19. Réponse de l’UE aux flux migratoires en Afrique du Nord et dans le sud de la Méditerranée, en particulier à Lampedusa - Flux migratoires liés à l’instabilité: portée et rôle de la politique étrangère de l’UE (débat)
La Présidente. – L’ordre du jour appelle la discussion commune sur:
– la déclaration de la Commission sur la réponse de l’UE aux flux migratoires en Afrique du Nord et dans le sud de la Méditerranée, en particulier à Lampedusa, et
– le rapport de Fiorello Provera, au nom de la commission des affaires étrangères, sur les flux migratoires liés à l’instabilité: portée et rôle de la politique étrangère de l’UE (2010/2269(INI) (A7-0075/2011).
Cecilia Malmström, membre de la Commission. – (EN) Madame la Présidente, certains députés commencent peut-être à être fatigués de moi, mais je pense que cette discussion commune sur les flux migratoires arrive à point nommé. Ce sera à la fois une discussion générale sur le rôle et la portée de la politique étrangère de l’UE, ainsi qu’il est fait mention dans le rapport de M. Provera, et l’occasion pour moi de vous informer sur la réponse de l’UE à la crise dans le sud de la Méditerranée.
Permettez-moi de commencer par remercier M. Provera pour son excellent rapport, que j’ai lu avec un grand intérêt. C’est un sujet de discussion fort à propos, de même que le rôle que la politique étrangère de l’UE devrait jouer par rapport aux multiples aspects et à la nature très complexe des migrations.
Pour commencer, je décrirai certains éléments de la réponse de l’UE à la crise survenue dans le sud de la Méditerranée; ensuite je passerai au rôle plus général de la politique étrangère de l’UE. Comme vous le savez tous, nous sommes confrontés dans le sud de la Méditerranée à une situation devenue très critique ces dernières semaines en ce qui concerne les flux migratoires impliqués. Plus de 400 000 personnes ont été déplacées depuis les changements survenus brusquement en Afrique du Nord et en Libye. La plupart de ces personnes sont des ressortissants de pays tiers qui doivent rentrer en Tunisie ou en Égypte. La majorité d’entre eux ont été rapatriés dans leur pays, mais quelques milliers sont encore là et j’y reviendrai tout à l’heure.
Environ 20 000 migrants, principalement originaires de Tunisie et, dans une moindre mesure, d’autres pays africains, sont parvenus à entrer irrégulièrement dans l’Union européenne, en rejoignant les côtes de Lampedusa et de Malte. Ces deux îles subissent donc une forte pression migratoire. L’Union européenne a déjà réagi efficacement et rapidement à ces défis aussi considérables que divers, en prenant trois mesures concrètes. Premièrement, la Commission a mobilisé 30 millions d’euros pour gérer l’urgence humanitaire générée par l’afflux soudain de migrants et de réfugiés dans les pays voisins de la Libye. Grâce à l’aide des fonds fournis sur une base bilatérale par les États membres et d’autres donateurs internationaux, il a été possible d’offrir un hébergement provisoire aux migrants et aux réfugiés, de pourvoir à leurs besoins de base et de les rapatrier vers leurs pays d’origine respectifs.
Deuxièmement, nous avons réagi aux flux irréguliers et mélangés circulant en mer Méditerranée. Avec l’assistance de plusieurs États membres, Frontex a lancé l’opération conjointe Hermes afin d’aider l’Italie à contrôler les embarcations transportant des migrants et des réfugiés. En outre, Europol a déployé une équipe d’experts en Italie pour aider les forces de police à identifier d’éventuels réseaux criminels impliqués dans des trafics.
Troisièmement, la Commission s’est efforcée de faire en sorte que les États membres exposés aux flux croissants de réfugiés et de migrants irréguliers puissent, à très court terme, faire face aux conséquences financières de ces déplacements. Nous avons rapidement identifié une somme de 25 millions d’euros pouvant être mobilisée au titre du fonds pour les frontières extérieures et du fonds européen pour les réfugiés si des États membres en font la demande spécifique et au moment où ils en ont besoin. À ce jour, une seule demande a été présentée mais nous sommes prêts à prendre d’autres demandes urgentes en considération.
Je pense que cette première réponse a été complète, mais il est clair que nous devons faire plus. Nous devons mettre sur pied un plan plus structuré et plus durable pouvant couvrir les diverses dimensions de ce phénomène, sur la base de la solidarité entre États membres et respectant pleinement les obligations internationales de l’Union européenne.
Je me suis rendu en Égypte avec le ministre hongrois des affaires étrangères, M. Martonyi, et en Tunisie avec mon collègue, le commissaire Füle, responsable de la politique de voisinage. Ces visites étaient une réponse partielle aux conclusions du Conseil européen qui demandaient à la Commission d’entretenir très activement des rapports avec ces deux pays.
En préambule à notre Conseil JAI de juin, j’ai l’intention de proposer à la Commission en mai un train de mesures qui concrétiseront la position de l’UE dans le domaine des migrations, de la mobilité et de la sécurité avec les pays du sud de la Méditerranée.
La situation exige la prise de plusieurs mesures à court terme. En ce qui concerne l’augmentation continue et possible des flux de réfugiés venant de Libye, les actions suivantes seront envisagées: un niveau adéquat de ressources financières doit rester disponible pour assurer l’assistance humanitaire. Dans ce contexte, il faudra allouer des fonds pour satisfaire les besoins fondamentaux des réfugiés, faciliter leur retour dans leurs pays d’origine, le cas échéant, et soutenir la réussite de leur réintégration sociale et professionnelle lors de leur retour au pays.
Par ailleurs, certains réfugiés - quelques milliers - fuyant la Libye ne sont pas des ressortissants libyens, mais des personnes qui résidaient en Libye en tant que réfugiés ou demandeurs d’asile et qui ne peuvent donc retourner dans leurs pays d’origine. La question de leur réinstallation doit être examinée. La Commission est prête à faciliter ce processus et appelle les États membres à prendre leurs responsabilités et à s’engager dans ces efforts de réinstallation. Un soutien financier sera prévu à cet effet, notamment au titre du fonds européen pour les réfugiés. Dans ce contexte, il est impératif que le Conseil et le Parlement européen s’efforcent de parvenir rapidement à un accord sur le programme commun de réinstallation. Les trois institutions sont d’accord sur le but politique de ce programme; nous devons trouver un moyen de sortir de cette impasse institutionnelle.
Il est également urgent de développer un programme régional de protection englobant l’Égypte, la Libye et la Tunisie. Au titre du programme thématique de coopération avec les pays tiers, la Commission envisage d’allouer 3,6 millions d’euros au soutien d’un tel programme. Le déploiement d’équipes du BEA dans les États membres concernés par ces flux sera également envisagé, afin d’aider les autorités à procéder à l’examen initial des demandeurs d’asile.
Enfin, dans l’éventualité d’un afflux massif de personnes déplacées et si les conditions prévues dans la directive sont remplies, la Commission serait prête à envisager de recourir aux mécanismes prévus par la directive de 2001 sur la protection temporaire, afin de fournir à ces personnes une protection immédiate sur le territoire des autres États membres de l’UE. Cela aurait pour but d’élargir la marge de manœuvre des systèmes d’asile nationaux et de promouvoir des mesures volontaires de solidarité entre les États membres.
En ce qui concerne les afflux permanents de migrants irréguliers en provenance du sud de la Méditerranée, et qui pourraient augmenter, la Commission pense que l’opération conjointe Hermes, coordonnée par Frontex, devrait recevoir des ressources supplémentaires de la part des États membres. Frontex se tiendra prêt à fournir un appui logistique et financier afin d’aider les États membres concernés, d’organiser des vols de rapatriement et de déployer les équipes d’intervention rapide aux frontières s’ils le souhaitent.
Il est essentiel que les compétences de Frontex soient renforcées rapidement et que des outils plus efficaces soient mis à sa disposition. Le règlement amendé établissant l’agence Frontex devrait être adopté par le Conseil et le Parlement européen dès que possible.
Les services de l’UE préparent également des projets spécifiques qui seront mis en œuvre prochainement en partenariat avec les pays concernés, en commençant par la Tunisie et l’Égypte. Le but est de renforcer leur capacité à contrôler leurs frontières - en coopération avec les autorités compétentes - afin de lutter contre les organisations criminelles de passeurs de migrants et de trafic d’êtres humains, de faciliter la réadmission et la réintégration sociale et professionnelle, d’identifier et enregistrer les migrants qui entrent sur le territoire et de les traiter conformément aux normes internationales en offrant l’asile à ceux qui ont besoin d’une protection internationale.
Ces mesures sont une réponse immédiate à la situation. Toutefois, nous devons également mettre en œuvre des programmes durables à long terme. Avec mes partenaires en Tunisie et en Égypte, nous avons discuté de la mise au point de cadres de travail pour une série de questions couvertes par le partenariat pour la mobilité. Cela pourrait prendre la forme d’une nouvelle approche européenne personnalisée qui considèrerait chaque pays selon ses mérites tout en tenant compte de la politique étrangère globale de l’UE à l’égard du pays considéré.
Les partenariats pourraient couvrir tous les sujets, depuis l’assouplissement du régime de visas, sous certaines conditions et pour des catégories spécifiques, à la migration économique, la prévention des flux de migrants irréguliers, la mise sur pied de systèmes d’asile, la réadmission, le maintien de l’ordre, le retour, etc. Nous avons convenu avec les ministres de l’intérieur des deux pays d’établir un cadre de travail et de commencer à déterminer ce que nous pouvons faire ensemble.
Je suis convaincue que cette optique cohérente de l’UE en matière de politique étrangère facilitera l’instauration d’un système de traitement à long terme des flux migratoires, et cela m’amène au rapport de M. Provera. Les conflits et les crises humanitaires anciennes et qui se prolongent dans des régions comme celles dont nous parlons comptent parmi les facteurs importants à l’origine des migrations sud-sud et des migrations vers l’UE. Nos principaux défis mondiaux, parmi lesquels les migrations, soulignent avec force combien il est important de mettre en place un cadre global liant la sécurité, la stabilité, la gestion des crises et le développement.
Comme le rapport le suggère, un tel cadre doit être basé sur le respect total des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les droits des migrants. Une attention spéciale doit être portée à la situation des groupes vulnérables. Nous partageons le point de vue selon lequel il est crucial de mettre en place avec les pays tiers des programmes de coopération plus durables et à plus long terme pour traiter le problème des migrations, de la mobilité et de la sécurité, en combinaison avec la promotion de la démocratie, de l’état de droit et de la bonne gouvernance.
Comme je l’ai expliqué, cette optique devrait être personnalisée en fonction des mérites de chaque pays. Cette approche globale s’inscrit dans la ligne d’autres processus politiques comme le lien entre sécurité et développement, qui est mentionné dans la stratégie européenne de sécurité et le consensus européen sur le développement.
Nous devons mobiliser la gamme complète des politiques et des instruments dont nous disposons en matière d’éradication de la pauvreté, de systèmes d’alerte précoce et de diplomatie préventive, d’aide humanitaire, d’actions de réponse aux crises - y compris les sanctions - de missions de gestion de crise et de reconstruction post-conflit et de consolidation de la paix.
Ce rapport arrive donc au bon moment puisque l’UE a actuellement affaire à une crise. Mais il représente également une possibilité de commencer quelque chose de nouveau, celle de soutenir ces fantastiques nouvelles forces démocratiques qui sont en train d’émerger. Il y a une grande volonté de réformer les pays, surtout en Tunisie, mais aussi en Égypte.
En tant que dimension extérieure de la politique de l’UE en matière de migration, l’approche globale sur la question des migrations doit être basée sur un véritable partenariat avec les pays tiers. Cette vision est mentionnée dans le programme de Stockholm et dans le plan d’action de Stockholm et nous proposerons d’autres initiatives au titre de l’approche globale sur la question des migrations présentée cet automne. Le but est de définir les objectifs de l’approche plus clairement et en termes plus stratégiques. Elle proposera des priorités, des principes et des mesures concrètes mais se penchera aussi de plus près sur le lien entre migration et développement et entre migration et changement climatique, par exemple.
Je sais que vous souhaitez tous discuter différents éléments de cette question. C’est un sujet complexe et très difficile dont l’évaluation correcte exige beaucoup de temps et beaucoup d’efforts. Il dépend aussi très fortement des événements, or ils évoluent pratiquement d’heure en heure. Jusqu’ici, la Commission a essayé d’être constructive et de traiter cette question de manière très complète et inclusive. J’attends vos questions avec un grand intérêt.
Fiorello Provera, rapporteur. – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, ce rapport d’initiative tragiquement d’actualité a tout d’abord été rédigé il y a plus d’un an pour évaluer de manière pragmatique et équilibrée le phénomène de l’immigration et ses causes structurelles, indépendamment de tout préjugé politique ou idéologique.
Nous voulions étudier le rôle de la politique étrangère et sa capacité à influer sur les causes profondes de l’immigration, au-delà des causes humanitaires ou des situations d’urgence. Les guerres, les tensions ethniques, la persistance du changement climatique, les violations des droits de l’homme, l’absence de libertés civiles et économiques, la corruption endémique, l’absence de représentants institutionnels des besoins des citoyens, comme les syndicats, les associations, les partis politiques: l’ensemble de tous ces éléments est le domaine où se déploie la politique étrangère européenne. Et la résolution de ces problèmes éliminera nombre des raisons qui poussent des millions de personnes à émigrer.
Aucune politique de coopération au développement ne peut être pleinement efficace si elle ne s’attaque pas aux causes de l’instabilité dans le pays d’origine des migrants. Cela implique une coopération régionale avec le pays d’origine et le pays de transit, y compris au travers d’accords bilatéraux. Les objectifs du Millénaire pour le développement, déjà très ambitieux, seront certainement impossibles à atteindre sans stabilité politique et sans la mise en œuvre de mécanismes efficaces de prévention des conflits et de maintien de la paix. La réalisation complète de cette politique et son approche globale exigent des idées claires et des ressources financières substantielles difficiles à rassembler dans la phase actuelle de difficultés budgétaires des pays membres.
Il devient par conséquent fondamental de coordonner les initiatives de l’Union européenne avec celles d’autres grandes puissances comme les États-Unis, afin d’éviter la duplication du financement dans les mêmes zones ou encore la dispersion des ressources financières, comme cela s’est produit souvent par le passé. Un phénomène global doit être traité par une politique globale. Nous devons conduire les pays d’origine des migrants vers la démocratie et la bonne gouvernance en mettant à leur portée nos valeurs et notre expérience.
