PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNE sur le Russiagate: allégations d’ingérence russe dans les processus démocratiques de l’Union européenne
7.2.2024 - (2024/2548(RSP))
en remplacement des propositions de résolution suivantes:
B9‑0124/2024 (Verts/ALE)
B9‑0125/2024 (S&D)
B9‑0127/2024 (Renew)
B9‑0128/2024 (ECR)
B9‑0130/2024 (PPE)
Michael Gahler, Sandra Kalniete, Javier Zarzalejos, Željana Zovko, Vladimír Bilčík, Rasa Juknevičienė, Andrius Kubilius, Dolors Montserrat, Dace Melbārde
au nom du groupe PPE
Andreas Schieder
au nom du groupe S&D
Nathalie Loiseau, Petras Auštrevičius, Malik Azmani, José Ramón Bauzá Díaz, Jordi Cañas, Claudia Gamon, Vlad Gheorghe, Ivars Ijabs, Ilhan Kyuchyuk, Karin Karlsbro, Karen Melchior, Maite Pagazaurtundúa, María Soraya Rodríguez Ramos, Ramona Strugariu, Dragoş Tudorache, Hilde Vautmans, Adrián Vázquez Lázara
au nom du groupe Renew
Sergey Lagodinsky
au nom du groupe Verts/ALE
Beata Szydło, Ryszard Czarnecki, Anna Fotyga, Roberts Zīle, Joachim Stanisław Brudziński, Patryk Jaki, Adam Bielan, Witold Jan Waszczykowski, Eugen Jurzyca, Jacek Saryusz‑Wolski, Beata Mazurek, Anna Zalewska, Elżbieta Kruk
au nom du groupe ECR
Fabio Massimo Castaldo
Proposition de résolution du Parlement européen sur le Russiagate: allégations d’ingérence russe dans les processus démocratiques de l’Union européenne
Le Parlement européen,
– vu sa décision du 13 septembre 2023 sur des amendements au règlement intérieur du Parlement en vue de renforcer l’intégrité, l’indépendance et l’obligation de rendre des comptes[1],
– vu sa résolution du 13 juillet 2023 sur des recommandations pour la réforme des règles du Parlement européen en matière de transparence, d’intégrité, de responsabilité et de lutte contre la corruption[2],
– vu sa résolution du 1er juin 2023 sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation[3],
– vu sa résolution du 9 mars 2022 sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation[4],
– vu ses précédentes résolutions sur les relations UE-Russie, en particulier celle du 23 novembre 2022 sur la reconnaissance de la Fédération de Russie en tant qu’État soutenant le terrorisme[5],
– vu sa résolution du 19 septembre 2019 sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe[6],
– vu sa résolution du 17 janvier 2024 sur la conscience historique européenne[7],
– vu sa résolution du 1er mars 2022 sur l’agression russe contre l’Ukraine[8],
– vu le rapport du Service européen pour l’action extérieure du 23 janvier 2024 intitulé «2nd EEAS Report on Foreign Information Manipulation and Interference Threats – A Framework for Networked Defence» (Deuxième rapport du SEAE sur les menaces de manipulation de l’information et d’ingérence étrangères – Un cadre pour la défense en réseau),
– vu la communication de la Commission du 12 décembre 2023 relative à la défense de la démocratie (COM(2023)0630),
– vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des exigences harmonisées dans le marché intérieur en matière de transparence de la représentation d’intérêts exercée pour le compte de pays tiers et modifiant la directive (UE) 2019/1937, présentée par la Commission le 12 décembre 2023 (COM(2023)0637),
– vu la communication de la Commission du 3 décembre 2020 relative au plan d’action pour la démocratie européenne (COM(2020)0790),
– vu le principe juridique de la présomption d’innocence,
– vu son règlement intérieur et le code de conduite des députés au Parlement européen,
– vu sa résolution du 16 septembre 2021 sur le renforcement de la transparence et de l’intégrité des institutions de l’Union par la création d’un organisme européen indépendant chargé des questions d’éthique[9],
– vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que l’ingérence étrangère, la manipulation de l’information et la désinformation constituent une violation grave des valeurs et principes universels sur lesquels l’Union est fondée, tels que la dignité humaine, la liberté, l’égalité, la solidarité, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la démocratie et l’état de droit; que la confiance dans l’intégrité du Parlement et l’état de droit est primordiale pour le fonctionnement de la démocratie européenne;
B. considérant qu’il existe des preuves d’ingérence et de manipulation russes dans de nombreuses démocraties, ainsi que du soutien logistique apporté par la Russie aux forces extrémistes et aux entités radicales en vue de déstabiliser l’Union;
