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Compte rendu in extenso des débats
Mardi 15 février 2011 - Strasbourg Edition JO

19. Scandale des écoutes en Bulgarie (débat)
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Procès-verbal
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  Le Président. - L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur le scandale des écoutes en Bulgarie.

 
  
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  Andris Piebalgs, membre de la Commission. (EN) Monsieur le Président, permettez-moi de souligner le fait que la législation de l’UE protège la confidentialité des communications électroniques. Elle interdit l’écoute, la mise sur écoute, le stockage ou toute autre forme d’interception ou de surveillance des communications sans le consentement des utilisateurs concernés. En dehors de l’enregistrement légalement autorisé de certaines communications dans le cadre de pratiques commerciales légales comme des transactions commerciales notamment, toute autre forme d’interception, dont les écoutes téléphoniques, est soumise à des conditions particulières.

Les conditions permettant exceptionnellement des formes d’interception doivent être prévues par la législation et être nécessaires, appropriées et proportionnées au sein d’une société démocratique, de manière à défendre des objectifs publics, comme la sécurité publique ou la lutte contre les infractions pénales.

Les principes généraux du droit de l’UE doivent également être respectés. Pour la Commission, la législation bulgare paraît être conforme à ces exigences. La loi sur les moyens spéciaux d’enquête ainsi que la loi sur les communications électroniques prévoient déjà des mécanismes appropriés pour une autorisation, une surveillance, un traitement et un accès légaux aux données personnelles, et elles garantissent donc le respect des droits fondamentaux.

Le problème qui est en jeu ici concerne l’application des obligations juridiques. Il incombe aux autorités bulgares d’assurer le respect des garanties juridiques et procédurales inscrites dans la législation bulgare sur les moyens spéciaux d’enquête.

La Commission insiste sur la nécessité pour les États membres de respecter les droits fondamentaux et les garanties procédurales conformément à l’état de droit lorsqu’ils appliquent le droit de l’UE. Selon la Commission, les autorités bulgares ont pris les mesures nécessaires pour contrôler la légalité du déploiement de moyens spéciaux d’enquête et pour établir si les informations publiées dans la presse résultaient ou non d’une utilisation abusive de moyens spéciaux d’enquête.

N’ayant reçu aucune plainte relative à l’interception de communications électroniques en Bulgarie, la Commission continuera à surveiller la situation actuelle en vue de garantir la conformité avec le droit de l’UE.

 
  
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  Simon Busuttil, au nom du groupe PPE.(EN) Monsieur le Président, le présent débat me surprend beaucoup, car la question n’a même pas été soulevée au sein de la commission compétente, à savoir la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, avant d’aboutir ici.

La mesure que le présent débat attaque concerne un instrument juridique légitime qui peut être utilisé dans la lutte contre la criminalité. Cet instrument prouve au moins que la Bulgarie relève avec sérieux le défi majeur de la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, ce que nous lui demandons depuis longtemps. Les mesures prévues par la loi peuvent être exercées d’une manière légitime et nous voulons qu’elles soient exercées d’une manière légitime.

La loi prévoit que seuls le ministère public ou les organes chargés de l’application de la loi, comme la police ou les organes responsables de la sécurité nationale, peuvent demander que des écoutes téléphoniques soient effectuées s’ils soupçonnent que la personne en question est impliquée dans une activité criminelle, et après en avoir reçu l’autorisation d’un juge.

La loi relative au recours à des services spéciaux de renseignements limite les objectifs et établit que de telles mesures ne peuvent être appliquées que dans le but de lutter contre la criminalité organisée ou pour protéger la sécurité nationale. Les informations recueillies doivent rester confidentielles et ne peuvent être utilisées qu’à des fins définies par la loi. Il existe également un contrôle parlementaire de ce système juridique. Des garanties existent donc clairement, en particulier des garanties de sauvegarde de la vie privée des gens et de respect de la protection des données, et je ne vois pas en quoi cela est contraire à la loi. C’est pourquoi s’en prendre maintenant à cet instrument équivaudrait à mettre en cause de façon irresponsable les efforts accomplis par un État membre pour tenter de lutter contre la criminalité organisée et la corruption.

Cette attaque ternit fortement l’image de la Bulgarie, car cette lutte est d’une importance extrême pour ce pays dans le cadre de son mécanisme de coopération et de vérification, mais aussi dans la perspective d’une entrée dans l’espace Schengen. C’est pourquoi je ne vois qu’une seule explication plausible à ce débat: une motivation politique.

 
  
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  Hannes Swoboda, au nom du groupe S&D.(EN) Monsieur le Président, je faisais partie des députés qui s’étaient prononcés en faveur de l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne.

Je suis ravi que la Bulgarie soit désormais un État membre, mais je suis très déçu par certaines mesures prises par l’actuel gouvernement bulgare. Oui, nous soutenons fermement la lutte contre la corruption. C’est une lutte très importante et nous soutenons pleinement les propos de la Commission lorsqu’elle dit qu’il faut, en Bulgarie, des lois régissant les enregistrements sur bandes vidéo et les méthodes d’interception.

Le commissaire s’est montré très prudent. Il a déclaré qu’il semblait y avoir conformité avec les normes européennes et il a très clairement déclaré que les mesures devaient être proportionnées. Peut-on parler de mesures proportionnées lorsque, tout d’un coup, en à peine trois ans, le nombre d’interceptions passe de 6 000 en 2008 à 16 000 en 2010? Le fait que seulement 2 % des enregistrements sur bandes vidéo vont aux tribunaux et sont utilisés dans 1 % des condamnations constitue-t-il une mesure proportionnée et juste?

Est-il proportionné et juste que les poursuites judiciaires soient filtrées par le ministère de l’intérieur? Pourquoi tout n’est-il pas confié aux pouvoirs judiciaires? Pourquoi ce filtrage par le ministère de l’intérieur? Que fait le ministère de l’intérieur de tout ce qu’il reçoit? Je voudrais que la Commission examine son mécanisme de surveillance par rapport à ce qui se passe avec le restant des données.

Le parlement de Sofia et les médias bulgares émettent également des doutes sérieux quant aux possibilités du ministère de l’intérieur de protéger les informations. Nous avons déjà constaté des fuites à ce sujet.

