Proposition de résolution commune - RC-B7-0549/2010Proposition de résolution commune
RC-B7-0549/2010

PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur la situation des droits de l'homme dans le Caucase du Nord (Fédération de Russie) et l'enquête pénale menée à l'encontre d'Oleg Orlov

20.10.2010

déposée conformément à l'article 122, paragraphe 5, du règlement
en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes:
Verts/ALE (B7‑0549/2010)
ALDE (B7‑0595/2010)
S&D (B7‑0596/2010)
ECR (B7‑0597/2010)
GUE/NGL (B7‑0598/2010)
PPE (B7‑0599/2010)

Laima Liucija Andrikienė, Lena Kolarska-Bobińska, Filip Kaczmarek, Cristian Dan Preda, Tunne Kelam, Bernd Posselt, Monica Luisa Macovei, Bogusław Sonik, Mario Mauro, Sari Essayah, Elisabeth Morin-Chartier, Tadeusz Zwiefka, Eija-Riitta Korhola au nom du groupe PPE
Véronique De Keyser, Hannes Swoboda, Kristian Vigenin, Mitro Repo au nom du groupe S&D
Kristiina Ojuland, Marietje Schaake, Leonidas Donskis, Marielle De Sarnez, Ramon Tremosa i Balcells, Anneli Jäätteenmäki au nom du groupe ALDE
Heidi Hautala, Werner Schulz, Bart Staes, Barbara Lochbihler, Indrek Tarand, Ulrike Lunacek, Nicole Kiil-Nielsen au nom du groupe Verts/ALE
Michał Tomasz Kamiński, Charles Tannock, Ryszard Antoni Legutko, Adam Bielan, Jacek Olgierd Kurski, Tomasz Piotr Poręba, Konrad Szymański, Marek Henryk Migalski, Ryszard Czarnecki, Paweł Robert Kowal, Roberts Zīle, Zbigniew Ziobro au nom du groupe ECR
Marie-Christine Vergiat au nom du groupe GUE/NGL

Procédure : 2010/2932(RSP)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
RC-B7-0549/2010
Textes déposés :
RC-B7-0549/2010
Textes adoptés :

Résolution du Parlement européen sur la situation des droits de l'homme dans le Caucase du Nord (Fédération de Russie) et l'enquête pénale menée à l'encontre d'Oleg Orlov

Le Parlement européen,

–    vu sa résolution du 17 septembre 2009 sur les meurtres de défenseurs des droits de l'homme en Russie[1],

–    vu l'attribution, le 16 décembre 2009, du prix Sakharov 2009 à Oleg Orlov, Sergei Kovalev et Lyudmila Alexeyeva, au nom du Centre des droits de l'homme "Memorial" et de tous les autres défenseurs des droits de l'homme en Russie,

–    vu l'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et la Fédération de Russie, qui est entré en vigueur en 1997 et a été prorogé jusqu'à son remplacement par un nouvel accord,

–    vu les négociations en cours sur un nouvel accord prévoyant un nouveau cadre global pour les relations Union européenne-Russie,

–   vu la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'homme et la Déclaration des Nations unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus,

–   vu l'article 122, paragraphe 5, de son règlement,

A. considérant que, en tant que membre du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et signataire de déclarations des Nations unies, la Russie s'est engagée à protéger et à promouvoir les droits de l'homme, les libertés fondamentales et l'État de droit,

B.  considérant que la Cour européenne des droits de l'homme est actuellement saisie de plus de 20 000 affaires contre la Fédération de Russie, la grande majorité concernant le Caucase du Nord; que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Fédération de Russie, dans plus de 150 arrêts, pour des violations graves des droits de l'homme dans la région, et souligne la nécessité d'une mise en œuvre rapide et complète de ces arrêts,

 

Situation des droits de l'homme dans le Caucase du Nord

 

C. considérant que la situation des défenseurs des droits de l'homme dans la région du Caucase du Nord, en particulier dans la République tchétchène, en Ingouchie et au Daghestan, est alarmante; que des journalistes indépendants, des militants de la société civile, des avocats et des défenseurs des droits de l'homme dans la région ont souvent été victimes de menaces et d'actes de violence, de harcèlement et d'intimidations et que leurs activités ont été limitées par les membres des instances chargées de faire appliquer la loi; considérant que les auteurs d'actes de violation des droits de l'homme continuent à jouir de l'impunité et que l'État de droit continue à être bafoué; que la population civile reste soumise à la violence des deux groupes d'opposition armés et des instances chargées de faire appliquer la loi; que la torture et les mauvais traitements ainsi que la détention arbitraire sont choses courantes, et que les ONG qui sont indépendantes des gouvernements nationaux sont importantes pour le développement de la société civile,