Dans le cadre de la politique européenne de voisinage, un agenda économique doit être développé, comprenant des mesures spécifiques pour augmenter les niveaux d’emploi, ainsi que des accords commerciaux pouvant générer un réel développement économique cohérent avec les lois du marché. Le commissaire Füle et la haute représentante, Mme Ashton, ont attiré l’attention, à l’aide du slogan «plus pour plus», sur le concept de la conditionnalité de l’aide, qui vise à récompenser les pays qui s’engagent le plus activement sur la voie des réformes démocratiques et du respect des droits de l’homme. Cette attitude est cohérente avec nos valeurs européennes, efficace pour le développement et - si je puis me permettre - moralement juste pour les contribuables.
Je voudrais conclure en déclarant qu’une politique européenne de gestion des grands flux migratoires devrait aller de pair avec l’acceptation du principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les États membres en vertu de l’article 80 du traité, parce qu’aucun pays ne peut faire face seul à un cas d’urgence aux proportions aussi énormes.
Enfin, je remercie la commissaire Malmström pour son soutien à certains ou à de nombreux points de ce rapport, et j’espère que l’Europe pourra effectivement travailler avec l’Italie pour traiter ce phénomène de dimension internationale qui nous affecte tous.
Corina Creţu, rapporteure pour avis de la commission du développement. – (RO) Madame la Présidente, je voudrais commencer par remercier le rapporteur pour la coopération productive dont j’ai bénéficié lors de la rédaction de ce rapport.
Le sujet dont nous discutons aujourd’hui, l’exode de populations du sud de la Méditerranée, n’est pas seulement un problème pour les pays de cette région. En effet, l’Union européenne tout entière a le devoir de résoudre ce problème humanitaire urgent. Il s’agit d’une situation spécifique que nous ne pouvions pas prévoir quand ce rapport a été rédigé. L’avis de la commission du développement est que la priorité doit être de s’occuper de la situation humanitaire et de fournir une aide aux réfugiés. Toutefois, nous ne pouvons accepter les solutions populistes extrêmes suggérées, comme la promesse faite aux habitants de Lampedusa qu’ils seraient débarrassés des immigrants dans un délai de 60 heures. Les évacuations vers le continent ont eu lieu, mais les régions de destination ayant refusé d’accueillir les camps, il a fallu opter pour le rapatriement.
Je trouve inacceptable que la France et l’Allemagne aient refusé d’accueillir une partie des réfugiés, et que le ministre italien de l’intérieur menace d’accorder des permis de séjour temporaires qui permettraient à des milliers d’immigrants de se déplacer dans toute l’Union européenne. Ces réponses ne sont ni constructives ni inclusives et ne sont pas conformes aux engagements des États membres. Ni l’égoïsme, ni la solidarité forcée ne comptent parmi les valeurs sur lesquelles l’Union européenne a été fondée. C’est pourquoi je pense que nous devons insister aussi fermement que possible sur le dialogue et la coopération afin d’identifier des solutions communes à ce grave problème.
Franziska Keller, rapporteure pour avis de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. – (EN) Madame la Présidente, le phénomène de la migration ne signifie pas des flux venant de partout et se dirigeant vers l’Europe. En fait, la plupart des migrations se produisent en dehors de l’Europe, dans des pays ou des régions situées sur d’autres continents.
Actuellement, le Pakistan et la Syrie sont les pays qui accueillent le plus de migrants - un fait que nous ne devrions pas oublier. La migration tient à de nombreux facteurs: la guerre, les conflits, la pauvreté, la discrimination, la violence et les persécutions, l’aspiration au regroupement familial, le changement climatique et bien d’autres. Nous devrions nous occuper de ces questions, lutter contre les facteurs d’incitation plutôt que contre les migrants eux-mêmes. Et pour combattre ces facteurs d’incitation, nous avons besoin d’une bonne politique de développement, et à cet égard la conditionnalité ne sera pas d’une grande aide.
Nous devons réviser les politiques qui vont à l’encontre de nos objectifs de développement, comme c’est parfois le cas avec la politique commerciale et l’agriculture. Mais il nous faut aussi une bonne politique de promotion de la démocratie et des droits de l’homme. Par le passé, la Communauté et les États membres ont coopéré avec les pays tiers afin d’arrêter les flux de migrants et non pour promouvoir les droits de l’homme. La Commission avait négocié un accord avec la Libye, visant à aider ce pays pour que Kadhafi stoppe les migrants. Aujourd’hui il est temps de changer cette politique. Je suis très heureuse d’entendre que vous convenez avec moi que nous devons changer d’urgence notre attitude pour l’orienter vers une optique davantage axée sur les droits de l’homme. Nous devrions garder à l’esprit que la stabilité n’est pas la seule chose que les gens veulent et dont ils ont besoin. La stabilité sans démocratie n’est pas une manière durable d’aller de l’avant. La stabilité associée à la pauvreté n’offre aucune perspective. La stabilité est importante, mais ce n’est pas la seule chose qui importe.
Nous ne devons pas fermer nos portes aux quelques migrants de par le monde qui prennent la route de l’Europe. Nous devons mettre en place un régime d’asile européen commun offrant une protection efficace à ceux qui en ont besoin et nous devons également protéger les migrants fuyant les conflits. Nous devons introduire un régime équitable de migration légale garantissant des droits sociaux adéquats aux migrants. Nous devons trouver des moyens de protéger les migrants climatiques, car s’ils doivent fuir c’est parce que nous provoquons le changement climatique. Nous devons également réviser nos politiques en matière de visas et de frontière dans la perspective des droits de l’homme.
Nous ne devrions pas avoir peur des migrants. Ce sont des gens comme nous, qui souvent se trouvent dans une profonde détresse et sont à la recherche d’une vie meilleure, de la paix et de la prospérité. N’est-ce pas pour cela que l’UE a été fondée?
Alors je le demande à la Commission: le régime d’asile européen commun sera-t-il introduit? Qu’en est-il du règlement Carte bleue? Et comment allez-vous garantir que l’article 208 du traité Lisbonne, à savoir le principe consistant à ne pas porter préjudice à nos objectifs de développement, sera pleinement mis en œuvre?
Mario Mauro, au nom du groupe PPE. – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, je vous remercie avant tout pour l’engagement que vous avez pris en élaborant ce train de mesures, dont je pense qu’il envoie un signal politique clair: ce problème n’est pas le problème de Malte, ce n’est pas le problème de l’Italie, ce n’est pas le problème de l’Espagne: c’est un problème européen.
Je pense que cela a été déclenché par vos références à la solidarité entre États membres et à la politique européenne de voisinage, au désir de promouvoir un financement adéquat pour l’urgence humanitaire, l’assistance, le rapatriement et la formation, d’intervenir sur la question des demandeurs d’asile, de mettre sur pied un programme qui mette fin à l’impasse, la sacro-sainte référence à la directive 2001/55/CE, et le désir de renforcer l’opération Hermes. Tout cela est réellement le signe d’un désir européen de mettre fin à l’apathie et à l’incohérence qui ont prévalu pendant de nombreux mois.
Parallèlement, permettez-moi d’expliquer ce qui est au cœur de notre préoccupation. Notre préoccupation essentielle, ce n’est pas la vingtaine de milliers de personnes qui ont accosté à Lampedusa. Nous sommes préoccupés par le fait politique que cela représente. Par comparaison, ce qui s’est passé en 1989 lors de l’implosion du système soviétique et de la chute du communisme a été une énorme charge, par exemple, pour l’Allemagne et l’Autriche, mais à l’époque ces deux pays ont pu compter sur la solidarité européenne. On a tenté de réagir politiquement à ce défi et d’offrir une feuille de route, ce qui a conduit à l’intégration de nombreux pays et de nombreuses populations, dont les représentants sont maintenant dans cette Assemblée.
Nous n’attendons pas monts et merveilles. Il n’y a pas de raison d’intégrer les pays du sud de la Méditerranée, mais il y a des raisons d’appliquer une politique de voisinage enfin digne de ce nom, et de déployer une stratégie euro-méditerranéenne qui le soit également. C’est ce que nous demandons à l’Europe. Je pense que ce que vous avez dit va dans ce sens.
Au sujet de la directive 2001/55/CE, par exemple, je voudrais demander, outre la référence à celle-ci comme vous l’avez fait, que la Commission fasse une vraie proposition à présenter au Conseil, une proposition qui devrait être votée par le Conseil à la majorité qualifiée et devrait conduire les pays européens à admettre le fait inévitable que le problème des immigrants est un problème européen, et à reconnaître que le problème de la protection des immigrants est un problème européen que nous ne pouvons plus éluder.
Juan Fernando López Aguilar, au nom du groupe S&D. – (ES) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, j’ai également participé au dernier débat de cette Assemblée sur ce sujet brûlant et je ne peux que regretter que, du fait que seules certaines des propositions présentées lors du débat ont été prises en compte, nous nous retrouvons avec l’afflux énorme et les situations que nous constatons aujourd’hui, principalement à Lampedusa.
Nous sommes au courant de l’aide apportée par Mme Malmström et des efforts qu’elle consent, en tant que commissaire chargée des affaires intérieures, pour renforcer le fonds pour les frontières extérieures, le fonds européen pour le retour et le fonds européen pour les réfugiés et, bien sûr, pour gérer l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne.
Toutefois, cette crise dans le sud de la Méditerranée montre clairement que la question qui se pose n’est pas seulement celle de la crédibilité, mais aussi de la viabilité de la politique d’immigration européenne commune, qui vise à créer un espace de liberté, de sécurité et de justice, conformément aux articles 67 à 89 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le résultat de cette crise, c’est que cette délicate politique étrangère européenne transformationnelle, qui met en jeu la viabilité de cette stratégie pour la Méditerranée, de cette association pour la Méditerranée, lance un défi particulier en termes d’impact humanitaire et de signification de l’Europe dans le traitement dudit impact sur les personnes déplacées et les demandeurs d’asile et réfugiés potentiels.
Par conséquent, je voudrais encore une fois souligner que ce débat devrait servir à mettre fin, une bonne fois pour toutes, à l’impasse sur le paquet de mesures pour l’asile; à attirer l’attention, une bonne fois pour toutes, sur la nécessité de mettre en œuvre la directive 2001/55/CE relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et de garantir son respect. En outre, et c’est particulièrement important, il faudrait aussi élaborer une politique de solidarité plus vaste et allant au-delà de la directive, afin de mettre en œuvre la clause de solidarité qui, elle aussi, est prévue dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et qui devrait être appliquée lorsque nous sommes confrontés à des situations comme celle-ci.
Car nous devons effectivement être conscients que ni l’Italie, ni l’Espagne, ni la Grèce, ni aucun des pays bordant la Méditerranée ne sont en mesure de s’attaquer seuls à ces problèmes.
En outre, je suis frappé par le fait qu’aucun appel ou demande n’ait encore été lancé en faveur de l’activation de l’article 5 de cette directive, en vue de mettre en œuvre cette clause de solidarité conformément au traité. Il est évident que nous devrions saisir cette occasion d’apporter une réponse digne et constructive à une question qui est clairement européenne, tout comme la Méditerranée.
Cecilia Wikström, au nom du groupe ALDE. – (SV) Madame la Présidente, nous avons entendu aujourd’hui de nombreuses personnes exprimer leur préoccupation au sujet des flux migratoires. Les gens ont tout simplement peur d’une immigration massive en Europe à la suite des événements importants survenus récemment en Afrique du Nord. Ces événements vont certainement provoquer des flux migratoires: ils ont déjà commencé et il est certain qu’ils vont continuer. Il est inévitable que les gens fuient l’instabilité et la violence, en particulier celles nées de la situation actuelle en Libye. Jusqu’ici, toutefois, les flux migratoires ont été plus horizontaux que verticaux et concernent principalement la Tunisie et l’Égypte, mais des milliers de personnes ont également débarqué sur la petite île italienne de Lampedusa, ce qui met réellement à l’épreuve la solidarité entre les États membres. Ce qui est inquiétant, c’est qu’à ce jour les États membres de l’UE ont échoué à ce test de solidarité et qu’ils ne semblent guère désireux de faire bloc tous ensemble en ces temps difficiles.
Le groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe pense que ce que nous pouvons faire de plus important tout de suite c’est de mettre en œuvre la directive sur le droit d’asile. La réponse à un peu plus long terme est la préparation d’une politique d’asile européenne commune qui soit digne de ce nom. Cela permettra, entre autres, de mettre fin provisoirement aux transferts de demandeurs d’asile en vertu de Dublin II quand un État membre, quelle qu’en soit la raison, est extrêmement surchargé. La solidarité implique également la responsabilité. Chaque État membre doit maintenant respecter et appliquer la directive qui vise à harmoniser la protection de personnes fuyant leur pays et, avant 2012, à développer un régime d’asile européen durable. Nous nous sommes engagés à agir en ce sens, donc nous devons le faire et nous y mettre, et nous devons agir dans un esprit de solidarité en respectant les engagements internationaux en faveur de la sécurité commune et de la stabilité pour tous.
Jean Lambert, au nom du groupe Verts/ALE. – (EN) Madame la Présidente, je suis très contente que la commissaire nous ait rappelé que les déplacements massifs de population dans la région ont eu lieu en Afrique du Nord même. Le HCR estime que plus de 400 000 personnes ont déjà quitté la Libye. Compte tenu de ce que nous avons entendu précédemment sur la directive «procédures», c’est un fait dont certains collègues feraient bien de se souvenir: la majorité des gens qui se déplacent le font à l’intérieur de l’Afrique du Nord.
Nous nous félicitons du soutien offert au HCR et aux autres organes d’aide aux personnes déplacées. Toutefois, de nombreuses préoccupations ont été exprimées, à juste titre, quant à la pression subie par Malte et Lampedusa. Cette pression est certes importante mais pas équivalente à ce qui se passe en Tunisie et en Égypte. Cependant, l’inquiétude croît en ce qui concerne la situation des jeunes mineurs non accompagnés, ou séparés à l’arrivée. L’on craint qu’ils ne soient pas suffisamment aidés ou pas correctement identifiés. Nous espérons que la Commission examinera leur situation et celle des autres personnes considérées comme étant particulièrement vulnérables à ce stade.
Nous nous félicitons aussi de l’intention d’utiliser la directive sur la protection temporaire des migrants. La commissaire pourrait-elle définir les critères qu’elle utilisera pour évaluer s’il y a lieu d’effectuer une recommandation?
