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Procédure : 2010/2917(RSP)
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O-0143/2010 (B7-0553/2010)

Débats :

PV 19/10/2010 - 17
CRE 19/10/2010 - 17

Votes :

Textes adoptés :


Compte rendu in extenso des débats
Mardi 19 octobre 2010 - Strasbourg Edition JO

17. Bases de données relatives à l’origine raciale et ethnique dans l’Union européenne (débat)
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Procès-verbal
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  La Présidente. – L’ordre du jour appelle le débat sur:

– la question orale à la Commission sur les bases de données relatives à l’origine raciale et ethnique dans l’Union européenne de Monika Flašíková Beňová, Claude Moraes, Kinga Göncz et Sylvie Guillaume, au nom du groupe S&D (O-0143/2010 - B7-0553/2010),

– la question orale à la Commission sur les bases de données sur les Roms et les discriminations en France et dans l’Union européenne de Hélène Flautre, Raül Romeva i Rueda et Judith Sargentini, au nom du groupe Verts/ALE (O-0146/2010 - B7-0554/2010),

– la question orale à la Commission sur les bases de données sur les Roms et les discrimination en France et dans l’Union européenne de Renate Weber, Nathalie Griesbeck, Sophia in ‘t Veld, Sonia Alfano, Cecilia Wikström, Louis Michel, Sarah Ludford, Gianni Vattimo, Leonidas Donskis, Alexander Alvaro, Niccolò Rinaldi, Ramon Tremosa i Balcells, Metin Kazak et Marielle De Sarnez, au nom du groupe ALDE (O-0154/2010 - B7-0556/2010), et

– la question orale à la Commission sur les bases de données sur les Roms et discrimination de Rui Tavares, Cornelia Ernst, Marie-Christine Vergiat, Cornelis de Jong, Nikolaos Chountis, Marisa Matias et Eva-Britt Svensson, au nom du groupe GUE/NGL (O-0155/2010 - B7-0557/2010).

 
  
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  Monika Flašíková Beňová, auteur. (SK) Selon des informations récemment communiquées par les médias, la police française utilise la base de données MINS ciblée sur les Roms et les gens du voyage.

Des organisations non gouvernementales ont déposé des plaintes contre la création de bases de données illégales et secrètes pour le stockage d’informations personnelles liées aux origines raciales et ethniques et ont dit avoir introduit un recours auprès des autorités compétentes. Les autorités françaises nient cependant l’existence de ce type de base de données. Le ministre de l’immigration a précédemment déclaré que des données biométriques sur les Roms déportés pouvaient être conservées dans la base de données OSCAR et dans une nouvelle base de données en cours d’élaboration. Il paraîtrait que même les Pays-Bas et d’autres pays de l’Union européenne enregistrent des données sur l’origine raciale et ethnique. À cet égard, le Conseil examine actuellement un projet de conclusions sur les groupes criminels mobiles établi de manière très controversée et sans informer le Parlement européen de cette initiative.

Je voudrais par conséquent vous demander, Madame la Commissaire ce que fait la Commission pour vérifier ces informations les preuves de l’existence de la base de données MINS en France. Si la Commission estime que la base de données enfreint le principe de non-discrimination, quelles mesures prendra-t-elle pour remédier à la situation? La Commission envisage-t-elle d’engager des procès contre les États membres dans le cadre d’une infraction à la législation et, en ce qui concerne les récents développements observés dans d’autres États membres, contre la création ou l’existence de bases de données liées à l’origine raciale ou ethnique? Ouvrira-t-elle des enquêtes pour obtenir des informations sur ces bases de données et vérifier si elles sont légales au regard du principe de non-discrimination? Je voudrais également savoir ce que la Commission fait actuellement pour s’assurer que les États membres ne pratiquent pas le profilage ethnique dans leurs procédures pénales et administratives.

 
  
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  Hélène Flautre, auteur. − Madame la Présidente, Madame la Commissaire, bonsoir. Madame Reding, vous vous êtes réjouie aujourd’hui, je crois, à juste titre d’ailleurs, que la France ait répondu à l’injonction de la Commission européenne puisqu’elle a délivré à la dernière minute son plan législatif pour mettre en place les garanties procédurales telles que prévues par la directive liberté de circulation.

Vous avez jugé que ces garanties étaient loyales et qu’elles permettaient non pas d’annuler, comme vous l’avez dit, mais de suspendre la procédure en infraction. Nous prenons acte mais nous aimerions également, comme parlementaires européens, pouvoir exercer notre contrôle sur ces engagements et avoir connaissance des promesses et du plan qui ont été présentés par les autorités françaises à ce sujet. Mais chacun se souvient que vous avez également interrogé la France à propos d’arrêtés de reconduite à la frontière et d’obligation de quitter le territoire pour vérifier le caractère non discriminatoire de ces documents administratifs. Qu’en est-il? Avez-vous reçu une réponse?

Enfin, après la nouvelle sortie dans la presse – comme pour la circulaire scélérate et discriminatoire d’août – d’informations sur un fichier, sur une base informatique réunissant des données personnelles mentionnant des origines ethniques ou raciales, cette nouvelle affaire dans l’affaire ne commence-t-elle pas à entamer un tout petit peu votre confiance dans la loyauté des autorités françaises et dans leurs informations?

Madame Reding, ne jugez-vous pas important, aujourd’hui, de continuer et de nous dire quelle est l’analyse, puisque l’analyse continue, sur la base des documents que vous aviez demandés concernant la possibilité d’infraction pour discrimination, pratique discriminatoire de la France mais également, on le voit ici, pour infraction à la protection des données personnelles, tel que prévu dans notre droit communautaire?

Je crois qu’aujourd’hui, les citoyens européens sont en droit d’attendre une Commission responsable qui engrange ses succès mais qui aussi montre sa détermination et sa persévérance dans l’action auprès des autorités françaises, comme vous le faites d’ailleurs plus largement auprès des États membres de l’Union européenne qui, comme cela est très largement documenté, ont pris de mauvaises habitudes à l’endroit des Roms.

Je dois dire, d’ailleurs, que pour ce qui est des fichiers, la Commission nationale de l’informatique et des libertés de la France a constaté elle-même l’existence de quatre fichiers illégaux qui documentent des données personnelles, y compris jusqu’à caractériser le caractère manouche, gitan ou rom des personnes ainsi fichées.

