Le Président. - L’ordre du jour appelle le débat sur la question orale à la Commission sur la stratégie énergétique de la Banque mondiale à l’égard des pays en développement, d’Eva Joly, au nom de la commission du développement (O-000020/2011 - B70012/2011).
Franziska Keller, auteure. – (EN) Monsieur le Président, 1,5 milliard de personnes n’ont actuellement pas accès à l’électricité. Or, l’accès à l’énergie est un préalable indispensable à l’éradication de la pauvreté dans laquelle vivent ces personnes. Le droit à l’énergie implique que l’accès aux approvisionnements énergétiques soit garanti de manière universelle et fiable: un accès équitable qui comble le fossé existant entre zones urbaines et zones rurales, et qui soit en outre abordable. Il est par ailleurs crucial pour les pays de parvenir à un approvisionnement énergétique durable et sûr et, à cet égard, l’utilisation décentralisée d’énergies renouvelables constitue la solution la plus sûre et la plus fiable.
Mais l’énergie ne doit pas seulement être sûre et fiable; sa production doit également prendre en considération d’autres problèmes, comme les changements climatiques, la déforestation, la dégradation de l’environnement, la santé humaine et la pauvreté qu’ils engendrent. Ces problèmes ne peuvent pas être résolus par l’utilisation de combustibles fossiles. Ces combustibles ont des conséquences désastreuses pour la santé, l’environnement et le climat. Par ailleurs, la crise climatique frappe plus durement les personnes qui vivent dans une pauvreté extrême. Les combustibles fossiles génèrent une pollution qui met en danger tant la santé humaine que celle de l’environnement, et ils coûtent cher puisque leur prix augmente à mesure que les réserves de pétrole et de gaz s’amenuisent. Les combustibles fossiles sont à l’origine d’une distribution centralisée, hiérarchisée et inflexible de l’énergie.
Nous devons nous concentrer sur les énergies renouvelables. Nous devons aider les pays en développement à adopter une autre approche que la nôtre, qui détruit les combustibles fossiles. Seules les énergies renouvelables peuvent apporter une solution à ces problèmes. Les énergies renouvelables font appel à des ressources inépuisables et dont regorgent de nombreux pays en développement: le soleil et le vent, principalement. Ces énergies peuvent être employées au niveau local sur une échelle très limitée et bon marché, ce qui permet également aux populations de s’assumer, au sens littéral du terme. Les approvisionnements énergétiques décentralisés sont aux mains des populations. Ils sont démocratiques. La Banque mondiale continue néanmoins de mettre en avant les combustibles fossiles dans sa stratégie énergétique. Les récentes augmentations de prêts en faveur des énergies renouvelables et de l’indépendance énergétique demeurent infimes et ne peuvent masquer des préférences manifestes.
On assiste par ailleurs à des investissements dans des combustibles fossiles au travers d’intermédiaires financiers que la Banque mondiale ne surveille pas assez. Les combustibles fossiles sont sous-déclarés. La Banque continue d’investir de manière significative dans des centrales électriques au charbon, condamnant ainsi les pays en développement à utiliser une énergie à base de charbon pour les décennies à venir. Ce n’est pas à cela que doit ressembler une révolution énergétique.
La politique énergétique de la Banque mondiale souffre d’un manque de transparence. Ce problème doit être résolu par la définition d’exigences nettes auxquelles les intermédiaires financiers devront se soumettre s’ils veulent pouvoir obtenir un financement multilatéral. 40 % des prêts de la Banque mondiale au secteur privé passent par ces intermédiaires financiers et une grande partie de ces prêts vont au secteur énergétique et, en particulier, à l’industrie extractive. Cependant, contrairement aux investissements directs dans des projets de la banque, aucune information n’est rendue publique concernant ces investissements dans des sous-projets individuels, de sorte qu’il est très difficile de déterminer l’usage finalement fait des fonds à la disposition des intermédiaires financiers.
Si nous examinons le type d’énergie considéré comme à faible teneur en carbone, nous trouvons de grandes centrales hydro-électriques dans la stratégie. Or, ces centrales détruisent d’importants pans de l’environnement et chassent les gens de chez eux. Ce type de solution n’est pas soutenable et n’est pas dans l’intérêt de la population et de la société. En outre, le piégeage et le stockage du carbone ne rendent nullement pauvre en carbone l’énergie à base de charbon. Le CO2 est toujours là et nul ne sait ce qu’il lui advient dans le sol. Personne ne peut affirmer avec certitude qu’il restera là, bien sagement, au cours des prochains millénaires. Ce n’est là qu’une pure supposition, qui n’a rien à voir avec la recherche, et certainement pas avec l’élaboration de politiques.