Rui Tavares, au nom du groupe GUE/NGL. – (PT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, les réfugiés ont été reçus à Lampedusa dans des conditions effrayantes, sans nourriture ni équipements sanitaires: des conditions qui sont réellement inhumaines. Le centre de détention est actuellement fermé et les organisations non gouvernementales, les journalistes et peut-être même les députés du Parlement n’y ont pas accès. Le conseil italien pour les réfugiés demande que des décisions de protection temporaires soient accordées à ces réfugiés, conformément à la directive 2001/55/CE, et vous avez approuvé cette application, Madame la Commissaire. Je vous remercie pour votre intervention, car la portée de cette application était vaste et globale. Il y a des choses avec lesquelles nous sommes d’accord, et d’autres que nous désapprouvons. Toutefois, il y a également un nom pour désigner ce qui bloque cette action globale: l’hypocrisie des États membres.
Vous avez parlé, Madame la Commissaire, d’obtenir une codécision sur la réinstallation. En tant que rapporteur, je peux dire que le Parlement est prêt à examiner toute idée que le Conseil nous présentera. Cependant, cela fait un an et demi que nous attendons, et nous n’avons pas entendu une seule idée concernant la réinstallation. C’est cette hypocrisie des États membres qui a permis au Colonel Kadhafi de balayer les réfugiés et les immigrants sous le tapis des années durant pendant qu’ils lui vendaient des armes. C’est pourquoi toutes les discussions sur le manque actuel de ressources est totalement hypocrite aussi. Rien qu’en 2009, les ventes d’armes au colonel Kadhafi ont rapporté 343 millions d’euros aux pays de l’Union européenne, alors que le montant initial qu’ils ont mis à disposition pour recevoir les réfugiés chassés par les révolutions arabes était de 3 millions d’euros, soit cent fois moins. Je pense que cette différence parle d’elle-même.
Mara Bizzotto, au nom du groupe EFD. – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Lampedusa a été envahie par des dizaines de milliers de Nord-Africains que l’île ne pourra jamais absorber. Pendant des semaines, l’Italie a été le but de centaines d’embarcations d’immigrants illégaux. Si nous ne réagissons pas ensemble, si l’UE ne réagit pas, cette vague migratoire de personnes déplacées va se poursuivre.
Les immigrants illégaux qui sont arrivés ces derniers mois doivent être renvoyés chez eux; il n’y a pas d’alternative. Toutefois, à l’exception de quelques paroles de solidarité, on a laissé le gouvernement italien se débrouiller seul pour faire face à cet exode biblique aux dimensions imprévues.
Où est l’Europe? Jusqu’ici, Bruxelles fait la morte; mes compatriotes ne peuvent plus supporter ce honteux comportement. L’Europe a laissé l’Italie faire face seule à ce cas d’urgence sans précédent. Alors qu’elle devrait au contraire aider l’Italie à rapatrier ces immigrants illégaux, et devrait également soutenir les efforts du gouvernement italien pour empêcher des milliers et des milliers de personnes de continuer à arriver, principalement de Tunisie.
Quant aux réfugiés libyens, c’est une autre question: l’Europe devrait aider l’Italie pour les opérations d’identification et de gestion logistique, mais elle doit surtout faire en sorte de garantir que des réfugiés soient accueillis dans tous les États membres. L’accueil des personnes qui fuient la guerre ne peut être laissé à la charge de la seule l’Italie. Assez de bavardages. Il faut que l’Union européenne fasse sentir sa présence. Nous ne pouvons accepter le fait que l’Italie soit submergée d’immigrants illégaux pendant que la France les rejette si honteusement. Les immigrants illégaux devraient être renvoyés chez eux, et tous les États membres doivent maintenant s’engager à recevoir les réfugiés libyens.
Philip Claeys (NI). – (NL) Madame la Présidente, ce à quoi nous assistons à Lampedusa a été décrit et prédit dès 1973 par l’écrivain français Jean Raspail dans son roman prophétique Le Camp des saints. La seule différence, c’est que la réalité dépasse la fiction.
L’Europe doit prendre le contrôle de cette situation, au lieu de se contenter de la laisser se produire. Il est absurde de commencer par applaudir le changement de régime survenu en Tunisie et en Égypte, puis d’accepter immédiatement une migration massive ou, plus précisément, des soi-disant réfugiés venant de ces pays. Chacun sait que pratiquement aucun des passagers de ces embarcations qui accostent à Lampedusa n’est éligible au statut de réfugié politique. Toutefois, ces gens sont maintenant autorisés à débarquer sur le territoire européen et, avec l’aide de toutes sortes de groupes subventionnés, de trafiquants d’êtres humains et de coûteux avocats, les voilà qui vont commencer à introduire des procédures, en les faisant traîner en longueur le plus possible et, le cas échéant, entrer dans la clandestinité si le statut de réfugié ne leur est pas accordé.
À en juger par les événements actuels, Frontex ne protège pas les frontières extérieures de l’Europe; elle joue le rôle d’une sorte de comité d’accueil. Ces navires devraient être renvoyés sous escorte à leur point de départ et les véritables réfugiés devraient, dans la mesure du possible, être acceptés dans leur propre région, au lieu de venir en Europe. Il est aussi fondamentalement important que diverses conventions internationales soient adaptées aux besoins actuels.
Agustín Díaz de Mera García Consuegra (PPE). – (ES) Madame la Présidente, je voudrais saisir l’occasion que représente ce débat pour parler d’une question fondamentale: l’urgence. Ils ne peuvent y faire face seuls.
À l’origine de ce problème il y a, comme chacun sait, l’instabilité de la situation en Tunisie et en Égypte et la guerre en Libye. Or, nul ne sait combien de temps cette situation va durer: probablement assez longtemps, malheureusement. Nous devons donc décider comment nous pouvons utiliser nos politiques communes pour gérer l’urgence, parce qu’ils ne peuvent pas y faire face seuls.
À mon avis, Madame la Présidente, Madame la Commissaire, la solidarité avec les victimes et la solidarité avec les États et régions d’accueil doivent être notre priorité.
Nous disposons d’instruments que nous n’utilisons pas adéquatement. Nous avons quatre fonds. J’ai été frappé par les sommes ridiculement modestes dont Mme Malmström nous a parlé clairement et rapidement. Elle a parlé de 30 millions d’euros, de 25 millions d’euros sur demande, etc. Or, nos quatre fonds, le Fonds pour les réfugiés, le Fonds pour le retour, le Fonds pour les frontières extérieures et le Fonds d’intégration sont dotés au total de près de 3 milliards d’euros au titre des perspectives financières.
Madame Malmström, il me semble que ces fonds devraient être utilisés pour les situations d’urgence, parce que nous devons avoir la capacité de les utiliser et de les modifier. Nos limites en termes de collaboration et de solidarité sont symbolisées par la fragilité que l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne a montrée lors de l’opération Hermes. L’arrivée de nombres croissants de personnes fuyant la guerre et le désespoir met en lumière à quel point cette capacité est limitée. Ils ne peuvent faire face seuls.
Qui le peut, alors? L’Union européenne dispose de la solidarité nécessaire pour répondre en temps réel aux exigences de cette situation d’urgence.
Ana Gomes (S&D). – (PT) Madame la Présidente, le rapport Provera ne pouvait pas tomber à un moment plus difficile. La Tunisie et l’Égypte, qui connaissent toutes deux d’énormes problèmes économiques, ont déjà ouvert leurs portes à plus de 400 000 réfugiés venant de Libye. Malgré cela, les gouvernements européens ont décidé de se voiler la face et d’ignorer les 20 000 personnes amassées à Lampedusa dans des conditions indignes. Les révolutions d’Afrique du Nord rendent plus pressante la nécessité pour les États membres de l’Union européenne de remplir leurs obligations humanitaires consistant à accueillir des réfugiés et à établir une nouvelle politique de migration basée sur la solidarité et sur les autres valeurs et principes fondamentaux de l’Union européenne. Il se peut que les politiques de la porte fermée et du retour forcé appliquées par certains États membres au cours des dernières années à l’égard de leurs voisins méditerranéens aient empêché certains migrants d’atteindre l’Europe, moyennant des contrôles accrus dans les ports d’Afrique du Nord, des patrouilles en Méditerranée et même certaines méthodes plus brutales, comme les électrochocs. Toutefois, cette attitude a un coût scandaleusement élevé: les droits des migrants et des réfugiés, renvoyés par la force vers des régimes du type Kadhafi.
La situation d’urgence actuelle exige l’adoption d’un régime d’asile commun comportant un partage des responsabilités, y compris un mécanisme de protection temporaire et des possibilités élargies de réinstallation. Nous avons besoin d’une nouvelle stratégie de migration qui prenne en compte les causes à l’origine des migrations, comme la pauvreté, la discrimination, les conflits et la répression politique, entre autres facteurs. Faute de quoi, les trafiquants trouveront toujours de nouvelles failles à exploiter. La promotion des droits de l’homme, de la démocratie et du développement durable doivent donc devenir une réelle priorité stratégique de la politique étrangère de l’Union européenne et des programmes de développement pour le sud de la Méditerranée et au-delà.
Sonia Alfano (ALDE). – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, cette situation d’urgence est en train de donner une sérieuse leçon à la politique européenne d’asile et d’immigration. Une fois encore, il est évident que l’UE ne dispose pas du cadre législatif et opérationnel qui lui permettrait de réagir aux événements extraordinaires, mais pas imprévisibles, survenus ces derniers mois en Afrique du Nord.
Lampedusa, l’Italie et le sud de l’Italie paient pour ces erreurs, mais ceux qui paient le plus sont les réfugiés qui sont reçus de façon si inhumaine. En dépit de l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’UE et du principe du partage équitable de la solidarité, tous les pays ne se préoccupent pour le moment que de leurs propres affaires et l’attitude de la France, qui possède une frontière commune avec l’Italie, est inacceptable dans le scénario européen actuel. À cet égard, je demande instamment à la Commission d’envisager la possibilité de demander des explications au gouvernement français.
Pendant des années, l’UE a conclu des accords avec des pays tiers dirigés par des dictateurs, finançant leurs activités et faisant passer les intérêts commerciaux avant les exigences démocratiques. L’Europe est restée silencieuse face aux raids libyens: a-t-elle également l’intention de garder le silence devant la situation insoutenable de camps de toile?
Bien sûr, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est hors de question de discuter avec le colonel Kadhafi. Or, il y a quelques mois, je n’ai entendu aucune objection au traité italo-libyen qui a conduit à un traitement absolument inhumain de la question de l’immigration. Aujourd’hui, le président Berlusconi essaie la même pratique avec la Tunisie, en offrant de l’argent. Mais peut-être le nouveau gouvernement tunisien a-t-il retenu la leçon.
Que cela plaise ou non, il incombe à l’UE et à ses 27 États membres d’agir, en gardant à l’esprit la priorité majeure que sont la solidarité internationale et la protection des droits de l’homme. C’est pourquoi j’espère que la Commission européenne va proposer dès que possible le recours à la procédure d’urgence prévue par la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire des migrants, et que cette proposition sera adoptée très rapidement par le Conseil, sinon elle ne servira à rien.
Je demande également qu’une délégation parlementaire, pas une délégation de groupes politiques, soit envoyée à Lampedusa pour vérifier les conditions humanitaires des immigrants et le principe du non-refoulement.
Malika Benarab-Attou (Verts/ALE). - Madame la Présidente, ce rapport est délicat et je tiens à en critiquer le titre. L’utilisation du terme «flux migratoire» donne le ton: une vision des migrants comme des marchandises ou des envahisseurs.
Alors que les peuples de la rive Sud de la Méditerranée et nous-mêmes vivons un moment historique, la peur de l’immigration massive empêche l’Union et les États membres de relancer une nouvelle dynamique.
Les récents mouvements démocratiques au sud ont permis de nous mettre face à nos contradictions. Ils ont à nouveau mis en évidence l’incohérence et le manque de vision de nos politiques de coopération obsolètes et décalées par rapport à la réalité. Il est plus que temps pour l’Union européenne de mettre en place une politique migratoire qui soit en cohérence avec nos valeurs, qui reconnaisse que notre monde est celui de la mobilité des personnes, celui de la circulation des humains.
Continuer à parler de flux migratoires est aberrant et contraire à nos valeurs humanistes. Si nous, Européens, voulons être un acteur d’envergure dans le monde, nous devons changer notre approche et travailler à l’édification d’une union fraternelle pour la Méditerranée, qui ne pourra se faire sans révision de la politique de mobilité, nommée aujourd’hui migratoire. Nous devons être à la hauteur des attentes des peuples du Sud.
La peur de l’immigration ne peut plus conduire nos politiques. Le renforcement des contrôles aux frontières ne doit plus être la première motivation dans la mise en place d’accords de coopération, comme cela avait été le cas avec la Libye.
Nous devons revoir les conditions nécessaires à toute signature d’accords en matière de circulation des personnes concernant les accords de réadmission, afin d’être en cohérence avec le respect des droits de l’homme. Nos actes sont encore dans une approche sécuritaire de la mobilité, en contradiction avec nos valeurs et nos exigences de protection des populations. La position scandaleuse de MM. Berlusconi et Guéant doit être dénoncée avec vigueur.
Madame la Commissaire, quelle politique avoir pour mettre en place une véritable Union pour la Méditerranée, fraternelle avec les peuples du Sud, qui se sentent aujourd’hui méprisés par nous?
Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL). - Madame la Présidente, le groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique ne votera pas ce rapport qui comprend, certes, quelques éléments positifs, mais ils sont en permanence contredits par les pratiques de certains États membres, dont mon propre pays.
Ce rapport refuse de voir que les migrations sont d’abord Sud-Sud. À défaut de le reconnaître, les tensions ne peuvent que s’aggraver et enfoncer un peu plus dans la pauvreté un certain nombre de ces États.
Certes, l’Union européenne ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle n’est en rien menacée; les chiffres sont là pour le démontrer, quelles que soient les gesticulations de certains. L’Union européenne ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle devrait y contribuer au prorata de sa richesse, de ses besoins et des dégâts qu’elle a causés et que causent encore certaines de ses entreprises, qui pillent les richesses de ces pays. Ce rapport reste dans la ligne de cette Europe forteresse repliée sur elle-même, au mépris de ses propres intérêts, notamment démographiques.
Non, l’Union européenne ne tire pas les leçons des révolutions en cours dans les pays arabes. Elle ne fait pas preuve de solidarité. En quelques jours, les Tunisiens ont accueilli plus de 100 000 réfugiés libyens dans des conditions exemplaires. Non, Madame la Commissaire, les discours de l’Europe ne sont pas à la hauteur des problèmes qui se posent au monde. Ils ne peuvent qu’alimenter les politiques xénophobes de certains États membres, et je le regrette.
