PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE
3.9.2008
- –Laima Liucija Andrikienė, Bernd Posselt, Eija-Riitta Korhola, Charles Tannock et Tunne Kelam, au nom du groupe PPE-DE,
- –Pasqualina Napoletano, Josep Borrell Fontelles et Alain Hutchinson, au nom du groupe PSE,
- –Renate Weber et Marios Matsakis, au nom du groupe ALDE,
- –Ryszard Czarnecki, Jan Tadeusz Masiel, Ewa Tomaszewska, Konrad Szymański et Adam Bielan, au nom du groupe UEN,
- –Margrete Auken, au nom du groupe Verts/ALE,
- –Vittorio Agnoletto, au nom du groupe GUE/NGL,
- –PSE (B6‑0387/2008)
- –UEN (B6‑0390/2008)
- –PPE-DE (B6‑0391/2008)
- –ALDE (B6‑0405/2008)
- –GUE/NGL (B6‑0406/2008)
- –Verts/ALE (B6‑0407/2008)
Résolution du Parlement européen sur les assassinats d'albinos en Tanzanie
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions sur les graves violations des droits de l'homme,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme de l'assemblée générale des Nations unies, du 10 décembre 1948,
– vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981,
– vu la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant ayant force obligatoire et non dérogatoire,
– vu la déclaration des Nations unies sur le droit des minorités, du 18 décembre 1992,
– vu l'article 115, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que des rapports des ONG et des médias, confirmés par le gouvernement de Tanzanie, font état, depuis mars 2008, de l'assassinat et de la mutilation d'au moins 25 albinos, dont des enfants, aux abord du lac Victoria, notamment dans les régions de Mwanza, de Shinyanga et de Mara, où la concentration d'albinos est élevée,
B considérant que, outre les meurtres d'albinos, les trois régions précitées sont également connues pour assassiner les personnes passant pour avoir des dons de sorcellerie ou de magie et que de simples rumeurs suffisent souvent pour amener une foule en colère à tuer une personne sur qui pèse de tels soupçons,
C. considérant que, selon les autorités tanzaniennes, les assassinats d'albinos sont le fait de bandes organisées à la solde des sorciers traditionnels,
D. considérant que la presse de Dar es Salam a fait état de l'arrestation de 173 personnes impliquées dans l'assassinat d'albinos dans le pays, dont un nombre considérable de sorciers traditionnels et de clients de ces derniers,
E. considérant que, selon la police nationale, les sorciers traditionnels vendent des parties de corps et le sang d'albinos à des mineurs et des pêcheurs qui croient obtenir ainsi réussite, santé et argent,
F. considérant que ces assassinats ont causé un grand trouble et une peur profonde au sein de la communauté albinos qui ressent dorénavant une réelle insécurité et dont les membres vont jusqu'à éviter de rester, de se promener ou de voyager seuls pour prévenir tout risque éventuel,
G. considérant que 36 % de la population tanzanienne vit sous le seuil national de pauvreté et que l'accès aux services de santé est très limité, amenant par là même la population à recourir naturellement aux services de sorciers traditionnels ou de guérisseurs,
H. considérant que les albinos constituent une minorité, que la discrimination à leur égard représente un grave problème dans toute l'Afrique subsaharienne et que l'albinisme touche 20 000 personnes dans le monde,
I. considérant que, selon une étude du programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la moitié environ des parents d'albinos ont éprouvé un sentiment d'humiliation à la naissance de leur enfant, que les femmes albinos sont victimes de discrimination de la part des autres femmes, que les femmes ayant accouché d'enfants albinos font souvent l'objet de railleries ou de rejets, qu'elles connaissent la discrimination au travail, que deux tiers environ des parents déclarent que les interventions visant précisément à soigner les enfants albinos sont onéreuses et que la moitié constate que leurs enfants ont de graves problèmes de vue, mais que 83 pour cent indiquent toutefois que les prestations scolaires de leurs enfants sont aussi bonnes que celles des autres enfants,
