigeria. Nous avons recours à un large éventail d’instruments qui vont de la diplomatie au développement, et la Commission reste attentive et engagée à contenir la violence au Nigeria par les moyens diplomatiques dont nous disposons.
Le prochain forum qui permettra d’aborder ce très important problème à un haut niveau est la réunion ministérielle entre l’UE et le Nigeria, qui aura lieu à l’automne, et nous discuterons certainement de cette question à cette occasion.
Le Président. – J’ai reçu, conformément à l’article 110, paragraphe 2, du règlement, sept propositions de résolution(1) en conclusion du débat.
Le débat est clos.
Le vote aura lieu aujourd’hui à 11 heures.
Déclarations écrites (article 149 du règlement)
Mara Bizzotto (EFD), par écrit. – (IT) Depuis trop d’années, ce pays, qui possède tant de ressources naturelles, a été le théâtre de nombreux drames humanitaires, massacres et affrontements interethniques, pour des raisons économiques et sociales. Je voudrais simplement rappeler les paroles d’un missionnaire catholique qui a vécu et travaillé au Nigeria: le père Piero Gheddo, qui a récemment fait remarquer que, il y a vingt ans à peine, les relations entre musulmans et chrétiens dans les régions du centre et du nord du Nigeria étaient certes difficiles et caractérisées par des formes de discrimination antichrétienne, mais qu’elles n’avaient jamais atteint le stade des actes de violence massive que nous avons observés ces dix dernières années. Toutefois, le prêtre a précisé que, bien que la situation se soit dégradée ces dernières années, elle est également due au fait que l’influence de l’extrémisme islamique exprimé par l’idéologie d’Al-Qaïda s’est étendue au Nigeria, et plus particulièrement aux douze États du nord, qui ont adopté la charia comme loi du pays. Nous convenons donc tous que les différents groupes ethniques du Nigeria trouvent dans leurs diverses croyances religieuses le prétexte idéal pour commettre les uns envers les autres des actes de violence massive. Rappelons-nous néanmoins que cet État africain densément peuplé, qui a également souffert d’une instabilité politique permanente durant de nombreuses années, a été submergé au fil des ans par une vague d’extrémisme islamique que nous ne pouvons ignorer.
Jarosław Leszek Wałęsa (PPE), par écrit. – (PL) Si la valeur suprême de l’Union européenne doit être le droit à l’autodétermination, autrement dit le droit au respect des principes et des valeurs de sa propre conscience, nous devons condamner immédiatement et catégoriquement toutes les manifestations d’intolérance et de haine qui ont directement entraîné des assassinats et des massacres pour des raisons fondées sur la race, l’origine ethnique ou la religion. Toutefois, cette condamnation ne devrait pas se limiter à des paroles; elle devrait comprendre des actions qui garantiront à l’avenir la coexistence pacifique.
Zbigniew Ziobro (ECR), par écrit. – (PL) Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord exprimer ma profonde tristesse à propos des émeutes qui ont eu lieu à Jos, au Nigeria, en janvier et en mars derniers, et, au cours desquelles des centaines de chrétiens et de musulmans ont trouvé la mort. Il convient de se rappeler que ce n’est pas la première fois que de terribles événements se produisent à Jos. Les conflits entre les adeptes de ces deux religions durent depuis 2001. Le fait que les tensions, qui tournent parfois à des affrontements ouverts, durent depuis dix ans maintenant, confirme le rôle essentiel que l’État doit exercer dans la promotion de processus de réconciliation. Le contexte compliqué du conflit révèle la profondeur des divisions en question. Les chrétiens nigérians et les musulmans nigérians ne se distinguent pas uniquement par leur religion. À cette division de base s’ajoute une division historique, car dans la région où ont lieu les émeutes, les chrétiens sont considérés comme des autochtones et les musulmans sont vus comme des étrangers. Ces deux divisions se traduisent par le fait que les chrétiens et les musulmans soutiennent différents groupes politiques, ce qui étend en quelque sorte le conflit. Cependant, pour résumer la situation, les sources du conflit sont des différends religieux et l’incompétence ou l’incapacité des autorités à faire régner une coexistence pacifique entre ces deux groupes. Une réunion ministérielle entre l’UE et le Nigeria se tiendra cet automne et je pense que ce problème sera inscrit à l’ordre du jour de cette réunion. En outre, la Commission doit tout mettre en œuvre pour faire usage des instruments diplomatiques dont elle dispose, afin d’améliorer la situation au Nigeria.
(La séance est suspendue quelques minutes, dans l’attente de l’heure des votes)