Mario Borghezio (EFD). – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d’abord remercier la commissaire Malmström pour son énorme travail, semaine après semaine, sur le traitement de ce désastre épique - car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Les commentaires sont allés bon train, pas seulement dans cette Assemblée, pour essayer de minimiser et de faire la lumière sur le problème auquel notre gouvernement, notre pays et notre population ont été confrontés. Cette question a été, et continue d’être, une urgence - humanitaire, entre autres - d’une ampleur exceptionnelle. Je pense que notre gouvernement, et surtout notre population, s’en sont bien sortis en termes d’opinion publique internationale. Les habitants de Lampedusa ont eu un comportement remarquable, d’abord en accueillant les immigrants, ensuite en les aidant de leurs propres deniers. Après quoi, ils ont déclaré à un certain moment: «Nous ne pouvons plus continuer à le faire» parce que, outre les droits de l’homme dont nous discutons tous les jours dans cette Assemblée, nous devons également considérer les droits des populations, y compris leur droit à maintenir leur identité, leurs activités et, naturellement, à ne pas être envahis.
Parmi les migrants, il y a également des immigrants illégaux, des criminels libérés de prison. Cela préoccupe à juste titre les pays qui doivent les accueillir. En outre, quand les flux migratoires prennent la dimension - je le répète - d’une invasion, il nous faut affronter le problème.
Nous sommes à cent pour cent avec nos compatriotes, et il n’y a pas de «si» ni de «mais». L’Union européenne doit nous soutenir et prendre acte, Madame la Commissaire. En plus des droits de l’homme, nous devons tenir compte de nos droits, et de ceux des populations autochtones. C’est pourquoi nous approuvons totalement les efforts consentis par le gouvernement italien en ce moment en Tunisie, car en comparaison des chiffres modestes annoncés par la commissaire, le gouvernement italien offre beaucoup à la Tunisie. Beaucoup de choses sont en train de se faire et nous sommes convaincus que nous obtiendrons des résultats concrets.
Toutefois, nous devons traduire nos paroles en actes et Frontex ne fait pas ce qui aurait dû être fait pour mettre fin à ce trafic odieux, car ce dernier est la honte de la Méditerranée, et l’Union européenne en est partiellement responsable. Par conséquent, je dis: empêchons les trafiquants de nuire, et je dis oui à un plan Marshall pour ces pays.
Andreas Mölzer (NI). – (DE) Madame la Présidente, Madame Malmström, tout le monde sait que des ressortissants de pays surpeuplés et sous-développés risquent leur vie tous les jours parce que l’UE, avec ses idées pseudo humanitaires, n’a pas expliqué clairement que les règles applicables aux migrants ne sont pas les mêmes que celles qui s’appliquent aux réfugiés.
D’après la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, un réfugié est une personne, comme nous le savons tous, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité […], qui craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, […] ou de ses opinions politiques, et qui ne peut, ou ne veut, se réclamer de la protection de ce pays ou y retourner en raison de ladite crainte. Toutefois, cette définition ne s’applique pas à la grande majorité des personnes qui fuient chaque jour vers l’Europe. Indépendamment de la situation qui prévaut dans leur pays d’origine, elles veulent seulement se rendre quelque part dans l’UE - vers le pays où, croient-elles, coulent le lait et le miel - afin d’y tenter leur chance et, généralement, uniquement pour profiter de nos systèmes de protection sociale. Cela a peut-être un sens à leurs yeux, mais en tant que députés du Parlement européen, nous devons servir les intérêts des Européens. Et servir les intérêts des Européens n’inclut certainement pas d’assister en permanence des millions de migrants économiques qui, vu leur absence de formation et de qualifications correspondant aux besoins de notre marché du travail, ne nous sont tout simplement pas très utiles.
Ce serait aussi extrêmement déloyal à l’égard de pays comme la Tunisie et la Libye notamment, qui sont en train de se libérer de régimes dictatoriaux et commencent à s’engager sur la voie de la démocratie et auront besoin de toutes leurs forces pour reconstruire leur pays. Ces populations doivent développer leurs propres pays.
Depuis la fin de la dictature de Ben Ali, la Tunisie est un pays libre. Cette situation doit également être prise en compte ici dans l’UE dans les discussions sur la manière de traiter les afflux massifs de populations en provenance d’Afrique du Nord. En conséquence, tous les migrants économiques devraient, à mon avis, être renvoyés chez eux avant même qu’ils n’atteignent l’Europe. Ils ne devraient même pas être autorisés à débarquer à Lampedusa, et nous devrions investir l’agence européenne Frontex des pouvoirs appropriés pour garantir qu’il en soit ainsi.
Salvatore Iacolino (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, nous avons entendu une série de mesures et d’initiatives qui sont certainement à la fois rassurantes et conformes aux lignes requises par la délégation italienne lors de la réunion que nous avons eue la semaine dernière avec le chef de la délégation et avec le président Barroso: davantage de solidarité, de moyens, des actions plus spécifiques et plus énergique pour Lampedusa, Malte et tous les États exposés à un problème de pressions migratoires exceptionnelles, auquel seule la gouvernance européenne peut s’attaquer.
Ces déclarations rassurantes sont naturellement cohérentes avec nos conceptions de l’application de l’article 5 de la directive 2001/55/CE. Nous escomptons que cela pourra être présenté au Conseil suivant un calendrier parfaitement raisonnable. Une politique européenne de voisinage plus cohérente, basée sur les résultats et sur une politique de primauté en faveur des régions frontalières qui peuvent consacrer des ressources à faire en sorte que leurs jeunes puissent trouver des occasions d’emploi et de croissance dans leur propre pays. Un plan opérationnel amélioré et plus adéquat pour Frontex, qui s’est affectivement avérée utile avec ses patrouilles conjointes pendant cette période exceptionnelle. Nous pensons que la section sur le financement pour la migration offre une possibilité de poursuivre l’action, vu la situation exceptionnelle dont chacun est maintenant bien conscient.
Madame la Commissaire Malmström, nous n’avons pas mentionné les mesures compensatoires. Le commissaire Hahn ne vous a pas accompagnée et il aurait probablement été utile qu’il le fasse. Une révision des Fonds structurels, une politique qui prenne en compte le caractère exceptionnel de la situation, la réduction de l’attractivité, la pénalisation de la Sicile du fait de la perte d’attractivité de la région en termes de pêche et de tourisme, une pénalisation pour laquelle Lampedusa et la Sicile doivent recevoir une certaine compensation.
Cent cinquante mille Égyptiens sont retournés en Libye, mais cette question de migration ne s’arrête pas là. C’est pourquoi nous devons agir très fermement au moyen d’une politique européenne forte et décisive, et nous sommes convaincus que le président Barroso et vous-même pourrez mettre en œuvre cette stratégie au travers d’un plan global de migration. Nous ne pouvons davantage attendre la prise de mesures et nous sommes convaincus que d’ici la fin de ce mois-ci, l’Europe présentera un plan pour les migrations, dans l’intérêt de la solidarité que nous attendons depuis si longtemps et que nous voulons finalement voir mettre en œuvre.
John Attard-Montalto (S&D). – (EN) Madame la Présidente, tout d’abord, j’entends certains de mes collègues – pas tous – qui participent à ce débat et qui parlent de migration comme si la chose n’était pas en train de se produire, mais plutôt comme si elle allait avoir lieu.
Une tragédie humaine a lieu au moment même où nous discutons ici dans cette Assemblée. Très souvent, nous discutons pour savoir si nous sommes d’accord ou non, mais il y a une chose sur laquelle nous devrions être d’accord, c’est cette tragédie en train de se produire à notre porte, en ce moment même, à quelques centaines de kilomètres de la frontière sud de l’Union européenne, et qui va continuer à s’amplifier. Or, nous continuons à débattre, alors que nous avons un outil – la directive 2001/55/CE du Conseil – qui peut être appliquée par le Conseil sur recommandation de la Commission.
Comment allons-nous mesurer, quand tout sera terminé, si l’afflux est important, assez important, ou pas important? L’Union européenne doit décider si elle veut agir ou réagir. La réaction, c’est quand les choses sont déjà arrivées. Ne courons pas derrière la musique. Prenons nos responsabilités dès aujourd’hui.
Sarah Ludford (ALDE). – (EN) Madame la Présidente, gestion efficiente, cohérence, solidarité, responsabilité, telles sont les qualités sur lesquelles une politique commune d’immigration de l’UE est censée être fondée. Cette définition ne se retrouve pas dans le palmarès de l’UE couvrant la dernière décennie et mérite une note d’environ trois sur dix. Ce n’est pas la faute de la Commission, qui a élaboré sans relâche des politiques et proposé des lois, mais qui sont largement celles des États membres. Il est temps de renoncer aux réactions chaotiques et de repartir du bon pied, en gestionnaires proactifs et efficaces que nous sommes. Peut-être gagnerions-nous à nous pencher sur un pays comme le Canada, en particulier sur sa politique d’immigration légale.
Mon pays, le Royaume-Uni, s’est tenu à l’écart de toute idée de politique commune. Je le regrette, mais quand tant de ceux interviewés en des lieux comme Lampedusa disent qu’ils veulent se rendre rapidement vers le nord, et souvent au Royaume-Uni plus précisément, cela n’incite pas mon pays, qui a connu lui-même une très importante immigration, à lever les contrôles à ses frontières.
Je crois en la solidarité. Je pense que la directive sur la protection temporaire devrait être invoquée maintenant. Toutefois, la mise en œuvre adéquate de la législation de l’UE sur l’accueil des immigrants et sur le traitement des demandes d’aide financière ou autre, et également sur l’intégration et sur l’application du droit du travail, doit reposer sur la responsabilité partagée de tous les États membres, sur ceux du nord et ceux du sud aussi. La solidarité et la responsabilité doivent être à double sens.
Hélène Flautre (Verts/ALE). - Madame la Présidente, je crois qu’on ne peut pas d’un côté se réjouir de la révolution en Tunisie et, de l’autre, exiger de ce pays qu’il mette en œuvre la politique de garde-frontière comme du temps de la dictature de Ben Ali. Je crois qu’il faut arrêter ces pressions sur le gouvernement tunisien, qui a bien d’autres sujets à traiter: ses propres réfugiés - comme cela a été dit - et la conduite de son processus de transition démocratique.
Donc, la situation est exceptionnelle et nouvelle et ça devrait peut-être nous permettre d’inventer des solutions adaptées dans le respect de la solidarité. Mme Ludford a raison, c’est cela qui manque certainement le plus au sein de l’Union européenne. Je pense que le travail de la Commission européenne, et du Parlement, pourrait consister d’abord à déclarer un moratoire sur les renvois de Tunisiens et de Tunisiennes parce que c’est vraiment inconvenant et malvenu. Il faudrait aussi accorder une admission exceptionnelle au séjour des Tunisiens qui sont déjà arrivés en France et en Italie, garantir l’accès au territoire européen aux personnes en quête de protection et s’abstenir de toute mesure ou de tout accord qui pourrait entraver cette protection, mettre en œuvre le dispositif - comme cela a été dit - de la directive de 2001 à toutes celles et à tous ceux qui peuvent s’en prévaloir, et accueillir, dans le cadre de la réinstallation, les réfugiés présents à la frontière tuniso-libyenne.
Et puis, je crois, qu’il faut avoir en tête de construire avec ces futurs pays pleinement démocratiques des relations de coopération pour que les Tunisiens puissent, de manière tout à fait légale, venir travailler, s’instruire et circuler, pour installer des vrais canaux de mobilité entre les deux rives de la Méditerranée.
(Applaudissements)
Willy Meyer (GUE/NGL). – (ES) Madame la Présidente, je pense que Lampedusa est devenu un symbole de l’inhumanité de la politique d’immigration de l’Union européenne. Il ne s’agit pas simplement d’un problème immédiat, c’est un problème structurel.
Je me souviens du 14 février 2009, au cours de la session parlementaire précédente. Je me suis rendu à Lampedusa avec une délégation de mon groupe parlementaire. C’était un voyage en enfer; j’ai bien dit: en enfer! Cette politique de migration n’était pas basée sur la compréhension que l’émigration est un droit et non un crime, et elle ne faisait rien pour garantir le principe sacré du droit à demander l’asile.
À Lampedusa en 2009, rien n’était fait pour identifier les gens ou traiter les demandes d’asile, jusqu’à ce que les gens fassent ce qu’ils devaient faire: se révolter, se mutiner, parce qu’ils vivaient comme des bêtes.
Depuis 2009 à aujourd’hui, rien n’a changé. En fait, on pourrait dire que quelque chose a changé: le président Berlusconi a signé un accord avec le colonel Kadhafi en dépit du fait que ce dernier ne respecte pas le droit international et qu’il a expulsé le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés en sachant qu’il y avait 9 000 réfugiés en Libye; cette même Libye qui est actuellement bombardée à la suite d’un appel humanitaire.
C’est cette hypocrisie qui doit être changée. C’est cela qui doit changer fondamentalement dans l’Union européenne.
Gerard Batten (EFD). – (EN) Madame la Présidente, la décision du Conseil adopte la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Permettez-moi de la citer: « […] prendre toutes mesures nécessaires […] pour protéger les populations et les zones civile menacées d’attaques en Jamahiriya arabe libyenne, […], tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen».
Cette seule phrase contient deux idées complètement contradictoires. Comment allez-vous pouvoir protéger des civils contre des attaques sans occuper la moindre parcelle du territoire? Comment des nations possédant un long et illustre passé militaire comme la Grande-Bretagne et la France peuvent-elles adopter une politique aussi inepte? La réponse à cette interrogation est simple: elles sont contraintes de le faire en vertu de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne, un résultat du traité de Lisbonne. Elles n’ont plus de contrôle sur leur propre politique étrangère.
La décision du Conseil poursuit en disant que la responsabilité de la politique militaire de l’Union est assumée par la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité?. Mme Catherine Ashton va donc avoir l’occasion de partir pour sa première guerre et d’ajouter son nom à ceux de célébrités de l’histoire militaire comme Rommel, Montgomery et Eisenhower. Eh bien, je lui souhaite bonne chance, mais ce qui va très probablement se passer c’est que cette politique stupide va entraîner tous ceux qui sont concernés dans un désastre.
Les priorités du monde occidental, et des pays européens en particulier, devraient être d’encourager des régimes modérés en Afrique du Nord par tous les moyens diplomatiques possibles, et de protéger nos frontières de l’arrivée de nouveaux flux migratoires. Ce n’est peut-être pas une réponse politiquement correcte, mais c’est une réponse réaliste d’États-nations sensés, s’ils étaient en mesure de prendre ces décisions.