 
  
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  Sophia in 't Veld, auteur.(EN) Madame la Présidente, nous savons que la commissaire est une personne très déterminée et très courageuse. Madame la Commissaire, on ne vous retient pas facilement et vous n’avez généralement pas besoin qu’on vous pousse. Si vous voulez quelque chose, vous allez droit au but. J’aimerais que vous soyez aussi déterminée dans le cas qui nous occupe.

Pas plus tard que cette semaine, vous avez publié la communication de la Commission sur la mise en œuvre effective de la charte des droits fondamentaux. La communication indique que la Commission utilisera pleinement ses prérogatives pour s’assurer que les États membres appliquent la législation européenne, dans le respect total des droits de l’homme, et que vous n’hésiterez pas à lancer des procédures d’infraction.

Dans le cas de la France, je me demande pourquoi la Commission s’appuie exclusivement sur les déclarations du gouvernement alors que, comme l’a si justement souligné Hélène Flautre, il y a eu une série de déclarations qui, à y regarder de plus près, se sont révélées peu fiables. Pourquoi la Commission n’ouvre-t-elle pas sa propre enquête? Nous avons déjà lancé un appel dans ce sens. Vous savez qu’une majorité au sein de cette Assemblée vous soutient. Nous savons qu’il y a beaucoup d’opposition du côté des États membres, mais vous avez notre soutien, Madame Reding.

Je voudrais vous parler de la situation en France, de la situation en Italie – qui semble encore plus grave – et de la situation dans mon propre pays. Tout d’abord, je voudrais savoir si l’on peut confirmer l’existence de ces bases de données. Avez-vous des preuves de leur existence ou de leur non-existence? Avons-nous une liste? Dans le cas des Pays-Bas, je sais qu’il y a une liste parce que les municipalités qui ont créé les bases de données en sont fières; elles estiment avoir fait du très bon travail. Leurs intentions étaient probablement bonnes. Si les bases de données existent, sont-elles selon vous légales ou illégales? Si elles sont légales, nous n’avons pas besoin d’un débat. Si elles sont illégales, il faut lancer des procédures d’infraction. C’est aussi simple que cela.

La Commission n’hésite pas dans d’autres domaines. Par exemple, vous avez pris l’opposition de front lorsque vous avez voulu résoudre le problème des tarifs d’itinérance pour les téléphones mobiles. S’il y a des cartels, la Commission n’hésite pas une seconde. Je pense que dans le cas présent, la Commission devrait agir. Madame Reding, il est temps pour l’UE de prouver qu’elle est une communauté de valeurs et qu’elle interviendra en cas de violation des droits fondamentaux. Les citoyens nous regardent.

Tout comme Hélène Flautre, je souhaiterais que vous veniez en commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures pour nous expliquer la situation et les mesures que la Commission envisage de prendre. Moi aussi, en tant que députée et citoyenne européenne, j’espère obtenir l’accès illimité à toute la correspondance échangée avec la France et éventuellement d’autres États membres.

 
  
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  Cornelia Ernst, auteur.(DE) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je poserai simplement la question suivante: quelle est la situation en Europe en ce qui concerne la non-discrimination et l’égalité de traitement pour les Roms? Lorsque l’on entend dire que des bases de données ethniques sur les Roms – et je pense que ce type de bases de données est interdit – sont mises en place par la gendarmerie française, mais aussi par d’autres pays, et, dans une certaine mesure, à des fins préventives, nous avons clairement atteint la limite. Tant en France que dans le reste de l’UE, les bases de données essentiellement utilisées pour compiler des données à caractère personnel sur l’origine raciale ou ethnique des gens sont tout bonnement interdites en raison du risque élevé d’abus et du risque de discrimination. Ce n’est que dans des circonstances très particulières – spécifiques à une fin déterminée –, qui prennent en considération la non-discrimination, qu’il est autorisé à collecter des données de cette nature. Les Roms ne doivent pas être pénalisés; c’est crucial. Les bases de données ethniques conçues pour la prévention des délits sont illégales. Les Roms ne doivent pas faire l’objet de la collecte spéciale de données en raison de leur mode de vie et nous attendons de la Commission, en d’autres termes de vous, Madame Reding, que vous condamniez toute forme de collecte de données ethniques ou raciales et que vous travailliez dur pour vous assurer que cette pratique soit interdite dans les pays concernés.

Sincèrement, je me demande si nous faisons autre chose que parler, encore et encore, au sein de ce Parlement et dans le cadre de l’UE et ce que, en termes pratiques, nous sommes réellement parvenus à faire pour améliorer la situation des Roms en Europe, autre que parler, parler, parler. Si l’on regarde la collecte de données, l’on voit que les Roms sont devenus des boucs émissaires, des gens que l’on se renvoie l’un l’autre dans de nombreux États membres de l’UE. Ils sont déportés au Kosovo et, ce faisant, la France viole les traités de l’UE depuis des mois, de même que le principe de non-discrimination, et la Commission se comporte comme si elle était satisfaite - et je vois les choses assez différemment de l’oratrice précédente - de la promesse faite par le gouvernement français de fournir la base juridique pour la transposition de la directive sur la liberté de circulation d’ici le début 2011. Il convient de reconnaître, toutefois, que la France a dû mettre un terme à la déportation des Roms, et il est aussi important de faciliter le retour en France de ces Roms qui ont été injustement déportés.

Concernant les bases de données, je voudrais vous demander ceci: quelles informations précises avez-vous, quelles initiatives allez-vous prendre si ces bases de données existent réellement et lancerez-vous des procédures en infraction au traité dans pareil cas?

 
  
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  Viviane Reding, vice-présidente de la Commission.(EN) Madame la Présidente, je pense qu’il est contre les droits de l’homme d’être ici si tard pour discuter de sujets importants que nous ferions vraiment mieux de discuter en journée et non au beau milieu de la nuit, à une heure où des humains normaux devraient se détendre à la maison et aller dormir.

Cela dit, ces dernières semaines ont été riches en débats, scandales et actions, et je pense que ce Parlement devrait se pencher sur ce qui s’est passé en France et sur la réaction de la Commission européenne à ce qui a été en quelque sorte un événement historique. Il n’y a jamais eu à ce jour dans l’histoire de l’Union européenne un procès engagé à cause de droits.

