La Présidente. – L’ordre du jour appelle la déclaration de la Commission sur le processus de sélection du nouveau directeur général du FMI et la représentation extérieure de la zone euro.
Olli Rehn, membre de la Commission. – (EN) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de vos questions très pertinentes. La Commission se réjouit de la décision du Conseil d’administration du FMI du 20 mai dernier, qui précise le processus de sélection du prochain directeur général du FMI.
La Commission reconnaît que le processus de sélection doit être ouvert, transparent, et fondé sur le mérite. Les candidats de tous les pays membres du FMI seront ainsi évalués selon leur mérite et tous les facteurs pertinents seront pris en considération.
Les États membres de l’Union européenne ont accepté de soutenir le candidat ou la candidate qui aura les meilleures qualifications et qui saura répondre aux exigences d’excellence requises pour endosser les responsabilités qu’implique ce poste clé. Ce candidat ou cette candidate devra notamment avoir fait la preuve de ses compétences, de son engagement à une coordination multilatérale, et démontré sa grande connaissance des affaires économiques, financières et monétaires internationales. La Commission soutient cette position.
La Commission soutient pleinement la candidature de la ministre Christine Lagarde. C’est une candidate compétente et expérimentée qui a gagné le respect de nos partenaires au sein de la communauté internationale. Elle n’a pas seulement une très bonne connaissance de l’économie européenne et du processus de décision de l’Union européenne, ce qui constitue un atout de taille de nos jours, mais elle bénéficie également d’une très grande expérience de la gouvernance économique mondiale – grâce, notamment, à la maîtrise dont elle a fait preuve dans la gestion de la présidence du G20.
J’ajouterai également que l’année dernière, lors du sommet du G20 de Séoul, en Corée, un accord a été conclu sur une réduction de la représentation européenne au sein du conseil d’administration du FMI, qui enlève ainsi deux sièges à l’Europe; l’objectif était en effet de permettre aux économies de marché émergentes de mieux se faire entendre et d’être mieux représentées.
La question de la représentation extérieure de la zone euro est certes apparentée à la réforme générale du Fonds monétaire international, mais elle n’est pas directement liée à la nomination du directeur général du FMI. La Commission estime qu’il est dans l’intérêt commun de l’Europe, de l’Union et de ses États membres de passer progressivement à un seul siège pour représenter l’Union européenne, ou au moins la zone euro, au FMI. Ce changement peut se faire petit à petit, progressivement.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, vous savez que je m’implique pleinement dans la réforme et le renforcement de la gouvernance économique de l’Union européenne, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur. Ce faisant, je préfère appliquer une méthode qui a fait ses preuves: celle de Jean Monnet: L’Europe s’est construite au travers d’une progression dans la vie réelle, pas à pas, des pas parfois grands et parfois petits.
Par conséquent, achevons dans un premier temps la réforme de notre gouvernance intérieure: cette réforme doit se faire de toute urgence et constituera un très grand pas en avant une fois mise en œuvre. Nous pourrons ensuite nous attaquer au défi de la représentation extérieure, qui sera une autre étape importante une fois qu’elle aura été approuvée et mise en œuvre. Un seul grand pas à la fois.
Corien Wortmann-Kool, au nom du groupe PPE. – (NL) Madame la Présidente, lorsque le précédent directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a pris ses fonctions, de nombreuses questions se sont posées sur la pertinence et l’efficacité du FMI. Nous savons maintenant ce qu’il en est après avoir découvert à nos dépens, pendant la crise, à quel point nous sommes interdépendants au niveau mondial. C’est précisément en période de crise qu’on apprend à s’entraider: nous avons ainsi pu comprendre à quel point le rôle et l’expertise du FMI étaient cruciaux, même pour nous ici en Europe. Ainsi, il est essentiel que dans les années à venir, le FMI joue un rôle phare en matière de gouvernance mondiale et puisse assurer une plus grande stabilité monétaire et financière dans le monde.
Malheureusement, dans cette crise de l’euro, l’expérience que nous avons vécue s’est révélée très douloureuse. Vous voyez où je veux en venir. Aujourd’hui, notre discussion porte sur le nouveau candidat au futur poste de directeur général du FMI. Vous dites à juste titre que ce processus doit être ouvert, mais nous ne devons pas avoir peur de dire que l’Europe dispose d’une candidate remarquable. Je suis heureuse qu’en ce Parlement nous puissions nous aussi exprimer, grâce à ce débat, notre soutien à cette candidate.