Daniël van der Stoep (NI). – (NL) Madame la Présidente, vendredi dernier des centaines de soi-disant demandeurs d’asile venus de l’ancienne Barbarie se sont échappés de leurs centres d’accueil en Italie continentale. Ces immigrants avaient été transférés dans ces centres parce que ceux de Lampedusa sont surpeuplés. Madame la Présidente, c’est la dure réalité: des milliers d’immigrants sans perspectives venus de Barbarie profitent de l’instabilité qui règne dans leur région et entretiennent l’espoir d’une vie meilleure dans la riche Europe.
Les immigrants interviewés à la télévision ont rapidement indiqué les villes où ils voulaient le plus se rendre – Amsterdam, Rome, peu importe – ou bien, et c’est un comble, ils se sont plaints que les autorités italiennes ne leur fournissaient pas de cigarettes ni de boissons. On en oublierait presque que des gens choisissent consciemment l’illégalité, et abusent délibérément des services sociaux en Europe. Ces soi-disant demandeurs d’asile, que je préfère appeler des pique-assiettes, doivent être accueillis dans leur région. Leur hébergement relève de la responsabilité de l’Union africaine, de la Ligue arabe ou de la terrible Organisation de la conférence islamique.
L’Union européenne n’est pas responsable de ces aventuriers. Néanmoins, puisqu’ils sont là, accélérons au maximum les procédures d’asile de ces soi-disant réfugiés et renvoyons-les le plus vite possible chez eux en Barbarie et dans le voisinage de celle-ci. Laissons ces pays en prendre la responsabilité, pas nous, et pas maintenant.
(L’orateur accepte de répondre à une question «carton bleu» (article 149, paragraphe 8, du règlement))
Silvia Costa (S&D). – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je voudrais demander à mon collègue qui vient de parler à l’instant si l’on peut considérer comme approprié de qualifier de «pique-assiettes» et d’«aventuriers» des gens qui fuient une situation de grande détresse politique – tous les groupes politiques en conviennent – comme celle qui prévaut en Afrique du Nord.
Je considère qu’il s’agit d’une allégation extrêmement grave et j’appelle la présidente à revenir sur ce qui a été dit pour déterminer si cela peut être considéré comme approprié dans le cadre d’un débat aussi délicat concernant la souffrance d’êtres humains dont on juge clairement qu’ils n’ont pas le droit de manger, puisqu’on a dit à leur propos: «ils demandent même de la nourriture et c’est un ramassis de pique-assiettes».
Je trouve très grave que cela ait été dit dans cette Assemblée et j’espère que les citoyens européens pourront lire cet énoncé extrêmement dur, qui sert uniquement à révéler la totale inadéquation politique de la personne qui a prononcé ces paroles.
Daniël van der Stoep (NI). – (NL) Madame la Présidente, Madame Costa, vous avez raison, j’emploie des mots très durs, mais très clairs. Nous, dans l’Union européenne, nous devons maintenant gérer un énorme afflux de réfugiés, et la majorité de la gauche dit qu’il s’agit simplement de pauvres gens qui fuient leur pays. Très bien, mais pourquoi doivent-ils tous venir en Europe? Je pense qu’il est plus difficile d’atteindre l’Europe par bateau que de rejoindre le Maroc ou l’Arabie saoudite. Manifestement, ils viennent ici pour nos services sociaux et parce qu’ils pourront obtenir de l’argent du gouvernement ici. Vous ne faites qu’autoriser tout cela!
Nous devons agir fermement contre cette situation et, en tant que députés du Parlement européen, nous devons nous engager à prendre parti pour les citoyens de l’Union européenne. Si vous adhérez à cette ligne de pensée, ce sera notre perte. Ensuite, nous nous tournerons vers l’Afrique sub-saharienne et, finalement, tout le monde viendra ici. Nous ne pouvons pas assumer une telle situation. C’est votre monde, pas le mien. Je vous souhaite bonne chance, ce n’est pas ce que veulent les citoyens européens, certainement pas aux Pays-Bas.
Simon Busuttil (PPE). – (EN) Madame la Présidente, il y a quelques jours, les dirigeants de l’UE annonçaient qu’ils étaient prêts à faire preuve d’une solidarité concrète avec les États membres les plus affectés par les pressions migratoires. Hé bien, le moment est arrivé, parce que ce mouvement de masse a maintenant atteint l’Union européenne. Nous appelons à présent le Conseil européen à honorer sa parole. Et que la solidarité soit concrète signifie que tous les États membres doivent endosser la responsabilité des personnes déplacées qui fuient de Libye vers l’Europe.
Nous avons déjà un outil, il nous suffit de l’utiliser. Il s’agit du mécanisme de solidarité établi par la directive 2001/55/CE, qui prévoit deux dispositions. Premièrement, toutes les personnes déplacées qui arrivent dans l’UE ont droit à une protection temporaire. Deuxièmement, la responsabilité de leur accueil incombe à tous les États membres, et pas seulement au pays où ils sont arrivés. Le mécanisme est activé par une décision du Conseil déclarant que l’afflux massif existe. Toutefois, il faut d’abord une proposition de la Commission – de vous, Madame la Commissaire.
Il ne fait aucun doute qu’un exode massif affecte la Libye. Plus de 400 000 personnes ont fui le pays, la plupart vers la Tunisie et l’Égypte, mais également maintenant vers les pays de l’UE. La semaine dernière, plus de 800 personnes, principalement des Somaliens et des Érythréens, sont arrivés à Malte en l’espace de seulement vingt-quatre heures. En proportion, ce nombre a le même impact que 120 000 personnes arrivant en France en une journée. Un tel chiffre serait certainement qualifié d’afflux massif. Ce ne sont donc pas les nombres en termes absolus que nous devons prendre en compte, mais les nombres en termes relatifs, leur impact relatif sur le pays d’arrivée.
Madame la Commissaire, je vous appelle à prendre l’initiative politique et à faire cette proposition. J’appelle également le Conseil à honorer ses promesses et à faire preuve de solidarité concrète.
Claude Moraes (S&D). – (EN) Madame la Présidente, depuis 1999, le Conseil refuse d’élaborer une politique d’asile et d’instaurer un partage des charges véritable et officiel. Je m’exprime au nom de David Sassoli et de mes collègues italiens. Ce qui se passe en Italie aujourd’hui est un cas d’urgence pour lequel il n’y a pas de réelle solution dans la législation. Or, une solution devrait avoir été trouvée maintenant. Les procédures d’accueil, les qualifications – le cœur du train de mesures sur l’asile dont nous discutons aujourd’hui – devraient avoir été mis en œuvre il y a longtemps. Nous aurions alors un concept de réinstallation et un concept de partage des charges, or nous n’avons rien.
C’est pourquoi je déclare, au nom de mon groupe, que nous devons nous mobiliser face à ce cas d’urgence. Nous appelons le Conseil en particulier, mais vous-même également, Madame la Commissaire, à faire preuve de leadership politique et à appliquer la directive 2001/55/CE du Conseil. Nous pourrions alors recourir au principe de la réinstallation, ce qui pourrait au moins réduire un peu l’ampleur des charges.
Mais tout en agissant ainsi – comme certains l’ont dit – nous ne pouvons ignorer nos obligations relativement à l’asile et au droit international. Ces obligations concernent aujourd’hui tant de personnes vulnérables et en souffrance. Les raisons qui poussent à la demande d’asile, telles que la pauvreté et l’instabilité, sont graves et profondes. Toutefois, nous nous trouvons en ce moment même devant une situation qui affecte les pays du sud et nous devons mettre en œuvre la directive 2001/55/CE du Conseil.
Cornelia Ernst (GUE/NGL). – (DE) Madame la Présidente, je voudrais aborder trois points. Premièrement, nous devrions affirmer clairement que nous sommes effectivement en mesure de fournir une assistance aux réfugiés d’Afrique du Nord, en particulier à ceux venant de Tunisie, et que nous sommes également désireux de le faire. Je me réjouis donc du fait que la Commission souhaite mettre en œuvre la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire et je voudrais, en même temps, appeler tous les États membres à y recourir effectivement, pas seulement l’Italie mais également la France et l’Allemagne, et avant tout les pays qui sont actuellement en mesure d’investir.
Deuxièmement, nous attendons une déclaration claire de la Commission, selon laquelle tout accord conclu avec des dictateurs comme Ben Ali ou Kadhafi concernant la prévention des flux migratoires – car c’est ainsi que je les décrirais – sont nuls et non avenus. Les vrais partenariats avec des pays tiers, comme Mme Malmström l’a mentionné, n’ont rien à voir avec l’idée italienne d’acheter, pour 150 millions d’euros, l’acceptation de reprendre des réfugiés. Au lieu de montrer de la solidarité pour la prévention des flux de réfugiés, nous devrions faire preuve de solidarité pratique avec les États d’Afrique du Nord comme la Tunisie, vers laquelle 150 000 personnes ont fui.
Troisièmement, nous devons comprendre sur quel terrain fragile sont bâtis les instruments européens de prévention des réfugiés. Frontex et Dublin II ont besoin d’être repensés. Nous avons besoin d’une législation d’asile et de migration libérale en Europe, ainsi que d’une autre politique de développement qui soit véritablement durable.
Constance Le Grip (PPE). - Madame la Présidente, à ce stade de notre débat, je vais forcément être amenée à répéter ou à appuyer certaines des choses qui ont été dites précédemment. Mais je voulais également dire, à l’instar de plusieurs de mes collègues, que les problèmes auxquels nous avons à faire face, auxquels l’ensemble de l’Union européenne a à faire face actuellement, ne peuvent être résolus par aucun État membre tout seul.
Aucun État membre ne doit se trouver seul face aux défis qui se posent à lui et qui, encore une fois, à mon sens, se posent à l’ensemble de l’Union européenne. C’est donc vraiment à une capacité de l’Union européenne à s’organiser et à faire face de manière commune, de manière solidaire, que j’appelle. Je crois que le temps est vraiment venu, maintenant, de poser les jalons d’une véritable politique européenne de l’immigration et de l’asile.
Il y a eu, il y a plus d’un an, un pacte européen de l’asile et de l’immigration qui avait été adopté. Le temps est venu maintenant, je pense, de le décliner de manière très concrète.
Nous avons bien entendu Mme la commissaire; nous avons entendu un certain nombre de préconisations qu’elle faisait. Je voulais revenir dessus et appuyer très fortement certaines de ses propositions. Oui, il faut à tout prix renforcer les moyens de l’agence Frontex. Il faut renforcer les moyens humains, les moyens matériels, les moyens financiers de l’agence Frontex, lui permettre de soutenir de manière plus appuyée les opérations Hermes et les opérations Poséidon.
Oui, il faut des moyens financiers supplémentaires, additionnels pour les États membres qui sont confrontés, je dirais, en premier lieu, aux flux migratoires accentués que nous connaissons aujourd’hui. Et ce sera là l’expression financière de notre solidarité.
Oui, il faut nouer des relations de coopération plus étroites avec les États de la rive sud de la Méditerranée, les accompagner, bien sûr, les aider, trouver des instruments. Mme la commissaire évoquait – je crois qu’elle est allée en Tunisie pour en parler – les partenariats de mobilité. Oui, il faut renforcer ces instruments dans un esprit de responsabilité, dans un esprit de solidarité, mais également dans un esprit précis et concret.
David-Maria Sassoli (S&D). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, vous avez certainement réalisé que cette Assemblée déborde de solidarité, mais cela ne suffit pas. Pour introduire et faire appliquer une politique européenne d’immigration, nous devons faire ensemble ce que d’autres ne peuvent pas faire, autrement dit, obtenir le consensus des gouvernements.
Prenez vos propositions et présentez-les au Conseil. Nous vous soutiendrons, parce que vous devez avoir réalisé, à part certaines remarques xénophobes, que vous jouissez d’un grand respect et d’une grande solidarité u sein de cette Assemblée. Le Parlement le réaffirmera demain, en disant non aux refoulements, oui à la mise en œuvre de la directive 2001/55/CE, et oui à la mise en œuvre de l’article 25 de cette directive.
Demain, nous ferons notre part au sein du Parlement. Toutefois il faut que d’autres fassent leur part aussi; pour que les gouvernements soient beaucoup moins égoïstes; pour que nous soutenions la solidarité nécessaire afin de mettre en œuvre une politique européenne. Il va de soi que votre travail est essentiel à cet effort, car sans les gouvernements, l’Europe sera plus faible.
Carlos Coelho (PPE). – (PT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, nous avons tous dit à quel point nous sommes confrontés à une augmentation des flux migratoires, en termes d’échelle et de complexité. Aux situations de conflits chroniques en Afghanistan, en Somalie et en République démocratique du Congo s’ajoutent maintenant un nombre alarmant et croissant de nouveaux cas, comme celui de l’Égypte, de la Tunisie et de la Libye, qui ont conduit à une aggravation dramatique de la situation.
Les États membres les plus affectés par ces pressions migratoires en raison de leur position géographique ont également vu leur capacité de réaction considérablement réduite. Déjà mentionnée par plusieurs orateurs, la situation chaotique sur l’île de Lampedusa, où le nombre de réfugiés dépasse le nombre de résidents, en est un exemple. Les États membres qui sont particulièrement affectés ont donc besoin de recevoir d’urgence le soutien nécessaire, sous la forme de ressources financières, humaines et techniques, de manière à être en mesure de répondre à ces flux migratoires massifs et de réagir humainement à la pression humaine à laquelle nous sommes confrontés.
En conséquence, je soutiens l’appel lancé par mes collègues pour que le mécanisme de solidarité pour l’Union européenne soit activé immédiatement. Il est également important de tirer parti des infrastructures et organes existants, comme l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne et le bureau européen d’appui en matière d’asile et, probablement, de réévaluer et d’adapter l’opération Hermes. Je suis également d’accord avec ce qu’a déjà dit M. Tavares sur le processus de réinstallation des réfugiés. Il est important que le Conseil, qui n’assiste pas à ce débat, cesse de se retrancher derrière des prétextes juridiques et qu’il se penche sur cette question de la réinstallation des réfugiés pour y apporter une conclusion positive. Enfin, Madame la Commissaire, je pense que nous avons besoin de renforcer la solidarité entre les États membres de l’Union, d’améliorer la coordination des efforts et de partager les responsabilités et les charges.
Rosario Crocetta (S&D). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, il est triste de constater que l’Occident est parfois capable d’une grande solidarité quand il s’agit de bombardements, d’envoyer des entreprises dans des pays du tiers monde pour y exploiter le pétrole, mais qu’il trouve beaucoup plus difficile de faire rimer solidarité et politiques de migration. Le débat de ce soir concerne ces thèmes.
