PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur les victimes d'incendies survenus récemment dans des usines textiles, en particulier au Bangladesh
14.1.2013 - (2012/2908(RSP))
en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes:
ECR (B7‑0004/2013)
ALDE (B7‑0005/2013)
PPE (B7‑0010/2013)
Verts/ALE (B7‑0020/2013)
S&D (B7‑0021/2013)
GUE/NGL (B7‑0022/2013)
Thomas Mann, Tokia Saïfi, Daniel Caspary, Ria Oomen-Ruijten, Gay Mitchell, Filip Kaczmarek, Santiago Fisas Ayxela, Michèle Striffler, Birgit Schnieber‑Jastram, José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, Elmar Brok, Ivo Belet, Roberta Angelilli au nom du groupe PPE
Véronique De Keyser, Stephen Hughes, Bernd Lange, Vital Moreira, Alejandro Cercas, Pervenche Berès, Jutta Steinruck, Richard Howitt au nom du groupe S&D
Phil Bennion, Marielle de Sarnez, Robert Rochefort au nom du groupe ALDE
Jean Lambert au nom du groupe Verts/ALE
Charles Tannock au nom du groupe ECR
Marie-Christine Vergiat, Patrick Le Hyaric, Younous Omarjee au nom du groupe GUE/NGL
Résolution du Parlement européen sur les victimes d'incendies survenus récemment dans des usines textiles, en particulier au Bangladesh
Le Parlement européen,
– vu l'accord de coopération CE-Bangladesh de 2001,
– rappelant ses résolutions du 25 novembre 2010 sur les droits de l'homme et les normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux[1] et sur la responsabilité sociale des entreprises dans les accords commerciaux internationaux[2],
– vu le rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) intitulé "Globalising Social Rights: The International Labour Organisation and beyond",
– vu le rapport de l'OIT intitulé "Labour in the Global South: Challenges and alternatives for workers",
– vu le rapport de l'OIT intitulé "Globalisation, Flexibilisation and Working Conditions in Asia and the Pacific",
– vu sa résolution du 9 mars 2011 sur une politique industrielle pour l'ère de la mondialisation[3],
– vu les principes directeurs actualisés de l'OCDE, de 2011, à l'intention des entreprises multinationales,
– vu la convention C-187 de 2006 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, ainsi que sa convention C-155 de 1981 sur la sécurité et la santé des travailleurs, que le Bangladesh et le Pakistan n'ont pas ratifiées, de même que les recommandations y afférentes (R-197); vu aussi la convention C-081 de 1947 de l'OIT sur l'inspection du travail, que ces deux pays ont signée, ainsi que les recommandations qui s'y rapportent (R-164),
– vu la communication de la Commission intitulée "Responsabilité sociale des entreprises: une nouvelle stratégie de l'UE pour la période 2011-2014" (COM(2011)0681),
– vu les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme,
– vu l'article 110, paragraphes 2 et 4, de son règlement,
A. considérant que, le 24 novembre 2012, au moins 112 personnes ont péri dans l'incendie de l'usine de Tazreen, située dans le district d'Ashulia, à Dacca, au Bangladesh, et qu'en septembre 2012, 289 personnes ont perdu la vie dans un incendie à Karachi, au Pakistan;
B. considérant que des centaines d'ouvriers meurent chaque année dans des accidents similaires dans tout le Bangladesh et l'Asie du Sud, et que, depuis 2005, quelque 600 ouvriers du textile ont péri dans des incendies d'usines au Bangladesh uniquement, alors que la plupart de ces victimes auraient pu être épargnées;
C. considérant que les conditions de travail des usines textiles sont souvent déplorables, sans guère de respect pour les droits du travail consacrés par les grandes conventions de l'OIT, et bien souvent sans guère plus de respect pour la sécurité incendie; considérant que nombre de propriétaires de ces usines ont souvent bénéficié de l'impunité et n'ont donc rien fait pour améliorer les conditions de travail;
D. considérant qu'il existe au Bangladesh plus de 5 000 usines textiles employant quelque 3,5 millions de personnes, le pays étant le deuxième exportateur mondial de prêt-à-porter après la Chine;
E. considérant que le marché européen est la première destination des exportations de vêtements et de produits textiles du Bangladesh et que de grandes marques occidentales ont admis avoir des contrats de fourniture avec les propriétaires de l'usine de Tazreen;
F. considérant que la hausse du coût de la main-d'œuvre dans d'autres pays a provoqué la délocalisation des emplois peu qualifiés de l'industrie manufacturière vers l'Inde, le Pakistan, le Cambodge, le Viêt Nam et, en particulier, le Bangladesh, où l'industrie du vêtement constitue désormais 75 % des exportations;
G. considérant qu'il est regrettable que certaines entreprises aient dans un premier temps cherché à nier leur coopération avec l'entreprise touchée par l'incendie de Dacca, et aient tardé à admettre que les vêtements qu'elles vendaient avaient été produits dans l'usine en question;
H. considérant que, ces derniers mois, les tensions entre le gouvernement bangladais et des représentants syndicaux se sont intensifiées, les travailleurs protestant contre le faible niveau des salaires et les piètres conditions de travail;
I. considérant que l'assassinat d'Aminul Islam en avril 2012, qui avait critiqué la dangerosité des conditions de travail dans le secteur textile au Bangladesh, demeure non élucidé;
1. exprime sa tristesse face aux vies humaines perdues dans les récents incendies d'usines; présente ses condoléances aux familles endeuillées et témoigne sa sympathie aux blessés; estime que le nombre de travailleurs ayant récemment perdu la vie dans l'incendie d'usines en Asie du Sud est parfaitement inacceptable;