En cette période de crise, il est important que ce soit une femme qui dispose de compétences exceptionnelles qui soit nommée à ce poste prestigieux car lors d’une crise, des qualités féminines peuvent apporter une réelle valeur ajoutée, qui s’ajoutent aux qualités de la personne. Mme Lagarde a forgé son expérience des deux côtés de l’Atlantique, notamment en matière de gouvernance multilatérale. De ce point de vue aussi, elle est une candidate remarquable. J’espère qu’avec ce soutien, nous pourrons vous aider à faire avancer la candidature de Mme Lagarde au poste de directeur général du FMI.
Pervenche Berès, au nom du groupe S&D. – Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, au fond je me demande pourquoi vous avez souhaité faire cette déclaration. En effet, vous concluez votre intervention en disant: «Au fond, nous sommes aujourd’hui totalement mobilisés par la réforme de la gouvernance économique et la question de la représentation extérieure de la zone euro se posera plus tard.»
Permettez-moi de ne pas partager votre approche car l’une des principales difficultés que connaît aujourd’hui l’Union européenne est la question de la représentation extérieure de la zone euro. Nous voyons bien que la guerre des monnaies peut aujourd’hui, d’un revers de main, balayer tous les efforts qui sont demandés aux peuples dans la zone euro au titre de l’austérité et du rétablissement des situations des dettes souveraines. Les Européens ne peuvent donc pas à la fois être totalement exigeants à l’intérieur et se désintéresser de la question de la place de leur monnaie, baladée au gré des marchés sur la scène extérieure. Il n’y aura pas une défense intérieure s’il n’y a pas une défense extérieure.
Permettez-moi donc de ne pas partager votre approche sur ce point. Je sais que la tâche est difficile mais le Parlement européen, depuis maintenant plusieurs années, soutient l’idée que nous devons aller vers une représentation extérieure de la zone euro, et notamment au sein du FMI.
Lorsque Dominique Strauss-Kahn a été désigné comme responsable du FMI, nous étions dans un contexte – reconnaissons-le – très différent, où était évoquée la question de l’alternance – il l’avait dit lui-même: «Peut-être serai-je le dernier Européen à la tête du FMI». Or, depuis, la situation a considérablement changé. L’espace où l’intervention du FMI est déterminante aujourd’hui est l’Europe. Nous voyons que derrière ces interventions, la question de l’intervention des grandes banques d’investissement américaines n’est pas neutre. Nous voyons aussi que la question de la situation économique américaine pourrait, tôt ou tard, être soulevée et être légitimement débattue au sein du FMI.
Tout cela dresse un paysage beaucoup plus complexe que la question de savoir s’il faut que ce soit un tel ou une telle qui préside aux destinées du FMI. Bien sûr, les Européens doivent avoir leur représentation, ont vocation à être acteurs dans une des grandes institutions mais, plus fondamentalement, les questions que je vous pose sont: quelle est la politique que nous voulons mettre en œuvre sur la scène internationale? Quel est le mandat qu’un Européen doit porter sur la scène internationale, compte tenu des efforts internes, du poids des marchés en dehors de l’Union européenne et de son impact à l’intérieur de la situation européenne en termes d’investissement, de spéculation, d’emploi?
Nous pensons aussi que, quelle que soit la personne qui, demain, présidera aux destinées du FMI, une grande tâche attend ce responsable, celle de ne pas détruire les avancées qui ont été mises en œuvre par Dominique Strauss-Kahn lorsqu’il a fait un tout petit peu bouger les lignes de ce qu’était le consensus de Washington. On le voit aujourd’hui déjà: un durcissement s’opère au sein de l’institution; nous pensons que ce serait une mauvaise trajectoire.
Finalement, la question de la place du FMI dans le système des Nations unies devra aussi être posée et les Européens, s’ils ont un candidat ou une candidate, doivent articuler le mandat qu’ils lui donneront pour peser en faveur d’une gouvernance mondiale qui soit à l’aune des défis qui sont devant nous au lendemain de cette crise.
Olle Schmidt, au nom du groupe ALDE. – (SV) Madame la Présidente, je vous remercie de votre réponse, Monsieur Rehn. D’ici la fin du mois de juin, nous connaîtrons le nom du nouveau directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Il succèdera à Dominique Strauss-Kahn qui a été, comme nous le savons tous, accusé d’un crime très grave qui a aussi sans doute, malheureusement, entaché la réputation du FMI. Aujourd’hui, en ces temps tumultueux, il faut donc nommer un directeur général compétent à la tête d’une institution mondiale très importante, et le processus doit être ouvert.
