PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE
24.10.2007
- –Joseph Daul, Lutz Goepel, Neil Parish, Struan Stevenson, Esther De Lange, Carmen Fraga Estévez, Esther Herranz García, Elisabeth Jeggle, Mairead McGuinness, James Nicholson, Agnes Schierhuber, au nom du groupe PPE-DE
- –Luis Manuel Capoulas Santos, au nom du groupe PSE
- –Niels Busk, Kyösti Virrankoski, Willem Schuth, Ona Juknevičienė, Danutė Budreikaitė, au nom du groupe ALDE
- –Adam Bielan, Sergio Berlato, Janusz Wojciechowski, Gintaras Didžiokas, Andrzej Tomasz Zapałowski, Liam Aylward, Zdzisław Zbigniew Podkański, Ewa Tomaszewska, Zbigniew Krzysztof Kuźmiuk, Ryszard Czarnecki, Mieczysław Edmund Janowski, au nom du groupe UEN
- –Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, au nom du groupe Verts/ALE
- –PPE-DE (B6‑0400)
- –PSE (B6‑0401/2007)
- –ALDE (B6‑0403/2007)
- –UEN (B6‑0404/2007)
- –Verts/ALE (B6‑0405/2007)
Résolution du Parlement européen sur la hausse des prix des aliments pour animaux et des denrées alimentaires
Le Parlement européen,
– vu l'article 33 du traité établissant la Communauté européenne,
– vu sa résolution législative du 26 septembre 2007 sur la mise en jachère pour l'année 2008,
– vu l'article 108, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que les prix mondiaux des céréales ont brutalement augmenté au cours des derniers mois et que les stocks publics et privés de céréales sont tombés à leur niveau le plus bas depuis quarante ans,
B. considérant que les dernières estimations indiquent que la récolte de céréales de l'Union européenne à 27 sera inférieure d'environ huit millions de tonnes à celle de l'année dernière,
C. considérant que la récolte de 2006 n'a été que de 265,5 millions de tonnes, laissant tout juste un million de tonnes pour intervention cette année,
D. considérant que les réserves mondiales de céréales ont été affectées par des conditions atmosphériques défavorables, notamment par des sécheresses et des inondations, qui sont probablement liées au changement climatique,
E. considérant que, dans la plupart des États membres de l'UE, il est impossible de discerner une relation directe et à long terme entre la hausse des prix de certains produits et la demande de biocarburants, mais qu'il faut néanmoins souligner que, dans des pays tels que les États-Unis, une politique active de promotion de la culture de maïs destiné à la production de bioéthanol influe directement sur les prix des aliments pour animaux et des denrées alimentaires, fait qui a été reconnu par l'OCDE,
F. considérant que, dans l'étude qu'elle a publiée en septembre 2007 sur l'impact de la production de biocarburants sur la sécurité alimentaire et la biodiversité à l'échelle mondiale, l'OCDE avertit que la concurrence entre la production de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux, d'une part, et de biocarburants, de l'autre, pour conquérir des terres et des ressources risque de faire monter les prix des denrées alimentaires au point de compromettre l'accès à la nourriture des populations et des régions les plus pauvres,
G. considérant que la demande mondiale de denrées alimentaires augmente plus rapidement que l'offre, et ce en particulier parce que l'augmentation des revenus dans les économies émergentes, comme celles de la Chine et de l'Inde, ajoutée à l'accroissement des populations font augmenter la demande, en particulier en ce qui concerne la viande et les produits laitiers et, en conséquence, la demande d'aliments pour animaux,
H. considérant que l'insécurité alimentaire constitue toujours une réalité pour plus de 854 millions de personnes, dont environ 820 millions se trouvent dans les pays en développement,
I. considérant que l'évolution des prix de détail des denrées alimentaires n'est pas allée de pair avec celle du coût de la vie et que les prix payés au producteur n'ont pas suivi les prix de détail,
J. considérant que les grandes chaînes de distribution et un petit nombre de chaînes de supermarchés opérant dans l'UE disposent d'un pouvoir considérable en ce qui concerne la fixation des prix des aliments pour animaux et que la concentration de cette demande est telle qu'elle équivaut désormais à une position dominante vis-à-vis des producteurs,
