Proposition de résolution commune - RC-B8-0242/2015Proposition de résolution commune
RC-B8-0242/2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur la Tanzanie, notamment la question de l'accaparement des terres

11.3.2015 - (2015/2604(RSP))

déposée conformément à l'article 135, paragraphe 5, et à l'article 123, paragraphe 4, du règlement
en remplacement des propositions de résolution déposées par les groupes:
Verts/ALE (B8‑0242/2015)
ALDE (B8‑0261/2015)
ECR (B8‑0265/2015)
EFDD (B8‑0267/2015)
PPE (B8‑0268/2015)
S&D (B8‑0270/2015)

Cristian Dan Preda, Maurice Ponga, Elmar Brok, Andrey Kovatchev, György Hölvényi, Ramona Nicole Mănescu, Jiří Pospíšil, Giovanni La Via, Bogdan Brunon Wenta, Stanislav Polčák, Csaba Sógor, Tomáš Zdechovský, Lara Comi, Jaromír Štětina, Pavel Svoboda, József Nagy, Tunne Kelam, Lars Adaktusson, Joachim Zeller, Andrej Plenković, David McAllister, Ivana Maletić, Therese Comodini Cachia, Francesc Gambús, Pascal Arimont, Claude Rolin, Davor Ivo Stier, Monica Macovei, Marijana Petir au nom du groupe PPE
Josef Weidenholzer, Nikos Androulakis, Norbert Neuser, Miroslav Poche, Liisa Jaakonsaari, Nicola Caputo, Enrico Gasbarra, Kashetu Kyenge, Krystyna Łybacka, Alessia Maria Mosca, Tonino Picula, Neena Gill, David Martin, Arne Lietz, Marc Tarabella, Elena Valenciano, Carlos Zorrinho, István Ujhelyi, Michela Giuffrida, Viorica Dăncilă, Victor Negrescu, Sorin Moisă, Andi Cristea, Marlene Mizzi, Vilija Blinkevičiūtė, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Zigmantas Balčytis, Maria Arena, Hugues Bayet, Eric Andrieu, Eider Gardiazabal Rubial, Ana Gomes, Demetris Papadakis, Afzal Khan, Jude Kirton-Darling, Luigi Morgano, Soraya Post, Pier Antonio Panzeri, Brando Benifei, Juan Fernando López Aguilar, Javi López, Momchil Nekov, José Blanco López, Laurenţiu Rebega au nom du groupe S&D
Charles Tannock au nom du groupe ECR
Catherine Bearder, Ramon Tremosa i Balcells, Hilde Vautmans, Maite Pagazaurtundúa Ruiz, Ivo Vajgl, Martina Dlabajová, Beatriz Becerra Basterrechea, Urmas Paet, Marietje Schaake, Dita Charanzová, Javier Nart, Petras Auštrevičius, Gérard Deprez, Marielle de Sarnez, Ivan Jakovčić, Louis Michel, Jozo Radoš, Robert Rochefort, Pavel Telička, Antanas Guoga, Fredrick Federley, José Inácio Faria, Johannes Cornelis van Baalen au nom du groupe ALDE
Maria Heubuch, Heidi Hautala, Judith Sargentini, Jordi Sebastià, Michèle Rivasi, Bodil Ceballos, Barbara Lochbihler, Ernest Urtasun, Davor Škrlec, Igor Šoltes au nom du groupe Verts/ALE
Ignazio Corrao, Fabio Massimo Castaldo, Piernicola Pedicini, Marco Valli, Eleonora Evi, Rolandas Paksas, Valentinas Mazuronis au nom du groupe EFDD


Procédure : 2015/2604(RSP)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
RC-B8-0242/2015
Textes déposés :
RC-B8-0242/2015
Textes adoptés :

Résolution du Parlement européen sur la Tanzanie, notamment la question de l'accaparement des terres

(2015/2604(RSP))

Le Parlement européen,

–   vu l'initiative sur la transparence foncière lancée par le G8 en juin 2013,

–   vu le cadre et les lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique de l'Union africaine, le cadre stratégique pour le pastoralisme en Afrique ("Policy Framework for Pastoralism in Africa: Securing, Protecting and Improving the Lives, Livelihoods and Rights of Pastoralist Communities") de l'Union africaine, adopté par la Conférence des ministres africains de l'agriculture en octobre 2010 et approuvé par le Conseil exécutif lors de sa 18e session ordinaire, réunie en janvier 2011 à Addis-Abeba (doc. EX.CL/631 XVIII) et la déclaration de l'Union africaine de 2009 sur les problèmes et enjeux fonciers en Afrique,