Nous avons fait des procès pour des raisons commerciales, économiques ou financières, mais c’est la première fois, sur la base du traité de Lisbonne et de la charte des droits fondamentaux qui y est incluse, que la Commission a dit «trop c’est trop».

La Commission a décidé – l’ensemble des 27 commissaires – le 29 septembre d’engager des procédures d’infraction contre la France sur la base du non-respect de ces droits de l’homme, des droits du citoyen individuel.

Je n’ai pas besoin de vous dire toutes les pressions subies depuis ce moment, mais la Commission a déclaré unanimement qu’elle engagerait des procédures et qu’elle poserait un ultimatum à la France. Si la France n’a pas répondu de manière positive, acceptable avant le 15 octobre, cette procédure sera lancée. C’est comme ça que nous procédons en général avec tous les États membres.

Maintenant, que s’est-il passé? Eh bien, la France a donné une réponse. Et c’était la première fois, c’était unique s’agissant du traitement des questions. Et je pense personnellement que ça a marqué le début de l’Europe des citoyens.

Espérons que les historiens se penchent sur ce phénomène un jour. Nous sommes en plein milieu de la procédure, en plein milieu de la lutte; nous pourrions donc voir les choses sous un angle différent à ce moment-là.

Maintenant, objectivement, qu’a fait la France? La France a fait exactement ce que la Commission lui avait demandé de faire. La directive de 2004 prévoit des droits matériels, aussi appelés droits procéduraux, qui visent à protéger les citoyens contre toute action inacceptable de la part des autorités en cas d’emprisonnement. Et ces droits procéduraux n’ont pas été appliqués dans le droit français. Nous avons donc dit à la France que d’ici le 15 octobre, nous devions savoir de quelle manière elle entend modifier le droit français pour garantir l’application des droits procéduraux de 2004 et nous soumettre un calendrier crédible de la façon dont elle compte introduire cela dans la législation française.

Et nous l’avons eu. Nous l’avons eu une heure avant la fin du délai, mais nous l’avons eu. Depuis 8 heures samedi matin, mes experts examinent les documents et aujourd’hui j’en suis venue à la conclusion que tous les points de droit que la Commission avait demandés à la France ont reçu une réponse, bien qu’ils ne soient pas encore appliqués dans le droit national français parce qu’ils doivent d’abord passer par le Sénat et être ensuite introduits de fait dans le droit français et appliqués en termes réels.

Nous avons décidé que nous étions satisfaits de la contribution française, mais nous ne pouvons pas clore le dossier, parce que ces promesses, ces éléments de droit, ces propositions de loi, n’ont pas encore été mis en œuvre. Nous avons donc décidé de geler le dossier, mais de le laisser ouvert. Nous le laissons ouvert jusqu’à ce que le gouvernement français ait réellement appliqué de facto cette législation dans ses procédures quotidiennes.

Selon moi, c’est en quelque sorte une victoire. Pensez à tout ce qui s’est passé. Maintenant, les Français vont dire qu’il n’y a pas de problème, qu’il n’y a jamais eu de problème. En réalité, il y avait un problème et ils nous présentent la législation qu’ils vont modifier. Voyons voir s’ils le font. Je pense qu’ils vont le faire.

Il y avait une deuxième question, à savoir la façon dont les personnes ont été traitées pendant l’été, et si elles ont bénéficié de garanties procédurales en tant qu’individus, en tant que citoyens européens, ou si elles ont fait l’objet de discriminations.

Pourquoi n’ai-je pas engagé des procédures d’infraction comme celles que nous avons engagées sur la base des législations? Tout simplement parce que si nous voulons agir, nous ne pouvons agir que sur la base de preuves légales. Nous ne pouvons pas agir sur de simples ressentis, parce que nous sommes persuadés que quelque chose cloche. Nous devons avoir la preuve juridique; c’est pourquoi nous avons demandé au gouvernement français de nous fournir les dossiers sur les personnes.

Nous disposons à présent de dossiers individuels, plusieurs piles de dossiers. Mes experts les analysent et m’ont dit qu’ils auraient probablement plusieurs questions supplémentaires à poser au gouvernement français; et ils pensent qu’ils auront fini cette analyse avec les questions du gouvernement d’ici quatre semaines.

Ainsi, aujourd’hui, nous avons ces deux affaires. C’est un fait très important à souligner, parce que je voudrais aussi dire très honnêtement aux députés que la mise en œuvre de la directive de 2004 sur la libre circulation n’est pas brillante. Ce que nous voyons à présent, parce que la Commission a été forte, c’est que tous les pays qui ne sont pas parfaits non plus – pas aussi imparfaits que la France, mais pas parfaits – commencent à dire qu’ils vont désormais la mettre en œuvre de façon parfaite.

Quelque chose s’est donc produit. Je pense que toute l’Europe a compris que nous ne plaisantions plus et que les droits de la personne, de nos concitoyens, et les valeurs de notre société doivent être appliqués avec sérieux.

Voilà pour ce qui est de la question française, parce qu’une décision a été prise par la Commission à cet égard, mais qu’elle n’est pas encore terminée et qu’elle reste une procédure ouverte.

Passons à présent à la question de la base de données que détiendrait la gendarmerie française et qui contiendrait des éléments ethniques. Tout d’abord, la Commission suit étroitement toute évolution à ce sujet. Nous avons une fois de plus été assurés par les autorités françaises que tout était en ordre, mais un système différent s’applique ici, parce qu’il y a une législation française ici sur la protection des données, et la manipulation des données est contrôlée en conformité avec nos règles par l’autorité française de protection des données, la CNIL. Conformément à ces règles, la CNIL a réalisé une inspection et fait un rapport public préliminaire la semaine dernière. Vous avez vu les résultats de la CNIL. Je les ai lus aussi. La presse n’offre pas toujours un compte rendu complet, parce que la CNIL a aussi dit, très sérieusement, qu’il se pourrait qu’il n’y ait pas d’éléments ethniques, mais il y a certainement des bases de données qui n’ont pas été autorisées par les autorités.

En ce qui concerne le respect de la législation européenne, les informations fournies doivent permettre de s’assurer que la situation est couverte par la directive sur la protection des données. Cela pourrait n’être le cas que pour des fins liées à l’immigration. Pour l’immigration, il existe une série de garanties qui s’appliquent à ce que nous appelons les «données sensibles». Les données sensibles ne peuvent être traitées que dans des cas exceptionnels, lorsque l’intérêt public est en jeu. Elles sont protégées par des garanties adéquates, qui doivent être fournies par le pays concerné.