Comme mes collègues, je me réjouis de la candidature de la ministre française des finances, Christine Lagarde. Je pense que nous sommes tous d’avis qu’il s’agit d’une personne très compétente. Elle bénéficie également du soutien de plusieurs États membres et de la Commission européenne. Cependant, pourquoi n’avons-nous pas pu trouver un accord sur une procédure de nomination commune? L’influence de l’Europe en aurait été accrue. C’est ce dont nous manquons. Si nous avions suivi une procédure commune et si la Commission en avait endossé la responsabilité globale, la réputation de l’Union européenne, de l’euro et de l’Europe en aurait été renforcée.
L’article 138 du traité de Lisbonne affirme que la place de l’euro dans le système monétaire international doit être renforcée. Pourquoi donc n’avoir pas saisi cette chance? Le commissaire a parlé de progresser pas à pas, mais parfois il serait bon que nous fassions un véritable bond pour renforcer notre position, notamment en temps de troubles. Je pense aussi qu’il faut souligner que le FMI a besoin d’être réformé en profondeur, comme l’indique clairement Mme Berès dans son rapport. Le travail sur cette réforme a commencé. Cependant, la représentation de l’Union européenne auprès du FMI doit elle aussi faire l’objet d’une discussion et être renforcée.
Nous avons besoin d’un FMI plus puissant, qui joue un rôle de prêteur au niveau mondial. En résumé, nous avons besoin d’un FMI plus fort et plus représentatif dans notre nouvelle économie mondialisée, et nous avons besoin d’une Union européenne plus forte, qui fasse mieux entendre sa voix. Pour conclure, Monsieur Rehn, il nous faut parfois faire un grand bond en avant.
Kay Swinburne, au nom du groupe ECR. – (EN) Madame la Présidente, dans le climat actuel d’incertitude économique, il est plus important que jamais que les institutions mondiales qui ont été créées pour garantir la stabilité économique et financière, et dont de nombreux pays du monde entier dépendent, ne soient pas utilisées comme des tribunes pour faire des déclarations politiques symboliques.
Le FMI n’est pas un symbole, mais une institution qui fonctionne et qui a besoin d’être dirigée par quelqu’un qui comprenne très bien les marchés financiers, qui dispose des compétences nécessaires acquises en dirigeant une économie puissante, et qui sache communiquer des décisions difficiles au grand public. La force de la candidature de Christine Lagarde ne réside pas dans le fait qu’elle est européenne, mais dans le fait qu’elle est une personne extrêmement compétente qui a su faire preuve de remarquables qualités de leader pendant toute la crise financière. Le rôle principal du FMI est de travailler sur des ensembles de réformes structurelles conditionnelles qui doivent accompagner la distribution de fonds aux membres quand ces derniers sont dans une mauvaise passe. Or, je pense que Mme Lagarde a démontré sa capacité à négocier des accords complexes sur des questions controversées et à ainsi réunir des parties très différentes pour arriver à une solution bénéfique pour tous.
Nous ne devons pas nous enfermer dans le prisme de la crise actuelle de la zone euro, mais envisager les problèmes auxquels le FMI pourrait être confronté à l’avenir. Je pense que Mme Lagarde dispose des compétences et de l’expérience nécessaires pour piloter le FMI durant cette période de troubles économiques, et pour mener un train de réformes au FMI et ainsi garantir la pertinence de l’existence de cette institution pour les générations à venir.
En ce qui concerne la question de la représentation de la zone euro auprès des instances internationales, comme les marchés financiers ne respectent pas les frontières nationales, il est très important que les institutions mondiales travaillent efficacement à coordonner les politiques nationales. J’approuve cette volonté d’accroître la coordination, l’efficacité et les liens entre les politiques pour éviter les lacunes en matière de règlementation; toutefois, je pense que l’Union européenne ne doit pas perdre la diversité de ses voix dans les institutions internationales. La crise a révélé les énormes différences entre les économies de l’Union européenne, et même au sein de la zone euro – sans parler des différences entre pays n’appartenant pas à la zone euro. Tous nos pays ont été touchés d’une manière ou d’une autre par la crise actuelle, et nos expériences sont différentes. Une seule et même voix ne résonne pas aussi fortement qu’une multitude de voix qui chantent à l’unisson.
Philippe Lamberts, au nom du groupe Verts/ALE. – Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, chers collègues, je voudrais faire quatre remarques. Tout d’abord, je voudrais revenir sur l’intervention d’Olle Schmidt, pour reparler du processus. Alors que l’enjeu est un poste aussi important que directeur général du FMI – par rapport à l’énergie que l’on met parfois pour recruter des managers de troisième niveau dans des entreprises –, je trouve que la manière dont on s’y prend témoigne d’un manque de professionnalisme.
