PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE
22.5.2007
- –Tunne Kelam, Charles Tannock, José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, Christopher Beazley, Anna Ibrisagic et Bogdan Klich, au nom du groupe PPE-DE
- –Andres Tarand et Hannes Swoboda, au nom du groupe PSE
- –Toomas Savi, Siiri Oviir, Margarita Starkevičiūtė et Georgs Andrejevs, au nom du groupe ALDE
- –Cristiana Muscardini, Inese Vaidere, Ģirts Valdis Kristovskis, Guntars Krasts, Roberts Zīle, Konrad Szymański, Hanna Foltyn-Kubicka, Marek Aleksander Czarnecki, Gintaras Didžiokas, Adam Bielan, Michał Tomasz Kamiński, Mieczysław Edmund Janowski, Wojciech Roszkowski et Marcin Libicki, au nom du groupe UEN
- –PPE-DE (B6‑0215/2007)
- –PSE (B6‑0205/2007)
- –ALDE (B6‑0220/2007)
- –UEN (B6‑0214/2007)
Résolution du Parlement européen sur la situation en Estonie
Le Parlement européen,
– vu la déclaration de la Présidence de l'UE du 2 mai 2007 au sujet de la situation devant l'ambassade d'Estonie à Moscou,
– vu la déclaration de son Président, Hans-Gert Pöttering, sur la situation en Estonie et le débat qui a eu lieu en plénière le 9 mai 2007,
– vu les nombreuses déclarations de soutien à l'Estonie émises par le Conseil, par la Commission et par des gouvernements de l'UE,
– vu l'article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant qu'entre les 26 et 28 avril 2007, la capitale estonienne et certaines parties du nord-est de l'Estonie ont été le théâtre de manifestations contre la décision du gouvernement estonien de déplacer le monument soviétique aux libérateurs de Tallinn du centre de la capitale estonienne vers un cimetière militaire quelques kilomètres plus loin, au cours desquelles les manifestants, déclenchant deux nuits de violence, s'en sont pris d'abord aux forces de police pour ensuite se livrer à des actes de vandalisme généralisé dans le centre de la capitale,
B. considérant qu'il est clairement apparu que la police n'a fait usage de la force que dans des situations extrêmes et que son action n'a pas été mise en cause par le chancelier estonien chargé du contrôle de la légalité et de la constitutionnalité,
C. considérant que le gouvernement estonien avait exposé à l'avance les raisons de sa décision au gouvernement de la Fédération de Russie, en lui proposant de coopérer avec lui au cours du déplacement du monument, et en encourageant les représentants russes à assister aux exhumations, ce que les autorités russes ont refusé,
D. considérant que les exhumations se sont opérées dans le strict respect des normes internationales de dignité et que le monument a été à nouveau rendu accessible au public dans le cimetière à l'occasion d'une cérémonie officielle à laquelle ont participé des représentants de la coalition anti-hitlérienne,
E. considérant que les manifestations violentes et les attaques contre la loi et l'ordre public ont été organisées avec la coopération active de forces établies en dehors de l'Estonie,
F. considérant que plusieurs déclarations ont été faites en haut lieu en Russie, notamment une déclaration officielle d'une délégation de la Douma, lors de sa visite à Tallinn, appelant le gouvernement estonien à démissionner,
G. considérant que le premier ministre estonien a déclaré que ces événements constituaient une ingérence manifeste et bien coordonnée dans les affaires intérieures de l'Estonie,
H. considérant qu'immédiatement après les émeutes, l'ambassade estonienne à Moscou a été empêchée de fonctionner normalement pendant sept jours par des manifestants hostiles de l'organisation de jeunesse russe progouvernementale "Nashi", que les ambassadeurs d'Estonie et de Suède ont été victimes d'agressions physiques, que des menaces de démolition de l'ambassade ont été proférées, que le drapeau estonien a été déchiré sur le territoire de l'ambassade et que l'Estonie a été qualifiée de pays fasciste,
I. considérant que des cyberattaques systématiques ont été lancées, essentiellement depuis l'étranger, pour tenter de bloquer les lignes de communication officielles et les sites internet de l'administration estonienne, que ces attaques ont été perpétrées à partir d'adresses IP de l'administration russe et qu'une propagande hostile intensive s'est poursuivie par l'internet et par des messages transmis par téléphone mobile, appelant à la résistance armée et à de nouvelles violences,
J. considérant que, quelques jours seulement après les événements de Tallinn, toutes sortes de restrictions aux exportations estoniennes vers la Russie ont été mises en place, que des entreprises russes ont suspendu des contrats avec des entreprises estoniennes, que l'approvisionnement énergétique de l'Estonie a été menacé et que les liaisons ferroviaires entre l'Estonie et Saint-Pétersbourg seront suspendues à compter de la fin du mois de juin,