Si le traitement de données ne relève pas de la directive sur la protection des données, la décision-cadre de 2008 sur la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire dans les affaires pénales pourrait s’appliquer.

Et là, nous avons encore un problème, parce que cette directive-cadre ne s’applique qu’à compter du 27 novembre de cette année. Sur la base de cette directive, les pouvoirs de la Commission sont donc plutôt limités.

Je répondrai aux questions très concrètes qui ont été posées en dehors du dossier français. Y a-t-il d’autres États membres où nous pourrions vérifier l’existence éventuelle de bases de données contenant des informations sur les origines ethniques ou raciales?

Dans le cadre de la directive sur la protection des données, le traitement de ce type de données sensibles est autorisé à titre exceptionnel et doit être notifié aux autorités nationales de la protection des données. En France, c’est la CNIL. Et ces exceptions pour motifs d’intérêt public substantiel doivent aussi être notifiées à la Commission.

Après notification, l’autorité nationale de la protection des données et la Commission sont en mesure d’évaluer si les mesures prises respectent les règles de protection des données, et ici nous avons le résultat de l’analyse préliminaire réalisée par la CNIL, qui indique clairement que ces autorisations n’ont pas été demandées. Nous devrions donc permettre que les travaux judiciaires en France soient réalisés par les autorités judiciaires qui sont non seulement agréées, mais aussi mandatées, pour ce genre de travail.

Qu’en est-il des Pays-Bas? Il y existait plusieurs bases de données où le traitement des données sensibles a été effectué et notifié à la Commission en 2005 et 2006. La base de données la plus controversée concernait les activités criminelles de jeunes d’origine caribéenne. Elle a été supprimée depuis.

Récemment, une municipalité aux Pays-Bas a envisagé la création d’un fichier ethnique, mais a annulé son projet à la suite de la recommandation de l’autorité nationale de la protection des données. Cela montre que le système prévu par la directive – en vertu duquel les autorités de la protection des données, les autorités nationales de la protection des données sont responsables – fonctionne.

Au fait, je voudrais signaler au Parlement que je travaille sur la réforme de la directive sur la protection des données, en partie dans le but de renforcer l’indépendance et les possibilités d’intervention des autorités nationales de la protection des données dans un cadre européen.

Ce sera tout pour le moment, je dois écourter mon discours parce qu’il n’y a pas d’interprétation après minuit. Donc on va s’arrêter ici.

 
  
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  Véronique Mathieu, au nom du groupe PPE. – Madame la Présidente, chers collègues, Madame Reding, je suis très heureuse de constater qu’aujourd’hui, vous nous avez annoncé que le collège des commissaires ne souhaitait pas poursuivre la France au sujet de la directive 2004/38, mais je vous ai posé une question il y a quelque temps à l’occasion de la commission LIBE et je vous ai déjà dit que la France vous avait donné tous les renseignements en 2006 et en 2007, ainsi que les tableaux de concordance au sujet de la transposition de cette directive 2004/38.

Or, vous vous étonnez maintenant, en 2010, que les garanties procédurales laissent à désirer. Vous ne m’avez pas répondu, je souhaiterais, aujourd’hui, avoir une réponse, à ce sujet-là, Madame Reding.

Quant au fichier Mens, je souhaiterais vous dire une chose. Je trouve que, maintenant, la polémique commence à suffire avec l’opposition et avec un certain nombre de personnes. L’absence de fondement de ces allégations est très facile à démontrer. Vous avez les conclusions du rapport que la CNIL a donné au Premier ministre. Vous avez eu, je suppose aussi, puisque j’en ai été destinataire, Madame Reding, le rapport du directeur général de la gendarmerie nationale, et vous avez fait état d’un certain nombre de choses qui, visiblement, ne semblent pas vous arranger.

Vous défendez les droits de l’homme, mais il ne faut pas seulement défendre les droits des minorités. Il faut défendre tous les droits de l’homme, et nous sommes tous respectables. En France aussi, nous sommes respectables, et je peux vous garantir que ce fichier Mens n’a jamais existé. Des recherches ont été faites au niveau de la CNIL, Madame Reding, avec un certain nombre d’horribles mots clés comme gitans, comme manouches, comme Roms, etc. et rien n’a été trouvé par la CNIL au niveau du fichier de la gendarmerie nationale.

La seule chose qu’on peut reprocher au fichier de la gendarmerie nationale, c’est de ne pas avoir déclaré ces fichiers, mais les fichiers ne sont pas des fichiers généalogiques. Simplement, la gendarmerie nationale a un certain nombre de fichiers qui...

(La Présidente invite l’oratrice à conclure)

S’il vous plaît, j’aimerais bien terminer, je suis la seule oratrice du PPE, alors j’aimerais quand même bien pouvoir m’exprimer au nom de mon groupe.

Ces fichiers regroupent des gens qui sont sans domicile fixe et sans résidence fixe, et ils n’ont pas de caractère ethnique. Alors j’aimerais bien, même s’il y a eu une absence de déclaration à la CNIL, que vous puissiez au moins reconnaître, s’il vous plaît, qu’il n’y a pas de...

(Exclamation)

Mais si c’est vrai, et j’aimerais que vous le reconnaissiez. Et j’aimerais, Madame Reding, que vous arrêtiez votre suspicion vis-à-vis du gouvernement français, cela commence à devenir malsain.

 
  
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  Sylvie Guillaume, au nom du groupe S&D. – Madame la Présidente, mes chers collègues, Madame la Commissaire, le profilage ethnique n’est pas une pratique nouvelle dans les États membres mais il semblerait qu’elle se soit intensifiée ces dernières années sous le prétexte d’opérations de contre-terrorisme, de maintien de l’ordre ou bien encore de lutte contre l’immigration irrégulière. La révélation récente de l’existence d’un fichier sur les Roms et les gens du voyage en France démontre à quel point il est urgent que la Commission poursuive son enquête afin de collecter des informations supplémentaires sur l’existence de ces bases de données mais aussi de vérifier leur légalité au regard du principe de non-discrimination.

Madame la Commissaire, je ne partage pas entièrement votre enthousiasme sur la réponse qui a été formulée par la France il y a quelques jours mais je comprends néanmoins que vous l’exprimiez de cette manière.

