PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur la situation des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme au Mexique
9.3.2022 - (2022/2580(RSP))
en remplacement des propositions de résolution suivantes:
B9‑0153/2022 (PPE)
B9‑0155/2022 (Verts/ALE)
B9‑0156/2022 (S&D)
B9‑0157/2022 (Renew)
B9‑0158/2022 (ECR)
Leopoldo López Gil, Michael Gahler, David McAllister, Sandra Kalniete, Isabel Wiseler‑Lima, Francisco José Millán Mon, José Manuel Fernandes, Gabriel Mato, Antonio López‑Istúriz White, Paulo Rangel, Luděk Niedermayer, Loránt Vincze, Sara Skyttedal, Tomáš Zdechovský, Janina Ochojska, Christian Sagartz, Arba Kokalari, Loucas Fourlas, Jiří Pospíšil, Peter Pollák, Stanislav Polčák, Elżbieta Katarzyna Łukacijewska, Miriam Lexmann, David Lega, Stelios Kympouropoulos, Seán Kelly, Michaela Šojdrová, Adam Jarubas, Krzysztof Hetman, Ivan Štefanec, Vangelis Meimarakis, Vladimír Bilčík, Romana Tomc, Inese Vaidere, Lefteris Christoforou
au nom du groupe PPE
Pedro Marques, Andrea Cozzolino, Inma Rodríguez‑Piñero
au nom du groupe S&D
Nicolae Ştefănuță, Petras Auštrevičius, Malik Azmani, Izaskun Bilbao Barandica, Olivier Chastel, Dacian Cioloş, Vlad Gheorghe, Klemen Grošelj, Bernard Guetta, Svenja Hahn, Ilhan Kyuchyuk, Javier Nart, Dragoş Pîslaru, María Soraya Rodríguez Ramos, Michal Šimečka, Ramona Strugariu, Dragoş Tudorache, Hilde Vautmans
au nom du groupe Renew
Diana Riba i Giner, Hannah Neumann
au nom du groupe Verts/ALE
Anna Fotyga, Karol Karski, Hermann Tertsch, Raffaele Fitto, Jadwiga Wiśniewska, Eugen Jurzyca, Adam Bielan, Carlo Fidanza, Valdemar Tomaševski, Vincenzo Sofo, Assita Kanko, Veronika Vrecionová, Bogdan Rzońca, Elżbieta Rafalska, Ryszard Czarnecki, Elżbieta Kruk, Ladislav Ilčić, Alexandr Vondra
au nom du groupe ECR
Fabio Massimo Castaldo
Résolution du Parlement européen sur la situation des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme au Mexique
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions précédentes sur le Mexique,
– vu l’accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis mexicains, d’autre part[1] (ci-après dénommé «accord global UE-Mexique»), en vigueur depuis 2000, ainsi que l’accord modernisé,
– vu les dialogues à haut niveau entre l’UE et le Mexique sur les droits de l’homme et le dialogue de haut niveau sur les questions multilatérales,
– vu les orientations de l'UE concernant les défenseurs des droits de l'homme ainsi que les orientations de l’UE relatives à la liberté d'expression en ligne et hors ligne,
– vu la déclaration locale de l’Union européenne, de la Norvège et de la Suisse du 15 février 2022 sur le meurtre du journaliste Heber López Vásquez,
– vu la déclaration commune du 28 janvier 2022 de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, de son rapporteur spécial sur la liberté d'expression et du Bureau du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme au Mexique, condamnant le meurtre de María de Lourdes Maldonado López,
– vu la déclaration du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme du 19 octobre 2020 intitulée «UN expert encourages Mexico to increase protection of human rights defenders»,
– vu le plan d’action des Nations unies de 2012 sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,
– vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que les violences, les violations des droits de l’homme et les attaques contre des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, dont des défenseurs de l’environnement et des peuples et communautés autochtones, ainsi que contre des défenseurs des droits des femmes, augmentent de manière dramatique au Mexique; que les violences généralisées continuent d’augmenter au Mexique, comme on a pu le constater lors des élections locales et régionales de juin 2021, et que la situation de l’état de droit connaît une grave détérioration; qu’un nombre très inquiétant de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme, notamment ceux qui enquêtent sur la corruption de fonctionnaires publics ou qui dénoncent l’action des organisations de narcotrafiquants, en particulier à l’échelon local, sont victimes d’avertissements, de harcèlement, de menaces, de viols, d’attaques, de disparitions forcées, voire de meurtres, et qu’ils sont surveillés soit par les autorités publiques, soit par des organisations criminelles; que 17 personnes ont été tuées lors du massacre collectif qui a eu lieu le 27 février 2022;
