PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE
16.1.2008
- –Ari Vatanen, Laima Liucija Andrikienė, Bernd Posselt, Eija-Riitta Korhola et Tadeusz Zwiefka, au nom du groupe PPE-DE
- –Pasqualina Napoletano, Josep Borrell Fontelles, Alain Hutchinson, Marie-Arlette Carlotti et Glenys Kinnock, au nom du groupe PSE
- –Marios Matsakis, Frédérique Ries et Renate Weber, au nom du groupe ALDE
- –Brian Crowley, Adam Bielan, Hanna Foltyn-Kubicka, Ryszard Czarnecki, Ewa Tomaszewska, Konrad Szymański, Mieczysław Edmund Janowski, Marcin Libicki et Ģirts Valdis Kristovskis, au nom du groupe UEN
- –Marie-Hélène Aubert, Margrete Auken, Raül Romeva i Rueda, Hiltrud Breyer, Carl Schlyter et Jean Lambert, au nom du groupe Verts/ALE
- –Feleknas Uca et Gabriele Zimmer, au nom du groupe GUE/NGL
- –Verts/ALE (B6‑0022/2008)
- –GUE/NGL (B6‑0030/2008)
- –ALDE (B6‑0035/2008)
- –UEN (B6‑0037/2008)
- –PPE-DE (B6‑0043/2008)
- –PSE (B6‑0044/2008)
Résolution du Parlement européen sur la situation dans la République démocratique du Congo et le viol comme crime de guerre
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions précédentes sur les violations des droits de l’homme dans la République démocratique du Congo (RDC),
– vu la résolution de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE du 22 novembre 2007,
– vu le statut de Rome établissant la Cour pénale internationale adopté en 1998, et en particulier ses articles 7 et 8, qui définissent le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée et la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable comme crimes contre l’humanité et crimes de guerre et les assimile à une forme de torture et à un crime de guerre grave, que ces actes soient perpétrés systématiquement ou non durant des conflits internes ou internationaux,
– vu le vingt-quatrième rapport des Nations unies du secrétaire général sur la mission de l’ONU dans la République démocratique du Congo du 14 novembre 2007,
– vu la déclaration de la mission des Nations unies dans la République démocratique du Congo du 27 juillet 2007,
– vu la publication de Human Rights Watch intitulée Renewed Crisis in North Kivu, d’octobre 2007,
– vu la publication de Human Rights Watch intitulée Seeking Justice : The Prosecution of Sexual Violence in the Congo War, de mars 2005,
– vu le rapport d’Amnesty International pour l’année 2007,
– vu le Plan d’Action Humanitaire 2008 pour la République Démocratique du Congo, soutenu par les Nations unies, du 11 décembre 2007,
– vu les « nouvelles et analyses humanitaires » du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires, du 13 décembre 2007,
– vu l'article 115, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que la guerre et les troubles à l’est de la République démocratique du Congo ont généré des violences sexuelles à l’égard des femmes à grande échelle et à un niveau alarmant perpétrées par des groupes rebelles armés, ainsi que par l’armée gouvernementale et les forces de police ;
B. considérant qu’à l’est du Congo, des femmes sont systématiquement attaquées à une échelle sans précédent, et, que selon le sous-secrétaire général de l’ONU pour les affaires humanitaires, la violence sexuelle au Congo est la plus grave au monde ;
C. considérant que des viols sont également commis dans les camps de personnes déplacées, où de nombreux civils se sont réfugiés pour se protéger des combats qui ont amené plus de 400 000 personnes à quitter leurs foyers et villages pour la seule année 2007 ;
D. considérant que d’après le représentant spécial des Nations unies, les atrocités contre les femmes s’articulent autour des viols, des viols collectifs, de l’esclavage sexuel et du meurtre, qui ont des conséquences profondes tant sur la destruction physique que psychologique des femmes ;
E. considérant que selon le Plan d’Action Humanitaire 2008 pour la République Démocratique du Congo, il y a eu 32353 viols enregistrés durant l’année 2007, ce qui ne constitue probablement qu’une partie du chiffre total ;
F. considérant que la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU souligne la responsabilité de tous les États pour mettre fin à l’impunité et pour poursuivre les responsables de crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, notamment ceux qui impliquent des violences sexuelles et autres violences à l’égard des femmes et des filles,
G. considérant que le viol semble être utilisé comme moyen pour humilier les femmes devant leurs familles et leurs communautés et détruire ainsi l’intégrité, le moral et la cohésion de ces communautés ;
H. préoccupé par le fait que les femmes et les filles qui sont victimes de viol subissent la discrimination sociale et le rejet de la part de leurs familles et communautés, alors que les coupables restent impunis, ce qui explique aussi pourquoi seule une partie des viols est signalée par les victimes ;