Au lieu d’une procédure relativement ouverte, transparente, basée sur des critères, qu’avons-nous? Nous avons une série de caucus qui réunissent des chefs d’États et de gouvernements et qui se disent «je promouvrais bien un tel ou une telle». Cela ne renforce pas la crédibilité de l’Union européenne. Or, après l’épisode de Dominique Strauss-Kahn, l’Europe ne peut pas se permettre de réfléchir à moitié au ou à la candidate qu’elle présente.
C’est à mon sens une occasion manquée. Je ne vous en tiens pas pour responsable – vous n’êtes pas à la manœuvre là-dessus –, mais nous aurions sans aucun doute intérêt à adopter une démarche beaucoup plus ordonnée, beaucoup plus commune et beaucoup plus professionnelle.
En deuxième lieu, je voudrais répondre à Mme Swinburne. Il est temps de répondre ouvertement à ceux qui, comme vous, Madame Swinburne, comme vous, Monsieur Farage, continuent à véhiculer l’illusion que nous, Européens, pourrons peser sur les affaires du monde, qui sont aussi les nôtres, en parlant d’une multitude de voix.
Madame Swinburne, c’est bien joli de parler de voix qui s’expriment en harmonie, mais vous savez très bien que ce n’est pas ainsi que cela se passe. Et qu’à un moment, s’il n’existe pas quelque chose qui correspond à une fédération démocratique, les voix ne sont pas en harmonie, parce que chacun répond à son propre électorat. C’est ainsi que cela se passe.
Et si vous vous imaginez, Monsieur Farage ou Madame Swinburne, que vous allez défendre la soi-disant souveraineté du Royaume-Uni – et ça vaut pour tous les États de l’Union, pour des petits États comme le mien, pour des grands États comme l’Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne –, si vous pensez que, seuls, vous allez encore réussir à signifier quelque chose sur la planète, je crois que vous vous fourrez le doigt dans l’œil.
Ma troisième remarque porte sur l’attitude du FMI, comparée à celle de l’Union européenne dans la crise. Et là, Monsieur le Commissaire, je m’en prends à vous. Il nous revient quand même que, dans toutes les discussions au niveau des troïkas qui vont dans les différents États membres que nous essayons d’aider, finalement, c’est le FMI qui, aujourd’hui – et je suis presque ennuyé de le dire après tout ce que nous, les Verts, avons dit du FMI dans les années 80 et 90 –, est le plus raisonnable, alors que la Commission et la Banque centrale sont les plus durs dans les conditions posées.
C’est une situation que nous ne pouvons pas nous permettre en tant qu’Européens. Je ne peux pas comprendre que vous vous vouliez plus catholique que le pape – je ne sais pas si je peux dire cela à un Finlandais, mais enfin je le dis quand même!
Jürgen Klute, au nom du groupe GUE/NGL. – (DE) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, il ne s’agit pas tant d’une question de personne que d’une question de processus de sélection avant tout. Étonnamment, si on cherche sur l’internet des informations sur le processus de sélection pour le poste de directeur général du Fonds monétaire international (FMI), on ne découvre qu’une seule chose: les États-Unis et l’Europe se partagent les deux premières places. Par conséquent, ce sont les nations les plus puissantes économiquement qui se partagent le contrôle de l’économie mondiale alors qu’elles forment une minorité.
C’est du féodalisme, et cela n’a rien à voir avec la démocratie; c’est pour cette raison que nous ne pouvons par accepter. À notre avis, la démission de Dominique Strauss-Kahn est une excellente occasion de procéder à des changements fondamentaux dans le processus de sélection et de nomination: comme l’ont demandé récemment certaines ONG, ce processus peut devenir ouvert, transparent, et surtout se baser sur les qualifications et le mérite.
Dans le cadre de ces changements, il devrait aussi être possible d’associer des votes de majorité de la part de membres du FMI, à des votes de majorité au sein du FMI. Jusqu’à présent, seuls les droits de votes au sein du FMI étaient pris en considération, ce qui garantit une majorité structurelle aux nations qui ont des économies puissantes. Ce type de réforme et de changement apportés au processus de sélection s’inscrirait dans le cadre d’une réforme du FMI, qui s’inscrirait à son tour dans le cadre de l’évolution des relations économiques mondiales et donnerait aux pays en développement l’occasion de mettre à profit leur expérience avec le FMI pour le développement futur de l’institution.
Pour conclure, je voudrais simplement dire que les obligations du FMI doivent aussi comprendre une volonté de réduire les déséquilibres et la pauvreté dans le monde.
Nigel Farage, au nom du groupe EFD. – (EN) Madame la Présidente, je voudrais dire au commissaire Rehn que j’ai consulté la charte du FMI. On n’y trouve rien de surprenant; l’objectif est de promouvoir l’équilibre, la croissance, la stabilité des taux de change, de réduire les déséquilibres et d’aider les pays qui ont des problèmes. La méthode utilisée est classique: consolider les finances et organiser une dévaluation compétitive.