Vous avez parlé de Schengen et il est vrai que nous voulons une extension des frontières de Schengen. La Bulgarie et la Roumanie en font désormais partie, mais lorsqu’on voit ce qui s’y passe, il n’est pas surprenant que certains Européens se montrent critiques à l’égard de cet élargissement.

Je voudrais demander au commissaire de faire son travail, comme il l’a déjà fait, et de demander au gouvernement bulgare de mettre fin à cette mauvaise application et mise en œuvre de la loi, et de mettre en place des pratiques très restrictives à propos de ces interceptions. Soyez justes, soyez ouverts, soyez transparents et arrêtez ce genre de violation de l’esprit de la législation européenne.

(L’orateur accepte de répondre à une question «carton bleu» (article 149, paragraphe 8, du règlement))

 
  
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  Andrey Kovatchev (PPE).(BG) Monsieur le Président, je voudrais poser une question à M. Swoboda. Vous avez cité des données concernant 2008 et 2010.

Pourriez-vous me dire d’où vous tenez ces chiffres et croyez-vous vraiment qu’ils soient corrects? Vous avez déclaré que seulement 1 à 2 % des données étaient utilisées en justice. Les données qui circulent en Bulgarie sont très différentes, et les chiffres concernant le nombre de personnes qui ont réellement fait l’objet d’écoutes ainsi que le pourcentage de données utilisées comme preuve devant les tribunaux sont très différents. Pour 2009, le chiffre était de 30 % et pour 2010, il était de 40 %. Autrement dit, les chiffres sont tout à fait différents de ceux que vous venez de citer.

 
  
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  Hannes Swoboda (S&D).(EN) Monsieur le Président, nous avons reçu de sources bulgares des chiffres différents. Nous devrions peut-être demander à la Commission de trouver qui a raison. D’après mes renseignements qui émanent de sources en Bulgarie, le pourcentage de renvois devant le ministère public est très faible, et très peu de ces renvois donnent lieu à des condamnations.

C’est ce que nous savons; telles sont les informations dont nous disposons à partir de diverses sources. Je pense qu’il existe aussi un rapport rédigé par le parlement bulgare. Il faudrait que la Commission l’examine. Pourquoi y a-t-il ce scandale en Bulgarie? Nous devons absolument en connaître les raisons.

(L’orateur accepte de répondre à une question «carton bleu» (article 149, paragraphe 8, du règlement))

 
  
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  Dimitar Stoyanov (NI).(BG) Monsieur le Président, juste une rapide question à M. Swoboda. Savez-vous que l’enquête dont vous avez parlé est aux mains du ministère de l’intérieur et a été retirée aux autorités judiciaires lorsqu’est arrivé au pouvoir le parti socialiste bulgare, qui fait partie de votre groupe?

 
  
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  Hannes Swoboda (S&D).(EN) Monsieur le Président, tout cela semble être un problème de politique politicienne selon M. Stoyanov et M. Busuttil. Pour moi, ce n’est pas une question de politique politicienne. Pour moi, il s’agit d’un simple problème de droits, de droits de l’homme, ainsi que de l’observation et du respect du droit européen, peu importe qui a transféré les données au ministère de l’intérieur.

En deuxième lieu, l’important est la manière dont ces données sont utilisées. Vous pouvez utiliser cet instrument d’une manière très restrictive ou vous pouvez l’utiliser d’une manière très large. Je le répète: il est très intéressant de savoir ce qui est fait des données détenues par le ministère de l’intérieur. C’est cela le grand problème. Il y a toujours un risque, lorsqu’un volume aussi important de données est conservé sans qu’il ne soit transmis au ministère public, qu’il fasse l’objet d’une utilisation abusive – soit pour des raisons politiques, soit pour des raisons personnelles. Nous devons lutter contre ces utilisations abusives.

 
  
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  Diana Wallis, au nom du groupe ALDE.(EN) Monsieur le Président; je vous remercie, Monsieur le Commissaire, pour votre déclaration très circonspecte. Les députés qui me connaissent et qui connaissent les douze années que j’ai passées au sein de cette Assemblée savent que j’interviens avec une grande réticence dans de tels débats mais, il y a un peu plus d’un an, lorsque j’exerçais la vice-présidence du Parlement, j’ai été invitée à me rendre en Bulgarie pour parler du programme de Stockholm en matière de justice.

Il apparaît clairement que, dans le cadre de notre programme en matière de justice, l’accent est moins mis sur la sécurité et il est davantage mis sur la justice, et chacun d’entre nous doit rétablir un juste équilibre au sein de nos États membres. Je me rappelle, lors de ma visite en Bulgarie, le vif intérêt témoigné par les juges bulgares pour ce que nous faisons et pour ce que nous voulons obtenir à l’échelle de l’Union. J’ai toutefois été surprise de recevoir la semaine passée la visite, dans mon bureau à Bruxelles, de quelqu’un qui m’a informée que des gens en Bulgarie recevaient la visite des services secrets chez eux en pleine nuit. C’est une chose qui m’est tout à fait étrangère et que je trouve très difficile à comprendre, et j’ai du mal à en parler.

Cela dit, il me semble, comme l’a déjà déclaré M. Swoboda, que l’actuelle législation sur les écoutes téléphoniques – appelons-là comme elle est – a l’air correcte. Auparavant, les contrôles étaient réalisés par un organe indépendant; c’est désormais un organe parlementaire qui effectue ces contrôles. Cela a-t-il entraîné moins de considération des droits? Il semble effectivement y avoir une augmentation du nombre, et une augmentation du nombre semble indiquer – et j’insiste sur le mot «semble» – que les juges admettent plus facilement et plus rapidement cette possibilité.

Une des raisons pour lesquelles je souhaite intervenir concerne un problème connexe qui a trait à l’initiative citoyenne. Il semble que les gens ont l’impression de faire l’objet de pressions pour retirer des signatures. Nous devons mettre en œuvre l’initiative citoyenne européenne dans le courant de l’année prochaine. Je souhaite que la Commission soit très attentive pendant cette période.

 
  
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  Jaroslav Paška, au nom du groupe EFD.(SK) Monsieur le Président, le recours à des formes spéciales de surveillance est un problème sensible dans n’importe quel pays.