Cela vaut aussi pour l’énergie nucléaire. L’extraction d’uranium génère d’importantes quantités de CO2 et personne ne sait que faire des déchets que nous produisons. Cette énergie n’est pas pauvre en carbone et n’est pas durable. C’est la raison pour laquelle le groupe Verts/ALE votera contre la résolution, sauf si l’expression «à faible teneur en carbone» est remplacée.
La résolution renferme néanmoins aussi quelques points valables: par exemple, l’accent mis sur les énergies renouvelables hors réseau dans les zones rurales et la production locale à petite échelle, de même que les préoccupations concernant la prédominance d’une orientation vers les exportations, les grandes centrales et les biocarburants.
Un dernier mot: nous accordons également une très grande importance à l’appel lancé en faveur d’une amélioration du transfert de technologies. À cet égard notamment, le transfert de technologies n’aura pas besoin de beaucoup si les droits de propriété intellectuelle sont maintenus intacts. L’objectif premier doit être de traiter les droits de propriété intellectuelle de façon à garantir l’accès aux technologies à des prix abordables. Telle est la promesse que nous avons faite lors des négociations sur le climat et nous devons la tenir.
(L’oratrice accepte de répondre à une question «carton bleu» (article 149, paragraphe 8, du règlement))
Hans-Peter Martin (NI). – (EN) Monsieur le Président, je ne peux que féliciter Mme Keller pour ses propos et son analyse. Je voudrais néanmoins poser la question suivante. Nous sommes conscients de ces problèmes depuis vingt ans déjà. Madame Keller, dans la mesure où vous vous êtes penchée sur ce problème de manière plus approfondie que la plupart d’entre nous, y a-t-il un point particulier qui vous rende optimiste quant au fait que la décision que nous sommes sur le point de prendre pourrait déboucher sur des progrès ou que la Banque mondiale s’est enfin engagée dans la bonne voie?
Franziska Keller, auteure. – (EN) Monsieur le Président, cela fait effectivement plus de vingt ans que nous discutons de ces problèmes et j’espère vraiment que la Banque mondiale tirera des enseignements de ces discussions puisque tout le monde est d’accord pour dire que l’avenir est aux énergies renouvelables.
Nous avons observé un léger changement dans cette stratégie. Elle s’est par exemple rapprochée un peu des énergies renouvelables, mais il ne s’agit que d’un petit pas, qui demeure bien insuffisant. La prédominance des combustibles fossiles reste beaucoup trop importante et, en ce qui concerne les énergies renouvelables, une trop grande attention est accordée aux centrales hydro-électriques – alors qu’elles ne sont ni renouvelables ni durables pour personne.
J’espère donc que ce Parlement pourra faire une déclaration forte sur l’orientation que nous voulons donner à la politique énergétique européenne et à la politique énergétique que nous voulons promouvoir dans le monde de demain. J’espère pouvoir compter sur votre soutien à la suppression de la formulation relative à la faible teneur en carbone, et à une énergie renouvelable, durable et propre.
Andris Piebalgs, membre de la Commission. – (EN) Monsieur le Président, j’estime moi aussi avoir fait une déclaration très forte. Tout d’abord, je voudrais souligner que la stratégie énergétique de la Banque mondiale est bienvenue car cette dernière joue un rôle très particulier dans le monde, notamment en s’attaquant aux problèmes de développement. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle dirige l’opinion publique et les approches en matière de stratégies de développement. J’estime que nous devons nous attaquer à ce problème avec le plus grand sérieux.
Dans le même temps, nous ne devons pas perdre de vue une série d’éléments primordiaux à l’heure d’évaluer notre réaction à cette stratégie. À l’heure actuelle, un nombre substantiel de ménages n’ont toujours pas accès à l’énergie, sous quelque forme que ce soit. Bien que nous discutions de ce problème depuis 20 ans, force est de constater que des centaines de millions de personnes, en particulier en Afrique sub-saharienne, ne bénéficient toujours pas d’investissements suffisants dans le secteur énergétique ou la fourniture de services énergétiques. J’estime donc qu’il nous faut prendre conscience de toute l’ampleur du défi.
Le deuxième point que nous devons prendre en considération est la croissance. Tous les pays qui sont sur la voie du développement ont un immense besoin de croissance. Nous devons répondre à ce besoin par une offre. L’ampleur de ce besoin constitue un défi fondamental supplémentaire.