Il n’est dit nulle part que le FMI est là pour soutenir des expériences politiques alors que, de bien des façons, c’est ce qu’a fait Dominique Strauss-Kahn. Il s’est servi du FMI pour renflouer un euro en pleine déroute et, à ce titre, il a donc été un très mauvais choix de candidat. Vous souhaitez maintenant aggraver la situation en soutenant Christine Lagarde – qui fait aussi partie de l’élite politique européenne, qui est également une fanatique de l’euro et qui veut tout autant venir au secours de l’euro. J’aurais pensé qu’étant donné qu’elle a un intérêt très particulier, elle était de ce fait un candidat particulièrement inapproprié.
C’est comme si l’Union européenne avait détourné le FMI, et comme si ce dernier n’était là qu’en tant que mécanisme de soutien à l’euro: ainsi, ce ne sont pas seulement les contribuables de la zone euro et des membres de l’Union n’appartenant pas à la zone euro, mais aussi ceux du monde entier, qui doivent renflouer aujourd’hui l’euro pendant que le problème grec s’aggrave de jour en jour.
Je suppose que d’une certaine façon, vous pourriez bien avoir besoin de Mme Lagarde, car non seulement la Grèce court à la faillite, non seulement nous nous dirigeons vers un quatrième renflouement, mais, comme j’en ai déjà averti cette Assemblée, la pertinence de la Banque centrale européenne elle-même sera très bientôt mise en question. Je vous ai déjà dit que vous ne pouvez pas continuer à racheter vos propres créances douteuses, mais au point où nous en sommes, nous pourrions constater d’ici quelques semaines que la BCE elle-même n’est pas solvable: votre amie Mme Lagarde pourra donc peut-être contribuer aussi à ce renflouement-là.
J’aurais donc pensé que ce choix était très mauvais. La communauté internationale vous dira à un moment donné de vous arrêter – mais peut-être pas tout de suite.
Jean-Paul Gauzès (PPE). - Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, chers collègues, j’interviens également pour Mme Lulling et pour M. Langen, qui avaient des temps de parole, mais je vous rassure, je n’utiliserai pas la totalité des temps de parole.
Je voudrais simplement rappeler, comme chacun de vous l’a fait ici, que le processus de sélection d’un nouveau directeur général du FMI est engagé.
Il est important que l’Union européenne exprime une position unanime et forte qui soit portée non seulement par les différents États membres mais également par la Commission, et vous vous y êtes engagé, Monsieur le Commissaire.
Nous sommes nombreux dans ce Parlement, à l’exception de Monsieur Farage, à vouloir ardemment que l’équilibre qui a été jusqu’à présent admis entre les États-Unis et l’Europe soit maintenu dans l’attribution des postes de direction générale du FMI et de la Banque mondiale.
Nous comprenons parfaitement le souhait des pays émergents – et notamment des plus importants d’entre eux – d’avoir une part plus déterminante dans les décisions du FMI. Il convient, à cet égard, de poursuivre les réformes engagées dans la gouvernance de cette institution internationale, et notamment celles que vous avez également rappelées, Monsieur le Commissaire. Mais il est certainement trop tôt pour modifier radicalement les équilibres qui résultent des participations financières respectives des États membres au Fonds.
Un seul candidat européen a engagé une véritable campagne en prenant contact avec les différents États membres. Ce candidat – qui, au demeurant, est une candidate – présente les qualités requises. Ses compétences, son expérience politique, son autorité morale, sa parfaite maîtrise de l’anglais, alliées à une expérience professionnelle internationale, correspondent au portrait robot d’un directeur général du FMI.
Ce directeur général doit être – cela a été dit – consensuel et efficace dans une période où cette institution a à jouer un rôle déterminant pour concourir avec volontarisme à rétablir les équilibres économiques et financiers. Notre Union doit donc faire tout le nécessaire pour obtenir la désignation de Christine Lagarde.
Pervenche Berès (S&D). - Madame la présidente, je trouve que, dans ce débat, il y a quand même une chose très paradoxale. Au fond, entre la Banque mondiale et le FMI, il faudrait surtout que rien ne bouge. C’est nous, Européens, qui avons intérêt à ce que le multilatéralisme fonctionne. Et le multilatéralisme ne fonctionnera pas avec simplement des émergents associés ici ou là, au G20 ou ailleurs. Nous devons vraiment poser la question en dynamique, en perspective. Et je trouve assez paradoxal qu’au moment où il y a une mobilisation en urgence pour désigner une Européenne à la tête du FMI nous ne soyons pas exemplaires, en tant qu’Européens, pour dire, Monsieur le Commissaire, c’est une étape sur la question de la représentation extérieure de la zone euro.