Nous soupçonnons le gouvernement de les utiliser non seulement pour lutter contre la criminalité organisée, mais également pour contrôler et éliminer l’opposition politique. La situation en Bulgarie est cependant particulièrement étrange. Les informations obtenues en interceptant des conversations téléphoniques dans des conditions douteuses n’aboutissent pas aux organes compétents; elles apparaissent dans les différents médias. Le Premier ministre bulgare a même annoncé que les plus hauts représentants de l’État font eux aussi constamment l’objet d’écoutes par les services secrets. Apparemment, ce serait pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée. Il n’est pas si fréquent qu’un chef de gouvernement admette qu’il a en ses collègues les plus proches une telle confiance qu’il doit les mettre sur écoute téléphonique afin qu’ils ne succombent pas à la tentation de se livrer à de la corruption ou de collaborer avec la criminalité organisée.

Quoi qu’il en soit, la situation est spéciale dans ce domaine en Bulgarie et je crois qu’il serait bon d’aider nos amis bulgares à régler ce problème d’application de la législation appropriée.

 
  
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  Dimitar Stoyanov (NI).(BG) Monsieur le Président, nous avons en Bulgarie une expression pour qualifier ce qui se passe dans le présent débat: «le voleur crie "au voleur!"». Lorsque la coalition tripartite était au pouvoir, les services étaient infiltrés par la mafia, avec les conséquences toxiques que nous connaissons aujourd’hui.

Lorsque la coalition était au pouvoir, j’ai moi-même été battu par la police lors d’une manifestation de protestation de l’opposition. Plus tard, ces loups déguisés en moutons, qui se présentent désormais à vous en tant que militants contre un État policier, ont modifié la loi en vertu de laquelle l’affaire contre mes agresseurs est en instance devant le tribunal depuis trois ans. Pendant votre mandat à vous socialistes et royalistes, la police a attaqué des manifestants pacifiques, et voilà que maintenant vous faites toute une histoire à propos de violations des libertés civiles.

Lorsque vous étiez au pouvoir, le journaliste Ognyan Stefanov a été battu à mort, et vous vous plaignez maintenant de censure. Lorsque vous étiez au pouvoir, il y avait des enlèvements tous les jours. La mafia était toute puissante alors que les citoyens n’avaient aucun droit. Les tribunaux étaient achetés et vendus. Lorsque vous étiez au pouvoir, les manœuvres politiques douteuses et les liquidations des avoirs nationaux étaient devenus des modèles de gouvernement.

Et voilà que vous reprenez vos vieilles habitudes; vous essayez d’empêcher la Bulgarie de rejoindre l’espace Schengen, dans l’espoir de pouvoir faire endosser à d’autres la responsabilité de votre gouvernement criminel. Sachez que vous n’y arriverez pas; les électeurs ne sont pas dupes. Ils vous ont éjecté du pouvoir, ils vous ont jeté à la poubelle politique, et aucune iniquité dont vous puissiez rêver ne changera cette situation.

 
  
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  Mariya Nedelcheva (PPE).(BG) Monsieur le Président, chaque débat au sein du Parlement européen reflète les intérêts des citoyens européens.

Par contre, le débat d’aujourd’hui illustre bien la manière dont la scène européenne peut devenir un outil servant des intérêts politiques nationaux égoïstes. Lorsque l’ordre du jour européen est bouleversé par des questions nationales on ne peut pas interpréter cela comme une attitude de responsabilité nationale; c’est d’un conflit qu’il s’agit: un conflit avec les valeurs que sont censés défendre les députés élus par les citoyens bulgares au Parlement européen. Se reconnaîtront-ils dans ce débat? J’en doute.

Mes collègues députés ont sans aucun doute raison lorsqu’ils affirment que les citoyens bulgares doivent savoir ce qui se passe dans leur propre pays et si leurs droits constitutionnels sont respectés. Il y a toutefois une limite que les institutions démocratiques ne peuvent pas franchir pour protéger les intérêts de groupes d’intérêt douteux dont l’objectif est clair: discréditer la Bulgarie qui est sur la voie de l’Europe et discréditer le gouvernement du GERB dans ses tentatives de mettre fin aux pratiques louches qui ont pu s’accumuler pendant de nombreuses années. Je voudrais attirer votre attention sur certaines remarques formulées par mes collègues députés.

Premièrement, l’affirmation selon laquelle le nombre des cas d’écoutes aurait doublé. Les chiffres officiels sont tout à fait différents. Ils sont publiquement disponibles à quiconque cherche à connaître la vérité. Je voudrais toutefois poser une question: depuis quand ces informations sont-elles transparentes? Il n’y a qu’une seule réponse: depuis l’arrivée au gouvernement du GERB, qui considère que la transparence et le libre accès pour les citoyens aux informations officielles constituent un principe fondamental.

Deuxièmement, l’affirmation selon laquelle la fermeture du bureau créé pour contrôler les systèmes d’écoute en Bulgarie aurait supprimé le contrôle juridique de leur utilisation est totalement infondée. Je voudrais vous rappeler que ce bureau n’a jamais fonctionné correctement, en particulier parce que l’idée initiale de sa création émanait des autorités exécutives. Il n’est nullement besoin de vous rappeler que la Bulgarie est une république parlementaire, et que la sous-commission spéciale chargée du contrôle et de la surveillance parlementaire des procédures d’autorisation, d’application et d’utilisation des systèmes d’écoute a été créée dans le cadre du respect des institutions démocratiques et de la constitution.

Je voudrais également vous rappeler que tous les partis politiques sont représentés au sein de la sous-commission et qu’ils sont représentés selon le principe de parité. Par ailleurs, le parti au pouvoir n’est pas autorisé à présider la commission. Tout cela montre que le législateur bulgare a incorporé des garanties absolues pour que ces activités soient exercées d’une manière légale et celles-ci sont soutenues par des contrôles fiables. Il est difficile de changer le statu quo et il est encore plus difficile de créer quelque chose de positif. Le plus difficile, toutefois, c’est quand certains représentants de notre pays entraînent l’institution la plus démocratique d’Europe dans une polémique interne dont les buts sont très éloignés de ceux que nous défendons ici tous les jours.

 
  
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  Claude Moraes (S&D).(EN) Monsieur le Président, il est toujours gênant pour un État membre de voir sa situation intérieure faire l’objet d’une investigation. Je tiens à déclarer, dans le même esprit que celui signalé par Mme Wallis, que mon propre gouvernement au Royaume-Uni a fait l’objet d’une enquête à la suite de son opération d’extradition, parce qu’il aurait fait torturer certaines personnes. Cela a bien sûr été très gênant pour moi et pour mon gouvernement au Royaume-Uni, mais j’ai participé activement à cette enquête, parce qu’il fallait le faire à l’échelle européenne.