1. condamne vigoureusement l'assassinat d'albinos en Tanzanie et le commerce des parties de leur corps dans un but lucratif;
2. salue le fait que le président de la Tanzanie, Jakaya Kikwete, ait condamné ces assassinats et promis de tout faire pour mettre un terme à ces crimes; souligne que les paroles doivent être suivies de gestes;
3. félicite le président de la Tanzanie, Jakaya Kikwete, d'avoir décidé de proposer Mme Al‑Shymaa Kway-Geer comme première députée albinos, au regard de la détermination de l'intéressée à lutter contre la discrimination dont elle et les autres albinos font l'objet;
4. appuie et réserve un accueil favorable aux mesures du gouvernement tanzanien tendant notamment à instaurer un recensement des albinos et à mettre en place un service de police destiné à escorter les enfants albinos; approuve la demande de députés tanzaniens réclamant de plus amples mesures pour s'attaquer aux racines du problème et mettre un terme à l'ensemble des discriminations visant les albinos;
5. appelle les autorités tanzaniennes, les autorités gouvernementales locales et la société civile en général à coopérer pour protéger l'ensemble des albinos; invite instamment le gouvernement tanzanien à prendre des mesures immédiates destinées à sensibiliser la société et à l'informer sur l'albinisme, ces mesures devant notamment être mises en œuvre dans les zones rurales où la population tend à être moins éduquée et plus superstitieuse;
6. se félicite de l'arrestation, le mois dernier, de 173 personnes soupçonnées d'être impliquées dans l'assassinat d'albinos dans le pays et invite vivement les autorités à agir rapidement et à traîner les responsables devant les tribunaux;
7. est au regret de constater que Vicky Ntetema, journaliste d'investigation, a dû se cacher après avoir reçu des menaces de mort pour avoir révélé l'implication de sorciers traditionnels et de policiers dans ces assassinats; invite instamment les autorités tanzaniennes à ouvrir une enquête indépendante et exhaustive sur les accusations ainsi formulées;
8. exprime sa considération et son soutien à l'action de l'association des albinos de Tanzanie qui sert la cause de la communauté albinos; demande à la Commission d'aider activement cette association et de relayer l'appel qu'elle lance aux universitaires, aux responsables religieux ainsi qu'aux défenseurs des droits de l'homme pour sensibiliser l'opinion publique au fait que l'assassinat d'albinos est inacceptable tant sur le plan social que moral;
9. demande à la Commission d'appuyer les efforts du PNUD visant à promouvoir et à protéger les albinos en Afrique;
10. estime que le meilleur moyen de protéger les droits des albinos de Tanzanie consiste, dans le cadre de politiques d'intégration, à leur garantir l'égalité d'accès à une éducation de qualité et aux soins de santé ainsi qu'à leur offrir une protection sociale et juridique appropriée;
11. demande à la Commission et aux États membres de soutenir les efforts déployés par le gouvernement tanzanien, les ONG et la société civile pour définir des politiques prenant en compte les besoins et les droits des albinos, basées sur la non-discrimination et l'intégration sociale ainsi que sur l'égalité d'accès à l'emploi;
12. demande une amélioration de la formation des personnels soignants et la mise en place d'ateliers destinés aux enseignants et aux parents pour les inciter à s'assurer que les enfants albinos sont protégés du soleil, dans la mesure où beaucoup meurent d'un cancer de la peau avant l'âge de 30 ans;
13. insiste pour que la Commission et les États membres fassent tout leur possible pour que, en Tanzanie, les fonds destinés à la santé profitent aux plus pauvres; souligne la nécessité urgente de permettre un accès aux soins dans les zones rurales enclavées;
14. invite la Commission et le Conseil à suivre de près la situation des albinos en Tanzanie, sous l'angle des droits de l'homme;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux États membres, à l'Union africaine, au gouvernement et au Parlement de Tanzanie, au Secrétaire général des Nations unies, aux coprésidents de l'assemblée parlementaire paritaire ACP‑UE et au Conseil ACP.