K. considérant que l'augmentation du coût des aliments composés pour animaux entraîne une augmentation des coûts de production pour le secteur de l'élevage,
L. considérant que, au cours des quinze dernières années, la PAC a été considérablement modifiée en réponse aux pressions de la société européenne et de son économie en pleine évolution, et que le découplage offre aux exploitants agricoles la possibilité de répondre aux signaux du marché,
M. considérant que l'article 33 du traité CE stipule que la garantie de la sécurité des approvisionnements et le fait d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs constituent des objectifs de la Politique agricole commune,
Mise en jachère
1. se félicite de la décision prise récemment par les ministres de l'agriculture de l'UE d'adopter la proposition de la Commission visant à suspendre les obligations de mise en jachère pour 2008;
2. note que, selon les estimations de la Commission, ce changement de politique libérera quelque 2,9 millions d'hectares pour la production de céréales et permettra d'accroître la récolte de l'année prochaine d'environ dix millions de tonnes;
3. regrette que le Conseil n'ait pas adopté les amendements du Parlement visant la suspension de la mise en jachère également pour l'année 2009 et espère que cette question sera reprise dans le "bilan de santé" de la PAC qui doit être effectué incessamment;
Production alimentaire et commerce de détail
4. prend acte des observations récentes de la commissaire Fischer Boel selon lesquelles les prix de la viande et des produits de la viande pourraient augmenter de 30 % en 2008 en raison de l'augmentation des frais pour l'alimentation animale;
5. note que la hausse des prix du lait en 2007 constitue une augmentation de revenus, peu importante mais qui était impérative, pour les producteurs de produits laitiers, mais qu'elle pose des problèmes aux consommateurs et rend plus difficile l'approvisionnement nécessaire en produits laitiers, par exemple dans les établissements scolaires et les hôpitaux;
6. constate avec inquiétude que les producteurs européens de volaille doivent payer les aliments pour animaux de 40 à 60 % plus cher que l'année précédente, alors même que ces aliments représentent environ 60 % du total de leurs frais;
7. souligne avec la plus grande vigueur que le coût des matières premières est un élément relativement mineur du coût total de nombre de produits alimentaires, en particulier des produits transformés, et que, même après les hausses récentes des prix du blé, le coût du blé représente moins de 10 % du prix de détail d'une miche de pain au Royaume-Uni et moins de 5 % d'une baguette en France;
8. invite la Commission et les États membres à analyser les écarts existant entre les prix payés au producteur et les prix pratiqués par les principales chaînes de supermarchés; estime en particulier que la Commission devrait analyser les effets de la concentration dans le secteur du commerce de détail, qui porte principalement préjudice aux petits producteurs, aux petites entreprises et aux consommateurs, et utiliser tous les instruments juridiques dont elle dispose si des abus de position dominante sur le marché étaient repérés;
9. invite instamment la Commission à autoriser des paiements direct anticipés aux éleveurs, en particulier lorsque des maladies se déclarent (par exemple la fièvre catarrhale ovine), étant donné qu'ils peuvent être confrontés à de sérieux problèmes de trésorerie en raison de la hausse des prix des aliments pour animaux;
Biocarburants
10. souligne que seule une très petite part de la production céréalière de l'UE est actuellement utilisée pour la production de biocarburants et que la réalisation des objectifs de l'UE en matière de biocarburants en 2020 n'exigerait toujours que l'utilisation de 15 % des terres cultivables de l'Union;
11. fait observer que les surfaces agricoles consacrées, dans l'Union européenne, aux cultures destinées à la production d'énergie ont été multipliées par dix depuis 2004, pour atteindre 2,84 millions d'hectares;
12. souligne que les biocarburants constituent actuellement le seul produit de substitution pour les carburants fossiles qui soit disponible à grande échelle sur le marché et que, à la différence des combustibles fossiles, ils sont renouvelables et peuvent permettre d'importantes réductions des émissions de gaz à effet de serre;