Pourquoi? Et pourquoi sommes-nous aujourd’hui en train de discuter des dispositions internes du gouvernement bulgare en matière de procédés d’interception? Ce n’est pas à cause de la Bulgarie, mais parce que nous sommes une communauté de valeurs. En tant que communauté de valeurs, la question est celle soulevée par le commissaire – et je cite: «les pratiques d’interception doivent être utilisées de façon exceptionnelle». Je ne suis pas un juriste aussi célèbre que Mme Wallis, mais je suis juriste et je sais que vous ne pouvez utiliser des procédés d’interception que de façon exceptionnelle. C’est une de ces choses qui, si elles sont utilisées de manière inutile, inappropriée ou disproportionnée, deviennent des armes de l’État plutôt que des outils permettant de lutter contre la criminalité organisée, ce qui est très important tant en Bulgarie que partout ailleurs dans l’Union européenne.

Peu importe quel parti politique est à l’origine de ce débat; le fait de passer de la discussion d’une lutte contre la criminalité organisée à l’utilisation d’un instrument de l’État d’une façon disproportionnée est très grave pour l’Union européenne et il ne concerne pas uniquement la Bulgarie aujourd’hui. Demain il pourrait s’agir d’un autre État membre.

J’ai soigneusement examiné l’ensemble des sources et des chiffres, et je voudrais poser la question suivante à mes collègues de tous les partis représentés au sein de cette Assemblée: y a-t-il quelqu’un qui affirme qu’il y a ou qu’il n’y a pas eu une utilisation inappropriée ou disproportionnée des procédés d’interception? Si vous voulez contester les chiffres avancés par M. Swoboda, y a-t-il quelqu’un qui conteste le fait qu’une utilisation disproportionnée des procédés d’interception a bien eu lieu? J’ai consulté de nombreuses sources avant mon intervention d’aujourd’hui, parce que nous devons faire preuve de circonspection par rapport à de tels problèmes. Je n’ai entendu personne, quelle que soit la position prise dans ce débat, déclarer qu’une utilisation disproportionnée n’a pas eu lieu.

C’est pourquoi la Commission doit se pencher sur ce problème.

(Le Président retire la parole à l’orateur)

 
  
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  Gianni Vattimo (ALDE).(IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, en tant que citoyen italien, je ne suis certainement pas contre les écoutes téléphoniques pour autant qu’elles soient utilisées légalement. En Italie, elles sont très utiles pour lutter contre la mafia, et récemment elles ont été utilisées pour mettre en cause le président Berlusconi dans une affaire de corruption et de prostitution présumées de mineures.

Le cas du gouvernement bulgare paraît être totalement différent dans la mesure où il a utilisé des écoutes téléphoniques dans le but de criminaliser l’opposition, provoquant une panique générale au sein d’organisations sociétales complexes et cherchant à établir un lien entre opposition et criminels de droit commun, ce qui lui a permis d’agir sans aucun respect des droits de l’homme et d’établir un État policier. Des situations comme celle-là ne peuvent mener qu’à de nouveaux actes de violence sociale.

J’estime par conséquent que le Parlement et la Commission européenne doivent se montrer particulièrement attentifs à la situation en Bulgarie et chercher à limiter les dégâts que risque de causer le comportement du gouvernement bulgare.

 
  
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  Ernst Strasser (PPE).(DE) Monsieur le Président, Monsieur Piebalgs, j’ai suivi très attentivement le présent débat ainsi que celui sur l’Albanie. Quelle différence! Dans le débat sur l’Albanie, des efforts ont été réalisés en vue de maintenir un ton poli, aimable en dépit des divisions de partis. Ici, des insinuations ont été faites qui sont complètement non-fondées. Dans l’autre débat, l’objectif consistait à rapprocher les deux parties principales. Ici, l’objectif de l’une d’entre elles est de semer la zizanie entre les deux parties. Dans l’autre débat, les deux parties désiraient se rapprocher et collaborer dans l’intérêt du bien-être de la population. Ici malheureusement, une partie de l’Assemblée préjuge de la situation.

Pourquoi agissez-vous ainsi? Pourquoi ne vous ai-je pas entendu citer un seul fait? Vous vous êtes contenté d’utiliser des expressions comme «cela semble être le cas …» ou «nous savons de certaines sources …» ou encore «nous avons appris que …». Si c’est ainsi que vous percevez la situation, pourquoi ne vous adressez-vous pas aux commissions parlementaires compétentes? Pourquoi ne vous adressez-vous pas à la sous-commission chargée de la sécurité et de la défense? Pourquoi n’interrogez-vous pas la Commission? Au lieu de cela, vous réclamez un débat public, parce que c’est cela que vous voulez, pour des raisons politiques. Nous nous y opposons. Nous ne comprenons pas pourquoi ce débat a lieu au détriment du gouvernement bulgare et du peuple bulgare. Si des choses doivent être discutées, je vous invite à le faire au sein des commissions compétentes.

Il va sans dire qu’il doit y avoir pour nous un état de droit, un système judiciaire qui fonctionne et des contrôles parlementaires adéquats, en particulier dans le cas de matières sensibles comme celle de cet instrument, et tout cela doit relever de la responsabilité d’un parlement qui a été mis en place par le présent gouvernement et qui est composé de représentants de l’ensemble des partis présents au parlement. Je remercie Mme Malmström d’avoir déclaré la semaine passée à Sofia qu’il s’agissait d’un problème interne et je remercie aussi le commissaire d’avoir déclaré sans équivoque que le gouvernement bulgare avait pris toutes les mesures nécessaires.

 
  
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  Hannes Swoboda (S&D).(EN) Monsieur le Président, une motion de procédure. Il y avait un type là-bas qui nous filmait, y compris lorsque nous étions en train de signer.

Il prétend être de la délégation bulgare. Je ne vois pas comment il pourrait en être ainsi puisque tous les députés bulgares semblent être présents. Il est très étrange que quelqu’un ait pu pénétrer dans l’hémicycle et nous ait filmés pendant que nous parlions et signions.

Les services pourraient-ils enquêter sur ce qui s’est passé? Car il est inadmissible que des étrangers pénètrent dans l’hémicycle et filment ce que nous faisons?