Pourquoi êtes-vous si pressé, si acharné à désigner une Européenne si ce n’est pas pour, en même temps, franchir cette étape dont vous nous dites qu’elle n’est pas urgente et qu’elle pourrait être pour demain. Si nous voulons faire vivre le multilatéralisme, alors nous devons nous-mêmes être exemplaires, être cohérents et montrer combien cela peut fonctionner demain. Car, à l’échelle de la gouvernance mondiale, le FMI a un rôle absolument majeur, qui ne se limite pas à la question de la dette européenne et des situations des dettes souveraines des Européens en difficulté. C’est une tâche essentielle, mais le rôle du FMI est aussi, au-delà de la stabilité des marchés, de contribuer à la correction des déséquilibres mondiaux qui ont conduit à cette crise.
Et aujourd’hui, on voit bien qu’il y a une question de gouvernance absolument fondamentale que vous ne mettez pas du tout dans la balance, dans la façon de promouvoir ou non telle ou telle candidature. Or, c’est cela qui nous intéresse, nous, les socialistes, c’est que le FMI joue un rôle au sein de la gouvernance mondiale pour corriger les déséquilibres ayant conduit à cette crise.
Patrick Le Hyaric (GUE/NGL). - Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, je ne néglige pas, comme tous les collègues ici, la méthode du choix du futur directeur général du Fonds monétaire international, mais ce qui importe le plus aux peuples est de savoir quel rôle nouveau compte jouer cette institution internationale pour aider à sortir des graves crises économiques, financières, budgétaires et monétaires actuelles.
Le Fonds monétaire international a besoin d’être considérablement démocratisé et mis au service du développement humain, de l’éducation et de l’emploi. La minorité de blocage dont disposent les États-Unis devrait, à mon sens, être levée. Les droits de vote des pays émergents devraient être considérablement rehaussés.
Le Fonds monétaire international devrait être un outil contre la spéculation qui étouffe aujourd’hui les peuples, un outil efficace pour la stabilité des marchés agricoles et de toutes les matières premières, pour s’attaquer aux paradis fiscaux dont on nous parle souvent. Au lieu de la guerre monétaire, cette institution devrait porter un nouveau et grand projet: celui d’une monnaie commune mondiale pour la coopération au lieu de la guerre économique et de la concurrence.
Voilà ce dont nous devrions discuter en priorité pour que les gens vivent mieux et que les banquiers cessent de se gaver en pillant les peuples.
Róża Gräfin von Thun und Hohenstein (PPE). – (PL) Madame la Présidente, il est regrettable que le FMI n’ait récemment été évoqué que dans le seul contexte de l’affaire concernant son ancien directeur, Dominique Strauss-Kahn. Ce n’est pas seulement le prestige de ce poste important et de toute l’institution qui a souffert, mais aussi le prestige d’un homme politique européen qui a occupé un poste aussi élevé. Je pense que si nous tirons les enseignements de toute cette terrible affaire en arrêtant enfin de tolérer un comportement dont tout le monde avait connaissance et qui est toléré bien trop largement, il en ressortirait au moins un aspect positif. Mais nous devons maintenant nous battre pour rétablir la réputation de ce poste et de l’institution du FMI. Pour y parvenir, nous devons proposer à ce poste une personne compétente qui pourra maintenir le calme sur les marchés, dans les médias et dans l’opinion publique, dans un contexte actuellement très difficile. Il est essentiel que le candidat soit crédible, et Christine Lagarde a été désignée par le Financial Times meilleure ministre des finances de la zone euro en 2009. Le commissaire a déjà fait mention de son excellente gestion de la présidence du G20. C’est quelqu’un dont la crédibilité ne peut être remise en question. Nous ne devons pas sous-estimer le rôle du FMI, particulièrement à l’heure où une crise économique et financière frappe de nombreux pays en Europe. Le mode de pensée européen doit donc se refléter dans cette institution. Nous avons besoin à ce poste d’une personne qui comprend l’importance de la crise actuelle. Je sais que Christine Lagarde ne perdra pas de vue les intérêts européens quand elle gèrera les finances mondiales au FMI et utilisera les compétences et l’expérience internationale qu’elle a acquises au sein de l’Union européenne. Elle a elle-même déclaré que si elle devait être choisie pour occuper ce poste, elle apporterait au Fonds monétaire international toute son expérience d’avocate, de directrice générale, de ministre et de femme. Accordons une attention toute particulière à ce dernier élément, qui est d’une très grande importance dans le contexte présent.