–   vu la déclaration du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, adoptée à Rome en 2010, les principes pour des investissements agricoles responsables qui respectent les droits, les moyens de subsistance et les ressources, ainsi que les directives volontaires de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale,

–   vu les principes directeurs relatifs aux investissements fonciers à grande échelle en Afrique de l'Union africaine, de la Banque africaine de développement et de la Commission économique pour l'Afrique,

–   vu le rapport d'Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, du 11 juin 2009 intitulé "Acquisitions et locations de terres à grande échelle: un ensemble de principes et de mesures clés pour répondre à l'impératif des droits de l'homme",

–   vu la déclaration du Millénaire du 8 septembre 2000, qui énonce les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et en particulier les objectifs 1, 3 et 7,

–   vu le rapport 2014 des Nations unies sur les objectifs du Millénaire pour le développement,

–   vu le rapport de la conférence des Nations unies sur le développement durable, qui s'est tenue à Rio de Janeiro, au Brésil, du 20 au 22 juin 2012,

–   vu l'étude du Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) de 2008 intitulée "Garantir des droits fonciers pour tous" et le guide de l'ONU-Habitat intitulé "Comment élaborer une politique foncière pro-pauvres: processus, guide et leçons",

–   vu la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la convention nº 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée en 1989,

–   vu la loi nº 5 de 1999 sur le foncier villageois ("Village Land Act") et la loi du gouvernement local de 1982 ("Local Government Act") de la République unie de Tanzanie,

–   vu les orientations de l'Union européenne de 2004 visant à soutenir l'élaboration de la politique foncière et les processus de réforme de cette politique dans les pays en développement,

–   vu l'annonce par la Commission européenne le 9 avril 2014 de la mise en place d'un nouveau programme d'un montant de 33 000 000 EUR visant à améliorer la gouvernance foncière et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des exploitations familiales et des communautés vulnérables en Afrique subsaharienne,

–   vu les principes directeurs des Nations unies de 2011 relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme,

–   vu la résolution de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE sur les répercussions sociales et environnementales du pastoralisme dans les pays ACP, adoptée en novembre 2013 (ACP‑UE/101.526/13/déf.),

–   vu l'étude de 2015 commandée par sa sous-commission "droits de l'homme" au sujet de l'incidence de l'accaparement des terres sur les droits de l'homme ("Addressing the Human Rights Impact of Land Grabbing"),

–   vu l'accord révisé de Cotonou,

–   vu la déclaration universelle des droits de l'homme,

–   vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples,

–   vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,

A. considérant que les principaux défis du XXIe siècle – sécurité alimentaire, raréfaction des ressources énergétiques, pénuries d'eau, croissance urbaine et démographique, dégradation de l'environnement, changements climatiques, catastrophes naturelles et fragilité des États – sont corrélés avec les questions de gouvernance foncière, ce qui conforte la nécessité de faire d'une réforme globale de la politique foncière une priorité et de garantir les droits fonciers;

B.  considérant que les autorités tanzaniennes ont annoncé un plan visant à vendre 1 500 kilomètres carrés de terres massaï dans l'ouest du Serengeti à une société privée de chasse et de safari basée aux Émirats arabes unis; que ce plan implique l'expulsion de 40 000 bergers massaï;

C. considérant qu'en raison des pressions internationales, Jakaya Kikwete, président de la Tanzanie, a déclaré en novembre 2014 qu'il avait abandonné ce plan et a promis de ne jamais expulser les peuples massaï de leurs terres ancestrales; que malgré cette promesse, des milliers de Massaï ont été illégalement expulsés de leurs terres; que selon des rapports récents, plus de 200 maisons ont été détruites par les autorités tanzaniennes, qui ont également confisqué du bétail, et que plus de 3 000 personnes se sont retrouvées sans domicile et sans abri;

D. considérant que les Massaï tanzaniens ont derrière eux une longue histoire de conflits violents avec les autorités tanzaniennes au sujet de la possession des terres, et ce depuis 1992, lorsque la société Ortello Business Corporation (OBC), détenue par des étrangers, a obtenu les droits de chasse dans la réserve de Loliondo, habitée par des bergers massaï qui en sont les propriétaires officiels;