C. considérant que la commission spéciale du Parlement sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation, a exposé en détail les efforts et les opérations menés par la Russie pour infiltrer et influencer les démocraties européennes et les institutions de l’Union et s’ingérer dans leur fonctionnement; que le Parlement européen est devenu plus vigilant dans sa réponse à l’ingérence étrangère; qu’il faudra toutefois prendre des mesures plus fermes encore et adopter des réformes internes pour assurer une protection efficace contre les influences extérieures indues;
D. considérant que la Russie utilise un large éventail de tactiques de guerre hybride pour atteindre ses objectifs, dans le cadre d’une stratégie plus vaste visant à compromettre le bon fonctionnement des processus démocratiques européens; que le recours à l’ingérence étrangère et à la manipulation de l’information en tant que moyen de diviser les sociétés démocratiques a été le prélude à la guerre d’agression non provoquée menée par la Russie contre l’Ukraine, et a augmenté depuis lors; que la diffusion russe de la désinformation par l’intermédiaire des médias traditionnels et des plateformes de médias sociaux, la captation des élites, les actes de piratage visant les candidats aux élections et les cyberattaques ont atteint un niveau sans précédent;
E. considérant que la falsification systématique de l’histoire fait partie des moyens de la guerre de l’information menée par la Russie depuis des décennies;
F. considérant que le Kremlin exploite un vaste réseau d’agents d’influence dans l’ensemble de l’Union, qui ont pesé sur les processus électoraux et sur les politiques dans des domaines stratégiques aussi essentiels que les infrastructures énergétiques; que ces agents d’influence ciblent activement tous les domaines de la vie publique, en particulier la culture, la mémoire historique, les médias et les communautés religieuses, ainsi que les responsables politiques et leurs familles; que des dizaines d’enquêtes ont prouvé l’existence de liens entre des acteurs politiques et publics européens de premier ordre, actifs ou retraités, et le Kremlin;
G. considérant que des sources continuent de révéler que des activités et des responsables politiques au sein de l’Union européenne ont bénéficié de financements en provenance de pays tiers, en particulier de Russie, avant et après le 24 février 2022; que ce financement présente un risque pour l’intégrité des processus démocratiques dans les États membres de l’Union et nécessite une enquête approfondie afin de mettre les complices de ces faits face à leurs responsabilités; que le Kremlin a parrainé et soutenu un certain nombre de partis d’extrême droite en Europe et, entre autres, a permis au parti de Marine Le Pen d’obtenir un prêt de 9,4 millions d’euros auprès d’une banque russe en 2013; que, depuis lors, Mme Le Pen et les membres de son parti ont, à de nombreuses reprises, exprimé des positions favorables au Kremlin;
H. considérant que la Russie a établi des contacts avec des partis, des personnalités et des mouvements politiques, afin de pouvoir s’appuyer, au sein des institutions de l’Union, sur des acteurs qui légitiment ses positions, soutiennent des mouvements indépendantistes et les gouvernements fantoches manipulés par la Russie, fassent pression en faveur de l’allègement des sanctions et atténuent les répercussions de son isolement international; que les députés européens de certains groupes politiques, ainsi que certains députés non inscrits, diffusent de la propagande pro-Kremlin flagrante au Parlement;
I. considérant que, le 29 janvier 2024, des médias indépendants ont présenté des preuves concrètes selon lesquelles la députée Tatjana Ždanoka pourrait avoir agi en tant qu’informatrice pour le cinquième bureau du Service fédéral de sécurité (FSB) de la Fédération de Russie, au moins de 2004 à 2017;
J. considérant que ces actions auraient notamment consisté en campagnes politiques en faveur de la Fédération de Russie, au moyen de l’organisation d’événements, ou encore en une transmission d’informations sur le fonctionnement interne du Parlement; que selon l’enquête, la députée en question aurait demandé au moins une fois à ses interlocuteurs de la rémunérer pour couvrir les frais liés aux services rendus;
K. considérant que ces accusations reposent, entre autres, sur ce qui est décrit comme une fuite de courriers électroniques échangés entre la députée en question et deux gestionnaires de dossiers au sein du cinquième service du FSB, les premiers de ces courriers remontant au 3 octobre 2005;