I. profondément préoccupé par l’insuffisance des efforts déployés pour mener des investigations approfondies sur ces crimes, par l’absence de mesures de protection des témoins, des victimes et des familles des victimes, le manque d’informations concernant les affaires et l’absence de soins médicaux appropriés pour les victimes ;
J. considérant que la nouvelle loi sur la violence sexuelle adoptée par le parlement de la RDC en 2006, conçue pour accélérer les poursuites en cas de viol et imposer des sanctions plus strictes, a eu jusqu’à présent peu d’effet ;
K. considérant la déclaration commune du Rwanda et de la RDC signée à Nairobi le 10 décembre 2007 pour une solution étendue à la présence de groupes armés au Kivu, qui sont responsables de la violence sexuelle et d’autres violations des droits de l’homme ;
L. considérant que les nombreuses années de conflit armé ont engendré directement et indirectement 4 millions de victimes directes et indirectes et provoqué le déplacement d’au moins 1,5 million de personnes, la plupart étant des femmes et des enfants, ainsi que la destruction de l’infrastructure socio-économique de la RDC ;
1. condamne résolument le recours au viol comme arme de guerre et rappelle que la Cour pénale internationale est compétente pour juger de ces actes, tout comme la République démocratique du Congo;
2. demande instamment, en particulier, que les coupables de violence sexuelle à l’égard des femmes soient dénoncés, identifiés, poursuivis et punis conformément au droit pénal national et international ;
3. demande au gouvernement de la RDC de mettre fin à l’impunité et de mettre en œuvre la nouvelle loi adoptée par son parlement condamnant la violence sexuelle, qui prévoit des sanctions plus dures pour leurs auteurs ;
4. exhorte la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour aider les autorités nationales compétentes à enquêter sur ces actes et poursuivre les coupables,
5. demande à l’UE d’allouer des fonds substantiels pour fournir une aide médicale, juridique et sociale aux victimes d’abus sexuels et donner plus de pouvoir aux femmes et aux filles pour empêcher de nouveaux abus sexuels ;
6. demande à toutes les forces en présence dans les conflits qui se déroulent dans l’est de la RDC de respecter les droits humains et le droit humanitaire international, de mettre fin à toutes les attaques contre les femmes et d’autres civils et de permettre aux agences humanitaires de venir en aide aux victimes ;
7. demande à l’UE et aux Nations unies de reconnaître formellement le viol, l’insémination forcée, l’esclavage sexuel et toute autre forme de violence sexuelle comme crimes contre l’humanité, crimes de guerre graves et comme une forme de torture, qu’ils soient ou non perpétrés de manière systématique ;
8. demande à tous les États membres des Nations unies d’envoyer du personnel à la mission de maintien de la paix de la MONUC pour suivre toutes les plaintes d’abus sexuel et d’exploitation sexuelle, en particulier celles qui concernent des mineurs, et de traduire en justice le plus vite possible les auteurs d’abus sexuels; demande dès lors que soit renforcé le mandat de la MONUC du point de vue de la protection des civils contre la violence sexuelle;
9. demande à l’ONU, à l’UA, à l’UE et aux autres partenaires de la RDC de mettre tout en œuvre pour instaurer un mécanisme de surveillance efficace permettant de rassembler des preuves sur la violence sexuelle en RDC et d’apporter une aide et une protection efficaces et adéquates pour les femmes en particulier à l’est de la RDC ;
10. exprime sa profonde préoccupation face au fait que la violence sexuelle cause un immense exode rural et souligne que la violence sexuelle systématique et la “culture de la violence sexuelle” générale détruisent tous les réseaux sociaux et représentent une véritable menace à l’échelle nationale;
11. se félicite de l’ouverture de la conférence sur la paix, la sécurité et le développement à Goma (Nord Kivu) et espère que la fin des hostilités durant la conférence est la première étape de l’établissement de la confiance entre les belligérants ; exhorte les participants à aborder la question de la violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles et à s’engager à traduire les responsables en justice;
12. demande à la Commission européenne d’apporter son aide, notamment financière, pour la tenue d’une conférence pour la paix au Kivu en vue de permettre à la population de participer à la recherche de solutions durables;
13. invite le gouvernement de la RDC et la mission des Nations unies dans la République démocratique du Congo (MONUC) à garantir un niveau approprié de sécurité pour les membres des organisations humanitaires;
14. charge son président de transmettre la présente résolution à la Commission, aux gouvernements des États membres de l’UE, aux gouvernements de la RDC et des pays des Grands lacs, aux institutions de l’Union africaine et au secrétaire général des Nations unies.