D. considérant qu'il existe un climat de peur généralisée en Tchétchénie, en dépit des progrès indéniables accomplis dans la reconstruction et de la nette amélioration des infrastructures de cette région; que la situation des droits de l'homme et le fonctionnement des organes de la justice et des institutions démocratiques continuent de susciter la plus vive préoccupation,

E.  considérant que les disparitions répétées des opposants au gouvernement et des défenseurs des droits de l'homme restent encore très largement impunies et ne sont pas élucidées avec toute la diligence requise,

F. considérant que, malgré l'existence d'un dialogue constructif entre les autorités et la société civile d'Ingouchie, il y a eu une recrudescence inquiétante de la violence depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau Président en 2009, entraînant dans certains cas des assassinats et des disparitions d'opposants au gouvernement et de journalistes, sans poursuites à ce jour,

G. considérant qu'il y a un nombre croissant de disparitions d'habitants des républiques du Caucase du Nord, apparemment enlevés dans d'autres régions russes; qu' Ali Dzhaniev, Yusup Dobriev, Yunus Dobriev et Magomed Adzhiev restent introuvables à Saint-Pétersbourg depuis le 28 décembre 2009 vers minuit, et que cinq personnes Zelimkhan Akhmetovich Chibiev, Magomed Khaybulaevich Israpilov, Dzhamal Ziyanidovich Magomedov, Akil Dzhavatkhanovich Abdullaev et Dovar Nazimovich Asadov, dont trois habitent dans la région du Caucase du Nord, restent introuvables depuis la nuit du 24 au 25 septembre 2010, alors qu'elles se rendaient à la mosquée historique de Moscou,

H. considérant qu'il demeure environ 80 000 personnes déplacées dans le Caucase du Nord, plus de 18 ans après qu'elles eurent été contraintes de fuir leurs foyers en raison des conflits successifs qui ont éclaté entre l'Ingouchie et l'Ossétie du Nord en 1992 et en Tchétchénie en 1994 et 1999; que ces personnes sont confrontées à des difficultés d'hébergement et de prolongation de leur permis de résidence, ce qui limite leur accès aux services sociaux et au renouvellement des passeports intérieurs et l'obtention du statut de "migrants forcés", dont elles ont besoin pour trouver du travail et avoir accès aux services sociaux et autres avantages,

I.   considérant que, le 3 septembre 2010, le Président Buzek a exprimé sa profonde solidarité avec les familles des victimes de la tragédie de Beslan et exhorté le président de la Fédération de Russie à garantir que leurs droits soient pleinement respectés et que toute la lumière soit enfin faite sur les événements de septembre 2004,

J.   considérant qu'il ne peut y avoir de justification d'aucune sorte au recours à des actes de violence aveugle contre la population civile,

K. prenant acte de l'initiative lancée par les représentants de la société civile russe et internationale en vue de créer un "Centre de documentation Natalia Estemirova" pour les crimes de guerres éventuels et autres violations graves des droits de l'homme commis au cours des conflits de Tchétchénie;

Enquête pénale à l'encontre d'Oleg Orlov

L.  considérant que le travail des organisations de défense des droits de l'homme telles que Memorial est essentiel à la mise en place d'une société stable et libre en Russie, et d'une stabilité réelle et durable dans le Caucase du Nord en particulier; que le gouvernement russe et les gouvernements des républiques du Caucase du Nord peuvent donc être fiers du rôle important joué par de telles organisations,

M. considérant que Natalia Estemirova, responsable du Centre des droits de l'homme Memorial en Tchétchénie, a été enlevée le 15 juillet 2009 à Grozny et retrouvée morte ensuite dans l'Ingouchie voisine; que l'enquête concernant la recherche des meurtriers et des commanditaires de son assassinat n'a pas progressé,

N. considérant que, le 21 janvier 2010, Oleg Orlov et Memorial ont été respectivement condamnés par le tribunal civil de Moscou à verser des dommages et intérêts à M. Kadyrov, président de Tchétchénie.