Le troisième point – et, à cet égard, je partage pleinement l’avis de Mme Keller – concerne la durabilité et l’anticipation. Toute mesure prise par le secteur énergétique devrait être examinée à la lumière de ses conséquences sur le climat. Nous savons que le secteur énergétique tel qu’il existe actuellement est le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre. Nous devons également nous occuper du prix des combustibles fossiles, car ce défi nous attend au tournant, ne l’oublions pas. J’espère que nous devrons y faire face le plus tard possible, mais il relève indéniablement de l’anticipation de la stratégie.
Concernant l’orientation, je voudrais que le Parlement prenne en considération le livre vert sur la politique européenne de développement, dans lequel il est dit que l’accès aux énergies renouvelables dans les pays en développement constitue un des piliers centraux de la nouvelle politique européenne de développement. Si nous n’adoptons pas cette approche pionnière, il nous sera difficile de convaincre la Banque mondiale et d’autres de concentrer leurs investissements sur l’énergie renouvelable. J’estime que nous avons la capacité de gérer l’ampleur des investissements dans les énergies renouvelables. Nous devons simplement en avoir le courage. Il est vrai que cela requiert de nombreux moyens financiers aujourd’hui, mais toute stratégie énergétique exigerait des investissements considérables. Dès lors, au vu des prévisions concernant les prix, je dirai que les énergies renouvelables doivent indéniablement être au cœur de toute politique énergétique partout dans le monde.
Notre connaissance des technologies du renouvelable aujourd’hui nous donne une bonne garantie quant à notre capacité à faire réellement changer les choses dans ces pays. J’estime également qu’un potentiel immense reste inexploité. Je sais par exemple que l’énergie hydraulique est une source d’énergie relativement complexe à tous points de vue mais, pourvu qu’une analyse de la durabilité environnementale soit réalisée, je suis convaincu que la plupart des pays possèdent également un formidable potentiel inexploité dans l’énergie hydraulique, ce qui vient conforter le fait que son importance – les barrages d’Inga, par exemple – est énorme.
Dans un premier temps, nous devons montrer l’exemple. Si l’UE fait preuve de compétence et que vous discutez un rapport sur le livre vert relatif à la politique européenne de développement, le Parlement doit soutenir avec fermeté la direction prise par la politique européenne de développement. Nous disposerons d’arguments plus solides pour convaincre la Banque mondiale d’emprunter cette voie et de cibler davantage les investissements dans des centrales électriques au charbon. La Banque mondiale a maintenant fixé six critères à titre de lignes directrices générales pour les investissements futurs dans le charbon. Sous la direction de Bob Zoellick, la Banque mondiale participe activement au débat, de sorte qu’il semblerait qu’elle soit un atout plutôt qu’une entité que nous devons craindre. Elle est notre alliée, mais nous devons réellement jouer un rôle de chef de file dans cette matière et dans le secteur énergétique des pays en développement.
Je voudrais également aborder le problème de la BEI, car celle-ci a été mentionnée dans la question. L’accord de Cotonou constitue la base législative des activités de la BEI pour un montant de 3,1 milliards d’euros en faveur des pays ACP. À cet égard, la Facilité d’investissement des pays ACP constitue un instrument majeur. Cette instance finance des projets infrastructurels et énergétiques sans incidence sur le climat. En ce qui concerne le secteur énergétique, il n’existe aucun projet dans le domaine des combustibles fossiles. La politique générale est très claire, à savoir financer des projets énergétiques sans incidence sur le climat et basés sur l’énergie éolienne, hydraulique ou solaire.
Dans le contexte de l’examen à mi-parcours du mandat extérieur de la BEI – qui couvre la préadhésion, le voisinage et les pays partenaires, l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique du Sud – la Commission a présenté une proposition d’activer un mandat supplémentaire de 2 milliards d’euros pour la période 2011-2013 afin de soutenir les opérations de financement de la BEI dans le domaine de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation climatique dans l’ensemble des régions. Cette proposition souligne que les propres règles et procédures de la BEI doivent inclure des dispositions qui permettent de garantir que seuls des projets viables d’un point de vue économique, financier, environnemental et social seront soutenus au titre de ce mandat.
J’estime que l’UE a fait une série de pas dans la bonne direction, mais que nous pourrions en faire davantage en vue d’offrir au monde un réel leadership, notamment en nous attaquant à la stratégie énergétique de la Banque mondiale.