13. fait observer que, lorsqu'une tonne de céréales est utilisée dans l'UE pour la production de bioéthanol, une part allant jusqu'à 40 % en retourne dans le secteur de l'alimentation animale sous forme de sous-produits;
14. invite néanmoins la Commission et les États membres à faire davantage pour promouvoir l'utilisation et la production de bioénergie de deuxième génération, impliquant la transformation de fumier et de déchets agricoles plutôt que celle de produits agricoles primaires;
15. invite la Commission à effectuer une évaluation d'impact sur l'environnement et sur la sécurité alimentaire qui tienne compte de la concurrence existant entre la production alimentaire et celle de carburants végétaux pour la conquête de terres et de ressources, en y intégrant l'impact du changement climatique ainsi que d'éventuelles mesures visant à éviter une nouvelle réduction des ressources disponibles pour la production alimentaire;
Importations et exportations
16. constate avec une profonde préoccupation que le coût des aliments pour animaux composés a augmenté de 75 euros par tonne et continue d'augmenter en raison d'une forte carence de céréales pour la production d'aliments pour animaux, et que cela représente un coût supplémentaire de dix milliards d'euros pour le secteur communautaire de l'élevage;
17. prend acte de l'intention, annoncée lors de la dernière réunion du Conseil Agriculture, de présenter une proposition visant à supprimer les droits à l'importation pour les céréales en 2008, de manière à pouvoir affronter la situation difficile qui prévaut dans le secteur de l'élevage, en particulier dans celui de la viande porcine;
18. souligne que de telles décisions peuvent réellement affaiblir la position de l'UE sur la question de l'accès au marché dans le cadre des négociations au sein de l'OMC;
19. souligne que cette décision ne doit pas servir de précédent pour d'autres secteurs, tels que celui du riz;
20. rejette toute démarche visant à imposer des quotas et tarifs douaniers à l'exportation sur la production agricole de l'UE;
21. demande que les opérateurs des pays tiers soient soumis aux mêmes contrôles rigoureux que les producteurs de l'UE;
22. invite la Commission à entreprendre un inventaire des mesures possibles en matière de gestion des réserves et de sécurité alimentaire, qui pourrait éviter d'aggraver encore l'extrême volatilité des prix des aliments pour animaux et des denrées alimentaires et la concurrence insoutenable entre la production alimentaire et celle de biocarburants;
Insécurité alimentaire au niveau mondial
23. est conscient du fait que la réduction des stocks alimentaires mondiaux a des conséquences graves et spécifiques pour les pays en développement à faible revenu et souffrant d'un déficit alimentaire et que la facture totale des importations de céréales de ces pays est vouée à augmenter considérablement - pour atteindre le chiffre sans précédent de 28 milliards de dollars en 2007-2008, soit environ 14 % d'augmentation par rapport au niveau de l'année précédente, qui était déjà élevé;
24. fait observer que, au total, les pays en développement dépenseront cette année une somme record de 52 milliards de dollars pour les importations de céréales;
25. invite la Commission à analyser attentivement les effets des pénuries de céréales et d'oléagineux sur les producteurs de denrées alimentaires et les consommateurs les plus vulnérables dans l'UE et dans les pays tiers, en présentant notamment des propositions relatives à des instruments et à des mesures visant à éviter des perturbations de l'approvisionnement alimentaire et les effets inflationnistes de nouvelles hausses des prix;
26. demande à la Commission d'entreprendre une analyse en profondeur des tendances du marché mondial, portant notamment sur l'augmentation de la demande alimentaire dans les pays en développement, afin d'envisager, dans le cadre du "bilan de santé" de la PAC, la création de mécanismes permanents pour garantir à l'avenir un approvisionnement suffisant sur le marché;
27. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.