PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE
23.4.2009
- –Nicole Fontaine, Esther De Lange, Charles Tannock, Laima Liucija Andrikienė et Bernd Posselt, au nom du groupe PPE-DE
- –Pasqualina Napoletano, Ana Maria Gomes et Emilio Menéndez del Valle, au nom du groupe PSE
- –Marco Cappato, Marios Matsakis, Toomas Savi et Marielle De Sarnez, au nom du groupe ALDE
- –Adam Bielan, Cristiana Muscardini, Roberta Angelilli, Mieczysław Edmund Janowski, Ewa Tomaszewska et Hanna Foltyn-Kubicka, au nom du groupe UEN
- –Raül Romeva i Rueda et Angelika Beer, au nom du groupe Verts/ALE
- –André Brie, Vittorio Agnoletto et Luisa Morgantini, au nom du groupe GUE/NGL
- –UEN (B6‑0197/2009)
- –PSE (B6‑0198/2009)
- –PPE-DE (B6‑0199/2009)
- –Verts/ALE (B6‑0200/2009)
- –GUE/NGL (B6‑0241/2009)
- –ALDE (B6‑0252/2009)
Résolution du Parlement européen sur les droits des femmes en Afghanistan
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions sur l'Afghanistan, et notamment celle du 15 janvier 2009 sur le contrôle budgétaire des fonds de l'UE en Afghanistan,
– vu la déclaration conjointe de la délégation du Parlement européen pour les relations avec l'Afghanistan et de la Wolesi Jirga, du 12 février 2009,
– vu la déclaration finale de la Conférence internationale sur l'Afghanistan, qui s'est tenue à La Haye, le 31 mars 2009,
– vu la déclaration du Sommet de l'OTAN relative à l'Afghanistan publiée par les chefs d'État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord, à Strasbourg/Kehl, le 4 avril 2009,
– vu la déclaration conjointe des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne et des États-Unis sur la législation en Afghanistan, du 6 avril 2009,
– vu l'article 115, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que l'Afghanistan est partie à plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits humains et aux libertés fondamentales, notamment à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et à la Convention internationale relative aux droits de l'enfant,
B. considérant que la Constitution afghane du 4 janvier 2004 stipule, à l'article 22, que "les citoyens de l'Afghanistan, hommes et femmes, ont des droits et des devoirs égaux devant la loi" et qu'elle est conforme aux traités internationaux ratifiés par l'Afghanistan,
C. considérant que le code afghan de la famille contient, depuis la fin des années 1970, certaines dispositions qui reconnaissent aux femmes des droits en matière de santé et d'éducation, et que sa révision est en cours afin de le rendre compatible avec la Constitution de 2004,
D. rappelant qu'une commission indépendante des droits de l'homme a été instaurée en juin 2002 suite aux accords de Bonn, présidée par Sima Samar, et qu'elle joue un rôle dans la défense des droits humains,
E. considérant que le nouveau projet de loi sur le statut personnel des femmes chiites approuvé récemment par les deux chambres du parlement afghan restreint gravement la liberté de mouvement des femmes en leur niant le droit de quitter leur domicile sauf à des "fins légitimes", en exigeant d'elles de se soumettre aux désirs sexuels de leur mari, légitimant ainsi le "viol conjugal", ainsi qu'en encourageant la discrimination à l'égard des femmes dans les domaines du mariage, du divorce, de la succession et de l'accès à l'enseignement, ce qui va à l'encontre des normes internationales en matière de droits humains, et en particulier de droits de la femme,
F. considérant que ce projet de loi, qui toucherait entre 15 et 20 % de la population, n'est pas encore en application, n'ayant pas encore été publié au Journal officiel du gouvernement, même s'il a déjà été signé par le Président de l'Afghanistan, Hamid Karzai,
G. considérant que ce même projet de loi, suite aux critiques qu'il a soulevées tant en Afghanistan qu'à l'étranger, a été renvoyé au ministère de la justice d'Afghanistan pour vérification de la conformité du texte avec les engagements pris par le gouvernement afghan au regard des conventions internationales sur les droits de la femme et des droits humains en général, ainsi que de la Constitution,
H. considérant que des activistes, et en particulier des défenseurs des droits de la femme, continuent d'être la cible de violences et que des militants, notamment des éléments radicaux, s'en sont pris à nombre d'entre eux, dont Sitara Achakzai, une Afghane défendant les droits de la femme, membre du conseil provincial de Kandahar, en Afghanistan, qui a été assassinée devant chez elle, Gul Pecha et Abdul Aziz, qui ont été tués après avoir été accusés d'actes immoraux et condamnés à mort par un conseil de religieux conservateurs, Malai Kakar, la première femme policière à Kandahar, qui dirigeait les services de police chargés d'enquêter sur les crimes commis contre les femmes dans la ville,