E.  considérant que plus de deux millions de personnes de par le monde ont signé la pétition en ligne déposée par la communauté massaï du district de Ngorongoro sur la plate‑forme AVAAZ;

F.  considérant que les investisseurs privés et les gouvernements se montrent toujours plus intéressés par les acquisitions à grande échelle ou la location à long terme de terres aux fins de la production alimentaire ou d'énergie, ou encore de l'extraction de minerais, principalement dans les pays africains en développement, notamment en Tanzanie;

G. considérant que l'intérêt des investisseurs étrangers et nationaux envers l'installation en Tanzanie de cultures à grande échelle destinées aux biocarburants a fortement augmenté entre 2005 et 2008, lorsque près de 640 000 hectares de terrain ont été octroyés aux investisseurs, ce qui a privé les agriculteurs et les foyers ruraux de leurs terres et de leurs moyens de subsistance et accru leur niveau de sécurité alimentaire;

H. considérant que les normes coutumières régiraient 1,4 milliard d'hectares dans le monde; que la convention nº 169 de l'OIT et la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones prévoient des formes particulières de protection pour l'accès aux terres des populations autochtones, tandis que l'article 10 de ladite déclaration dispose que les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires et qu'aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable – donné librement et en connaissance de cause – des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour;

I.   considérant que, conformément à la déclaration de Tirana de 2011, les acquisitions de terres à grande échelle peuvent être qualifiées d''accaparements de terres" lorsque l'une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies: lorsqu'il y a violation manifeste des droits de l'homme; lorsque le déplacement des communautés locales concernées s'effectue sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause; lorsque les acquisitions ne sont pas fondées sur des contrats transparents et lorsque des incidences négatives d'un point de vue social, économique ou environnemental sont relevées;

J.   considérant que selon la Banque africaine de développement, 75 % des Tanzaniens sont des petits exploitants agricoles; que les communautés pastorales vivent dans de bonnes conditions et en harmonie avec la faune protégée et représentent environ 10 % de la population tanzanienne, en ce compris les Massaï, mais qu'elles continuent de perdre des parts importantes de leurs terres en raison des ventes de terres qui ont lieu sans connaissance adéquate des répercussions juridiques et pratiques, des attributions illégales et frauduleuses de terres à des étrangers et du fait que les autorités classent ces terres en fiducies foncières, en réserves ou en parcs nationaux;

K. considérant que l'article 17 de la déclaration universelle des droits de l'homme établit que "toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété" et que "nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété";

L.  considérant que les entreprises internationales, y compris les entreprises européennes, jouent un rôle de premier plan dans les acquisitions foncières à grande échelle en Tanzanie et que des institutions financières internationales participent au financement d'importantes transactions foncières dans le pays;

M. considérant que le cadre et les lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique appellent au respect des droits des communautés, y compris le respect des droits fonciers coutumiers et des ressources foncières;

N. considérant qu'en mai 2014, l'Union européenne a lancé un nouveau programme visant à améliorer la gouvernance foncière et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des exploitations familiales et des communautés vulnérables en Afrique;

1.  condamne fermement le déplacement illégal des communautés rurales locales, la destruction de leurs villages et de leur mode de vie traditionnel, ainsi que la violation de leurs droits fondamentaux, y compris leur droit à une alimentation adéquate, leur droit à l'eau et leur droit à un logement convenable;

2.  condamne tout particulièrement les actions qui ne reconnaissent pas la légitimité des dispositifs fonciers coutumiers qui accordent des droits légaux aux individus et aux populations et permettent de prévenir les expropriations et les abus de droits fonciers, particulièrement fréquents parmi certaines communautés d'Afrique;

3.  prie le gouvernement tanzanien de mettre en œuvre sans délai les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers et de garantir l'application juridique effective des droits qui y sont consacrés, de veiller au respect du premier principe fondamental des principes directeurs relatifs aux investissements fonciers à grande échelle, notamment le respect des droits humains des communautés et des droits fonciers coutumiers ainsi que la contribution à la gouvernance responsable des terres et des ressources liées à la terre, dans le respect des principes de l'état de droit, et de renforcer les droits fonciers des femmes, qui représentent au moins la moitié de la main‑d'œuvre agricole et commerciale, mais dont l'accès aux droits fonciers et aux services qui vont de pair avec ces droits (par exemple, l'accès aux banques et la participation à des associations) reste limité, ainsi que ceux des communautés et groupes sociaux vulnérables, tels que les communautés pastorales;