O. considérant que, le 9 février 2010, Ramzan Kadyrov a annoncé publiquement qu'il abandonnerait les procédures pénales pour diffamation qu'il avait engagées à l'encontre d'Oleg Orlov, président du conseil d'administration de Memorial, et de Ludmila Alexeyeva, présidente du groupe Helsinki de Moscou,

P. considérant que, le 6 juillet 2010, M. Orlov a été inculpé en vertu de l'article 129 du code pénal russe et qu'il encourt jusqu'à trois ans de prison s'il est reconnu coupable,

Q. considérant que le code de procédure pénale de la Fédération de Russie (notamment son article 72) a été gravement violé dans l'enquête pénale menée à l'encontre de M. Orlov,

R.  considérant que les bureaux de plusieurs organisations de défense des droits de l'homme, dont Memorial, ont été perquisitionnés entre le 13 et le 16 septembre 2010, et que de nombreux documents sur leurs activités ont été réclamés dans des délais très courts,

1.  condamne tous les actes de terrorisme et souligne qu'il ne peut y avoir de justification quelconque à des actes de violence aveugle à l'encontre de la population civile; exprime sa sympathie et sa solidarité avec les amis et les parents des victimes des violences commises, notamment celles des récents attentats perpétrés dans le métro de Moscou, le récent attentat contre le parlement tchétchène et les attaques innombrables commises à l'encontre des populations des républiques caucasiennes;

2.  exprime sa profonde préoccupation devant la recrudescence de la violence et des actes terroristes dans le Caucase du Nord; demande, d'une part, la fin du terrorisme et, d'autre part, que les autorités russes mettent un terme au climat d'impunité généralisé face aux violations des droits de l'homme et à l'absence d'État de droit dans la région;

3.  reconnaît à la Russie le droit de combattre le terrorisme et l'insurrection armée dans le Caucase du Nord, mais exhorte les autorités à le faire dans le respect de la législation internationale en matière de droits de l'homme; met en garde contre les abus continus et les méthodes illégales de lutte contre les insurrections risquant de mécontenter encore davantage la population et, au lieu d'apporter la stabilité, d'entraîner une escalade de la violence dans la région;

4.  presse les autorités russes de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir la protection des défenseurs des droits de l'homme, telle qu'affirmée dans la Déclaration des Nations unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus;

5.  souligne que l'impunité qui règne en Tchétchénie contribue à déstabiliser l'ensemble de la région du Caucase du Nord;

6.  condamne fermement toute forme de punition collective à l'encontre des personnes soupçonnées d'avoir des liens avec les insurgés, notamment la pratique qui consiste à brûler les maisons appartenant aux familles de membres actifs ou supposés de l'opposition armée; demande aux autorités de prendre des mesures concrètes pour éviter que les violations ne se reproduisent et pour punir les responsables politiques de ces actes à tous les niveaux;

7.  demande instamment à la Russie de permettre aux organisations internationales de défense des droits de l'homme, aux médias et aux institutions gouvernementales internationales, telles que le Conseil de l'Europe, le Comité international de la Croix-Rouge, l'OSCE et les Nations unies, d'accéder sans entrave au Caucase du Nord; invite en particulier les autorités compétentes à créer les conditions permettant à Memorial et aux autres organisations de défense des droits de l'homme de reprendre leurs activités dans le Caucase du Nord dans un environnement sûr;

8.  exprime sa profonde préoccupation devant le nombre croissant d'habitants des républiques du Caucase du Nord ayant disparu, apparemment enlevés dans d'autres régions russes, et s'adresse au bureau du procureur général de la Fédération de Russie pour qu'il clarifie le sort qui a été réservé à ces citoyens et fournisse des informations à cet égard;

9.  demande instamment aux autorités fédérales russes de s'assurer que les solutions à long terme au problème des personnes déplacées à l'intérieur des frontières se traduisent en actions sur le terrain; invite les autorités nationales à soutenir davantage les opérations du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies afin de poursuivre les programmes d'hébergement pour les personnes déplacées et simplifier les mesures visant à améliorer l'accès de ces personnes aux services et autres avantages; souligne que la surveillance continue de ces personnes est nécessaire afin de s'assurer que leurs droits ne sont plus violés; demande instamment au gouvernement russe de reconnaître formellement le concept de personne déplacée et d'adapter sa législation en conséquence;