 
  
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  Le Président. - Oui, Monsieur Swoboda; je vais me renseigner et nous prendrons les mesures qui s’imposent.

 
  
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  Iliana Malinova Iotova (S&D).(BG) Monsieur le Président, le débat d’aujourd’hui ne concerne pas seulement les écoutes à grande échelle en Bulgarie. Il concerne les tendances alarmantes à suspendre les droits des citoyens en Europe.

Les problèmes de politique intérieure relèvent de la responsabilité des autorités bulgares compétentes, qui doivent les examiner et les résoudre elles-mêmes. Au niveau européen, il n’y a aucun vice de forme en matière d’harmonisation avec la législation européenne et vous avez raison, Monsieur le Commissaire: les problèmes résident dans l’application. C’est pourquoi nous vous avons demandé ce que vous comptiez faire pour éviter que le droit européen soit mal appliqué. Je vous réponds donc, Monsieur Strasser, que nous avons renvoyé cette question devant la Commission.

Le scandale bulgare a mis en péril la charte, le programme de Stockholm, la directive 95/46/CE ainsi que de nombreux documents relatifs à la protection des données, parce qu’en Bulgarie, l’enregistrement des conversations des médecins est rendu public sans justification légale et sans que n’existe la possibilité d’une défense en justice.

L’énorme augmentation du nombre de procédés d’écoute est inversement proportionnelle à leur efficacité judiciaire. On peut craindre que les informations recueillies soient utilisées à des fins politiques, ce qui serait particulièrement dangereux à un an des élections. Monsieur le Commissaire, nous demandons instamment à la Commission de présenter une initiative en vue de l’instauration d’organes indépendants chargés du contrôle des procédés d’écoute dans les États membres.

Ces procédés sont très importants pour pouvoir lutter contre la corruption et la criminalité, et c’est la raison pour laquelle nous en appelons à vous pour garantir leur utilisation légale dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification.

 
  
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  Stanimir Ilchev (ALDE).(BG) Monsieur le Président, l’escalade dans l’utilisation de procédés spéciaux d’écoute en Bulgarie est un fait, et c’est la raison pour laquelle les gens sont si excités et préoccupés.

C’est l’instance parlementaire bulgare de contrôle qui a présenté ces conclusions cruciales. Je voudrais que la Commission prenne connaissance de ces conclusions. Il y a encore d’autres problèmes importants. La Commission pourrait-elle lancer un signal à ceux qui ne savent pas où se situe la fine ligne de démarcation entre sécurité et liberté? La Commission compte-t-elle condamner les personnes qui utilisent les instruments de l’État pour défendre des intérêts de politique politicienne voire des intérêts personnels? Par ailleurs, avec quelle détermination la Commission compte-t-elle exhorter un parlement national – et pas nécessairement le parlement bulgare – à résoudre le problème des divergences législatives et à rétablir tous les organes indépendants de contrôle qui ont été supprimés?

Il est devenu évident que des informations recueillies clandestinement ont été partagées, non seulement à l’intérieur du cercle des services spéciaux, mais également avec des personnalités politiques dans la hiérarchie des services de sécurité, que du personnel local filtre les informations, ce qui, selon la loi, n’est pas de son ressort, et que des procédés d’écoute sont fréquemment utilisés pour des motifs techniques spécieux et probablement sans raison valable.

Malheureusement, les services spéciaux bulgares, impliqués comme ils le sont dans la lutte contre la criminalité, ont développé le réflexe primaire de surveiller quasiment tout ce qui bouge et respire. Il n’est pas surprenant que des magistrats respectés – pas des responsables politiques, notez-le bien – prétendent que soit le système est défectueux, soit il y a une politique délibérée de régression. Les défauts doivent être éliminés et c’est pour cela que nous nous battons maintenant. Mais lorsqu’il s’agit de faire délibérément des pas en arrière, j’estime que nous devons tous nous y opposer et proclamer que ce sont les droits de l’homme, les libertés et l’inviolabilité de la vie humaine qui constituent le noyau de la philosophie politique européenne.

Le programme de Stockholm n’a pas été relégué au musée. Il exige que nous fassions de l’Europe un espace de liberté, de sécurité et de justice, et nous ne pouvons pas permettre que des individus, des partis ou des gouvernements ramènent un quelconque État membre à une sombre période de répression, d’injustice et d’insécurité.

 
  
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  Andrey Kovatchev (PPE).(BG) Monsieur le Président, ce que nous avons entendu de la part de la Commission confirme le fait que la législation bulgare en matière d’utilisation de systèmes d’écoute est conforme au droit européen. Nous ne pouvons pas faire autrement, car chaque État membre est tenu de garantir à ses citoyens les droits fondamentaux et des procédures légales, et c’est ce que fait la Bulgarie.

Qu’est-ce qui a alors provoqué le débat d’aujourd’hui au sein de l’Assemblée? La réponse est simple. Une campagne électorale est en cours en Bulgarie et l’opposition bulgare a mis la lutte entre partis sur la scène du Parlement européen, manifestement sans se soucier du discrédit qui peut être jeté sur la Bulgarie et dans le seul but de recueillir des avantages politiques, ce qui, je vous l’assure, est extrêmement discutable.

Il doit être difficile pour les institutions européennes de se convaincre des bonnes intentions des représentants de l’ancienne coalition tripartite bulgare, car il y a eu pendant leur gouvernement de nombreux cas de corruption, une réticence à lutter contre la criminalité, et un manque de confiance de la part de l’Union européenne. Il est clair que les députés qui sont à l’origine de ce débat n’avaient plus la patience d’attendre des réponses de la Commission et qu’ils voulaient que le débat ait lieu avant la publication du rapport intérimaire sur les progrès réalisés par la Bulgarie dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification.

Je voudrais plaisanter un peu à présent. Mes collègues députés sont manifestement guidés par l’intention hautement patriotique de faire un maximum de tort au gouvernement bulgare. C’est une honte que dans cette enceinte vide, à moitié-vide ou pratiquement vide, nous Bulgares soyons à couteaux tirés. Au lieu de nous unir dans l’intérêt de nos concitoyens, nous nous laissons influencer par des ouï-dire, des manipulations et une guerre politique de dénigrement.

