Présidente. – L’ordre du jour appelle le rapport d’Antonyia Parvanova, au nom de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres, sur l’insertion sociale des femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires (2009/2041(INI)) (A7-0221/2010).
Antonyia Parvanova, rapporteure. – (EN) Madame la Présidente, je suis très heureuse d’avoir l’occasion de présenter aujourd’hui mon rapport sur l’intégration sociale des femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, une question de la plus haute importance qui est trop souvent mise à mal. Par ailleurs, cette discussion vient à point nommé, compte tenu, notamment, des événements qui se sont déroulés en France cet été.
L’intégration est très souvent abordée comme une façon de lutter contre la discrimination qui frappe les groupes minoritaires. Toutefois, il est rarement fait état que ce sont les femmes qui en sont les principales victimes: d’abord pour leur appartenance à un groupe ethnique minoritaire, ensuite, simplement, pour leur sexe.
L’article 21 de la charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination fondée sur l’appartenance à une minorité ethnique. Toutefois, certaines communautés ethniques minoritaires vivant dans l’Union européenne sont encore victimes de discriminations, d’exclusion sociale et de ségrégation.
Cette situation ne peut pas être tolérée. Sommes-nous en train de dire que les droits fondamentaux de l’UE ne s’appliquent pas à l’ensemble des personnes vivant sur son territoire? Le principe d’égalité entre les hommes et les femmes est également un principe majeur de la charte, mais, parfois, il semble avoir été oublié, en particulier dans le cas des femmes issues de minorités ethniques.
Il n’existe pas de définition universellement reconnue de «minorités ethniques», et l’emploi de ce terme a fait l’objet de discussions. Dans mon rapport, j’utilise l’expression «minorité ethnique» de façon générique pour désigner les groupes, tels que les Roms, qui ne bénéficient pas des droits fondamentaux de l’UE.
Je me suis efforcée d’élaborer un rapport qui évalue les problèmes liés aux politiques d’intégration sociale de l’UE, notamment, en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, et de présenter ce qui fonctionne, d’identifier où se situent les difficultés et de contribuer à ébaucher des solutions.
L’un des problèmes majeurs concerne l’accès au marché du travail et aux services publics tels que l’éducation, les soins de santé, y compris génésique, et les services sociaux – et lorsque je parle de santé génésique, je parle du droit à la procréation et pas seulement du droit à l’avortement.
Dans la majorité des cas, ces femmes sont plus exposées à l’exclusion sociale, à la pauvreté et à des violations extrêmes des droits de l’homme comme la traite des êtres humains et la stérilisation forcée.
Je pense que les mesures visant à résoudre le problème de l’exclusion des femmes issues de groupes ethniques minoritaires doivent s’insérer dans le cadre plus large des politiques européennes en matière d’égalité, d’insertion et de croissance. Afin de garantir le développement d’une société démocratique et ouverte, capable de transmettre des valeurs de tolérance et d’égalité, je voudrais souligner le rôle fondamental de l’agence des droits fondamentaux.
L’agence et les organes nationaux chargés de l’égalité doivent inclure la perspective transversale d’égalité des sexes et des droits de la femme dans tous les aspects de leur cadre pluriannuel et de leurs activités ultérieures.
Je suis tout à fait consciente du fait que le défi qui nous attend implique la responsabilité commune des institutions européennes et des États membres par l’utilisation de tous les instruments et de toutes les politiques à disposition. Par ailleurs, cependant, la responsabilité de la mise en place d’une inclusion effective relève autant des minorités ethniques que de la société autochtone.
En conclusion, je voudrais remercier tous mes collègues de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres pour les discussions fructueuses que nous avons eues sur ce dossier.
J’ai toutefois eu la surprise de constater, lors de l’élaboration de ce rapport, que des considérations nationales ont interféré avec son objectif général qui est de travailler en vue d’améliorer la coopération entre les acteurs européens, nationaux et internationaux et les communautés ethniques minoritaires, et d’apporter des changements positifs.
Les récents événements en France et la politique française à l’égard de la population rom montrent à quel point nous nous trompons dans la façon dont nous regardons les problèmes et dont nous abordons la question.
Ce n’est qu’en adoptant une approche intégrée et basée sur la coopération ainsi que des stratégies ciblées pour les plus vulnérables, notamment pour les femmes, que nous parviendrons à faire de l’intégration, dans notre société européenne, une réalité pour tous les citoyens, indépendamment de leur situation légale, de leur race, de leur âge, de leur orientation sexuelle, de leur origine ethnique et de leur religion.