Vous nous indiquez que la France a dit qu’elle allait transposer la directive sur la libre circulation et qu’elle va donner un calendrier. Sur cette fameuse directive et sur cette transposition, de deux choses l’une: soit la France a pris un simple engagement formel, cela veut dire que la Commission n’a pas eu de réponse et qu’elle a passé l’éponge, soit la France a donné une réponse concrète et à cet égard, nous aimerions pouvoir en bénéficier et la connaître car vous parliez de calendrier dans votre intervention, ce calendrier est en cours pour la transposition. La France transpose actuellement, au travers de sa cinquième réforme sur le code de l’immigration en sept ans, la directive sur la libre circulation en ce moment. Et je vous assure, au demeurant, qu’elle va au-delà des principes européens sur la libre circulation. Je crois donc qu’il faudra que vous surveilliez cela aussi avec le plus grand sérieux.

Enfin, j’espère que sur le respect du principe de non-discrimination, la Commission ne fléchira pas et ne se laissera pas séduire par des solutions à l’amiable ou de simples promesses, fût-ce du gouvernement français.

 
  
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  Nathalie Griesbeck, au nom du groupe ALDE. – Madame la Présidente, Madame la Commissaire, même s’il est très tard, le débat de ce soir est un combat un tant soit peu passionné. Ce matin, à nouveau en dépit des explications très claires que vous nous avez données, on a découvert un nouveau site Internet d’information français qui s’est révélé contenant en fait un fichier rom, clandestin évidemment, avec une base de données très riche, très détaillée où figuraient des noms, des prénoms, des surnoms, les filiations des personnes, leurs fréquentations, l’immatriculation et le modèle de leur voiture, le nom du conjoint, et à nouveau, on a maintenu qu’on ne connaissait pas l’existence de tels fichiers.

Au fond, que les informations spécifiques de ce site soient avérées ou non, cela ne change rien au risque fondamentalement discriminatoire induit par ces fichiers qui existeraient en France et dans plusieurs autres pays européens.

Alors, Madame la Commissaire, compte tenu de vos explications et de la détermination que nous vous connaissons, qu’entendez-vous faire et de quelles autres preuves devons-nous disposer pour agir et réagir sur le fondement de la violation de la non-discrimination? En d’autres termes, et sans faire de polémiques, essayons de respecter le droit tant en France, dans les pays membres de l’Union, que ceux qui font notre démocratie européenne sans passion.

Les expulsions effectuées cet été en France, la circulaire du 5 août qui par bonheur a été retirée, le fichier Mens, quoi d’autres, etc. Nous avons entendu avec beaucoup d’intérêt votre raisonnement de ce soir, nous apprenons aujourd’hui que vous avez estimé suffisantes les garanties apportées en fin de semaine dernière par la France pour modifier le droit national afin d’appliquer la législation européenne de 2004.

Moi, comme mes collègues, je souhaiterais, pour que nous puissions partager le même raisonnement et la même volonté de respecter à nouveau l’état de droit, pouvoir disposer de la teneur de ces documents car on sous-entend ici ou là, depuis votre déclaration, cet après-midi, que vous auriez capitulé.

Pour conclure cette longue polémique, cela aura eu un avantage, celui de nous montrer qu’il faut avant tout aller au cœur du problème, en encourageant davantage les efforts nationaux, les politiques européennes dans le cadre du respect du droit qui fonde notre démocratie européenne.

 
  
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  Raül Romeva i Rueda, au nom du groupe Verts/ALE.(ES) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, quand vous avez dit votre fameuse phrase «trop c’est trop», beaucoup au sein de ce Parlement, mais plus particulièrement dans la rue, ont applaudi.

Cela a généré des attentes très élevées pour tous ceux d’entre nous qui croient encore dans le projet européen. Enfin, quelqu’un à la Commission osait se confronter à un État membre puissant sur la question des droits fondamentaux, chose à laquelle on avait toujours attaché la plus grande importance en paroles, mais pas en actions.

Nous avons été un peu surpris et n’avons pas, dirons-nous, vraiment compris le fait qu’au moment où les procédures ont été engagées, il a été décidé qu’elles ne seraient pas mises en œuvre sur la base de la discrimination, mais uniquement sur la base de la libre circulation. Je pense qu’il s’agissait d’un déficit, dans un certain sens, mais quoi qu’il en soit, nous avons continué de nous réjouir de votre engagement à l’époque.

La décision d’aujourd’hui nous a par conséquent un peu déroutés, et ça ne s’applique pas qu’à nous, mais aussi à tous ceux qui espéraient une réponse courageuse dans cette action de votre part. D’autant plus que nous savons que la confiance que vous avez dans le gouvernement français s’est révélée plus que discutable – c’est le moins qu’on puisse dire.

Deuxièmement, c’est particulièrement vrai du fait que, comme nous le savons, il y a une tendance alarmante, dans le cadre de la révision de la directive sur la libre circulation, à introduire des concepts et à redéfinir la notion de groupes itinérants, ce qui ouvrirait en quelque sorte la voie à de nouvelles discriminations à leur encontre.

Je pense que la frustration que certains d’entre nous ressentent aujourd’hui ne devrait pas être exacerbée. C’est pourquoi nous vous demandons de ne pas trahir l’espoir que vous avez suscité en disant «trop c’est trop», parce qu’ici, nous pensons toujours que le problème existe et que nous devons tenir tête au gouvernement français sur ce point, ainsi qu’aux autres gouvernements.

 
  
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  Rui Tavares, au nom du groupe GUE/NGL.(PT) Madame la Commissaire, ce débat porte aussi sur les droits fondamentaux comme la non-discrimination et la libre circulation. Mais il a également fini par s’orienter sur la question des dispositions cruciales qui gouvernent nos activités au sein des institutions européennes. Cela implique de savoir si un État membre agit de bonne foi, s’il fournit des informations fiables aux institutions européennes, etc. En outre, dans ce cadre, c’est également devenu un débat sur la question de savoir si nous, au sein des institutions européennes, sommes en mesure de garantir le respect de ces principes et de ces dispositions, si nous sommes capables de nous exprimer clairement et de les défendre sans fléchir, si nécessaire.