L’actuel gouvernement bulgare est en butte aux attaques de l’ancien statu quo, des restes du régime communiste encore dans les structures du pouvoir, et de ceux qui se sont illégalement enrichis durant la période de transition. L’objectif de ce front uni n’est pas simplement de déstabiliser la Bulgarie et de faire avorter les efforts du GERB pour arriver à une société plus juste, mais il est de discréditer notre pays aux yeux de nos partenaires européens. Je le répète: ce qui se passe ici ce soir est lamentable et honteux.

Ces cercles politiques et économiques sont évidemment jaloux du succès du gouvernement dans sa lutte intransigeante contre la criminalité et la corruption, ainsi que de la manière honnête et transparente dont le gouvernement mène sa politique. Ces derniers jours, des collègues députés de l’opposition bulgare ont présenté la situation en Bulgarie de la manière la plus sombre possible. Ils parlent de peur, d’État policier, de répression, de famine, de pauvreté, de régression, etc. L’image de la Bulgarie est ternie dans le but de gagner des avantages politiques à court terme. C’est l’inverse qui est vrai.

Il n’y a ni tueurs à gages ni enlèvements; un coup sérieux a été porté à la criminalité organisée, et les canaux de corruption qui bénéficiaient aux cercles de l’ancien statu quo ont été supprimés, tant au niveau économique qu’au niveau politique. Le pays est stable sur le plan macroéconomique et ses conditions d’investissement sont parmi les meilleures en Europe. Le gouvernement est stable, le parlement bulgare jouit d’une majorité stable; il gouverne avec transparence et il représente un partenaire européen respecté et digne.

Enfin, je voudrais demander une nouvelle fois à mes collègues députés des autres États membres ici présents de m’excuser pour ce gaspillage de leur temps à cause de ce malheureux débat pré-électoral bulgare.

 
  
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  Ioan Enciu (S&D).(RO) Monsieur le Président, l’utilisation de procédés d’interception et d’écoutes téléphoniques illégaux en Bulgarie est extrêmement grave, mais ce qui est encore plus grave, c’est qu’il ne s’agit pas du seul cas de ce type au sein de l’Union européenne.

Monsieur le Commissaire, le présent débat aurait dû concerner aussi un autre État membre, à savoir la Roumanie. En Roumanie en 2011, des écoutes de discussions privées sont effectuées en l’absence de tout mandat légal, alors que la constitution, la législation nationale ainsi que la législation européenne imposent une interdiction totale de toute forme d’ingérence dans la vie privée des gens sans justification solide et sans en avoir reçu l’autorisation explicite d’un juge. Des conversations entre journalistes, entre responsables politiques, sont enregistrées illégalement, de même que des discussions internes lors de réunions des partis de l’opposition ou de réunions privées au sein des tribunaux. Le droit fondamental à la protection de la vie privée est systématiquement et constamment bafoué. Les écoutes téléphoniques illégales sont devenues la méthode d’investigation préférée du ministère public. Les services secrets contrôlent en permanence les conversations téléphoniques des opposants politiques au gouvernement actuel. La situation est très grave et j’en appelle à la Commission européenne pour qu’elle intervienne d’urgence afin que soit garanti le maintien de l’état de droit et de la démocratie dans ces deux États membres.

 
  
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  Vladimir Urutchev (PPE).(BG) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de répéter les propos de la Commission européenne, à savoir que l’actuel gouvernement bulgare fait preuve d’une réelle ambition de lutter contre la criminalité organisée. Très peu nieront que, pour la première fois, notre pays a accompli de réels progrès dans ce domaine. C’est pour les obtenir que les électeurs bulgares ont voté en 2009.

Ces résultats ont été obtenus grâce aux actions déterminantes menées par les organes chargés de l’application des lois, qui ont fait appel à toutes les méthodes légales de détection de la criminalité. Il est normal que le nombre d’opérations – et par conséquent le nombre de personnes faisant l’objet d’une enquête – augmente; c’est la preuve d’une plus grande efficacité.

Ne soyons toutefois pas naïfs. La criminalité organisée possède des ressources énormes, acquises pendant des années d’impunité et d’inaction, qui lui permettent des réactions sans précédent. Elle a activé un mécanisme de sape de la coalition au pouvoir en la discréditant dans le domaine dans lequel elle est la plus forte.

Cette campagne a été déclenchée par la publication d’enregistrements d’écoutes téléphoniques soigneusement sélectionnés et manipulés, diffusés sur des clés USB par des inconnus. Dans leurs commentaires, les médias et les responsables politiques se rejettent mutuellement les atrocités perpétrées en Bulgarie, les menaces dont sont victimes les citoyens, et la manière dont les conventions et déclarations fondamentales ont été mises à mal.

Ceux qui ont provoqué cette hystérie, ceux qui ont obtenu et diffusé illégalement ces informations qui jettent le discrédit, ces gens-là se frottent maintenant les mains avec allégresse. Ils n’ont probablement même pas imaginé à quel point il serait aisé de faire mordre à l’hameçon: même le 4x4 dans lequel les clés USB ont été transportées a été volé.

Certains de ces responsables politiques ici présents sont parvenus à répandre cette hystérie jusqu’au Parlement européen, en la présentant comme le scandale des écoutes en Bulgarie. Un tel scandale n’existe pas en Bulgarie. Il y a seulement une offensive bien organisée menée pour jeter le discrédit sur la coalition au pouvoir dans le pays ainsi que sur ses personnalités les plus éminentes. Les responsables politiques discrédités des partis de l’opposition ont pris le train en marche dans l’espoir de recueillir des avantages lors de la future campagne électorale.

Permettez-moi de demander à mes collègues députés s’ils savent de qui ils font le jeu en agissant ainsi.

 
  
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  Ivailo Kalfin (S&D).(BG) Monsieur le Président, je voudrais m’adresser au commissaire Piebalgs, parce que beaucoup de propagande a été faite aujourd’hui par le parti au pouvoir en Bulgarie. La commission parlementaire, présidée par le partenaire de la coalition du parti au pouvoir, les nationalistes d’Ataka, a présenté au parlement bulgare un rapport signalant que le gouvernement filtrait les informations obtenues à partir d’écoutes téléphoniques avant de les transmettre aux tribunaux.

Ce rapport signale que le gouvernement ne respecte pas les informations personnelles confidentielles, qui sont publiées dans les médias. Le rapport signale également – et je répète qu’il a été rédigé par le parlement bulgare – que les droits fondamentaux des gens vivant en Bulgarie, et qui sont en plus citoyens européens, sont violés. C’est donc un certain nombre de directives européennes qui sont violées, ainsi que la charte des droits fondamentaux.

