PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE
30.3.2009
- –Tunne Kelam, Gunnar Hökmark et Jana Hybášková, au nom du groupe PPE‑DE
- –Annemie Neyts-Uyttebroeck et István Szent-Iványi, au nom du groupe ALDE
- –Hanna Foltyn-Kubicka, Wojciech Roszkowski, Ģirts Valdis Kristovskis, Adam Bielan, Roberts Zīle, Zdzisław Zbigniew Podkański, Inese Vaidere et Mirosław Mariusz Piotrowski, au nom du groupe UEN
- –Gisela Kallenbach, Milan Horáček et László Tőkés, au nom du groupe Verts/ALE
- –PPE-DE (B6‑0165/2009)
- –Verts/ALE (B6‑0169/2009)
- –UEN (B6‑0170/2009)
- –ALDE (B6‑0171/2009)
Résolution du Parlement européen sur la conscience européenne et le totalitarisme
Le Parlement européen,
– vu la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies,
– vu la résolution 260 (III) A des Nations unies du 9 décembre 1948 sur le génocide,
– vu les articles 6 et 7 du traité sur l'Union européenne,
– vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal[1],
– vu la Déclaration sur la conscience européenne et le communisme, adoptée à Prague le 3 juin 2008,
– vu la résolution 1481 sur la nécessité d'une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires, adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 26 janvier 2006,
– vu sa déclaration sur la proclamation du 23 août comme journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme, adoptée le 23 septembre 2008,
– vu ses nombreuses résolutions précédentes sur la démocratie et le respect des libertés et des droits fondamentaux, notamment la résolution adoptée le 12 mai 2005 sur l'avenir de l'Europe soixante ans après la Seconde Guerre mondiale[2], celle du 23 octobre 2008 sur la commémoration de l'Holodomor[3], et celle du 15 janvier 2009 sur Srebrenica[4],
– vu l'article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que, de l'avis des historiens, il n'est pas possible de donner des interprétations totalement objectives de faits historiques et qu'il n'existe pas de récits historiques objectifs, et que, néanmoins, les historiens de métier se servent d'outils scientifiques pour étudier le passé et s'efforcent, ce faisant, de faire preuve de la plus grande impartialité possible,
B. considérant qu'aucun organe ou parti politique ne détient le monopole de l'interprétation de l'histoire et ne peut prétendre être objectif,
C. considérant que les interprétations politiques officielles de faits historiques ne devraient pas être imposées par des décisions majoritaires des parlements, et qu'un parlement ne peut légiférer sur l'interprétation du passé,
D. considérant que l'un des objectifs fondamentaux du processus d'intégration européenne est de garantir le respect des droits fondamentaux et l'état de droit dans l'avenir, et que les articles 6 et 7 du traité sur l'Union européenne offrent les mécanismes appropriés pour parvenir à un tel objectif,
E. considérant que les interprétations erronées de l'histoire peuvent nourrir des politiques d'exclusion et inciter, par là même, à la haine et au racisme,
F. considérant qu'il convient d'entretenir la mémoire du passé tragique de l'Europe, afin d'honorer les victimes, de condamner les auteurs de crimes et de jeter les bases d'une réconciliation fondée sur la vérité et l'œuvre de mémoire,
G. considérant que, dès l'origine, l'intégration européenne a été une réponse aux souffrances infligées par les deux guerres mondiales et la tyrannie nazie qui a conduit à la Shoah, ainsi qu'à l'expansion des régimes communistes totalitaires et non démocratiques en Europe centrale et orientale, et que cette intégration a permis de surmonter de profondes divisions et des hostilités, par la coopération et l'intégration, de mettre un terme à la guerre et de garantir la démocratie en Europe,
H. considérant que le processus d'intégration européenne est une réussite, dans la mesure où il a permis la construction d'une Union européenne qui englobe aujourd'hui les pays d'Europe centrale et orientale, soumis à des régimes communistes de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'au début des années 1990, et que, auparavant, les adhésions de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal avaient contribué à garantir la démocratie dans l'Europe du Sud,
I. considérant que l'Europe ne parviendra à l'unité que si elle est capable de se retrouver sur son histoire, de reconnaître que le communisme, le nazisme et le fascisme font partie de son héritage commun et de conduire un débat approfondi et honnête sur tous les crimes totalitaires du siècle dernier,
J. considérant que l'Europe réunifiée célébrera en 2009 le vingtième anniversaire de l'effondrement des dictatures communistes de l'Europe centrale et orientale ainsi que de la chute du Mur de Berlin, manifestation qui devrait être l'occasion de mieux faire connaître le passé et de mesurer l'importance des initiatives démocratiques des citoyens, mais aussi de renforcer le sentiment d'appartenance et la cohésion,