Je pense que nous avons déjà des réponses claires sur la question de la bonne foi. Certains États membres, dont la France, n’ont pas agi en toute bonne foi. Ils nient de façon répétée l’existence de documents, dont des copies apparaissent ensuite dans le public. Cela s’est également produit en été et cela se reproduit maintenant avec les bases de données. Comment peut-on nier l’existence de bases de données alors que nous avons publié aujourd’hui une base de données appelée Roms sur un site français, avec les villes d’origine et toute une foule d’informations sur les communautés roms, dont celles de l’UE, de Bucarest, de Belgrade et de Timişoara?

La réponse à l’autre question est aussi très importante. Vous avez dit que ce moment était historique, Madame la Commissaire, et que les historiens reconnaîtront que la Commission s’est montrée claire pour la première fois. J’en doute fortement, Madame la Commissaire, et je suis historien. J’ai de sérieux doutes, parce que même les journalistes ont des doutes. Le jour qui a suivi mon passage devant la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, plusieurs journaux, dont le Financial Times, ont annoncé que la Commission ne poursuivrait pas la France. D’autres ont dit qu’elle le ferait. Même aujourd’hui, la presse dit que la procédure engagée contre la France a été suspendue ou, ailleurs, qu’elle a été abandonnée.

Si la Commission ne parle pas clairement – et, de toute évidence, ses paroles ne sont pas bien comprises –, je voudrais dire qu’elle trouvera dans le Parlement un formidable allié si elle décide de s’exprimer clairement. Si elle hésite, le Parlement ne manquera de poursuivre l’examen de cette affaire. Ce ne sera pas l’affaire d’un été qui s’est ensuite éteinte. Nous continuerons d’en parler au sein de cette Assemblée.

 
  
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  Kinga Göncz (S&D). (HU) Nous constatons que la crise a émoussé le sentiment de sécurité de nombreux citoyens européens. Cela crée un terrain favorable au développement et à l’expansion de l’extrémisme, mais aussi aux manifestations politiques qualifiant certains groupes ethniques de menaces pour la sécurité et établissant un lien entre les minorités et les migrants, d’une part, et la criminalité, d’autre part. Le gouvernement français a commencé à déporter les Roms pour des raisons ethniques, ce qui est inacceptable. Nous avons de bonnes raisons de croire, ainsi que l’ont mentionné plusieurs personnes, que la gendarmerie française, de même que d’autres États européens, n’a pas encore mis un terme à la collecte de données ethniques.

Si ces faits viennent à être prouvés, nous espérons sincèrement que la Commission agira véritablement en tant que gardienne des traités et de la charte des droits fondamentaux et engagera une procédure pour non-respect des engagements. La police joue un rôle important dans le maintien de l’ordre public, mais le profilage ethnique ne doit pas devenir une de ses pratiques courantes. Cela sape la confiance des minorités dans les institutions démocratiques et peut constituer un motif de discrimination. La majorité des communautés roms vivent dans la misère en Europe et doivent en plus faire face à la discrimination. Même si nous avons des projets ambitieux de lutte contre la pauvreté dans la stratégie 2020, le combat vise souvent les pauvres eux-mêmes, et cela doit cesser.

 
  
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  Catherine Grèze (Verts/ALE). - Madame la Présidente, vous nous dites aujourd’hui, Madame Reding, avec un certain enthousiasme, et je vous cite, que la position de la France montre le bon fonctionnement de l’UE en tant que communauté de droit ou, je cite encore, que nous devons nous diriger maintenant vers des actions et des résultats concrets sur la base de nos valeurs européennes. Je tiens dans mes mains les traités consolidés et la Charte des droits fondamentaux, et permettez-moi de ne pas partager totalement votre enthousiasme.

En effet, quelles preuves sont nécessaires à la Commission pour aller plus loin? Quelles preuves sont nécessaires pour condamner le traitement discriminatoire, les expulsions, dont sont victimes les Roms en France et dans d’autres pays européens?

Certes, la Commission a multiplié les actions en faveur de l’intégration des Roms, et je pense à l’utilisation des Fonds structurels. Mais en suivant une politique de l’autruche, je me pose la question: la Commission ne se tire-t-elle pas elle-même une balle dans le pied?

 
  
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  Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL). - Madame la Présidente, Madame Reding, moi aussi, ce soir, je suis déçue. Je crois que nous sommes nombreux à vous avoir donné acte de vos précédentes déclarations et que nous vous avons même soutenue. Nous avons bien compris que la procédure vis-à-vis de la libre circulation était seulement suspendue. Mais le sujet d’aujourd’hui, ce sont les discriminations. Vous attendez des preuves, Madame Reding, et vous les demandez au gouvernement français et à lui seul. Vous nous le dites, vous nous le redites, à chaque fois que nous vous interrogeons.

Je dois vous dire, Madame la Commissaire, que je finis à la longue – excusez-moi, avec tout le respect que je vous dois – par me demander si vous ne vous moquez pas un peu de nous. Ce week-end, j’étais à Marseille. J’ai rencontré les associations qui travaillent avec les Roms. Je travaille sur ces dossiers-là depuis de très nombreuses années et j’avoue que j’ai été atterrée, Madame la Commissaire, par ce qu’ils m’ont dit de la situation des Roms dans les environs de Marseille. Les Roms, Madame, en France, ont peur, ils se terrent. Ils n’osent plus sortir de leurs campements de fortune. Leurs enfants n’osent plus aller à l’école. Les associations ne peuvent plus les trouver pour assurer le suivi social et sanitaire. Voilà ce que disent les associations, Madame la Commissaire. Voilà ce qu’il en est de la situation des Roms en France aujourd’hui.

Le fichier Mens. Cessons de nous arrêter sur ce fichier Mens. La gendarmerie a annoncé qu’elle le supprimait. Mais lisez attentivement ce que dit l’avis de la CNIL et vous y verrez, Madame la Commissaire, qu’il est fait mention de l’origine ethnique dans les contrôles qu’a effectués la CNIL. Alors demandez ces contrôles. La CNIL est une organisation incontestable. Demandez l’ensemble des contrôles qui ont été effectués par la CNIL et...

(La Présidente retire la parole à l’oratrice)

 
  
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  Juan Fernando López Aguilar (S&D).(ES) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, le 9 septembre, le Parlement a adopté une résolution qui a soulevé un débat nécessaire au moment voulu. Le Parlement a fait son travail.