B. considérant que, selon diverses organisations non gouvernementales (ONG) et organisations internationales, le Mexique est depuis longtemps l’endroit le plus dangereux et le plus meurtrier pour les journalistes en dehors des zones de guerre officielles; que, selon Reporters sans frontières, le Mexique était, pour la troisième année de suite en 2021, le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes et figurait à la 143e place sur 180 de l’indice mondial de la liberté de la presse en 2021;
C. considérant que 2022 a connu le début d’année le plus meurtrier pour les journalistes au Mexique, six journalistes au moins ayant été assassinés; que les assassinats de María de Lourdes Maldonado López, de Margarito Martínez, de José Luis Gamboa, d’Heber López Vásquez et de Roberto Toledo ne constituent que quelques exemples tragiques d’attaques contre des journalistes et des professionnels des médias; que les journalistes doivent travailler dans des conditions déplorables et que nombre d’entre eux n’ont pas accès à des services de santé ou de soins mentaux; que la situation s’est détériorée depuis les dernières élections présidentielles de juillet 2018, 47 journalistes au moins ayant été assassinés selon des sources officielles;
D. considérant que, selon le ministère de l’intérieur, 68 défenseurs des droits de l’homme au moins ont été assassinés au Mexique depuis décembre 2018; que le degré de violence à l’égard des femmes et le nombre de féminicides sont très élevés et que, malgré certaines mesures adoptées par les institutions, le nombre de personnes qui ont disparu est extrêmement alarmant;
E. considérant que le Président López Obrador a fréquemment tenu des propos populistes lors des conférences de presse quotidiennes pour dénigrer et intimider les journalistes, les propriétaires de médias et les activistes indépendants; que cette rhétorique insultante et stigmatisante crée un climat délétère permanent à l’égard des journalistes indépendants; que sous prétexte de lutter contre les fausses informations, le gouvernement mexicain a mis en place une plateforme publique destinée à dénoncer, à stigmatiser et à attaquer la presse qui se montre critique; qu’en février 2022, des journalistes ont organisé des manifestations dans 13 des 32 États mexicains pour exiger plus de sécurité et l’ouverture d’enquêtes sur les attaques qui prennent les journalistes pour cible;
F. considérant que, depuis janvier 2022, le mécanisme fédéral de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes a mis en place des mesures de protection de 1 518 personnes, dont 1 023 défenseurs des droits de l’homme et 495 journalistes; que ce mécanisme dispose d’un budget et de personnel insuffisants, qu’il ne bénéficie pas d’un accompagnement adéquat, que son action n’est pas coordonnée avec celle des autorités des États et que l’application des mesures de protection accuse des retards qui, souvent, coûtent des vies; qu’au moins neuf bénéficiaires du programme de protection ont été assassinés;
G. considérant que l’État mexicain travaille actuellement à la mise en place d’un système national de prévention et de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes qui se fondera sur une loi générale de prévention et de protection contre les attaques commises à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme et des journalistes et qui comprendra l’adoption d’un modèle national de prévention, la création d’archives nationales sur les attaques ainsi que l’application d'un protocole national de protection;
H. considérant que la corruption institutionnalisée et généralisée, à laquelle s’ajoute un système judiciaire déficient, est à l’origine d’un problème d’impunité endémique, 95 % des meurtres de journalistes demeurant impunis; que, comme l’a indiqué l’Office du rapporteur spécial sur la liberté d'expression de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, cette impunité donne l’impression que la violence est permise, ce qui incite à commettre de nouveaux crimes et provoque un effet d’autocensure; que le gouvernement mexicain n’a pas correctement réalisé les réformes nécessaires pour réduire les violences et l’impunité, notamment pour les crimes commis à l’encontre de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme;
I. considérant que tout indique que l’État mexicain a eu recours, à l’encontre de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme, à des outils d’écoute téléphonique destinés à la lutte contre le terrorisme et les narcotrafiquants, dont le logiciel espion Pegasus;