João Ferreira (GUE/NGL). – (PT) Madame la Présidente, le processus prévu pour remplacer le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) est indissociable des difficultés et des contradictions auxquelles le système capitaliste est aujourd’hui confronté dans la crise dans laquelle il s’enlise. Le changement qui intervient actuellement dans l’une des institutions qui se trouve au sommet du système est inextricablement lié aux divergences entre les diverses factions du grand capital, où des conflits apparaissent entre les plus grandes puissances. Il est aussi indissociable de la question, laissée sans réponse, de la réforme du système monétaire et avec elle, de la guerre des monnaies contre l’hégémonie du dollar au niveau mondial. C’est une guerre dont les conséquences pèsent sur les travailleurs et les populations des périphéries, comme nous pouvons le constater dans l’Union européenne.
Sans dissimuler un seul moment à quel point le centre gauche et ses liens de longue date avec le néolibéralisme sont responsables de ce processus, il est aussi indissociable du conflit entre ceux qui acceptent la nécessité de restructurer les dettes au sein de la zone euro et ceux qui incitent à se précipiter aveuglément sur de nouveaux moyens d’intervention des institutions, ouvertement coloniaux.
Dans tous les cas, ces deux acteurs paraissent décidés à porter l’exploitation et l’oppression des travailleurs et des peuples vers de nouveaux sommets.
Niki Tzavela (EFD). – (EL) Madame la Présidente, Monsieur le Commissaire, on se souviendra sans doute du XXIe siècle pour la guerre qui y aura fait rage entre le pouvoir politique et le pouvoir des institutions financières. Sur cette planète, certains pays sont littéralement gouvernés par des institutions financières anonymes, et les citoyens de ces pays sont ballottés de part et d’autre, leur sort étant déterminé par les mouvements des marchés.
Je pense que Mme Lagarde sera une représentante compétente et digne de l’Union européenne; elle a les compétences pour le poste grâce à l’expérience qu’elle a acquise au cours de cette période tumultueuse de crise économique; je pense aussi qu’elle sera une digne représentante de l’économie européenne dans le cadre de la gouvernance économique mondiale.
Paul Rübig (PPE). – (DE) Madame la Présidente, je pense qu’il est important que Mme Lagarde soit nommée à ce poste de premier plan. En France, elle a prouvé qu’elle comprenait l’économie, qu’elle favorisait aussi tout particulièrement les petites et moyennes entreprises, et qu’elle avait une grande considération pour les personnes qui travaillent véritablement et apportent leur pierre à l’édifice. Travailler pour améliorer le niveau de vie des gens: c’est aussi sûrement un principe du Fonds monétaire international. La redistribution n’est possible que si quelque chose est réellement produit à des fins de redistribution.
La réforme du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale est donc une priorité absolue. Nous devons veiller à ce que les pays qui ont des problèmes financiers reçoivent les instructions nécessaires et qu’ils sachent bien que nous travaillons d’arrache-pied à résoudre ces problèmes dans l’Union européenne.
Ilda Figueiredo (GUE/NGL). – (PT) Madame la Présidente, le débat en cours élude les questions les plus importantes, c’est-à-dire qu’il n’aborde pas le grave problème posé par le capitalisme international: le problème des marchés financiers qui contrôlent nos économies, qui essaient d’imposer leurs règles aux pays eux-mêmes, qui continuent à accentuer les inégalités, les discriminations et les atteintes aux droits des travailleurs et aux services publics essentiels, et qui contribuent à accroître la pauvreté et l’exclusion sociale, pas seulement sur le plan international dans des pays moins développés, mais aussi ici, au sein de l’Union européenne et dans beaucoup de nos États membres.
Par conséquent, ce que la Commission devait faire, c’était adopter une position forte afin de faire évoluer la situation, mettre fin aux paradis fiscaux, contrôler les marchés financiers, et empêcher l’aggravation des inégalités et l’exploitation.
Olli Rehn, membre de la Commission. – (EN) Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je souhaite toute d’abord vous remercier pour ce débat très riche. Je crois qu’il y a un consensus général dans cette Assemblée – non pas un consensus parfait, mais un consensus large – sur le processus de sélection du prochain directeur général du FMI. Il doit être ouvert, transparent et fondé sur le mérite.
J’ai également l’impression qu’il y a une large préférence – peut-être pas une préférence absolue mais une préférence notable – pour Mme Lagarde, qui a déjà été désignée par les États membres de l’Union européenne et la Commission pour être leur candidate au poste de directeur général du FMI.