I. considérant que Perwiz Kambakhsh, un journaliste afghan de 23 ans qui avait été condamné à mort pour avoir diffusé un article sur les droits de la femme dans le monde islamique, a vu sa peine commuée en une peine de 20 ans de prison à la suite de vives protestations à l'échelle internationale,
J. considérant que des cas continuent d'être dénoncés de menaces proférées et de mesures d'intimidation prises à l'encontre de femmes engagées dans la vie publique ou travaillant à l'extérieur, et que ces allégations ont été confirmées par des rapports des Nations unies; considérant qu'il a été fait état récemment de difficultés pour accroître la participation des filles au système d'enseignement, à laquelle s'opposent des militants et des éléments radicaux,
K. considérant que plusieurs cas ont été répertoriés au cours des dernières années de jeunes femmes qui se sont immolées volontairement pour échapper à des mariages forcés ou à des violences conjugales,
1. demande l'annulation du projet de loi concernant la population chiite en Afghanistan dont la teneur n'est manifestement pas conforme au principe d'égalité entre hommes et femmes tel qu'il figure dans la Constitution et dans les conventions internationales;
2. souligne les risques que cela comporte d'adopter une législation dont l'application se limite à certaines catégories de la population et qui, par définition, encourage la discrimination et l'injustice;
3. recommande au ministère afghan de la justice d'abroger toutes les lois qui introduisent une discrimination contre les femmes et sont contraires aux traités internationaux auxquels l'Afghanistan est partie;
4. estime qu'il est essentiel pour le développement démocratique du pays que l'Afghanistan s'engage en faveur des droits humains en général et notamment du droit des femmes, qui jouent un rôle crucial dans le développement du pays et doivent pouvoir bénéficier pleinement de leurs droits fondamentaux et démocratiques; réaffirme son soutien à la lutte contre toutes les formes de discriminations, y compris religieuses et liées au genre;
5. rappelle que le document de stratégie de l'Union européenne relatif à l'Afghanistan pour la période 2007-2013 considère l'égalité hommes-femmes et les droits de la femme comme un enjeu primordial de la stratégie nationale de développement de l'Afghanistan;
6. salue le courage des femmes afghanes qui ont manifesté à Kaboul contre le nouveau projet de loi et leur exprime son soutien; condamne les violences dont elles ont été victimes lors de ces manifestations et demande aux autorités afghanes d'assurer leur protection;
7. condamne les meurtres des défenseurs des droits humains et de l'émancipation des femmes afghanes, notamment le récent assassinat de Sitara Achikzai, parlementaire régionale;
8. est consterné d'apprendre que la cour suprême afghane a confirmé la peine de 20 ans de prison prononcée contre Perwiz Kambakhsh pour blasphème et invite le président Karzai à gracier M. Kambakhsh et à autoriser sa libération;
9. appelle les autorités afghanes, y compris les autorités locales, à prendre toutes les mesures possibles pour protéger les femmes contre la violence sexuelle et contre d'autres formes de violence fondées sur le genre ainsi qu'à traduire en justice les auteurs de tels actes;
10. estime que les progrès réalisés dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes au cours des dernières années au prix d'énormes efforts ne sauraient être sacrifiés à des marchandages préélectoraux entre partis;
11. encourage les candidatures féminines à l'élection présidentielle prévue le 20 août prochain et insiste pour que les femmes afghanes puissent participer pleinement au processus décisionnel, au nom d'un droit qui est le leur parmi d'autres, dont le droit d'être élues et nommées à de hautes fonctions nationales;
12. invite la Commission, le Conseil et les États membres à continuer à soulever la question de la loi sur le statut personnel des femmes chiites et de toutes les discriminations contre les femmes et les enfants dans ce qu'elles ont d'inacceptable et d'incompatible avec les engagements pris à long terme par la communauté internationale d'aider l'Afghanistan dans ses efforts de réhabilitation et de reconstruction;
13. appelle la Commission à fournir une aide directe en matière de financement et de programmation au ministère afghan des affaires féminines ainsi qu'à promouvoir l'intégration systématique d'une approche de genre dans toutes ses politiques de développement en Afghanistan;
14. appelle le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) à une vigilance particulière;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la République islamique d'Afghanistan et à la commission indépendante des droits de l'homme.