Alf Svensson, au nom du groupe PPE. – (SV) Monsieur le Président, ce Parlement examine un dossier très urgent et important, à savoir celui de la suppression progressive des prêts accordés à des projets portant sur des combustibles fossiles. J’estime que nous devons avoir le courage de dire exactement ce qu’a déclaré le commissaire Piebalgs, à savoir que la Banque mondiale a développé une stratégie énergétique très réfléchie. Nous pouvons même parler de mesures incitatives à cet égard, ce qui constitue évidemment un point positif. Bien sûr, il ne s’agit pas uniquement d’une question de suppression progressive, mais aussi, ainsi que cela a été dit, d’une instauration progressive.
Étant de nature plutôt obstinée, je voudrais répéter qu’il existe pour l’UE des possibilités de réaliser des investissements spécifiques afin d’aider les populations des pays en développement, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. Je pense que le commissaire m’a entendu parler en une précédente occasion des poêles à bois que l’on trouve actuellement dans des cabanes et des maisons ordinaires, et qui intoxiquent les habitants. Deux millions de personnes sont mortes prématurément à cause des gaz présents dans les maisons ordinaires.
À cet égard, nous pourrions, à l’instar des États-Unis et de plusieurs pays européens, investir dans de simples poêles à énergie solaire qui éliminent au moins 95 % des gaz. Ces gens ne devraient alors plus utiliser de fumier, dont nous savons qu’ils en ont besoin pour leurs cultures, ni de charbon noir pour se chauffer. Ils n’auraient plus besoin non plus d’abattre des forêts qui ne devraient jamais l’être.
Je voudrais une fois de plus souligner qu’il existe des possibilités d’actions concrètes. Souvent, lorsqu’il est question de sources d’énergies alternatives, nous parlons avec ostentation des énergies éolienne et solaire, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal. Force est toutefois de constater que, malgré les possibilités existantes, les résultats concrets font défaut. Ne laissez pas l’UE rester à la traîne sur ces questions. Faites en sorte qu’elle s’implique dans le développement de solutions concrètes pour le remplacement des combustibles fossiles dont nous ne voulons plus, que ce soit dans les pays industrialisés ou dans les pays en développement.
Kriton Arsenis, au nom du groupe S&D. – (EL) Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, tout d’abord permettez-moi de remercier Mme Keller pour son travail exceptionnel sur ce rapport. Toute personne ayant travaillé sur ce rapport a en effet pu constater que la stratégie de la Banque mondiale n’était pas viable sur plusieurs points. Ainsi que l’a déclaré Mme Keller, la Banque mondiale finance de vastes projets non viables, tels que des projets hydroélectriques et de nombreux autres.
Il est un fait que le financement de sources d’énergie renouvelables a augmenté de 300 %. Dans le même temps, toutefois, celui de projets portant sur des combustibles fossiles a connu une hausse de 430 %.
La Banque mondiale – et, pour moi, c’est scandaleux – n’a pas pris en considération les conséquences environnementales des projets qu’elle finance. Dans le même temps, elle continue de discuter, encore aujourd’hui, de la possibilité de financer des programmes de plantations de palmiers. Elle n’a aucun respect pour le principe du consentement libre, préalable et informé des habitants de la région aux projets financés, pas plus qu’elle n’a intégré (ce qu’elle devrait pourtant faire) un cycle d’analyse complet des projets qu’elle finance.
J’espère vraiment que ce rapport, dans sa version finale après le vote, enverra un message fort concernant les réformes environnementales que la Banque mondiale doit mettre en œuvre au niveau interne.
Charles Goerens, au nom du groupe ALDE. – Monsieur le Président, la Banque mondiale, en vertu de son mandat, est tenue de contribuer à éradiquer la pauvreté dans les pays en développement. Quel que soit le projet soutenu par la Banque mondiale, la finalité doit toujours être la même. Qu’il s’agisse d’un investissement dans les secteurs sociaux de base – la santé, l’éducation, l’accès à l’eau –, le financement d’un projet économique doit être conforme à sa mission. Et si elle fait de la lutte contre la pauvreté une priorité, nous serons satisfaits du mandat que nous avons donné à la Banque mondiale.
Quant à la question orale qui fait l’objet de notre débat et qui exprime ses plus vives réserves à propos du financement de projets pétroliers ou axés sur le charbon, laissez–moi faire les remarques suivantes:
Premièrement, les termes de référence d’un projet de financement doivent intégrer les critères d’évaluation dès le lancement de celui–ci. Il faut savoir ce qu’on évalue et il faut donc intégrer ces critères d’évaluation dès le lancement d’un projet.
Deuxièmement, le dialogue politique entre la Banque mondiale et son partenaire doit porter à la fois sur la gouvernance politique et économique tant du pays concerné que de l’emprunteur.