J. considérant qu’en novembre 2020, le Mexique a ratifié l’accord d’Escazú, qui prévoit des mesures renforcées de protection des défenseurs de l’environnement; que le Mexique doit donner la priorité à son application;
K. considérant qu’une proposition législative préoccupante a été récemment présentée au Congrès afin d’interdire à toute ONG bénéficiant d’un financement étranger de tenter d’influencer la législation ou de participer à des contentieux stratégiques;
L. considérant que plusieurs réformes constitutionnelles du système électoral et du système judiciaire – engagées par l’administration de López Obrador – suscitent des doutes quant à la stabilité de l’état de droit et à la sécurité juridique;
M. considérant que le partenariat stratégique UE-Mexique a permis une coopération plus étroite entre le Mexique et l'Union européenne sur des questions d'importance mondiale, et en particulier la perspective d'un dialogue renforcé, d'une plus grande coordination et de la mise en place d'échanges dans des domaines tels que la sécurité, les droits de l'homme, la réforme électorale, le développement régional et les politiques commerciales et de réglementation; que le Mexique et l’Union européenne partagent des valeurs communes;
N. considérant que l’accord global UE-Mexique comporte des clauses relatives aux droits de l’homme et à la démocratie, à savoir les articles 1 et 39; que le dialogue à haut niveau entre l’UE et le Mexique sur les droits de l’homme qui a eu lieu en 2020 s’est achevé par la conclusion d’un accord en vue d’une action commune au Mexique pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme;
1. condamne les menaces, les actes de harcèlement et les assassinats perpétrés à l’encontre de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme au Mexique, dont les défenseurs de l’environnement et les peuples et communautés autochtones; invite les autorités à procéder à des enquêtes rapides, exhaustives, indépendantes et impartiales sur les assassinats et, dans le cas des journalistes et des professionnels des médias, conformément au protocole approuvé relatif aux enquêtes sur les crimes contre la liberté d’expression;
2. exprime sa plus profonde sympathie et solidarité à toutes les victimes et à leurs familles et leur présente ses condoléances; se dit une nouvelle fois inquiet par le climat d’insécurité et d’hostilité dans lequel vivent les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes et exprime sa solidarité à leur égard;
3. souligne que la liberté d'expression en ligne et hors ligne, la liberté de la presse et la liberté de réunion constituent des mécanismes fondamentaux du bon fonctionnement d’une démocratie; invite les autorités mexicaines à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme et pour leur garantir un environnement sûr, conformément aux normes internationalement reconnues, notamment en s’attaquant, aussi bien au niveau des États qu’au niveau fédéral, au problème de la corruption généralisée, au manque de formations et de ressources, à la complicité de certains fonctionnaires et aux déficiences du système judiciaire, qui sont à l’origine d’un tel degré d’impunité;
4. se dit préoccupé par les critiques acerbes et systématiques des plus hautes autorités de l’État mexicain à l’égard des journalistes et de leurs travaux et condamne les attaques fréquentes contre la liberté des médias et, notamment, les journalistes et les professionnels des médias; rappelle que le journalisme ne peut se pratiquer que dans un environnement où il n’y a ni menaces, ni agressions physiques, psychologiques ou morales, ni actes d’intimidation ou de harcèlement, et invite les autorités mexicaines à respecter et à protéger les normes les plus élevées en matière de protection de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et de la liberté de choix;
5. invite les autorités, et notamment les plus hautes d’entre elles, à ne plus publier de communications susceptibles de stigmatiser les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les professionnels des médias, d’envenimer le climat à leur encontre ou de perturber le cours de leurs enquêtes; invite ces autorités à insister publiquement sur le rôle essentiel que jouent les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes dans les sociétés démocratiques;