L. considérant que la députée en question est connue pour ses positions favorables à la Russie et pour la diffusion permanente de discours anti-lettons et anti-européens tout au long de ses mandats de députée européenne, s’opposant notamment à l’existence de la Lettonie en tant que pays souverain et refusant de condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie; qu’elle est également connue pour mener des activités politiques extrêmement problématiques, puisqu’elle a, entre autres, participé en 2014 à une visite d’observation du référendum organisé dans la région de Crimée occupée par la Russie, rendu visite au dictateur syrien Bachar el-Assad en 2016 et participé, à Moscou, à des émissions télévisées relayant la propagande du Kremlin; qu’elle a délibérément donné l’impression que ces déplacements étaient effectués au nom du Parlement européen ou de l’Union européenne; qu’elle a organisé et promu des événements au Parlement européen réunissant des représentants prorusses des régions de Donetsk et de Louhansk avant leur annexion illégale; que ses activités auraient été souvent parrainées par des groupes-écran financés par le Kremlin, comme la Fondation Rousskii Mir; que la députée en question, ainsi que d’autres députés au Parlement européen, ont organisé des manifestations publiques et se sont rendus en Lituanie pour manifester en soutien à Algirdas Paleckis, un ancien diplomate et homme politique lituanien qui a été condamné pour espionnage au profit de la Russie;
M. considérant que des articles de presse mettent en évidence depuis longtemps les contacts et les relations personnelles étroites entre les séparatistes de Catalogne, y compris les autorités du gouvernement de la communauté autonome de Catalogne, et le Kremlin; qu’en cultivant des contacts et des relations, la Russie vise à créer une influence politique et économique afin de déstabiliser la démocratie dans l’Union européenne; que la cour d’instruction nº 1 de Barcelone, chargée de l’enquête sur l’affaire Voloh, qui relie, entre autres, l’ancien président de Catalogne et son entourage à la Russie, a récemment prolongé ses investigations pour six mois;
N. considérant que la députée en question a été exclue de son groupe politique et qu’elle siège désormais parmi les non-inscrits; qu’elle a recueilli le soutien d’autres députés au Parlement européen dont les positions publiques sur les questions internationales sont proches de la sienne;
O. considérant que, à la suite de ces révélations, la Présidente du Parlement européen a immédiatement annoncé l’ouverture d’une enquête interne et la saisine du comité consultatif sur la conduite des députés; que cette enquête est actuellement en cours; que les sanctions possibles prévues par le règlement intérieur comprennent la perte du droit à l’indemnité journalière, la suspension temporaire de la participation à tout ou partie des activités du Parlement et des limitations du droit d’accès aux informations confidentielles ou classifiées; que les services de sécurité lettons ont déclaré qu’ils enquêteraient sur ces accusations;
P. considérant que d’autres députés au Parlement européen, outre la députée en question, ont participé, entre autres, à de fausses missions d’observation électorale dans des territoires occupés par la Russie en entretenant la confusion avec les missions officielles du Parlement européen; que plusieurs députés au Parlement européen ont été sanctionnés pour cette infraction par le groupe de soutien à la démocratie et de coordination des élections; que toutes ces visites ont eu lieu en Russie et dans des territoires occupés par la Russie;
Q. considérant les signalements de cas de députés européens qui utilisaient les ressources du Parlement pour défendre et promouvoir des activités liées, directement ou indirectement, à des cas d’ingérence étrangère, par exemple en décembre 2022, lorsque la chaîne de propagande d’État biélorusse STV a eu accès aux locaux du Parlement et aux installations d’enregistrement de vidéos VoxBox qu’ils abritent, et que, par conséquent, les locaux du Parlement ont été utilisés par plusieurs députés pour créer du contenu de désinformation pro-Kremlin et anti-Union;
R. considérant que, en 2016, le parti au pouvoir en Russie, Iedinaïa Rossia (Russie unie), a signé un accord de coopération avec le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), d’extrême droite; que cet accord prône le renforcement de la coopération entre les deux partis et des liens politiques et économiques entre Vienne et Moscou; qu’il a été signé en présence d’un député au Parlement européen membre du FPÖ, qui a demandé à plusieurs reprises, depuis lors, un assouplissement des sanctions de l’Union à l’encontre de la Russie et a diffusé des éléments de désinformation favorables au Kremlin;
S. considérant que le ministère allemand des affaires étrangères a mis au jour une vaste campagne de désinformation, qui aurait été orchestrée par la Russie sur la plateforme X (ex-Twitter) dans le but de manipuler l’opinion publique; que plusieurs médias allemands renommés ont révélé qu’un employé d’un député au Bundestag allemand appartenant au parti Alternative für Deutschland (AfD) a été identifié comme un agent de liaison pour le FSB;