Troisièmement, là où la promotion de l’énergie renouvelable est possible à des coûts défendables, il importe de privilégier cette forme d’énergie.
Quatrièmement, et je remercie le commissaire Piebalgs d’avoir déjà répondu à une de mes préoccupations dans sa réponse à Mme Keller, la Banque européenne d’investissement, de son côté, tient d’ores et déjà compte des remarques que je viens de formuler.
Il ne me reste plus qu’à souhaiter que la Banque mondiale fasse siennes les priorités d’ores et déjà adoptées par d’autres, notamment la Banque européenne d’investissement. Étant donné que les 27 États membres de l’Union européenne sont aussi membres de la Banque mondiale, nous ne pouvons pas prétendre n’avoir aucune influence sur la politique de celle–ci.
Je crois que le groupement de nos forces au sein de la Banque mondiale mériterait aussi un débat qui pourrait être utile pour résoudre les questions soulevées par Mme Keller, que je tiens aussi à féliciter pour son excellent travail.
Marisa Matias, au nom du groupe GUE/NGL. – (PT) Monsieur le Président, avant d’aller plus loin, je voudrais moi aussi saluer le travail accompli par ma collègue et déclarer que je soutiens pleinement les questions qui ont été abordées ici.
Je vais à présent faire une chose que je n’ai jamais faite auparavant mais qui, je l’estime, vaut la peine. Nous disposons d’une série de documents contenant un ensemble d’hypothèses qui font rarement l’objet de discussions. C’est comme si ces hypothèses ne valaient pas la peine d’être examinées. Nous avons la question orale, et nous avons une résolution qui nous dit diverses choses, notamment que les programmes traditionnels d’électrification rurale financés par la Banque mondiale ont globalement échoué dans leur tâche, qui était d’atteindre les habitants les plus pauvres des zones rurales.
Nous découvrons également qu’il pourrait y avoir un changement au niveau de la stratégie énergétique de la Banque mondiale à la mi-2011, mais nous savons aussi que c’est dans les secteurs énergétiques que nous pouvons lutter contre la pauvreté de manière très concrète et contribuer à sortir la population de la pauvreté. Nous demandons dès lors à la Banque mondiale d’adopter une approche de développement qui maximise les avantages pour les pauvres, tout en permettant de lutter contre les changements climatiques.
Nous avons par ailleurs déjà mentionné le fait que les prêts concernant des combustibles fossiles continuent de jouer un rôle prédominant dans le portefeuille énergétique global de la Banque mondiale et qu’il nous faut mettre fin à cette prédominance. Nous avons également la promesse que cette prédominance n’en sera plus une d’ici 2015, et que le financement des projets basés sur des combustibles fossiles sera progressivement réduit.
Enfin, nous avons un ensemble de déclarations, notamment concernant la nécessité pour la Banque mondiale d’accorder la priorité à l’énergie locale sur une petite échelle. Et de très nombreuses autres qui prennent en considération les changements climatiques.
Cela étant dit, je voudrais publier ce qui a été dit, et à quoi je souscris. Je compte publier toutes les déclarations que nous avons faites et terminerai simplement par deux dernières questions, car il ne sert à rien de continuer avec de simples déclarations d’intention.
Ma première question est la suivante: pourquoi ne pouvons-nous pas tirer de tout cela une conclusion aussi simple que celle-ci? Pourquoi continuons-nous à permettre à ceux qui paient le droit de décider comment sera dépensé leur argent? Pourquoi la Banque mondiale conserve-t-elle la responsabilité de la stratégie énergétique mondiale? Quand allons-nous décider que la stratégie énergétique mondiale doit faire l’objet d’une coordination internationale ancrée dans les Nations unies?
La deuxième question que je voudrais vous poser – et je vous demande de m’excuser de dépasser légèrement mon temps de parole – est la suivante: quand allons-nous cesser d’imposer un modèle de développement aux autres, que celui-ci soit de première ou deuxième génération, autrement dit, de première ou de seconde main, au reste du monde, comme s’il s’agissait d’un modèle de développement applicable à tous?
Il y a des limites à l’arrogance. Nous devons adopter une attitude plus démocratique.
Hans-Peter Martin (NI). – (DE) Monsieur le Président, dans les années 70 et au début des années 80, le manque de discernement de la Banque mondiale à l’égard des questions environnementales était un sujet majeur de discussion. Les discours de l’époque étaient les mêmes que ceux prononcés ici aujourd’hui, avec quelques promesses faites par la Banque mondiale. Des mesures ont été prises pour réformer la Banque mondiale, mais plusieurs décennies se sont écoulées depuis lors. Pour diverses raisons, je me suis récemment rendu dans différents pays généralement qualifiés de pays en développement. La situation y était inacceptable. Qu’est-il advenu de tous ces projets? Où sont les centrales solaires sous les tropiques? Où sont les forêts durables en Amazonie et au Viêt Nam? Où sont les panneaux solaires et les éoliennes au Kenya?