Je crois également que la seule option qui reste à la Commission est de comparer la législation bulgare et son application avec les exigences imposées à l’ensemble des citoyens européens. Ce n’est pas une question de propagande ni une campagne de politique politicienne. C’est une question de faits concrets, et nous pensons que la Commission, en tant que gardienne des traités, doit en avoir connaissance et émettre un avis.

 
  
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  Nadezhda Neynsky (PPE).(BG) Monsieur le Président, étant une des dernières à prendre la parole dans le cadre de ce débat, je voudrais résumer la situation en quelques mots. Le débat d’aujourd’hui ne concerne pas certains procédés spéciaux d’écoute en Bulgarie et ce n’est pas non plus un débat pour ou contre l’un ou l’autre ministre. C’est un débat qui a trait aux principes et valeurs de l’Europe, et c’est pour cette raison qu’il avait naturellement sa place au sein de cette Assemblée, parce qu’il y est question de liberté, de droits de l’homme, de lois démocratiques, et que ce n’est pas un pur débat de politique intérieure.

La discussion sur les droits de l’homme fait partie de la philosophie d’une Europe unifiée, l’objectif qui a inspiré les nouvelles démocraties après la chute du mur de Berlin. S’ils ne croient plus que l’Europe repose sur des principes, de nombreux citoyens de ces pays concluront que la voie menant à l’Europe, qui a été si longue et si difficile, n’aura été qu’un exercice futile.

Le débat d’aujourd’hui porte sur la vérité. La vérité ne peut être ni de gauche ni de droite. Il n’y a pas de demi-vérité. Il n’y a toujours qu’une seule vérité, et nous prions instamment les institutions bulgares compétentes de la nommer le plus rapidement possible. Car plus elles attendront, délibérément ou non, pour fournir une réponse, plus elles alimenteront la rumeur inique et elles ne serviront ainsi que ceux qui prétendent la combattre.

Le débat d’aujourd’hui porte également sur la responsabilité – non pas celle des gouvernements passés ou futurs, mais celle du gouvernement actuel. Ce qui distingue les gouvernements démocratiques, c’est le fait qu’ils sont en permanence responsables devant leurs électeurs, que ceux-ci soient pour ou contre le gouvernement. Assimiler l’opposition à la criminalité organisée est le procédé suivi par un autre type de gouvernance, une gouvernance qui n’a rien à voir avec la démocratie.

 
  
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  Iliana Ivanova (PPE).(BG) Monsieur le Président, après avoir entendu tout cela, je ne peux dire qu’une seule chose: nous avons malheureusement été une nouvelle fois témoins d’un spectacle pitoyable mis en scène par l’opposition bulgare pour amener un débat de politique intérieure devant le Parlement européen.

Ceux qui ont lancé ce débat, les socialistes et les libéraux, qui ont gouverné notre pays pendant huit ans, veulent manifestement utiliser la moindre occasion pour ternir publiquement l’image de la Bulgarie devant nos partenaires européens. La querelle d’aujourd’hui ne permettra pas de dire qui a tort et qui a raison, mais ce qu’on retiendra, c’est l’acrimonie de notre débat, nos accusations portées les uns contre les autres.

J’en appelle à vous, collègues députés de l’opposition: si vous ne pouvez contrebalancer d’une façon constructive l’actuel gouvernement bulgare, si vous ne pouvez axer vos efforts sur des propositions constructives, éclairées, consensuelles sur la manière d’améliorer les conditions de vie des citoyens bulgares, au moins ne vous mettez pas en travers du chemin de ceux qui savent le faire.

 
  
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  Kristian Vigenin (S&D).(EN) Monsieur le Président, je ne comptais pas intervenir maintenant dans le cadre de la procédure «catch the eye», mais je n’ai pas eu le droit de soulever une question «carton bleu».

Je voulais répondre à M. Strasser.

(BG) Avant tout, Monsieur Strasser, je voudrais vous dire que je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous affirmez qu’aucune information n’existe sur la manière dont les procédés d’écoute ont été utilisés

Selon les informations émanant de la Cour suprême de cassation, 15 946 mandats en matière d’écoutes ont été émis en 2010, alors que 1 918 seulement ont été utilisés auprès des tribunaux, soit 12 % du total. Comme vous pouvez le constater, le reste des écoutes téléphoniques a été utilisé à d’autres fins. Seize mille écoutes téléphoniques, cela signifie qu’avant 2010, entre 5 % et 10 % des citoyens bulgares ont fait, directement ou indirectement, l’objet d’écoutes téléphoniques.

Je voudrais vous demander, Monsieur Strasser, si c’est ce qui se passe en Autriche. Seriez-vous d’accord pour que votre ministre de l’intérieur et votre ministère public agissent de la sorte en Autriche? Par ailleurs, ne croyez-vous pas que le présent débat est un débat sur ce que doit être le principe de l’état de liberté et de démocratie dans un État membre de l’Union européenne? J’estime que ces questions doivent être débattues ici, car nous n’avons manifestement pas la force de le faire en Bulgarie.

 
  
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  Antonyia Parvanova (ALDE).(BG) Monsieur le Président, je voudrais demander à la Commission européenne si elle sait que 27 arrêts contre la Bulgarie ont été rendus par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg pour recours abusif aux pouvoirs de la police.

Nous discutons aujourd’hui des systèmes d’écoute, mais l’initiative citoyenne est également contrôlée par l’Agence d’État pour la sécurité nationale, et des gens ont été forcés de retirer leur signature. Des personnes qui ont participé à des manifestations pacifiques à propos de problèmes économiques ont été convoquées au commissariat de police pour y être interrogées. Des arrestations soigneusement mises en scène ont eu lieu avec une brutalité délibérée.

Le parti politique au pouvoir déclare que l’opposition, tant de droite que de gauche, est impliquée dans la criminalité organisée, que les ennemis du GERB sont les ennemis de l’État, et que les oppositions politiques et criminelles sont aujourd’hui une même chose. C’est le modèle utilisé par Mussolini et cela me préoccupe énormément.

Parallèlement, des pressions ont été exercées hier lors d’une réunion officielle entre mon parti politique et la direction du GERB pour que nous retirions notre question orale; une telle action est, selon moi, antidémocratique et intolérable.