T. considérant que depuis plusieurs années, certains députés au Parlement européen ont recruté et employé des ressortissants russes favorables au régime de Poutine en tant que stagiaires, assistants parlementaires accrédités et conseillers de groupe; qu’ils n’ont pas mis un terme à cette pratique, même après le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine; qu’en 2018 et 2019, Elizaveta Peskova, la fille du porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a travaillé comme stagiaire auprès d’un député européen;
U. considérant qu’à la suite des révélations du Qatargate, en septembre 2023, le Parlement a mis à jour et considérablement renforcé son cadre interne d’intégrité, notamment en révisant en profondeur son règlement intérieur, le code de conduite des députés au Parlement européen et les décisions pertinentes du Bureau;
V. considérant que l’année 2024 est une année électorale cruciale et que plusieurs élections présidentielles, nationales, locales et régionales doivent avoir lieu dans les États membres, en plus des élections européennes programmées du 6 au 9 juin; que les élections européennes de 2024 constitueront probablement une cible particulière pour les campagnes de désinformation au niveau local, régional et de l’Union;
1. fait part de son indignation totale et de sa vive inquiétude face aux efforts continus déployés par la Russie pour saper la démocratie européenne; est consterné par les signalements crédibles qui mettent en lumière les efforts de la Russie pour susciter des divisions entre les citoyens européens, en recrutant des agents d’influence parmi les députés au Parlement européen, ainsi que pour instaurer un système de dépendances par l’intermédiaire de partis politiques européens qui agissent ensuite comme relais de la propagande du Kremlin et servent les intérêts de ce dernier; rappelle qu’en poursuivant une stratégie à long terme d’ingérence à l’étranger, la Russie entend saper et, en fin de compte, détruire la démocratie en Europe; attire l’attention sur les efforts déployés par M. Poutine pour entièrement démanteler toute forme de démocratie en Russie; souligne qu’il s’agit là d’un signal d’alerte, qui doit prémunir contre toute naïveté vis-à-vis des objectifs à long terme de M. Poutine et, partant, inciter à la lutte contre ces tentatives extrêmement graves d’ingérence russe; souligne que cette tactique ne doit pas rester impunie; demande une nouvelle fois aux États membres de continuer à élargir et à ajuster les trains de sanctions adoptés à l’encontre de la Fédération de Russie, ainsi que de remédier aux failles dans l’application des mesures restrictives actuellement en vigueur;
2. condamne sans équivoque les efforts déployés par la Russie pour instrumentaliser et dénaturer le souvenir historique des périodes les plus tragiques de l’Europe, telles que la terreur du régime nazi, pour tenter de justifier aujourd'hui l’agression brutale, illégale et inhumaine et la politique expansionniste qu’elle mène;
3. se déclare profondément préoccupé par les informations selon lesquelles Tatjana Ždanoka aurait agi en tant qu’informatrice du cinquième bureau du FSB pendant son mandat de députée au Parlement européen; souligne qu’un informateur du FSB bénéficiant de facilités et ayant un accès privilégié aux informations en sa qualité de député au Parlement européen représenterait une grave menace pour la sécurité et la démocratie de l’Union; souligne qu’il est impératif que le Parlement européen et les autorités lettonnes mènent une enquête approfondie sur ce dossier, afin de déterminer sans délai les sanctions et les procédures pénales appropriées;
4. souligne que la députée en question a été exclue de son groupe politique pour des raisons liées à ses positions sur la Russie et l’Ukraine, et qu’elle siège désormais parmi les non-inscrits; insiste sur le fait que l'immense majorité des députés au Parlement européen ne partagent pas ses opinions et ont massivement condamné l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, le recours de cette dernière à des tactiques de guerre hybride contre la démocratie européenne et les autres choix stratégiques agressifs et antidémocratiques qu’elle a opérés ces dernières années; relève néanmoins qu’un petit nombre de députés au Parlement européen ont participé à des actions menées conjointement avec la députée en question, en exprimant des points de vue similaires et en se rangeant ostensiblement du côté de la Russie;