K. considérant qu'il importe aussi de se souvenir de ceux qui se sont activement opposés au pouvoir totalitaire et qui devraient être inscrits dans la conscience des Européens comme des héros de l'ère totalitaire, en raison de leur dévouement, de leur loyauté à leurs idéaux, de leur honneur et de leur courage;
L. considérant que, du point de vue des victimes, la nature du régime qui les a privées de liberté, torturées ou assassinées, pour quelque motif que ce soit, ne fait aucune différence,
1. exprime son respect envers les victimes des régimes totalitaires et non démocratiques en Europe et rend hommage à ceux qui ont combattu la tyrannie et l'oppression;
2. rappelle son attachement à une Europe pacifique et prospère, fondée sur les valeurs du respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l'égalité, de l'état de droit et du respect des droits de l'homme;
3. souligne qu'il importe d'entretenir le souvenir du passé, parce qu'il ne peut y avoir de réconciliation sans œuvre de mémoire; réaffirme son rejet unanime de tout pouvoir totalitaire, quel que soit son cadre idéologique;
4. rappelle que les derniers actes de génocide et les derniers crimes contre l'humanité commis en Europe ne remontent qu'à juillet 1995 et qu'une vigilance constante est nécessaire pour lutter contre les idées et les tendances antidémocratiques, xénophobes, autoritaires ou totalitaires;
5. souligne que, pour renforcer la sensibilisation de l'opinion européenne aux crimes commis par les régimes totalitaires et non démocratiques, il importe d'apporter un soutien aux efforts de documentation et de témoignage sur le passé troublé de l'Europe, car la réconciliation implique un travail de mémoire;
6. déplore que, vingt ans après l'effondrement des régimes communistes totalitaires en Europe centrale et orientale, l'accès aux documents à des fins personnelles ou de recherche scientifique soit toujours abusivement limité dans certains États membres; demande que tous les États membres s'emploient réellement à ouvrir leurs archives, y compris celles des anciens services de sécurité intérieure, de police secrète et de renseignement;
7. condamne fermement et sans réserve les crimes contre l'humanité et les innombrables violations des droits de l'homme commis par les régimes communistes totalitaires; exprime aux victimes et aux membres de leur famille, dont il mesure les souffrances, sa sympathie et sa compréhension;
8. déclare que l'intégration européenne en tant que modèle de paix et de réconciliation résulte du libre choix des peuples de l'Europe de s'engager sur la voie d'un avenir partagé et que l'Union européenne a la responsabilité particulière de promouvoir et de préserver la démocratie, le respect des droits de l'homme et l'état de droit, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de son territoire;
9. invite la Commission et les États membres à consentir davantage d'efforts pour mieux faire connaître l'histoire de l'Europe et mettre en lumière la réussite historique que représente l'intégration européenne, ainsi que le contraste marqué entre le passé tragique et l'ordre social pacifique et démocratique qui caractérise aujourd'hui l'Union européenne;
10. estime qu'une préservation pertinente de la mémoire historique, une réévaluation complète de l'histoire de l'Europe et la prise de conscience par tous les Européens de tous les aspects historiques de l'Europe moderne sont de nature à renforcer l'intégration européenne;
11. invite, à cet égard, le Conseil et la Commission à soutenir et à défendre l'action des ONG telles que Mémorial, en Fédération de Russie, qui sont activement engagées dans la recherche et la collecte de documents relatifs aux crimes commis durant la période stalinienne;
12. réaffirme son soutien constant à une justice internationale renforcée;
13. demande la création d'une Plate-forme de la mémoire et de la conscience européenne qui appuierait la mise en réseau et la coopération des instituts nationaux de recherche historique spécialisés dans le totalitarisme, ainsi que la création d'un centre paneuropéen de documentation qui serait aussi un mémorial des victimes de tous les régimes totalitaires;
14. demande que soient renforcés les instruments financiers qui existent dans ce domaine pour qu'ils soient mobilisés en faveur des propositions susmentionnées;
15. demande que le 23 août soit proclamé "Journée européenne du souvenir" pour la commémoration, avec dignité et impartialité, des victimes de tous les régimes totalitaires ou autoritaires;
16. est convaincu que la finalité de la mise au jour et de l'analyse des crimes commis par les régimes totalitaires communistes est la réconciliation, qui suppose la reconnaissance de sa responsabilité, la demande du pardon et l'encouragement au renouveau moral;
17. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux parlements des États membres, aux gouvernements et aux parlements des pays candidats, aux gouvernements et aux parlements des pays associés à l'Union européenne, et aux gouvernements et aux parlements des États membres du Conseil de l'Europe.
- [1] JO L 328 du 6.12.2008, p. 55.
- [2] Textes adoptés: P6_TA(2005)0180.
- [3] Textes adoptés: P6_TA(2008)0523.
- [4] Textes adoptés: P6_TA(2009)0028.