Il n’y a absolument rien là-bas. La seule chose que nous ayons vue est la copie exacte du système européen d’auto-administration. Les habitants de ces pays se gouvernent eux-mêmes et font le jeu de quelques grands intérêts, mais ils n’ont fait aucun progrès. Nous nous étonnons ensuite d’entendre les citoyens des pays en développement déclarer d’un ton désespéré: «Je ne veux plus vivre dans les Caraïbes. Je veux aller aux États-Unis et entrer dans l’UE en passant par la Martinique». Nous nous étonnons que les habitants des pays du Maghreb veuillent tous venir ici. L’hypocrisie de ce débat est tout simplement incroyable. Nous devons prendre conscience que des millions de personnes se sont radicalisées. Elles ont simplement dit: «C’en est assez!».
Quiconque a lu la proposition de résolution du Parlement européen se doit d’admettre que cela n’aurait pas marché. Nous aurions dû nous exprimer d’une voix beaucoup plus forte. Nous aurions dû exiger beaucoup plus clairement de la Banque mondiale qu’elle prenne les mesures nécessaires. Pourquoi toutes ces commissions – la commission du développement, l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, etc. – si tout ce qu’elles sont en mesure de produire est un bout de papier griffonné qui reprend, en partie, les conclusions du débat qui s’est déroulé à la fin des années 70? Tout cela est gênant.
Filip Kaczmarek (PPE). – (PL) Monsieur le Président, nous n’avons à convaincre personne de l’importance de l’énergie pour les pays en développement. J’ai souvent vu la surprise se peindre sur le visage des gens lorsqu’ils apprennent le coût de l’électricité en Afrique. Il est probablement tout aussi vrai que nous ne devons convaincre personne du rôle loin d’être insignifiant que joue la Banque mondiale dans les questions énergétiques dans les pays en développement.
Mon groupe politique, le groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens), a déposé une série d’amendements à la résolution examinée ici, sur lesquels nous voterons séparément. Nous avons le sentiment que certaines parties de la résolution sont trop critiques à l’égard de la Banque mondiale. Je ne pense pas, par exemple, que nous puissions attirer l’attention de la Banque mondiale sur le fait qu’elle considère certains types d’énergie comme propres alors qu’ils devraient être perçus comme nuisibles pour l’environnement ou indésirables. L’énergie nucléaire, par exemple, est utilisée à grande échelle dans les États membres, et un nombre croissant de pays européens qui dépendent du charbon ou du gaz souffrent dans une certaine mesure depuis qu’ils sont contraints de limiter leurs émissions, ce qui génère des coûts répartis très inégalement entre les différents États membres. Nous devons dès lors faire preuve de prudence lorsque nous indiquons à des organes externes quels types d’énergie il faut développer. Je suis néanmoins d’accord avec l’idée que cela vaut la peine d’apporter un soutien particulier à des projets locaux couvrant de petites zones, de même qu’à des projets à faible émission et à des idées de diversification des sources d’énergie permettant d’éviter toute dépendance énergétique.
Nous souhaiterions que la Banque mondiale investisse dans les énergies renouvelables et dans l’amélioration de l’efficacité énergétique, mais nous ne devons jamais perdre de vue l’objectif premier, c’est-à-dire l’accès à l’énergie, qui doit aider les gens à sortir de la pauvreté. Nous voulons faire d’une pierre plusieurs coups: créer les conditions nécessaires au développement, limiter les émissions, et prendre en considération les aspects sociaux et environnementaux des nouveaux projets énergétiques. Ce sont là des tâches ambitieuses et j’espère que la Banque mondiale ne les craint pas. En même temps, je sais que le commissaire Piebalgs insiste beaucoup sur la concrétisation de projets énergétiques dans les pays en développement et je peux confirmer que ce point est examiné dans le livre vert et que le Parlement devrait soutenir cette stratégie.