Quelles mesures la Commission entend-elle prendre pour restaurer les droits de l’homme dans mon pays? Le débat d’aujourd’hui ne concerne pas des Bulgares opposés à des Bulgares, mais des Bulgares qui cherchent à défendre les intérêts de leur État et de leurs citoyens.

 
  
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  Hans-Peter Martin (NI). (DE) Monsieur le Président, je tiens à être direct avec vous. Je trouve regrettable que vous ne recouriez pas au carton bleu lorsque nous essayons tous de rendre les débats parlementaires plus vivants. Cela aurait sensiblement amélioré la qualité de ce débat.

Si vous ne m’écoutez pas, Monsieur le Président, autant que j’arrête de parler. C’est tout simplement futile. C’est ce qu’un député de l’Assemblée a longtemps appelé un parlement de karaoké, où toute tentative d’améliorer la qualité des débats est complètement ignorée.

 
  
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  Evgeni Kirilov (S&D).(EN) Monsieur le Président, je voulais juste joindre ma voix aux personnes qui ont déclaré que vous faisiez semblant ce soir de ne pas voir les cartons bleus. Tout le monde a fait allusion au fait qu’il n’y avait pas suffisamment de collègues présents, mais je tiens à déclarer qu’il y a suffisamment de collègues respectables qui écoutent le débat.

Je tiens juste à exprimer ma déception par rapport aux propos tenus par M. Strasser. Ce n’est vraiment pas l’exemple d’un bon discours démocratique de la part de quelqu’un qui vient d’un pays que nous respectons en tant que pays démocratique.

 
  
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  Zigmantas Balčytis (S&D).(LT) Monsieur le Président, il s’agit véritablement d’un problème assez complexe. Si on en croit les informations fournies, il est clair qu’il y a un problème. Je suis en tous points d’accord avec ma collègue qui a déclaré précédemment qu’il ne s’agissait pas simplement d’un problème bulgare. Il est question de certaines valeurs, de valeurs de l’Union européenne, de valeurs reconnues, et nous devons tous respecter quiconque participe au débat au sein de l’Assemblée.

Il y a, au sein de l’Union européenne, une charte intitulée charte des droits fondamentaux. La Bulgarie, la Lituanie, que je représente personnellement aujourd’hui, ainsi que les autres États membres de l’Union européenne doivent tous s’y conformer. Elle définit clairement ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire, ainsi que ce que le gouvernement peut et ne peut pas faire. Toutefois, l’idée fondamentale concerne le respect des droits de l’homme. Monsieur le Commissaire, je pense que le représentant de la Commission devrait vraiment suivre cette affaire de très près, car la tension ressentie au sein de l’Assemblée aujourd’hui me paraît excessive.

 
  
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  Filiz Hakaeva Hyusmenova (ALDE).(BG) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Mesdames et Messieurs, il va de soi que des discussions sont inévitables lorsqu’il s’agit de valeurs européennes fondamentales et inaliénables comme la sécurité et les droits de l’homme, et lorsque la fine ligne de démarcation entre ces deux notions s’épaissit. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les différentes positions exprimées ce soir ont une chose en commun: l’inquiétude.

La Commission européenne a demandé aux autorités bulgares de fournir des informations permettant de vérifier si les procédés d’écoute sont utilisés en toute légalité. Nous, députés libéraux et socialistes, voulions un débat, parce que nous doutons de cette légalité. Nous avons exprimé nos opinions afin de rassurer ceux et celles qui nous ont élus et leur montrer que nous sommes sur le qui-vive par rapport à toutes violations de leurs droits. Dans leurs déclarations, mes collègues députés du Parti populaire européen ont exprimé leurs préoccupations par rapport à ces mauvaises pratiques et leur confiance en une amélioration.

J’espère que dans ce rôle unifié nous parviendrons à engendrer des processus qui nous permettront de rétablir rapidement le bon fonctionnement de la démocratie.

 
  
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  Niccolò Rinaldi (ALDE).(IT) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je suis député libéral-démocrate tant en Europe qu’en Italie, mais parfois, dans mon pays on nous qualifie, les membres de mon parti et moi-même, de communistes pour la simple raison que nous nous opposons au gouvernement actuel.

Il semble que la même chose se produise maintenant pour nos collègues bulgares, les libéraux-démocrates et les socialistes étant qualifiés de criminels pour la simple raison qu’ils représentent une force d’opposition dans leur pays. Nous désapprouvons une telle démarche et si c’est une plaisanterie, qu’elle soit la plus brève possible. Un tel comportement peut être véritablement dangereux en fin de compte.

Par ailleurs, après tout ce qui s’est passé en Égypte et en Tunisie, pas plus tard qu’hier le ministre italien des affaires étrangères s’est rendu à Damas en Syrie et a parlé d’«un pays démocratique qui satisfait pleinement aux besoins de modernisation de ses citoyens».

Si nos représentants font de tels discours, notre devoir est, en tant que députés du Parlement européen, de les dénoncer et la Commission se doit d’y être très attentive.

 
  
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  Andris Piebalgs, membre de la Commission. (EN) Monsieur le Président, le débat a été très animé, mais je voudrais insister sur trois points que j’estime fondamentaux.

Le processus d’adhésion à l’UE – et mon pays est passé par là – n’est pas facile, mais lorsqu’un pays a été accepté au sein de l’Union européenne, nous sommes sincèrement convaincus que cet État membre est capable de garantir les droits de l’homme fondamentaux ainsi que l’application du droit de l’UE.

En ce qui concerne ce secteur plus précisément, nous disposons d’une législation spécifique. Il s’agit de la directive concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques.

La Commission a donc depuis longtemps, et dans le respect dirais-je, fait ses preuves en matière de surveillance de l’application de la législation européenne dans les États membres. Je vous ai relaté la situation actuelle et je pense que vous pouvez être pleinement assurés d’une action de la Commission en cas de violation du droit européen. Si celui-ci n’est pas enfreint, elle n’agira pas.

La Commission surveille donc la situation et, en cas de besoin, la Commission agira, mais j’estime que nous ne devons pas aller au-delà des structures existantes dans le droit de l’Union, et il ne fait aucun doute que la Commission restera dans les limites du droit de l’Union.

 
  
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  Le Président. - Le débat est clos.

 
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