Je souhaite souligner trois points pour répondre aux différentes opinions exprimées au cours de ce débat. Tout d’abord, le FMI a joué un rôle phare, en collaboration avec l’Union européenne, dans la résolution de la crise de la dette souveraine en Europe: l’action de Dominique Strauss-Kahn en tant que directeur général du Fonds monétaire international a en effet été prépondérante.
Même si nous sommes toujours confrontés à des perturbations considérables dans certains segments des marchés de la dette souveraine de certains pays, nous avons pu maîtriser la crise de la dette souveraine et préserver la relance économique en cours en Europe. Bien entendu, il faut continuer à travailler, et des décisions difficiles nous attendent encore, notamment dans les prochaines semaines de juin. Mais n’oublions pas que l’Europe n’a pas connu de catastrophe Lehman Brothers, et nous devons faire en sorte de ne pas en connaître, car elle porterait préjudice à la croissance économique et à la reprise de l’emploi en Europe.
Ensuite, nous avons constaté une excellente coopération entre la Commission, la BCE et le FMI, ce qui n’allait pas de soi lorsque nous avons commencé à combattre la crise financière il y a environ un an et demi. Chacune de ces trois institutions a ses propres règles, sa propre philosophie et sa propre indépendance, et il n’était pas évident qu’elles puissent travailler ensemble à relever ces défis. Cependant, je pense que le pragmatisme a prévalu dans l’appréhension de la crise et nous a aidés à coopérer afin de maîtriser la crise de la dette souveraine et de préserver la relance économique.
Enfin, je reconnais qu’il nous faut réformer notre représentation extérieure. Comme je l’ai dit en ouverture, nous avons aujourd’hui une tâche énorme à accomplir, pour aboutir en premier lieu à une réforme de la gouvernance économique intérieure. Nous sommes sur le point d’y parvenir et je compte sur vous pour nous permettre de concrétiser ces efforts pour le mois de juin, avant les congés d’été. C’est d’une extrême importance pour la crédibilité de l’Union européenne en cette période de crise. Faisons donc tout notre possible pour achever cette réforme indispensable de la gouvernance économique de l’Union européenne.
À long terme, notre objectif est d’avoir un seul siège, au moins pour la zone euro. À court terme, nous avons besoin d’une plus grande coordination politique pragmatique et pratique dans les États membres de l’Union européenne qui sont représentés au sein du G20, du G7 ou du FMI. Je dois dire que j’ai constaté de nombreuses améliorations concrètes à cet égard: les États membres de l’Union européenne qui sont représentés au sein du G20, du FMI ou du G7, partagent pour la plupart des objectifs communs et travaillent de concert, et non en exprimant des voix différentes.
Oui, il reste beaucoup à faire et nous devons avoir une grande discussion à ce sujet. Mais comme je le disais, nous devons tout d’abord achever la réforme de la gouvernance intérieure; nous pourrons alors revenir à la question de l’amélioration de notre représentation extérieure. Les droits des économies émergentes impliquent qu’il est dans l’intérêt fondamental de l’Union européenne, de ses citoyens et de ses États membres que nous soyons plus unis, et donc plus efficaces pour faire progresser notre cause et nos intérêts sur la scène mondiale.
La Présidente. – Le débat est clos.
Déclaration écrite (article 149)
Edward Scicluna (S&D) par écrit. – (EN) Quelle que soit la personne qui occupera le poste de directeur général du FMI, une tâche énorme l’attend. Les années à venir seront certainement dominées par des réformes majeures de la gouvernance économique et financière sur le plan international. Il y a beaucoup d’excellentes candidatures et j’espère que le choix sera fondé sur le mérite, et non sur des questions politiques. Le fait est que l’Union européenne ne donne pas sa pleine mesure au niveau mondial, que ce soit au G20, au FMI ou à l’OMC. Elle ne parle pas d’une seule et même voix, mais en fait entendre plusieurs. C’est un grave défaut, qui touche particulièrement les petits États membres qui n’ont pas la puissance diplomatique des grandes nations. À condition que les positions politiques proposées soient approuvées dans la transparence et la démocratie, nous gagnerions beaucoup à ce que l’Union européenne joue un rôle plus actif dans la refonte du système financier et monétaire international. Le Comité des affaires économiques et monétaires travaille actuellement à un rapport sur la gouvernance économique mondiale qui, je l’espère, aboutira à des propositions de la Commission pour améliorer la représentation extérieure de l’Union européenne dans ce domaine. L’Union européenne est un bloc économique qui représente 450 millions de citoyens et sa devise est la deuxième monnaie de réserve internationale au monde. Mais si nous ne la prenons pas au sérieux, personne d’autre dans le monde ne le fera.