Silvia-Adriana Ţicău (S&D). – (RO) Monsieur le Président, 1,4 milliard de personnes, dont 85 % vivent dans des zones rurales, n’ont actuellement pas accès à l’électricité de par le monde. Les objectifs du Millénaire pour le développement concernant l’éradication de la pauvreté d’ici 2015 ne seront pas atteints en raison de l’absence de progrès significatifs dans la facilitation de l’accès à l’énergie. Atteindre cet objectif d’ici 2015 signifie que 395 millions de personnes auront accès à l’électricité et un milliard à des installations hygiéniques pour la préparation des repas. Toutes ces mesures exigent un investissement annuel de l’ordre de 40 milliards de dollars environ au cours de la période 2010-2015, ce qui représente 0,6 % du PIB mondial.
L’accès universel à l’électricité est l’un des objectifs les plus importants fixés par les gouvernements des pays en développement. Parmi les obstacles identifiés à l’électrification figurent le coût élevé de l’approvisionnement en électricité dans les zones rurales et pour les habitations situées dans des zones périurbaines, l’absence d’incitants fiscaux ou financiers, les capacités insuffisantes en matière de développement et de mise en œuvre de projets d’électrification, ainsi que la capacité limitée à produire de l’électricité.
Les zones rurales constituent un cas particulier en termes d’exigences énergétiques. Dans les zones rurales, il faut non seulement fournir l’énergie requise, mais également le processus de génération de cette énergie, qui a pour effet de créer des emplois et de soutenir le développement économique et social.
Le 11 février 2011, un rapport de la Banque mondiale a indiqué que la production locale d’énergie à faible coût à partir de sources renouvelables constituait la solution économiquement la plus viable à long terme. Ce type de production peut jouer un rôle déterminant dans le renforcement de la sécurité énergétique de l’Inde, ce qui lui permettrait de réduire les importations d’énergie et l’influence des fluctuations du prix du pétrole. La Banque mondiale pourrait dès lors se poser en partenaire des pays en développement. J’estime que la Banque mondiale devrait soutenir des projets visant à améliorer l’efficacité énergétique et la production locale d’énergie à partir de sources renouvelables, de même que de grands projets d’électrification et de mise en place d’interconnexions entre différents pays.
Zigmantas Balčytis (S&D). – (LT) Monsieur le Président, tout d’abord permettez-moi de remercier la rapporteure pour avoir abordé de manière opportune un sujet extrêmement pertinent. La pauvreté énergétique demeure un grave problème et les problèmes connexes empêchent les habitants des régions les plus pauvres de la planète d’améliorer leurs conditions de vie, d’avoir la possibilité de gagner leur vie et de contribuer de manière générale à l’augmentation de la croissance et de la productivité. Voilà un des principaux obstacles au développement social et économique général, qui empêche ces régions de sortir de la pauvreté.
Ainsi que mentionné par la rapporteure, les statistiques sont inquiétantes: environ 1,5 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité et plus de 2,5 milliards continuent d’utiliser du combustible traditionnel obtenu à partir de biomasse. D’après les données de l’Organisation mondiale de la santé, deux millions de personnes à travers le monde meurent chaque année prématurément de maladies respiratoires dues à l’utilisation de ce type de combustible.
Jusqu’à présent, la précédente stratégie énergétique de la Banque mondiale n’a pas produit de résultats concrets. En outre, le soutien apporté à l’utilisation de combustibles fossiles demeure supérieur à celui apporté au recours à des sources d’énergie renouvelables ou propres. Jusqu’ici, des investissements considérables ont été faits dans des centrales au charbon, une situation qui continue à rendre ces pays pauvres dépendants des combustibles fossiles, lesquels constituent une importante source de pollution de l’environnement.
L’accord conclu par les dirigeants du G20 en vue de réduire le soutien et le financement de projets portant sur des combustibles fossiles, qui ne devraient plus recevoir aucun financement à partir de 2015, est un pas en avant positif et bienvenu. La nouvelle stratégie doit également examiner en profondeur la question de la supervision et du contrôle du financement, de manière à ce que l’aide soit utilisée à des projets énergétiques susceptibles d’apporter des avantages à long terme et de contribuer véritablement au développement de ces régions et à l’amélioration de la qualité de vie de leurs habitants.
Paul Rübig (PPE). – (DE) Monsieur le Président, je voudrais remercier M. Piebalgs en particulier. En tant qu’ancien commissaire à l’énergie, il est évidemment parfaitement au fait de notre stratégie. J’estime qu’il y a beaucoup à faire dans le domaine de la coopération au développement, en particulier concernant l’aide technique. L’Europe ne doit pas se contenter de verser de l’argent à la Banque mondiale; elle doit également prendre des mesures. L’Europe et les institutions européennes doivent jouer un rôle plus grand auprès de la Banque mondiale. Assurer le soutien des entreprises familiales au moyen de l’aide au développement et la promotion des petites et moyennes entreprises génératrices d’énergie constituera un objectif majeur, parce qu’ensemble, de nombreuses petites entreprises peuvent réaliser des économies d’échelle et générer un retour sur investissement correspondant.