4.  plaide en faveur du lancement d'une enquête indépendante sur les litiges fonciers dans la région de Loliondo;

5.  prie instamment le gouvernement tanzanien de promouvoir les politiques d'investissements agricoles qui profitent aux populations locales dans les régions concernées, de respecter et de mettre en œuvre ses politiques en matière d'évaluations d'incidence environnementale et sociale, notamment les analyses d'impact sur la production alimentaire locale, préalablement au lancement de tout projet d'investissement, et de se conformer scrupuleusement aux dispositions relatives à la consultation et au dédommagement en cas d'expropriation foncière;

6.  rappelle tout particulièrement que le droit international prévoit certaines formes spécifiques de protection des droits fonciers des populations autochtones; souligne que, conformément à la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, tout changement dans l'affectation des sols devrait être effectué uniquement avec le consentement préalable, libre et en connaissance de cause des populations locales concernées; insiste pour que les États offrent des mécanismes effectifs de prévention et de recours contre toute mesure ayant pour objectif ou pour effet de déposséder des peuples autochtones de leurs terres, de leurs territoires ou de leurs ressources;

7.  fait part de sa préoccupation quant au manque d'informations précises et à l'ombre qui entoure un certain nombre d'investissements en Tanzanie; demande à la Commission d'inciter les autorités à veiller à ce que les transactions foncières soient effectuées publiquement et en toute transparence et soient adaptées aux gardiens de troupeaux nomades et aux pasteurs;

8.  invite la Commission, en particulier, à coopérer activement avec les autorités tanzaniennes afin de les exhorter à reconnaître, de manière contraignante et codifiée, les droits des Massaï, en particulier en ce qui concerne leurs terres ancestrales, ce qui offrirait la protection juridique nécessaire pour éviter tout litige futur;

9.  souligne qu'il est essentiel de garantir la propriété foncière des communautés rurales pour atteindre les OMD; demande à l'Union européenne de renforcer les capacités des juridictions des pays en développement en matière d'application effective du droit foncier et de résolution des litiges fonciers, dans le cadre d'une approche globale visant à consolider les systèmes judiciaires et l'état de droit;

10. rappelle que des projets de grande envergure provoquent fréquemment des dommages importants à l'environnement naturel sous la forme de déforestations, de pertes de biodiversité et de pollution de l'eau;

11. demande à la Commission de veiller à aligner ses orientations en matière de politique foncière sur les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers et d'y accorder une plus grande importance dans ses programmes de coopération au développement, dans ses politiques commerciales et d'investissement et dans ses rapports avec des institutions multilatérales de financement;

12. rappelle que les droits de l'homme et les règles interdisant l'accaparement de terres doivent être intégrées dans les accords de commerce et d'investissement de l'Union, y compris dans le système de préférences généralisées;

13. souligne l'importance d'une pleine responsabilisation et transparence des opérations des entreprises de l'Union et des organismes financiers concernant les investissements à grande échelle dans l'agro-industrie et les acquisitions de terres en Tanzanie et appelle de ses vœux la création d'un mécanisme européen fort et efficace pour contrôler ces opérations;

14. demande à la Commission de faire un rapport au Parlement européen sur les dépenses des programmes de développement et sur le budget de l'Union liés à la gouvernance de la terre, en vue d'assurer que ces programmes promeuvent les droits humains et abordent les défis liés à l'accaparement des terres;

15. souligne que les politiques foncières doivent reconnaître effectivement le rôle des structures et organismes locaux et opérant au niveau des collectivités chargés de l'administration ou de la gestion des terres, au même titre que ceux de l'État;

16. encourage le secteur privé européen à revoir les codes de conduite volontaires et non volontaires existants relatifs aux pratiques d'accaparement des terres et à s'assurer que les entreprises européennes appliquent les mêmes normes de qualité dans ce contexte au sein de l'Union et dans leurs investissements en dehors de l'Union;

17. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à l'Union africaine ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la Tanzanie.