6. demande instamment au gouvernement mexicain d’adopter des mesures concrètes, rapides et effectives pour renforcer les institutions nationales, les institutions des États et les institutions locales et d’engager d’urgence une série de stratégies globales et systématiques de prévention, de protection, d’indemnisation et d’obligation de rendre compte afin que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes puissent poursuivre leurs activités sans crainte de représailles et sans restrictions, conformément aux recommandations du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et de la Commission interaméricaine des droits de l'homme; recommande au Mexique d’intégrer une perspective de genre lorsqu’il aborde la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme;
7. demande instamment que le mécanisme fédéral de protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes tienne ses promesses d’augmentation de son financement et de ses ressources et de mise en place de procédures plus rapides pour que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes puissent en bénéficier, et ce afin de sauver des vies et d’assurer la sécurité de ceux qui sont menacés, notamment en adoptant des mesures de sécurité en faveur de leurs familles, de leurs collègues et de leurs avocats; souligne que les mesures de protection publique devraient impliquer efficacement les organes publics et les institutions de chaque État et de l'échelon local;
8. encourage le gouvernement mexicain à agir pour renforcer les institutions des États et consolider l’état de droit afin de s’attaquer à certains des problèmes structurels à l’origine des violations des droits de l’homme et demande que les organisations civiles actives dans le domaine des droits de l’homme soient associées à ce processus; salue la création de la Commission nationale de recherche (CNB), dont l’objectif est de répertorier les fosses communes dans le pays et de prendre des mesures pour déterminer et publier le nombre réel de personnes disparues;
9. invite le gouvernement mexicain à coopérer pleinement avec les organes des Nations unies et à adresser une invitation permanente en vue de visites au titre de toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, notamment au rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression, ainsi qu’à coopérer avec eux de manière proactive;
10. salue la visite récente au Mexique du Comité des disparitions forcées des Nations unies ainsi que la reconnaissance, par le gouvernement, de la compétence de ce comité pour examiner les affaires provenant du Mexique, permettant ainsi aux familles des victimes de saisir le Comité lorsque les recours judiciaires sont épuisés au niveau national;
11. invite les États membres, le Service européen pour l’action extérieure et la délégation de l’Union européenne au Mexique à aborder les questions des droits de l’homme avec leurs homologues mexicains et à placer la protection des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme au cœur des dialogues UE-Mexique; demande instamment à la délégation de l’Union européenne et aux États membres de mettre pleinement en œuvre les orientations de l'UE concernant les défenseurs des droits de l'homme ainsi que les orientations de l’UE relatives à la liberté d'expression en ligne et hors ligne afin d’apporter tout le soutien voulu à l'action des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes;
12. souligne l’importance du Mexique en tant que partenaire stratégique; rappelle l’importance d’une relation forte et approfondie entre l’Union européenne et le Mexique et réaffirme sa volonté d’encourager les relations au moyen de l’accord global modernisé UE-Mexique, qui renforce encore les dispositions relatives aux droits de l’homme et permet à l’Union européenne et au Mexique de discuter d’une série de questions telles que les droits de l’homme avec la société civile, dont les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et d’autres personnes au niveau multilatéral;
13. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux États membres, à la présidence intérimaire de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes, au secrétaire général de l’Organisation des États américains, à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine, ainsi qu’au président, au gouvernement et au Congrès du Mexique.
- [1] JO L 276 du 28.10.2000, p. 45.