10. invite les autorités fédérales russes à mener une enquête rapide, approfondie et efficace sur l'assassinat de Natalia Estemirova, et à faire traduire en justice les responsables de son assassinat brutal et ceux qui y sont impliqués;

11. rejette et condamne les tentatives cyniques et absurdes de mise en cause de l'organisation Memorial dans le soutien aux organisations terroristes;

12. condamne l'ouverture d'une enquête pénale à l'encontre de M. Orlov et prie instamment les autorités compétentes de réexaminer l'ouverture du procès pénal; rappelle que les déclarations telles que celles d'Orlov sont légitimes dans une démocratie, et qu'elles ne devraient pas être soumises à des sanctions relevant du droit civil ou pénal;

13. invite les autorités russes, en cas de poursuite du procès, à s'assurer qu'il n'y aura pas de nouvelles violations de la législation au cours de l'enquête pénale et de la procédure judiciaire à l'encontre de M. Orlov et à se conformer, en toutes circonstances, à la Déclaration des Nations unies sur le droit et la responsabilité des individus ainsi qu'aux instruments internationaux et régionaux en matière de droits de l'homme qui ont été ratifiés par la Fédération de Russie;

14. rappelle qu'Oleg Orlov a reçu le prix Sakharov 2009 du Parlement européen et qu'il se trouve sous sa protection spéciale morale et politique; demande instamment au gouvernement russe d'autoriser M. Orlov à participer, sans entrave, à la cérémonie de remise du prix Sakharov 2010 à Strasbourg;

15. condamne les perquisitions effectuées dans les bureaux des organisations de défense des droits de l'homme et attend un éclaircissement sur la légalité et les objectifs de ces actes;

16. déplore les conséquences très négatives pour l'image de la Russie et pour sa crédibilité dans le monde de la violation continue des droits de l'homme, ce qui jette une ombre sur les relations importantes de l'Union européenne avec la Fédération de Russie, lesquelles devraient se développer vers un partenariat stratégique en raison de la dépendance mutuelle et des multiples intérêts communs des deux parties, notamment en ce qui concerne la coopération sur les questions de politique, de sécurité, d'économie et d'énergie, mais également pour ce qui est du respect des principes et des procédures démocratiques, ainsi que des droits de l'homme fondamentaux;

17. soutient vigoureusement les recommandations de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 22 juin 2010 sur les recours juridiques en cas de violations des droits de l’homme dans la région du Caucase du Nord qui pourraient largement contribuer à mettre un terme à l'impunité dont jouissent les auteurs de violations des droits de l'homme et à rétablir la confiance du peuple dans les instances chargées de faire appliquer la loi;

18. invite les autorités russes à se conformer à toutes les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme et à appliquer des mesures pour remédier aux violations dans des cas particuliers, notamment en garantissant que les enquêtes soient menées de façon efficace et en traduisant en justice les responsables de ces actes, ainsi qu'à adopter des mesures générales visant à appliquer ces décisions qui entraînent des changements politiques et juridiques pour empêcher que de telles violations ne se répètent;

19. recommande que les autorités de l'État aux niveaux fédéral, régional et local entament un dialogue constructif avec les militants de la société civile afin de permettre le bon fonctionnement des structures démocratiques;

20. demande que les consultations entre l'Union européenne et la Russie en matière de droits de l'homme soient accélérées et que ce processus soit ouvert à une contribution réelle du Parlement européen, de la douma, des autorités judiciaires, de la société civile et des organisations des droits de l'homme russes; invite la Russie à respecter pleinement les obligations qui lui incombent en tant que membre de l'OSCE et du Conseil de l'Europe;

21. attire particulièrement l'attention sur les milliers de réfugiés du Caucase du Nord présents dans les États membres de l'Union européenne, et en particulier la diaspora tchétchène vivant en Autriche qui compte au moins 20 000 personnes, dont de nombreux mineurs; exprime sa vive inquiétude, à cet égard, à propos du meurtre d'un réfugié tchétchène en mai 2010 à Vienne et les allégations graves concernant l'implication du président tchétchène dans ce meurtre; demande instamment une politique mieux coordonnée, plus cohérente et plus visible de la part des États membres de l'Union européenne pour la protection des réfugiés du Caucase du Nord sur le sol européen, conformément à leurs obligations humanitaires et en matière de droits de l'homme;

22. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux parlements et gouvernements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la Fédération de Russie, à l'OSCE et au Conseil de l'Europe.