Un des problèmes les plus importants est évidemment le stockage de l’énergie. Celui-ci jouera un rôle central dans la coopération au développement.
Seán Kelly (PPE). – (EN) Monsieur le Président, je suppose que l’on pourrait dire que ceux d’entre nous qui sont encore présents à cette heure de la nuit fonctionnent probablement grâce à quelque forme d’énergie renouvelable. L’énergie solaire, peut-être, ou alors une énergie divine sous la forme d’un halo au-dessus de nos têtes.
Quoi qu’il en soit, le débat a été très varié, ce qui n’est pas surprenant, car ce problème soulève toujours beaucoup de controverse. J’estime toutefois que le commissaire est parvenu à un équilibre, probablement mieux que la plupart d’entre nous, concernant la direction que nous prenons et ce qui doit être fait dans le futur. Je pense que certains points doivent être clarifiés. Qu’il s’agisse de pays en développement ou industrialisés, s’ils possèdent des combustibles fossiles – du charbon – ou de l’énergie nucléaire, ils les utiliseront. La question est la suivante: les finançons-nous ou non? Il est clair qu’en Europe, qu’il s’agisse de Cancún, de Kyoto, etc. nous voulons faire progresser l’agenda des énergies renouvelables, ce qui est parfaitement justifié. Mais je pense que ce faisant M. Martin a, dans un sens, probablement raison de dire que nous devons nous exprimer d’une voix plus forte et pousser la Banque mondiale à promouvoir et peut-être à financer davantage de projets se rapportant à des énergies renouvelables que ce n’est le cas à l’heure actuelle.
Andris Piebalgs, membre de la Commission. – (EN) Monsieur le Président, c’est très important pour notre débat, même si la nuit est déjà bien avancée, car je pense que la stratégie énergétique de la Banque mondiale constitue une opportunité. Elle est une réelle occasion de relever les défis énergétiques.
Si nous regardons également les déclarations de l’Agence internationale de l’énergie concernant la pauvreté énergétique et les énergies renouvelables, le défi est certes énorme, mais la Banque mondiale, avec l’Europe en tant que chef de file, pourrait apporter les changements nécessaires. Si nous revenons quelques années en arrière dans l’histoire de notre Union, notre objectif en matière d’énergie renouvelable semblait impossible à atteindre, même s’il s’agissait d’un objectif relativement modeste de 18 %, si je me souviens bien. Il semble aujourd’hui que nous soyons sur la bonne voie.
Il faut cependant parfois prendre son courage à deux mains et anticiper les véritables défis. La Banque mondiale fait preuve d’ouverture par rapport à l’ensemble du processus. Il y aura bientôt la semaine énergétique de la Banque mondiale à Washington. Nous pourrions également soumettre nos contributions à la Banque mondiale, qui se montre très ouverte aux idées nouvelles. En adoptant une attitude courageuse, nous donnerons encore plus de courage à la Banque mondiale. Il est par conséquent important que nous avancions hardiment et présentions ces idées très ambitieuses à la Banque mondiale. Sinon, de nombreuses personnes pourraient tenter d’esquiver ce défi.
La question est manifestement de savoir par où commencer. Pour moi, nous devons continuer à avoir l’accès à l’énergie appropriée car l’accès à l’énergie est également synonyme d’énergie durable et efficace. Les tendances récentes dans les pays avec lesquels nous travaillons font apparaître une forte urbanisation, ce qui, d’une certaine façon, a modifié la physionomie de toute la problématique énergétique. Cela implique non seulement une génération décentralisée, mais aussi des zones d’agglomération, de sorte que l’efficacité énergétique, aussi étrange que cela paraisse, devrait également être intégrée dans la stratégie.
Mais surtout, nous devons intensifier nos actions. Nous avons des fonds pour l’énergie: 200 millions d’euros! On ne peut pas faire grand chose en matière d’énergie avec 200 millions d’euros. Nous devons envisager un financement à long terme, car j’estime que l’énergie renouvelable devrait devenir le label de l’Europe. Avec cela, et les capacités de la Banque mondiale, nous pourrions obtenir de réels résultats, non seulement en termes d’approvisionnement énergétique, mais également d’adoption de mesures substantielles pour lutter contre les changements climatiques.
Le Président. - J’ai reçu, conformément à l’article 115, paragraphe 5, du règlement, une proposition de résolution(1).