Certains pensent qu’au vu de la détermination qui pointait dans vos déclarations consécutives – conformément aux exigences du Parlement – et des explications que vous nous donnez ce soir, nous ne pouvons qu’être déçus par l’absence de procédure à l’encontre de la France. Il est à noter que le débat ne portait pas sur la France, et n’était certainement pas dirigé contre la France. C’était un débat en faveur des principes fondamentaux d’intégration européenne tels que la libre circulation des personnes, parce que l’Europe n’est pas seulement synonyme de libre circulation des biens et des capitaux, mais aussi et surtout de libre circulation des Européens en toute justice et sans discrimination – donc sans discrimination fondée sur des motifs ethniques.

Cela signifie que s’il reste quelque chose sur quoi enquêter concernant les affaires de données ethniques qui n’ont pas encore été totalement clarifiées, cela relève des compétences de la Commission. Il est à signaler toutefois que ce travail n’a pas été terminé, parce qu’il faut que le Parlement reste vigilant contre la tentation du populisme, qui cherche des boucs émissaires aux problèmes de l’exclusion sociale, plutôt que des solutions ou des réponses.

Ce travail implique, outre éviter les pièges du populisme et de ses tentations, de prendre des mesures pour intégrer ceux qui sont exclus, ceux qui sont marginalisés de longue date et, bien sûr, les Roms.

Le Parlement doit parrainer une conférence sur l’intégration de la communauté rom. Il doit aussi souligner que le travail n’est pas encore terminé; en réalité, il a à peine commencé, et il y a encore beaucoup à faire. Cela signifie que même si la procédure à l’encontre de la France n’est finalement pas engagée, ce débat aura quand même servi à quelque chose parce qu’il s’est avéré opportun et nécessaire.

 
  
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  Ioan Enciu (S&D).(RO) Comme vous le savez tous, 2010 devait être l’Année européenne de la lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale, la discrimination et la xénophobie. Mais je pense en réalité que nous avons perdu la bataille, du moins pour cette année.

La situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, loin de s’améliorer, ne cesse d’empirer. Dans le contexte de la crise économique et financière, les gouvernements de quelques États membres multiplient les actes de discrimination. Il a notamment été fait mention des déportations et des bases de données basées sur des critères ethniques concernant les Roms. Tant que la Commission sera incapable de garantir l’exercice des droits fondamentaux dans l’UE, son image de défenseur de ces droits en pâtira. C’est un risque que cette institution ne peut pas se permettre de courir.

Madame la Vice-présidente, la Commission va-t-elle aussi se pencher et enquêter sur les autres cas de discrimination rapportés dans les États membres? La Commission peut-elle encore clore ses enquêtes, au vu des pressions politiques auxquelles elle est soumise?

 
  
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  Csaba Sógor (PPE). (HU) Le droit européen et international interdit clairement la discrimination ethnique. En dépit de cela, certains États membres sont souvent suspectés de discrimination latente à l’encontre des minorités vivant sur leurs territoires. Je ne parlerai pas de ce type de discrimination à ce stade, mais je voudrais attirer votre attention sur une législation existante qui désavantage ouvertement une minorité ethnique. Bien que le nouveau gouvernement slovaque ait modifié dans le bon sens la loi sur la protection de la langue nationale, cette loi prévoit toujours des amendes. Elle est donc parfaitement capable d’intimider les citoyens dont la langue maternelle n’est pas le slovaque et de les maintenir dans un climat d’insécurité. Dans son avis sur cette loi, la commission de Venise a clairement expliqué que la loi allait à l’encontre de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires et restreignait dans une mesure injustifiée l’usage de la langue minoritaire. Je demanderai à la Commission, à la commissaire et au Parlement européen d’examiner avec soin et de condamner toute pratique, sur le territoire de l’UE, susceptible d’être utilisée comme instrument de discrimination ethnique ou raciale.

 
  
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  Elena Băsescu (PPE).(RO) Il y a un mois, le Parlement européen a exprimé ses craintes concernant l’expulsion massive de citoyens d’origine ethnique rom et a rejeté tout lien entre la criminalité et l’immigration. Pour sa part, la Roumanie encourage, depuis 2007, une stratégie européenne pour l’inclusion des Roms, une idée qui a même été mise en exergue lors du Conseil européen de septembre.

Il est à noter qu’aucune solution satisfaisante n’a été trouvée à ce point. Au contraire, les rapports des médias sur l’existence du fichier Mens en France relancent le débat sur le respect du principe de non-discrimination. Selon moi, la Commission doit ouvrir une enquête dans les États membres concernés pour s’assurer que les procédures administratives ne sont pas lancées sur la base de profils établis à partir de critères ethniques.

Je conclurai en saluant l’engagement officiel pris vendredi passé par le gouvernement français pour se conformer à la législation européenne sur la liberté de circulation. La France et la Roumanie doivent agir de concert pour faciliter l’inclusion sociale des Roms et obtenir les financements nécessaires.

 
  
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  Ulrike Lunacek (Verts/ALE).(DE) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, le débat de ce jour démontre, une fois encore, à quel point la décision prise par le Parlement européen le 9 septembre dernier était importante, en d’autres termes que, selon nous, la France – un État membre – a violé des droits fondamentaux dans ce cas précis en se rendant coupable de discrimination à l’encontre de certaines personnes en raison de leur origine ethnique, et nous vous avons demandé d’intervenir. Vous nous avez expliqué très clairement, avec beaucoup d’enthousiasme et de détermination, tout ce que vous avez fait jusqu’à présent – et vous avez reçu tout notre soutien à cet égard. Nous avons toutefois l’impression que maintenant, vous faites marche arrière. En effet, l’appel en faveur du lancement d’une procédure pour violation des traités qui devait être engagée pour discrimination fondée sur l’origine ethnique n’a une fois de plus été appuyé que par les documents déjà mentionnés par quelques orateurs et dont la presse française a parlé aujourd’hui. Il apparaît clairement qu’il y a eu discrimination à l’encontre des Roms en raison de leur origine ethnique et que ce n’est pas uniquement leur liberté de circulation qui a été violée. Je réitère donc mon appel en faveur d’une intervention et de l’engagement d’une procédure.

 
  
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  Jaroslav Paška (EFD). (SK) Les services de sécurité, dans le cadre pratiquement naturel de leurs actions préventives, créent des bases de données des personnes impliquées dans des activités illégales.