K. considérant que les autorités russes, y compris la délégation de la Douma, ont malheureusement refusé d'engager un dialogue avec les autorités estoniennes et même de participer à une conférence de presse conjointe au ministère des affaires étrangères,
L. considérant que le métropolite Kornelius de l'Église orthodoxe russe en Estonie a déclaré que rien ne pouvait justifier un conflit intercommunautaire et qu'il n'y avait pas de raison de présenter les émeutes comme la manifestation d'un conflit entre des communautés de langue estonienne et de langue russe,
M. considérant que ces événements ont encore été amplifiés du fait de la désinformation pratiquée par les médias russes, relançant ainsi les protestations,
N. considérant qu'une partie infime seulement de la population appartenant à l'ethnie russe a participé aux manifestations et aux pillages, qu'un nombre considérable de policiers d'origine russe ont parfaitement rempli leur fonction et qu'une grande majorité des personnes interrogées ont approuvé le comportement du gouvernement estonien,
O. considérant que l'Estonie, en tant qu'État indépendant membre de l'Union européenne et de l'OTAN, a le droit souverain de juger de la période tragique de son passé récent, qui a débuté par la perte de son indépendance à la suite du pacte germano-soviétique de 1939, et ne s'est achevée qu'en 1991,
P. considérant que l'occupation soviétique et l'annexion des États baltes n'ont jamais été reconnues comme légales par les démocraties occidentales,
Q. considérant que le Parlement européen, dans sa résolution du 12 mai 2005, constatait que, pour certaines nations, la fin de la deuxième guerre mondiale avait débouché sur une nouvelle tyrannie infligée par l'Union soviétique stalinienne, et félicitait les pays d'Europe centrale et orientale de s'être libérés, "après tant de décennies sous domination ou occupation soviétique",
R. considérant que seul le successeur légal de l'Union soviétique, à savoir la Fédération de Russie, persiste à nier le caractère illégal de l'incorporation des États baltes dans l'Union soviétique,
1. exprime son soutien et sa solidarité au gouvernement démocratiquement élu d'Estonie dans ses efforts pour garantir l'ordre et la stabilité ainsi que l'État de droit à tous ceux qui résident en Estonie;
2. considère que les attaques dont est la cible l'un des plus petits États membres de l'Union européenne constituent un test pour la solidarité de l'Union européenne;
3. juge inadmissibles les différentes tentatives des autorités russes d'intervenir dans les affaires intérieures de l'Estonie;
4. se déclare alarmé par le caractère insuffisant de la protection assurée à l'ambassade d'Estonie à Moscou par les autorités russes et par les agressions physiques portées contre l'ambassadeur d'Estonie par les manifestants du "Nashi"; invite le gouvernement russe à respecter sans réserves la Convention de Vienne sur la protection des diplomates;
5. condamne les tentatives de la Russie de faire de l'exercice d'une pression économique sur l'Estonie un instrument de politique étrangère et invite le gouvernement russe à rétablir des relations économiques normales entre les deux États;
6. rappelle aux autorités russes que la rhétorique hostile, développée ouvertement et sans nuances, par les autorités russes contre l'Estonie est absolument contraire aux principes des relations internationales et aura des incidences sur les relations entre l'Union européenne et la Russie dans leur ensemble;
7. invite la Commission européenne et tous les États membres à apporter leur concours aux analyses réalisées sur les cyberattaques lancées contre des sites internet estoniens et à présenter une étude sur la façon pour l'UE de faire face à ce type d'attaques et de menaces; appelle la Russie à apporter toute son assistance à ces investigations;
8. invite le gouvernement russe à engager un dialogue ouvert et impartial avec les démocraties d'Europe occidentale et centrale sur l'histoire du XXe siècle ainsi que sur les crimes contre l'humanité, y compris ceux commis à l'époque au nom du totalitarisme communiste;
9. se félicite de l'appel lancé par le président estonien, Toomas Hendrik Ilves, pour souligner que les personnes qui se sont installées en Estonie pendant l'époque soviétique et qui vivent désormais en République d'Estonie, ainsi que leurs enfants et leurs petits-enfants, sont tous Estoniens, que tous les Estoniens, quelle que soit leur origine, ont leur propre expérience, très douloureuse, de la vie sous trois puissances d'occupation consécutives au cours du siècle écoulé, et pour rappeler à toutes les parties concernées qu'à cette fin, le dialogue estonien interne doit être encouragé afin de combler le fossé entre les différentes communautés et de créer de nouvelles possibilités d'intégrer en particulier les Estoniens russophones;
10. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au gouvernement et au parlement d'Estonie et au gouvernement et au parlement de la Fédération de Russie.