Barbara Matera (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l’égalité est le principe à l’origine du chapitre III de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’article 21 est, après l’égalité devant la loi, la clause qui clarifie le mieux les termes de ce principe: égalité de traitement et égalité des chances sans distinction de genre, de race, de couleur ou d’origine ethnique.
Nous devons garantir la protection contre toutes formes de discriminations fondées sur le genre et l’origine à tous les niveaux et pour tous les individus, en particulier pour les femmes, qu’ils soient citoyens européens ou non. Pour que l’égalité devienne une réalité, elle ne doit pas créer de sous-groupes avec des accès différenciés à la vie sociale, mais elle doit garantir un accès à tous.
La recherche a un rôle important à jouer. Elle devient un instrument de mise en œuvre des politiques européennes en matière de genres, et elle doit impliquer l’Institut européen ainsi que les universités et les instituts nationaux, notamment lors de la collecte de données. Je conclurai en soulignant le rôle fondamental joué par les médiateurs interculturels.
Monika Flašíková Beňová (S&D). – (SK) Ce sujet semble particulièrement d’actualité aujourd’hui étant donné que nous avons eu l’occasion, il y a quelques heures, de discuter de la situation catastrophique des femmes en Iran qui encourent la peine de mort, et je compte sur le Parlement européen pour envoyer un message ferme à ce sujet.
L’intégration sociale des femmes appartenant à des minorités ethniques est un sujet sensible, car d’un côté, nous avons les principes européens d’égalité des genres et d’égalité des chances et, de l’autre, les différences culturelles de certaines minorités ethniques. La priorité devrait être en ce qui nous concerne – et je pense à nous en tant que majorité ou membres du groupe majoritaire au sein de la société – de rester capables de rechercher non seulement des opportunités, mais également des compromis, et d’accepter l’existence de certaines différences caractéristiques propres aux membres des minorités ethniques.
Je pense dès lors que les mots-clés de ce dossier devraient être capacité de réaction, compréhension et volonté d’aider. Alors réussirons-nous vraiment à intégrer ces femmes dans notre société.
Elisabeth Köstinger (PPE). – (DE) Madame la Présidente, dans une Europe unie, l’égalité de traitement devrait être considérée comme un droit fondamental et non comme un privilège. Le rôle des femmes doit être encore renforcé pour que la société comprenne que les femmes sont égales en droit. Les femmes appartenant à des groupes minoritaires ethniques, en particulier, doivent devenir plus visibles. Par conséquent, il est absolument logique et essentiel de promouvoir cela à travers l’Europe. Il faut mettre davantage l’accent sur l’accès à l’éducation et à l’emploi ainsi qu’aux services sociaux. C’est là la seule façon d’assurer l’intégration.
Dans ce contexte, je voudrais également mentionner le rôle des femmes en zones rurales. Les femmes qui travaillent dans des exploitations agricoles constituent un élément fondamental du système rural et du tissu agricole. Elles travaillent très dur dans une grande variété de domaines. Les femmes jouent souvent un rôle déterminant, notamment, dans la commercialisation des produits agricoles. Elles apportent une contribution indispensable dans chaque région de l’Europe. Nous devons poursuivre nos efforts pour renforcer l’image d’une femme indépendante jouissant de droits égaux à tous les niveaux.
Nicole Kiil-Nielsen (Verts/ALE). - Madame la Présidente, le rapport de Mme Parvanova sur l’intégration sociale des femmes appartenant à des minorités ethniques tombe à point nommé quand le gouvernement français se lance dans une vaste opération d’expulsion des Roms – hommes, femmes et enfants – , les citoyens européens les plus démunis, les plus discriminés.
Les femmes roms sont victimes d’une double discrimination en raison de leur origine et de leur sexe. Discrimination dans l’exercice des droits fondamentaux que sont le droit à l’éducation, à l’emploi, à la santé. La violence dont elles sont victimes en tant que femmes constitue une autre forme de discrimination.
Il nous faut exiger de tous les États membres le respect des droits fondamentaux de la plus grande minorité ethnique en Europe et, en premier lieu, de ces femmes. Travail forcé, traite, stérilisation forcée, mariage précoce, avortements nombreux caractérisent la vie de ces femmes et ce n’est pas en les pourchassant de ville en ville, en les déplaçant d’un bout à l’autre de l’Europe, que leur condition s’améliorera.