Je me suis rendu à Lampedusa lundi et j’ai vu 4 000 à 5 000 personnes à même le sol, se blottissant les unes contre les autres pour dormir au soleil ou sous la pluie, mangeant et faisant leurs besoins au même endroit, et dans l’impossibilité de changer des vêtements mouillés – dont certains ont dit que c’étaient des vêtements de marque mais qui sont, en fait, des contrefaçons – qu’ils portaient pendant la traversée effectuée dans des conditions lamentables. Parmi eux, il y avait 4 500 enfants âgés de 12-13 ans vivant dans les mêmes conditions, des conditions d’inconfort partagées également par les habitants de Lampedusa.
La Tunisie fait preuve de solidarité à l’égard des 150 000 immigrants venus de Libye qu’elle héberge maintenant. C’est un pays pauvre mais solidaire, alors que la riche Europe est incapable d’héberger 5 000 immigrants. L’Europe devrait pourtant montrer sa solidarité à l’égard de ces jeunes formidables qui ont déclenché la révolution de jasmin, née à Sidi Bou Saïd, et qui est entrain de changer l’Afrique du Nord et le monde.
Alfredo Pallone (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, vos paroles vont dans le sens de ce que nous voulons entendre. Toutefois, je ne voudrais pas donner un caractère idéologique à ce débat qui est parfois idéologisé de manière bipartite. Je pense que parler d’une urgence humanitaire est une affaire très grave.
La question que je me pose et que j’adresse également à mes collègues est la suivante: «Pouvons-nous parler d’urgence humanitaire et nous en tenir là, ou devrions-nous nous poser deux types de questions, une sur l’urgence, donc sur l’aspect immédiat, et une autre sur la stratégie?»
Le problème de l’Afrique et du Moyen-Orient est un problème qui doit, par définition, rester en dehors de l’Europe et la question qui se pose est de savoir s’il peut y avoir développement sans démocratie. Souvenons-nous que dans ces pays du Moyen-Orient et de la rive sud de la Méditerranée, il n’était pas question d’idéologie; il s’agissait d’une révolte pour le pain, une révolte pour la démocratie afin de survivre.
Nous ne pouvons pas ne pas nous poser certaines questions à ce sujet. C’est très bien, Madame la Commissaire, de traiter le problème de la directive 2001/55/CE et de tout ce que fait Frontex, mais l’Europe doit se demander ce qu’elle souhaite faire en ce qui concerne le sud de la Méditerranée et l’ensemble de l’Afrique.
Beaucoup de mes collègues ont parlé de la Libye et d’autres pays. Cela me fait penser au Darfour, à certaines situations où le génocide continue jour après jour en Afrique. La seule note discordante que je voudrais ajouter est celle-ci: il n’est pas vrai que l’Europe soit responsable de pillages. Bien sûr, certains pays européens sont partiellement responsables, mais en Afrique il existe divers systèmes capitalistes qui interagissent et qui ne sont pas basés sur l’économie sociale du travail, comme le nôtre, mais sur l’économie gouvernementale, sur le capitalisme d’État. Le principal exemple en est la Chine, qui achète des dettes souveraines et exploite des populations entières. Nous ne pouvons pas y aller et déloger des présidents qui agissent comme des criminels. Même les Nations unies ne le peuvent pas.
Je pense que nous devrions laisser de côté les questions idéologiques et réfléchir au problème immédiat, ce qui veut dire accueillir ces gens, tous ensemble. Demain, cependant, nous ne pourrons éviter de discuter de la stratégie de l’Europe à l’égard de l’ensemble de l’Afrique.
Sylvie Guillaume (S&D). - Madame la Présidente, nous sommes à la fin des interventions, aussi je vais me concentrer sur deux points sous forme de questions. La première est la suivante: le chaos humanitaire qui se joue en Méditerranée est la suite logique des insuffisances, voire de l’inexistence, d’une politique commune d’émigration au sein de l’Union européenne. Et vouloir se borner à empêcher les flux de migrants vers l’Europe est une illusion, dont le résultat aujourd’hui est que les pays tiers et les États membres au Sud de l’Europe sont amenés à en supporter seuls la conséquence. Et la réponse italienne sous forme d’expulsion collective n’est pas acceptable, pas plus que la position française de fermeture des frontières, qui ne résout rien et ne fait qu’éluder les vrais enjeux.
Ma première question est la suivante: pouvons-nous nous attendre à un sursaut et à l’élaboration d’une politique européenne équilibrée d’émigration?
Ma deuxième question concerne la solidarité européenne aussi, que je considère comme n’étant pas un slogan, mais comme étant devenue une urgente et absolue nécessité. À mon tour, j’insiste pour que le Conseil réagisse de toute urgence et enclenche le mécanisme de solidarité prévu par la directive sur la protection temporaire en cas d’afflux massif, mais également que les États membres répondent à l’appel de l’UNHCR en faveur de la mise en application du mécanisme de réinstallation d’urgence.
Donc, ma deuxième question est la suivante: pouvons-nous nous attendre à des actes concrets lors du Conseil JAI des 11 et 12 avril prochains?
Cristian Dan Preda (PPE). – (RO) Madame la Présidente, je pense que le débat d’aujourd’hui sur le rapport Provera tombe à point nommé, vu les récents événements survenus dans le sud de la Méditerranée et en Afrique du Nord. Je voudrais commencer par souligner la nécessité d’une approche européenne communautaire de la gestion des flux migratoires déclenchés par la vague révolutionnaire qui a balayé le monde arabe, dans l’esprit de solidarité requis par l’article 80 du traité de Lisbonne.
Par ailleurs, je voudrais féliciter M. Provera pour son rapport qui souligne la nécessité logique de tenir compte des causes profondément ancrées de l’instabilité à l’origine de ces flux migratoires. Il se déroule en ce moment de nombreux événements qui nous rappellent qu’il est urgent d’agir. Dans le sillage du conflit postélectoral en Côte d’Ivoire, par exemple, des centaines de milliers d’Ivoiriens ont cherché refuge dans les pays voisins, dont 94 000 d’entre eux rien qu’au Liberia, un pays lui-même menacé d’instabilité.
Afin de mettre fin à cette spirale d’instabilité et d’émigration, je pense que nous devons mettre l’accent, avant tout, sur la prévention. J’entends par là principalement la prévention des conflits. Nous devons également nous attacher à promouvoir la démocratie et les droits de l’homme et, bien sûr, à améliorer la situation économique à long terme.
Ensuite, je répète qu’à mon avis nous devons mieux utiliser les instruments dont nous disposons dans le cadre de l’approche globale des migrations, afin d’encourager la synergie entre migration et développement. La question des migrations doit automatiquement figurer dans le dialogue avec les partenaires de l’Europe. Des efforts doivent également être consacrés au soutien du développement de projets dans les pays d’origine et de transit, pour améliorer les conditions de vie dans ces pays et les capacités de ceux-ci à gérer les flux migratoires.
Carlo Casini (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, la situation en Afrique du Nord ne présente que des incertitudes. Nous ne savons pas quelle sera l’issue immédiate de la guerre civile in Libye, nous ignorons si le nouvel ordre politique dans les pays du Maghreb et en Égypte est l’antichambre de la démocratie, ou s’il conduira à des conditions encore pires en matière de démocratie et de relations avec l’Europe.
Quant au flux ininterrompu de fugitifs qui passent des rivages africains aux côtes européennes, notamment ceux qui accostent à Lampedusa, il est difficile, même dans ce cas, de distinguer ceux qui fuient la violence et craignent pour leur vie, ceux qui, par exemple, se sont échappés de prison, et ceux qui recherchent un avenir plus prometteur que la famine qui règne dans leur pays.
Nous pouvons néanmoins être sûrs de certaines choses. Premièrement, la dignité humaine de tous les êtres humains doit être respectée. Deuxièmement, l’approche européenne consiste à offrir l’hospitalité à tous les réfugiés. Troisièmement, les frontières de chacun des États qui font partie de l’Union européenne sont les frontières de l’Europe. Quatrièmement, il y a un devoir de solidarité entre tous les pays européens qui font partie de l’Union: cela a été confirmé, renforcé et rendu légalement contraignant par le traité de Lisbonne, qui gouverne également la politique de migration et la gestion des flux migratoires dans un espace de liberté, de sécurité et de justice. Cinquièmement, les instruments servant à faire face aux urgences telles que l’urgence actuelle sont déjà en place, sous forme de la directive 2001/55/CE, de Frontex et du Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA). La situation actuelle est l’une de ces situations révélatrices de la réalité, ou de l’inexistence, de l’Europe.
Madame la Commissaire, j’ai énormément apprécié votre discours, mais je pense que nous devrions passer des paroles aux actes. J’en suis parfaitement conscient et je sais que vous allez agir. Nous espérons que votre proposition sera suivie. L’important, c’est que les mots ne suffisent pas: il faut des actes pour que l’Europe devienne une réalité. Nous sommes face à une occasion de construire l’Europe.
Georgios Papanikolaou (PPE). – (EL) Madame la Présidente, nous sommes à un tournant. Je veux dire par là que nous devons réfléchir à la manière dont nous voulons aller de l’avant, au-delà de la crise à laquelle nous sommes confrontés pour le moment. Les années précédentes, nous sommes parvenus à limiter les flux migratoires d’Afrique du Nord vers le sud de l’Europe, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, Malte et la Grèce, moyennant des accords bilatéraux entre ces pays et les pays correspondants d’Afrique du Nord, et nous avons obtenu des résultats réellement significatifs. C’est pourquoi il y a maintenant davantage de pression sur la Grèce via la Turquie, parce que l’Europe et la Grèce ont été incapables d’appliquer des accords similaires avec la Turquie, en dépit du fait que de tels accords bilatéraux existent.
Ma question est donc la suivante: maintenant que tous ces troubles ont éclaté, que va-t-il advenir de ces accords, Madame la Commissaire? Pourrions-nous – et devrions-nous – lier ces précédents accords ou autres futurs accords au financement que nous fournissons? Le paquet de mesures que vous avez annoncé est excellent et nous devons aider ces pays. Il est de notre devoir d’aider tous nos semblables; toutefois, cette aide doit être liée à une obligation de la part de ces pays de reprendre tous ceux qui sont arrivés à Lampedusa et tous ceux qui arriveront dans un avenir plus ou moins proche dans d’autres pays européens, car plus forte est la pression, et plus il y aura de gens qui arriveront dans d’autres pays.
Puisque nous y sommes et que la directive 2001/55/CE a été évoquée, peut-être devrions-nous revenir sur ce que nous disions il y a un an; plusieurs collègues ont fait allusion à la fameuse réaffectation que nous avons attendue si anxieusement. Nous attendons toujours d’appliquer le rapatriement et la réinstallation; s’il vous plaît, dites-nous ce que nous devrions faire d’autre. Nous devrions peut-être commencer tout de suite par la réinstallation interne des réfugiés, afin de relâcher la pression sur les pays qui sont confrontés à un réel problème?
Enfin, car mon temps de parole est épuisé, les États membres devraient limiter les approches fragmentaires. Certains pays, comme l’Allemagne et la France, suspendent de manière sélective les retours au titre de Dublin II vers la Grèce. Nous pourrions être confrontés au même problème avec l’Italie dans un avenir plus ou moins immédiat. Le gouvernement grec a annoncé encore une autre approche fragmentaire: une barrière à Evros, mais nous n’avons pas de solution globale au problème. C’est une question qui est tellement vitale que nous avons besoin d’une réelle solidarité et d’une stratégie globale, Madame la Commissaire.
Jacek Protasiewicz (PPE). – (PL) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, au départ le programme de ce débat était beaucoup plus limité et couvrait simplement le rapport Provera. La Conférence des présidents a décidé d’étendre sa portée, donc nous voilà en train de discuter – et c’est une bonne chose aussi – des réactions actuelles à l’afflux de personnes qui sont, pour la plupart part, des réfugiés. En effet, nous ne pouvons pas les appeler des immigrants illégaux, parce que ce sont des réfugiés – de Syrie et surtout d’Afrique du Nord, laquelle est actuellement en pleine tourmente révolutionnaire. Notre débat se concentre maintenant aussi sur une évaluation globale de l’actuelle politique d’asile et d’immigration de l’Union européenne.
Toutefois, en tant que rapporteur fictif du rapport Provera pour le groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens), je voudrais revenir sur ce document. Je voudrais soulever deux questions qui y sont liées et qui, à mon avis, sont absolument vitales. Premièrement, je voudrais dire combien je suis heureux du fait que le rapport discute de la nécessité d’une plus grande synergie entre deux piliers clés de la politique européenne, à savoir le développement et la sécurité. La leçon que nous recevons aujourd’hui des événements révolutionnaires d’Afrique du Nord nous enseigne que l’aide fournie uniquement via les canaux officiels et distribuée par les ministères de gouvernements dictatoriaux ne résout pas les problèmes sociaux des habitants des pays couverts par la politique d’assistance de l’UE. L’aide de l’Union doit véritablement aider les citoyens ordinaires à résoudre leurs problèmes sociaux, au lieu de remplir les poches des dictateurs et de ceux qui détiennent le pouvoir.
Les réformes, non seulement les réformes économiques, mais aussi les réformes en termes de démocratie et de droits de l’homme, devraient être une condition préalable à l’octroi de l’aide au développement. Aujourd’hui, nous constatons que la jeunesse de ces régions du monde qui nous intéressent et sont couvertes par notre politique de développement, veulent non seulement du pain, mais également la liberté et la démocratie.
Deuxièmement, considérant les défis démographiques auxquels l’Europe est confrontée, il est devenu évident que l’Union européenne ne résoudra pas les problèmes qui pointent déjà à l’horizon pour son marché du travail sans mettre en œuvre une politique d’immigration cohérente et réellement rationnelle. Le seul moyen qui puisse prévenir l’afflux en Europe des immigrants les moins éduqués et les plus nécessiteux cherchant leur place au soleil est une politique d’immigration réfléchie et cohérente, comme l’ont dit avant moi certains orateurs, une politique comme celle appliquée par le Canada et la Nouvelle-Zélande.
Giovanni La Via (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, la situation dans le bassin méditerranéen et les flux migratoires actuels et prévisibles exigent l’adoption d’une stratégie à moyen - et à long - terme autre que celle annoncée par la commissaire Malmström.
Je pense qu’il est nécessaire de créer dans les pays africains de la rive sud de la Méditerranée des conditions de vie et de développement démocratiques propres à prévenir le type de migration auquel nous assistons. Je pense donc que nous avons besoin d’un plan spécial à court terme – que certains ont appelé «plan Marshall» – pour stimuler et mettre en œuvre un processus de développement dans les pays d’Afrique du Nord. C’est le seul moyen par lequel nous puissions arrêter et prévenir de futures migrations.