Les bases de données sont créées en accord avec le droit national, l’accès aux données collectées est restreint aux personnes autorisées, et les informations rassemblées ne peuvent être utilisées que pour protéger la société contre toute activité criminelle. Je suis persuadé que, tout comme les services de sécurité des autres pays, les services français et néerlandais ne sont intéressés que par les analyses de sécurité des informations dont ils ont réellement besoin pour leur travail. Les informations sur l’origine raciale ou ethnique ne sont généralement pas concernées. Tout excès de zèle éventuel de la part des services de sécurité peut sûrement faire l’objet d’une enquête et, j’imagine, en fonction des résultats, être géré de manière adéquate pour le rendre acceptable aux yeux de l’Union européenne.

 
  
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  Csanád Szegedi (NI). (HU) Mesdames et Messieurs, le Mouvement pour une meilleure Hongrie (le Jobbik) a proposé dès 2006 d’autoriser la mention de l’origine ethnique d’une personne dans son casier judiciaire, afin que, le cas échéant, l’attention puisse être attirée sur des délinquants tsiganes. Nous maintenons cette position. À l’époque, les médias libéraux, les médias de gauche, ont dit que le Jobbik était un parti extrémiste. Quatre ans plus tard, nous constatons que des listes sont établies en France dans le cadre de l’expulsion des Tsiganes. Nous voyons qu’aux Pays-Bas, ils sont perçus comme une menace pour la sécurité nationale, et l’on découvre l’existence de bases de données là-bas aussi. On retrouve la même chose en Finlande, où l’origine ethnique des délinquants tsiganes est inscrite dans les registres des établissements carcéraux.

Et maintenant, je souhaiterais poser une question à l’un des rapporteurs ici présents, la dame slovaque qui a ri aux éclats au sujet des victimes hongroises. Je trouve extrêmement hypocrite de sa part qu’elle condamne la collecte de données sur les Tsiganes, alors qu’en tant que responsable politique slovaque, elle soutient une loi linguistique raciste qui pénalise des gens sur des bases ethniques parce qu’ils parlent leur langue maternelle.

 
  
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  Viviane Reding, vice-présidente de la Commission.(EN) Madame la Présidente, pour résumer, la procédure contre la France n’a pas été abandonnée. Elle a été différée parce que nous devons attendre la mise en application de la législation dans la pratique et ne pouvons rendre de jugement sur des propositions juridiques. Celles-ci sont acceptables, mais elles doivent être mises en œuvre afin que nous puissions clore l’affaire. Le dossier reste donc ouvert.

Concernant les bases de données ethniques que la CNIL, l’autorité indépendante française de la protection des données, est en train de contrôler en vertu du droit français, et dans le cas présent en vertu des directives européennes, nous devons nous en remettre aux autorités nationales indépendantes de la protection des données, car elles sont responsables de la réalisation de ce type d’analyses conformément au droit européen. Je pense que la CNIL a démontré qu’elle était très capable à cet égard.

Après avoir dit tout cela, je pense qu’il est tout de même très important de revenir sur le fond de la situation.

Nous avons, à part le cas français, 10 millions de Roms en Europe, ce qui en fait la plus grande minorité européenne. Moi, je viens d’un pays qui compte 500 000 citoyens. Les Roms sont 10 millions, vous voyez un peu de quoi il est question. Ils vivent, dans la plupart de nos États membres, dans une extrême pauvreté. Ils ont des problèmes de logement, d’éducation, de santé, de travail, et le fait que ces problèmes n’aient toujours pas été résolus constitue, à mon sens, le plus grand scandale. Alors, j’espère que les agitations actuelles vont se poursuivre, et heureusement, parce qu’on ne peut pas tolérer ce type de discriminations.

Ces agissements auront au moins servi à ce que les États membres se réveillent, parce que j’ai encore en mémoire cette réunion ministérielle à Cordoba, en avril de cette année, où, sur 27 États membres, seuls 3 États membres étaient représentés au niveau ministériel. Eh bien nous aurons, un an plus tard, une nouvelle réunion ministérielle après avoir étudié de près, avec la task-force, la situation des Roms et la question de l’utilisation ou de la non-utilisation des fonds européens pour voir ce qui se passe vraiment. Nous tiendrons donc une nouvelle réunion ministérielle, un an plus tard, afin de voir concrètement quels sont les engagements de tous nos États membres sur des stratégies nationales pour les Roms dans le contexte d’un cadre européen.

J’espère que tout cela – et ce n’est pas très beau – aura servi au moins à une chose, à savoir que les Roms ne soient plus relégués dans un coin lorsqu’il s’agit de faire des politiques pour résoudre le problème de l’extrême pauvreté.

Si nous n’y parvenons pas maintenant, et je crois que nous avons l’opportunité de le faire, la prochaine génération de parlementaires européens aura exactement les mêmes discussions que nous avons eues pendant ces dernières semaines. Cela il faut l’éviter, donc agissons!

 
  
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  La Présidente. – Le débat est clos.

 
  
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  Carlos Coelho (PPE), par écrit.(PT) L’établissement de profils ethniques n’est pas une pratique nouvelle au sein des États membres, mais elle a pris de l’ampleur ces dernières années, en particulier à la suite des attentats de Madrid et de Londres. Cependant, le seul État membre qui s’est penché sur cette question et a légiféré est le Royaume-Uni. L’établissement de profils dans le cadre de bases de données spécifiques peut être légal et justifié. Toutefois, lorsque les critères utilisés pour collecter des données concernent exclusivement l’origine raciale ou ethnique ou la religion, ils doivent être considérés comme discriminatoires, et de ce fait, illégaux. Les autorités sont habilitées à réaliser des contrôles d’identité et des activités de surveillance sur leurs territoires respectifs pour préserver la sécurité et l’ordre publics ainsi que pour prévenir la criminalité et contrôler l’immigration clandestine. Pour autant, les caractéristiques physiques et ethniques des personnes ne devraient pas être perçues comme une indication qu’ils sont des délinquants ou qu’ils résident dans le pays illégalement. Chaque personne doit être traitée sur une base individuelle et l’introduction d’informations les concernant dans une base de données ou la décision de les soumettre à un traitement différent des autres citoyens doit être motivée par d’autres raisons que leur origine raciale ou ethnique.

 
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