Chaque État membre, y compris la France, se doit d’assurer la protection de ces femmes et d’assurer l’éducation des enfants roms, garçons et filles. C’est la clé de leur liberté et de leur autonomie. Pour cela, ils ont besoin de stabilité et de soutien et les expulsions sont inacceptables.
Joanna Katarzyna Skrzydlewska (PPE). – (PL) Dans nos rapports, nous parlons souvent de la difficile position des femmes dans l’Union européenne, et nous nous efforçons d’améliorer leur situation et de leur apporter l’égalité des chances. À quelle difficulté plus grande encore les femmes provenant de minorités ethniques, et qui font également partie de notre société, sont-elles confrontées? Nous devrions, par conséquent, aider ces femmes à entrer dans le marché du travail et à accéder à l’éducation et à la formation. Nous devrions les protéger de l’exclusion sociale et des formes multiples de discriminations en essayant de les impliquer dans différents types d’activités politiques et sociales. De cette façon seulement, parviendrons-nous à éviter les stéréotypes, la stigmatisation, la ségrégation ethnique et, plus simplement, la violence et les agressions. Nous devrions créer des occasions et des possibilités pour ces personnes afin que les différences culturelles et la tradition ne constituent pas une barrière au fonctionnement ordinaire, mais soient au contraire une source de valeur ajoutée. Les événements de ces derniers jours ont montré que certains individus, au lieu d’affronter les difficultés pouvant découler d’une société multiculturelle, essaient au contraire de s’en débarrasser, causant ainsi une indignation et une désapprobation sociale plus grandes encore.
Franz Obermayr (NI). – (DE) Madame la Présidente, le mariage forcé, les violences physiques et sexuelles à l’encontre des femmes, les menaces de mort, assujettissement total, l’impossibilité de disposer de son corps, les conceptions archaïques de la femme n’ont pas seulement lieu dans des pays reculés, mais se passent ici, chez nous – même au cœur de l’Europe – dans de nombreuses familles de migrants. Certains hommes politiques bien intentionnés et qui se voient comme de grands promoteurs des droits de la femme banalisent ces événements en les considérant comme des cas isolés. Des violations graves des droits de l’homme sont justifiées et tolérés sous couvert de la liberté de religion.
Toutefois, si nous voulons l’intégration, nous devons nous élever fermement contre ces violences. J’enjoins l’Union européenne à défendre les femmes ici et maintenant, et à prendre des mesures contre la répression dans les sociétés patriarcales parallèles – s’agissant aussi bien des familles musulmanes que des communautés rom où les filles sont souvent privées de toute scolarisation.
En plus du travail d’intégration et d’éducation, prenons pour commencer quelques mesures juridiques concrètes en introduisant l’interdiction, en Europe, du port de la burqa et en rendant le mariage forcé illégal dans tous les États membres. Levons-nous pour les valeurs éclairées de l’Occident!
Dacian Cioloş, membre de la Commission. − Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la Commission accueille avec satisfaction le rapport de Mme Parvanova sur l’insertion sociale des femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires.
La Commission reconnaît que ce groupe est particulièrement exposé à de nombreux désavantages et à de multiples formes de discrimination dans quasiment tous les aspects de la vie, notamment l’accès à l’emploi, à l’éducation, aux soins de santé et au logement. La Commission a souligné l’importance de lutter contre les multiples formes de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes appartenant à des minorités ethniques, dans sa feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2006-2010.
Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour appuyer leur insertion économique et sociale parce qu’il nous faut respecter à la fois les valeurs et les droits fondamentaux de la personne et aussi parce que cela se justifie d’un point de vue économique, compte tenu des évolutions démographiques.
Il s’agit concrètement d’assurer la pleine jouissance des droits en appliquant toute la législation pertinente de l’Union européenne, notamment la directive concernant la race, de faire le meilleur usage possible des fonds structurels de l’Union européenne et de se concentrer sur les groupes minoritaires au travail au niveau de l’Union européenne en favorisant l’inclusion sociale et en luttant contre la pauvreté.
La Commission continuera de souligner l’importance d’intégrer les femmes appartenant à des minorités ethniques dans sa prochaine stratégie en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui sera adoptée par la Commission ce mois-ci.
Pour me référer aussi à ce qu’a dit Mme Köstinger, je suis bien conscient que, même dans la politique agricole commune, le rôle de la femme en milieu rural est une question qui devrait être abordée de manière plus claire dans l’avenir.