Je voudrais également souligner la nécessité de mesures compensatoires en faveur des zones concernées. Tous les orateurs ont parlé de Lampedusa, mais je vous invite à réfléchir à ce que signifie exactement le type de processus migratoire que nous connaissons pour une île qui vit du tourisme et de la pêche. Les voyagistes ne reçoivent plus de réservations depuis des mois, mais seulement des annulations. L’Europe doit montrer son soutien par des mesures compensatoires appropriées.
Barbara Matera (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je parle en tant que représentante de l’Italie méridionale et en tant qu’Européenne convaincue. Je crois fermement que les États membres devraient contribuer à la construction d’une Union solide et durable.
Le fait que nous soyons pris au dépourvu devant un cas d’urgence qui survient à seulement 70 milles de nos côtes reflète la faiblesse de notre système à 27 membres et la nécessité de développer un plus grand sens de responsabilité et de solidarité. Une approche individualiste pourrait affaiblir l’Europe et faire reculer le processus d’intégration que nous avons bâti avec tant de peine au fil des dernières décennies.
Chaque centimètre carré de l’Europe fait partie de l’Union. Lampedusa c’est également l’Europe, et cela s’applique à tous les domaines et à toutes les politiques. Le fait que cette urgence soit traitée par deux pays membres seulement est absurde. Nous avons choisi de nous unir pour devenir plus forts et, comme dans les meilleurs mariages, l’union devrait être pour le meilleur ou pour le pire.
Sergio Paolo Francesco Silvestris (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, merci pour vos paroles. Nous ne pouvons que vous soutenir sans réserve lorsque vous parlez de solidarité entre les États membres, et lorsque vous soulignez que la Commission va appeler les États membres à être pleinement responsables des demandeurs d’asile. Merci, parce que vous nous avez rassurés sur le fait que toutes les lacunes vont maintenant être comblées.
Par notre vote de demain, nous voulons donner de la force à vos actions, donner de la force à vos paroles, tout en vous conférant un mandat exhaustif pour garantir que toutes les lacunes vont maintenant être comblées.
Malheureusement, tous les gouvernements européens n’adoptent pas la même optique. Certains considèrent que les frontières maritimes de l’Italie sont les frontières de l’Italie et non celles de l’Europe, et déclarent en termes non voilés qu’ils ne souhaitent pas partager les charges que seules l’Italie et l’Italie méridionales supportent.
Nous avalisons donc pleinement votre discours, mais nous l’avalisons dans la conviction que, grâce à la fermeté de l’action de la Commission devant le Conseil, la solidarité des États membres avec l’Italie sera réelle et substantielle et que l’ensemble des 27 États membres fera preuve de responsabilité et d’appropriation à l’égard de cette urgence.
Raffaele Baldassarre (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, je salue votre discours et la liste de mesures annoncées. Je n’entrerai pas dans le débat juridique et réglementaire sur la protection temporaire des migrants et l’application de l’article 80 du traité.
Pendant que nous parlons, des embarcations inaptes à prendre la mer continuent à voguer en Méditerranée vers la côte italienne, ce que leurs passagers paient souvent de leur vie. Malgré les récents transferts, Lampedusa reste dans une situation d’urgence absolue, et des gens continuent à affluer dans le camp de toile de Manduria.
L’Italie continue à assumer sa part de la charge en accueillant ces gens désespérés, pendant que d’autres pays ne se font remarquer que par le nombre d’expulsions effectuées par leurs commissariats de police. Notre gouvernement est à Tunis pour essayer de limiter cet afflux, mais nous ne pouvons continuer à tout faire seuls. Nous avons besoin de l’Union européenne, nous avons besoin d’aide et nous avons besoin du rôle politique de l’Europe pour planifier une nouvelle politique de voisinage et une stratégie de migration plus efficace, à commencer par l’échec du système de Dublin et l’observation que Lampedusa n’est pas seulement la frontière de l’Italie mais également celle de l’Europe.
Mario Pirillo (S&D). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, en tant que représentant élu d’Italie méridionale, je me joins au chœur des collègues qui m’ont précédé en appelant à une action appropriée pour traiter la situation critique dans laquelle se trouvent les habitants et les immigrés à Lampedusa.
La situation en matière de santé et d’hygiène sur l’île a dépassé toutes les limites de la décence. J’en appelle au sens de la responsabilité du gouvernement italien pour qu’il veille à adopter toutes les mesures à sa disposition, et j’appelle la Commission européenne à mettre en œuvre les mesures prévues par la directive de l’UE concernant la protection temporaire des immigrants.
Le prochain Conseil des ministres européens de l’intérieur prévu pour le 11 avril doit prendre des mesures appropriées de sorte que ni les migrants, ni les habitants de Lampedusa ne soient abandonnés dans une situation désespérée. Nous avons donc besoin d’ouvrir, sur la politique européenne de voisinage, un débat approfondi axé sur les initiatives de soutien à l’instauration de la démocratie, surtout dans les pays des côtes sud de la Méditerranée. Mes félicitations à M. Provera.
Ilda Figueiredo (GUE/NGL). – (PT) Madame la Présidente, tout le monde sait que pour résoudre les problèmes d’immigration, il faut soutenir le développement des pays d’origine des immigrants, sans interférence extérieure, mais par une action concrète de promotion de la solidarité, du respect des droits de l’homme et de défense de la paix, qu’il s’agisse de la Tunisie, de l’Égypte, de la Libye ou de tout autre pays. Néanmoins, ce n’est pas ce qui est en train de se passer, comme le montre tristement la situation à Lampedusa. Il y a un besoin urgent de mesures énergiques, de mesures de solidarité, de mesures propres à mettre fin à cette tragédie. Je voudrais, Madame la Commissaire, attirer particulièrement l’attention sur la situation des femmes immigrantes. Il est nécessaire de garantir à ces femmes le droit d’avoir leur propre passeport et leur propre permis de séjour, ce qui est également important pour la lutte contre le trafic d’êtres humains, notamment le trafic de femmes et d’enfants; le soutien à la réinstallation des réfugiés doit également être lié à cette question. Enfin, j’invite la Commission à réviser la directive «Retour» dès que possible: une directive qui est contre les immigrants fuyant la guerre, la faim et la misère, et dont le seul souhait est d’être heureux avec leurs familles et qui méritent notre solidarité.
Nikolaos Salavrakos (EFD). – (EL) Madame la Présidente, M. Provera a réalisé un excellent travail et je l’en félicite Son rapport présente un aperçu réaliste du problème et sa proposition de partage des charges de l’immigration est une solution nécessaire.
Je propose donc que nous nous mettions d’accord pour améliorer et actualiser le règlement de Dublin. Les événements montrent que nous ne résoudrons pas la question de l’immigration et qu’elle va continuer. Nous ne pouvons pas l’éliminer, mais nous devons la gérer. La Grèce, l’Italie et l’Espagne ne peuvent la traiter seules parce que ces pays subissent une grave pression. Nous échouons à traiter le problème depuis 1990. Nous considérons qu’il n’existe pas, nous abandonnons les États membres à leur sort et ces pauvres gens sont exploités, comme le sont les habitants de l’Europe qui subissent cette charge. Nous ne devons pas oublier qu’il y a 7 millions de chômeurs en Europe aujourd’hui, dont 3 millions sont des jeunes âgés de 19 à 24 ans.
Corneliu Vadim Tudor (NI). – (RO) Madame la Présidente, dans ses mémoires intitulés Bajanov révèle Staline, le secrétaire de Staline, Boris Bajanov, rapporte une scène qui s’est déroulée au Kremlin en décembre 1923. Au cours d’une discussion avec ses camarades, l’assassin géorgien a déclaré une chose troublante: «Ce qui importe, ce n’est pas qui vote et pour qui il vote, mais qui compte les votes et comment». Il s’ensuit que, pour nous, il n’est pas surprenant par exemple que Nursultan Nazarbayev ait été récemment été réélu au Kazakhstan avec plus de 95 % des voix.
C’est la même histoire en Roumanie où toutes les élections, sans exception, sont truquées. Ce carnaval pour la démocratie est orchestré par la mafia locale sous la protection directe de l’ambassade des États-Unis en Roumanie qui, en fait, décide de ce qui est bon pour le peuple roumain. En effet, les télégrammes de WikiLeaks révèlent que, malheureusement, la Roumanie est devenue un poste de surveillance à la solde de la CIA, qui diabolise Staline mais utilise ses méthodes. Quelle honte!
Marco Scurria (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, à ce point du débat, nous avons pratiquement tout dit et justement, c’est peut-être cela le problème. Nous continuons à parler, et pendant ce temps-là les débarquements poursuivent, des gens meurent en mer et se pressent dans des conditions inhumaines sur les côtes italiennes et maltaises, qui ne sont pas les côtes de l’Italie et de Malte mais la frontière de l’Europe, le portail vers l’Union européenne, par lequel on peut atteindre n’importe lequel de nos 27 États membres.
Le temps de la discussion est terminé, nos concitoyens et les migrants qui cherchent la liberté et se retrouvent prisonniers dans des camps fermés nous le disent. Il est temps d’agir, Madame la Commissaire. Je vous appelle, nous vous appelons, à prendre l’initiative, dès demain après notre vote, d’envoyer une requête au Conseil concernant la mise en œuvre de la directive 2001/55/CE et la mise en place conjointe d’une véritable stratégie pour l’avenir de la Méditerranée, car ce n’est pas seulement la crédibilité de l’Europe qui est en jeu, mais également son sort immédiat.
Elena Băsescu (PPE). – (RO) Madame la Présidente, ce débat a lieu à un moment critique pour l’avenir de la politique européenne de voisinage. Dans ce contexte, je pense que les incidents que l’Italie a connus à Lampedusa soulignent la nécessité de mettre au point une politique de migration européenne centrée sur les domaines suivants.
Premièrement, l’UE devrait se concentrer sur les causes des flux migratoires, c’est-à-dire sur la situation économique précaire et le climat politique instable dans les pays d’origine. En créant des emplois et en augmentant les investissements dans ces pays, l’Union encouragerait leurs citoyens à s’impliquer dans leur propre communauté.
Deuxièmement, je pense que les droits des migrants doivent être protégés. Il incombe à l’agence Frontex, en particulier, de mettre en œuvre la convention de Genève relative au statut des réfugiés et les autres traités internationaux en la matière.
Mairead McGuinness (PPE). – (EN) Madame la Présidente, le débat de ce soir a été caractérisé par la récurrence du mot «solidarité». Il arrive trop souvent dans cette Assemblée que les députés parlent de leurs intérêts nationaux, alors qu’il serait préférable que nous soyons plus nombreux à parler des préoccupations d’autres pays, et à montrer ainsi notre solidarité.
Si j’ai demandé la parole, c’est que j’ai été particulièrement frappée par les chiffres cités par mon collègue Simon Busuttil, selon lequel 800 personnes arrivant à Malte équivalent à 120 000 personnes arrivant en France en une seule journée. Les problèmes de Malte et de Lampedusa sont les problèmes de l’Union européenne.
J’ai abondamment parlé de l’idée de solidarité lors du débat sur le traité de Lisbonne. Nous devons débattre du concept de solidarité dans ce Parlement parce que je crains que la solidarité ne soit en miettes dans l’Union européenne en ce moment, pas seulement à propos de cette difficile question, mais à propos de nombreuses autres. Il est temps que nous, en tant Parlement, nous y attaquions et que nous remettions la solidarité de l’Union européenne à l’ordre du jour.
Cecilia Malmström, membre de la Commission. – (EN) Madame la Présidente, il s’agit vraiment d’une situation délicate. L’Afrique du Nord est évidemment confrontée à un défi. La population de ces pays essaie maintenant, surtout en Tunisie et en Égypte, de construire des pays neufs, des pays démocratiques où les droits fondamentaux et l’état de droit sont respectés. Ils préparent des élections pour la fin de l’été. Nous devrions tout faire pour les soutenir tout au long de ce fantastique voyage.
Comme vous le savez, la Commission prépare une stratégie révisée pour la politique de voisinage, qui sera présentée au Conseil. Elle prévoira un soutien à la démocratie, un soutien au développement économique, à la croissance et à la création d’emplois, et elle contiendra également un élément de mobilité. C’est un défi auquel nous devrions apporter notre soutien.
Nous sommes également face à un défi en Libye, où la montée de la violence crée une insécurité qui force de nombreuses personnes à fuir. C’est un défi pour la politique européenne de migration. À long terme, nous devons développer une approche plus globale de la question, très conforme au rapport de M. Provera, dont les conclusions seront prises en compte.
À court terme, bien sûr, nous devons conclure le train de mesures sur l’asile. Croyez-moi, Mme Keller, nous essayons de le faire. Avec l’aide du Parlement européen et les efforts des différents rapporteurs pour obtenir un accord sur l’ensemble du paquet et conclure la négociation avec le Parlement, je continue à espérer que nous pourrons finaliser cela avant la fin de l’année.
Lampedusa et Malte sont confrontées à un défi. Je tiens à rejeter certaines allégations selon lesquelles la Commission, ou «Bruxelles», ne fait rien pour aider l’Italie. En fait, nous avons offert une assistance à l’Italie. Pour la période restante de l’actuel budget à long terme, il y a 171 millions d’euros dans l’enveloppe nationale destinée à l’Italie. Une partie de cet argent n’a pas encore été utilisée pour l’Italie, et nous travaillons avec les autorités italiennes pratiquement tous les jours pour voir comment ce programme de financement peut être réaffecté de manière à pouvoir être consacré au traitement de la situation à Lampedusa.
Nous avons également offert à l’Italie une aide pour rembourser certains des coûts de transferts internes de migrants. Nous avons l’opération Hermes de Frontex, mais je voudrais vous rappeler que Frontex dépend de la contribution des États membres, et que celle-ci sera épuisée sous peu. Nous avons la réponse: nous avons Europol qui fonctionne. Nous sommes en discussion avec la Tunisie pour chercher une solution en vue d’un retour organisé, digne et volontaire des personnes qui n’ont pas besoin de protection internationale. Nous aidons la Tunisie à lutter contre les réseaux de trafiquants et nous examinons comment nous pouvons l’aider à établir un contrôle frontalier. Cela fait partie d’un partenariat de mobilité plus complet.
La plupart des réfugiés se trouvent en Tunisie et en Égypte. Comme je l’ai dit, plus de 400 000 personnes ont quitté la Libye. La plupart de ces personnes ont été rapatriées. Il s’agit principalement de ressortissants tunisiens et égyptiens, mais ils proviennent aussi d’une trentaine de pays différents, principalement d’Afrique. Il y a aussi des personnes originaires du Bangladesh, d’Iraq, d’Afghanistan, etc.