2. invite le gouvernement du Bangladesh et du Pakistan à poursuivre les enquêtes approfondies sur les événements récents et à mettre en place des mesures visant à éviter que ce genre de tragédies ne se reproduise, en veillant notamment à ce que l'ensemble des fabricants respectent la législation sur la santé et la sécurité (notamment la loi bangladaise (de 2006) sur le travail) et en mettant en place un système efficace et indépendant d'inspection du travail et d'inspection des bâtiments industriels;
3. salue la convention sur la sécurité des bâtiments et la protection contre les incendies au Bangladesh élaborée par plusieurs syndicats, par des ONG et par les multinationales du textile afin d'améliorer les normes de sécurité sur les sites de production, et par laquelle ils ont accepté de financer les mesures prises dans ce cadre, en particulier la mise en place d'un système d'inspection indépendant, le soutien actif à la création de comités de la santé et de la sécurité, intégrant des représentants des travailleurs dans toutes les usines, une obligation légale mais rarement mise en œuvre; invite l'ensemble des marques de textile concernées à soutenir ces efforts;
4. invite instamment toutes les parties concernées à lutter contre la corruption qui existe au niveau de la chaîne d'approvisionnement dans de nombreux pays d'Asie du Sud, et notamment la collusion entre les inspecteurs de la sécurité et les propriétaires d'usines; demande que davantage soit fait pour lutter contre ces pratiques;
5. souhaite que les responsables de négligence criminelle et d'autres activités criminelles en relation avec les incendies soient traduits en justice et que les autorités locales et les dirigeants d'usines coopèrent afin de garantir à toutes les victimes un accès sans entrave à la justice pour qu'elles puissent y réclamer une indemnisation; salue les mesures d'aide aux victimes et à leurs familles qu'ont prises les gouvernements du Bangladesh et du Pakistan;
6. se félicite de l'action des revendeurs européens qui ont déjà contribué au système d'indemnisation des victimes et de leurs familles et encourage les autres à suivre leur exemple; plaide en faveur de la gratuité de la rééducation des travailleurs blessés et des soins pour les personnes à charge des travailleurs décédés;
7. demande aux grandes marques internationales de vêtements de réexaminer d'un œil critique leurs chaînes d'approvisionnement et de coopérer avec leurs fournisseurs afin d'améliorer les normes de santé et de sécurité au travail; invite les revendeurs, les ONG et l'ensemble des acteurs concernés, y compris, le cas échéant, la Commission, à collaborer afin de mettre au point un système d'étiquetage volontaire permettant de certifier qu'un produit est fabriqué dans le respect des normes fondamentales du travail de l'OIT;
8. demande à la Commission d'encourager activement les entreprises européennes présentes à l'étranger à se comporter obligatoirement de manière responsable, en particulier en respectant à la lettre toutes leurs obligations juridiques, et notamment les règles et les normes internationales relatives aux droits de l'homme, au travail et à l'environnement;
9. se félicite des initiatives actuellement entreprises par la Commission en vue de contribuer à l'amélioration de la sécurité dans les usines au Bangladesh, par exemple dans le cadre du projet de promotion des normes du travail dans le secteur du prêt-à-porter ("Promotion of Labour Standards in the RMG sector"), ainsi que la collaboration avec le service d'incendie et la direction de la protection civile du Bangladesh; demande que cette coopération soit renforcée et, le cas échéant, étendue à d'autres pays de la région;
10. rappelle que les huit conventions de base de l'OIT doivent être appliquées de manière systématique; souligne l'importance de normes strictes de santé et de sécurité pour les travailleurs, quel que soit le pays de leur lieu de travail;
11. demande au service européen pour l'action extérieure que les attachés commerciaux présents dans les délégations de l'Union soient régulièrement formés aux questions relatives à la responsabilité sociale des entreprises, et notamment en ce qui concerne l'application du cadre d'action des Nations unies intitulé "Protéger, respecter et réparer", et que les délégations de l'Union fassent office de points de contact pour les plaintes déposées à l'encontre des entreprises européennes et de leurs filiales;
12. souligne le rôle important que peuvent jouer les travailleurs et les syndicats, par exemple en continuant à créer des comités de sécurité dirigés par des travailleurs dans toutes les usines, et insiste sur l'importance, pour les syndicats, d'avoir accès à ces usines pour informer les travailleurs des moyens dont ils disposent pour protéger leurs droits et leur sécurité, notamment le droit de refuser d'effectuer un travail risqué;
13. salue les progrès accomplis par le gouvernement du Bangladesh pour réduire le travail des enfants dans le secteur textile et exhorte le Pakistan à mieux respecter son engagement à lutter contre ce phénomène;
14. exhorte le gouvernement du Bangladesh à mener une enquête en bonne et due forme sur la torture et l'assassinat du syndicaliste Aminul Islam et l'appelle, ainsi que le gouvernement du Pakistan, à lever les restrictions qui pèsent sur les activités syndicales et sur les négociations collectives;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et parlements des États membres, à la vice-présidente de la Commission européenne / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements du Pakistan et du Bangladesh ainsi qu'au directeur général de l'OIT.