La plupart de ces personnes ont été rapatriées moyennant une assistance européenne, les États membres travaillant dans un véritable esprit de solidarité avec la Tunisie et l’Égypte. Mais il reste encore un certain nombre de personnes. J’ai effectué une visite de ces camps de réfugiés il y a quelques jours à peine. Les Tunisiens effectuent un travail impressionnant avec des organisations internationales comme le HCR. Cependant il y a là quelques personnes, quelques milliers, qui sont complètement égarées. Ces gens ne peuvent retourner chez eux. Nous devons les aider. Ils doivent être réinstallés en Europe. Il est très difficile pour moi d’expliquer à ces Somaliens qu’ils ne peuvent pas venir en Europe parce que nous n’avons pas conclu d’actes délégués ou de mise en œuvre. Alors je vous en prie, je vous demande instamment, à vous et au Conseil, de parvenir à un accord sur cette question, parce que nous pourrions réellement réaliser l’objectif du programme européen de réinstallation et aider ces personnes qui n’ont nulle part où aller.
Des réfugiés arrivent maintenant en Europe, à Lampedusa et à Malte. Je comprends, bien sûr, que Malte, vu la taille de l’île, subit une pression énorme. Il se pourrait que davantage de personnes arrivent. Nombre de ces personnes pourraient avoir besoin d’une protection internationale. Tant que la violence continuera en Libye, le risque augmente de voir arriver davantage de personnes contraintes de fuir.
Ces personnes présentent vraiment un défi européen. Elles auront probablement besoin d’un abri. Nous disposons de certains fonds. Nous disposons de certaines agences. Nous avons certaines politiques permettant d’aider ces personnes. Comme je l’ai dit, nous envisageons la possibilité de recourir au mécanisme de protection temporaire. Celui-ci peut être activé en cas d’afflux massif de personnes qui ne peuvent rentrer chez elles. Mais pour qu’il soit activé, il faut une majorité qualifiée au Conseil. Or, aujourd’hui, cette majorité n’existe pas. Évidemment, nous suivons cela de très près et nous présenterons à nouveau la question au Conseil la semaine prochaine. Mais avant que nous activions ce mécanisme, j’appelle et continuerai à appeler les États membres à traduire leur solidarité en action: pas seulement à prononcer de grands mots, mais à agir.
Nous devons trouver des solutions pour aider l’Italie et Malte, et peut-être d’autres pays qui se retrouveront sous pression. Je demande instamment aux États membres de le faire. Des fonds de solidarité sont disponibles pour les pays européens qui répondent à cet appel. Tout cela sera discuté la semaine prochaine au Conseil «Justice et affaires intérieures». Je me ferai ensuite un plaisir de vous faire rapport sur ces discussions.
Merci beaucoup, Madame la Présidente, pour ce très important débat.
Mario Mauro (PPE). – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je voudrais demander à la commissaire Malmström d’éclaircir un point. La commissaire a dit que l’activation de la directive 2001/55/CE sera discutée au Conseil. Vous en discuterez la semaine prochaine avec le Conseil parce que, si je comprends bien, nous n’avons pas, actuellement, de majorité qualifiée.
Cecilia Malmström, membre de la Commission. – (EN) Madame la Présidente, peut-être n’ai-je pas été claire à ce propos. Tous les sujets que je vous ai présentés, y compris certaines expériences tirées de l’Égypte et de la Tunisie, seront discutés au Conseil la semaine prochaine.
Naturellement, la situation en Afrique du Nord est le principal point de l’agenda. Dans mon discours, j’ai fait référence à ce mécanisme de protection temporaire, mais je ne sais pas si une quelconque décision sera prise. Il revient entièrement aux présidents de savoir s’ils veulent surveiller cela, mais nous suivons cette situation heure par heure. Je voulais simplement dire qu’à ce jour il n’y a pas de majorité qualifiée pour activer ce mécanisme de protection.
Fiorello Provera, rapporteur. – (IT) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, avant d’en venir au rapport, je voudrais répondre à M. Meyer et à M. Tavares. Je respecte sincèrement l’avis de chacun, mais il me semble que leur opinion sur Lampedusa et sur ce qui se passe dans cette île est tout sauf généreuse.
Je voulais les informer que 12 000 personnes sont arrivées à Lampedusa en l’espace de trois nuits. Lampedusa, une petite île qui compte 6 000 habitants, a vu arriver soudainement 12 000 personnes en trois nuits, faisant passer la population à une vingtaine de milliers. Je pense qu’il est très difficile pour n’importe quel pays d’accepter un si grand nombre de personnes arrivant en un si bref laps de temps sur un petite île qui ne dispose pas des équipements nécessaires à un si grand nombre d’arrivants. Il y a actuellement 1 400 migrants sur Lampedusa. On a fait beaucoup pour eux et dès que l’état de la mer l’a permis, ces migrants ont été transférés vers d’autres centres, principalement dans le sud du pays.
Cela nous amène au rapport. Je voulais remercier les rapporteurs fictifs des différents partis politiques qui ont contribué très efficacement à ce rapport avec leurs différentes sensibilités. Ils ont apporté une contribution fondamentale, dans une transparence absolue, dans le même esprit qui nous inspirait tous au départ. Je remercie également la commissaire Malmström pour l’enthousiasme qu’elle a montré pour le concept de partage des charges, qui devrait influencer son travail au sein de la Commission, et donc au sein du Conseil. Si elle continue à faire preuve de ce même enthousiasme, je pense que les résultats suivront.
Je termine en disant que la situation est très difficile à résumer. Pour autant qu’une synthèse soit possible, je voudrais préciser que toute politique restera inefficace et incomplète tant que d’énormes différences persisteront entre les niveaux de développement au nord et au sud de la planète, tant que d’énormes différences persisteront en termes de qualité des institutions démocratiques, et tant qu’il y aura des différences considérables en matière de respect des droits de l’homme. Nous devons prendre des mesures dans le cadre d’une vaste politique de coopération et d’aide stratégiques qui aura un impact sur les causes structurelles induisant ces énormes inégalités entre le Nord et le Sud. Si nous résolvons ces causes structurelles, le reste suivra et il fera probablement meilleur vivre dans ce monde où nous vivons tous.
La Présidente. – La discussion commune est close.
Le vote aura lieu mardi 5 avril 2011.
Déclarations écrites (article 149)
Giovanni Collino (PPE), par écrit. – (IT) Je désapprouve totalement le mode d’action de l’UE à l’égard des migrations. Les intérêts divergents de l’Allemagne, de la France, de l’Espagne et des autres États membres, partagés entre nord et sud de l’Europe, placent l’Italie dans une situation très inconfortable. Le gouvernement italien ferait bien de moins procrastiner et d’agir plus, en rejetant les migrants jusqu’à ce que l’Europe accouche d’une véritable politique commune d’immigration. L’Union européenne a besoin d’une politique d’asile commune. Elle doit garantir que les principes de solidarité et de partage des charges ne restent pas de simples promesses sur le papier. Ce serait le cas si l’Italie devait assumer la charge d’une situation qui est en train de changer la face de l’Afrique du Nord et de l’ensemble de la région méditerranéenne. L’Italie ne peut plus accepter des Libyens, des Tunisiens et des Égyptiens tant que la France, l’Allemagne et l’Autriche continueront de rejeter quiconque arrive d’Afrique du Nord en passant par leur territoire. Tant que Bruxelles coordonnera la gestion des flux migratoires avec les gouvernements de Paris, Berlin et Vienne, ainsi que de Rome et des autres États membres, l’Italie ferait bien d’adopter une position beaucoup plus intransigeante qu’elle ne le fait à présent.
Robert Dušek (S&D), par écrit. – (CS) Ce rapport propose une solution pour prévenir les flux migratoires. Le rapporteur pense que nous devrions prévenir l’émigration en investissant dans les pays qui sont à la source des flux migratoires. En cette période de crise économique et financière, cependant, il est impossible à l’UE de «financer» massivement le tiers monde aux dépens du maintien des niveaux de vie des citoyens européens. Il y a eu, il y a, et il continuera à y avoir d’énormes différences économiques entre l’UE et l’Afrique. Si ces différences étaient gommées et que les habitants du tiers monde n’avaient plus de raison d’émigrer vers l’UE, ce serait parce que nous aurions contribué à un déclin des niveaux de vie dans les pays de l’UE. Nous ne devons pas nous leurrer en pensant que les flux migratoires sont uniquement le résultat de violations des droits humains fondamentaux. Un pourcentage important de migrants viennent dans l’UE uniquement pour y vivre une «vie meilleure». La recherche sociologique montre que plus le pourcentage de migrants dans l’UE est important, plus les autochtones sont mécontents de leur mode de vie. Si le nombre de migrants dépasse un certain pourcentage, ils perdent tout intérêt à faire partie intégrante de la société européenne et, au contraire, ils créent leurs propres communautés au sein de l’UE. L’UE devrait axer sa politique de migration exclusivement sur les violations des droits de l’homme. Les différences financières et économiques entre les pays d’émigration et l’UE ne devraient pas être une raison de fournir des financements à ces pays. La politique de prévention des flux migratoires doit être associée à une politique de prévention des flux migratoires aux frontières extérieures de l’UE.
Ville Itälä (PPE), par écrit. – (FI) Les événements d’Afrique du Nord ont provoqué un nouveau flux d’immigration à la frontière sud de l’Europe. En cherchant des solutions à ce problème aigu, nous devons également en examiner les causes.
La chute des dictatures arabes pourrait être l’un des plus grands tournants de la politique mondiale depuis l’ouverture du rideau de fer il y a une vingtaine d’années. C’est surtout une chance extraordinaire pour la démocratie et les droits civils. Comme toutes les révolutions, celle-ci comporte aussi un risque. C’est ce que l’on voit quand, au plus fort de la crise, les dictateurs qui abusent de leur pouvoir menacent leurs propres citoyens, comme cela se produit en Libye.
L’Europe et ses alliés ne peuvent pas, et ne doivent pas, se croiser les bras pendant qu’il y a des troubles à ses frontières. Nous avons une mission commune: nous devons faire tout ce que nous pouvons pour protéger la vie de personnes innocentes, y compris des femmes et des enfants, quand personne d’autre ne peut le faire. La démocratisation de l’Afrique du Nord, le respect des droits de l’homme et l’émergence de la croissance économique qui y est associée, sont les meilleurs moyens de contenir la marée humaine à la frontière sud de l’Europe.
Véronique Mathieu (PPE), par écrit. – Depuis des semaines, des milliers de migrants accostent sur les rives de la Méditerranée, et notamment à Malte et Lampedusa, fuyant la situation dans leur pays où règne une instabilité politique sans précédent. Frontex a déclenché avec raison l’opération dite «HERMES», afin de soutenir les autorités italiennes face à cet afflux massif de migrants sur leurs côtes. La gestion de cette crise humanitaire ne doit pas revenir aux seules autorités italiennes. Le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne doit être une tâche commune, car l’enjeu est commun. Cet afflux massif de ressortissants de pays tiers entraînera des vagues d’entrées illégales dans de nombreux États membres. Il suffit de le constater, tous les jours les autorités françaises interceptent des centaines de migrants illégaux qui arrivent tout droit d’Italie. Nous savons bien que parmi ces demandeurs d’asile, nombreux sont les migrants économiques qui se «glissent» dans ces flux migratoires mixtes. Par ailleurs, l’effort européen doit être plus important. Les États membres doivent mettre à disposition de l’agence Frontex les moyens nécessaires à l’exécution de ses missions. En outre, il est nécessaire de renforcer la coopération avec les autorités tunisiennes. La Tunisie doit respecter ses obligations de réadmission
Edward Scicluna (S&D), par écrit. – (EN) À l’heure actuelle, la situation en Libye est très incertaine. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’elle a déclenché une crise humanitaire. Comme ce rapport l’explique, les conflits armés, surtout lorsqu’ils impliquent des violations des droits de l’homme, donnent lieu à d’énormes augmentations des flux migratoires vers les pays voisins. Considérant les proportions considérables que ceux-ci peuvent prendre, le programme européen Frontex ne peut être le meilleur outil pour traiter de tels niveaux de d’émigration. L’UE doit, dès maintenant, élaborer et programmer une réponse appropriée, contenant un plan d’action détaillé de partage des charges afin d’aider les réfugiés à se réinstaller de manière coordonnée. Cela devrait être basé sur la clause de solidarité prévue par l’article 80 du TFUE. On pourrait ergoter sur la détermination du nombre précis de réfugiés pouvant être considéré comme une «urgence». Toutefois, il nous faut un plan détaillé, avec des seuils clairement déterminés pour chaque pays, pour que les gouvernements de l’UE et la Commission soient prêts et bien préparés à affronter une crise imminente. En tant que député maltais, je suis très déçu que la Commission soit apparemment si mal préparée à traiter une crise devenue depuis longtemps inévitable.
Joanna Katarzyna Skrzydlewska (PPE), par écrit. – (PL) La proposition de résolution met en lumière un sujet très significatif et très important. Elle est centrée non seulement sur le problème de l’égalité de traitement des femmes et des hommes dans les zones rurales, mais elle insiste également directement sur la nécessité de créer pour les femmes qui vivent dans les zones rurales des opportunités égales ou similaires à celles dont bénéficient tous les jours les femmes vivant dans les centres urbains. Je pense qu’au Parlement nous avons accordé trop peu d’attention jusqu’ici au développement social et professionnel des femmes vivant en zones rurales. Ces femmes se heurtent chaque jour à de nombreux obstacles, aussi bien économiques qu’en termes d’infrastructures, obstacles qui limitent considérablement leurs chances en termes d’accès à l’éducation, à la protection de la santé et, surtout, au marché du travail. En effet, peu d’offres d’emploi ciblent les zones rurales, principalement parce que ces zones sont nettement moins développées du point de vue économique. C’est pourquoi il est si important de mettre en œuvre des politiques de développement rural en améliorant l’accès aux infrastructures avancées, ou encore en offrant des possibilités de bénéficier de technologies de l’information et des communications hautement développées. Je suis sûre que les députés du Parlement européen peuvent également faire beaucoup pour que les zones rurales puissent rattraper leur retard en matière de bénéfices apportés par la civilisation. Après tout, nous sommes capables d’organiser divers types de formation ou d’ateliers, dans le cadre desquels nous pouvons apporter une aide réelle en matière d’accès aux fonds de l’UE alloués au développement des zones rurales.