5. s’engage à soutenir pleinement les autorités lettonnes et à coopérer avec elles dans le cadre de leur enquête sur le comportement de la députée en question; invite les autorités compétentes à enquêter pour déterminer si celle-ci est passible de poursuites pénales en vertu du droit national; se tient prêt à apporter son soutien et sa coopération sans réserve à cet égard;
6. se félicite que le comité consultatif sur la conduite des députés ait été saisi du dossier de la députée en question; s’engage à faire appliquer intégralement son cadre de sanctions internes en vigueur; relève que les faits allégués sont antérieurs à la réforme récente du cadre d’intégrité du Parlement; estime que la seule réglementation n’aurait pas empêché la députée en question d’adopter la conduite répréhensible qui lui est reprochée; se tient néanmoins prêt à poursuivre l’évaluation et les ajustements du fonctionnement du cadre d’intégrité du Parlement, qui a été renforcé à la suite du Qatargate, et de l’application des sanctions prévues;
7. soutient l’enquête actuelle, mais souligne la nécessité de respecter le droit à un procès équitable, l’état de droit et les droits fondamentaux; réaffirme que les choix politiques ne peuvent être érigés en infraction pénale et que les députés ne doivent pas être confrontés à des restrictions supplémentaires à l’expression de leurs opinions dans l’exercice de leur mandat légitime;
8. attire l’attention sur d’autres cas de députés qui servent sciemment les intérêts de la Russie; souligne que les activités de ces députés portent atteinte à la sécurité, à la crédibilité et à la résilience démocratique de l’Union; se déclare profondément préoccupé par les liens que la députée en question aurait entretenus avec d’autres députés; dénonce fermement toute tentative coordonnée interne de faire progresser les intérêts politiques du Kremlin au sein du Parlement européen; considère qu’il est impératif de réaliser immédiatement une enquête interne approfondie, afin d’évaluer tous les cas possibles d’ingérence étrangère de la part de la Russie et d’autres types d’ingérence malveillante dans les travaux du Parlement européen;
9. se déclare particulièrement préoccupé par les rapports récents selon lesquels les autorités russes fourniraient des éléments de langage spécifiques aux partis et aux acteurs politiques d’extrême droite dans différents pays de l’Union, surtout en Allemagne et en France, afin d’affaiblir le soutien public à l’Ukraine depuis l’invasion à grande échelle menée par la Russie en 2022; insiste sur la gravité des liens entre la Russie et certains partis et responsables politiques de l’Union; souligne l’ingérence considérable de ce pays dans des mouvements séparatistes actifs en Europe;
10. réitère son indignation devant les révélations, à échéances régulières, de financement massif par la Russie de partis, de responsables politiques, d’agents publics et de mouvements dans un certain nombre de pays démocratiques, dans le but de peser davantage dans leurs processus internes et de les perturber; constate qu’une majorité écrasante d’États membres interdisent totalement ou partiellement les dons étrangers aux partis et aux candidats politiques; est préoccupé par les liens que la Russie entretient avec plusieurs partis et responsables politiques dans l’Union; rappelle que, même lorsque la loi limitait les sources de financement politique, des acteurs russes ont trouvé des moyens de la contourner et ont proposé leur aide à leurs alliés en contractant des prêts auprès de banques étrangères (comme dans le cas du Front national en 2016), en effectuant des achats et en concluant des accords commerciaux (comme dans les allégations rapportées par le Spiegel et la Süddeutsche Zeitung le 17 mai 2019 en ce qui concerne le FPÖ, ainsi que par Buzzfeed et l’Espresso le 10 juillet 2019 en ce qui concerne la «Lega per Salvini Premier») et en facilitant des activités financières (comme la presse britannique l’a signalé à propos de la campagne Leave.eu);
11. est extrêmement préoccupé par les accusations de relations entre les séparatistes catalans et l’administration russe; constate que l’ingérence russe en Catalogne, si elle est confirmée, s’inscrirait dans le cadre d’une stratégie russe plus large, qui vise à favoriser la déstabilisation interne et la discorde au sein de l’Union; se déclare profondément préoccupé par les campagnes de désinformation massives menées par la Russie en Catalogne, de même que par les contacts étroits et les nombreuses réunions que les agents responsables de l’ingérence russe auraient avec le mouvement indépendantiste; invite les autorités judiciaires compétentes à enquêter efficacement sur les relations qu’entretiendraient les députés au Parlement européen accusés d’être liés au Kremlin ainsi que sur les tentatives de déstabilisation et d’ingérence menées par la Russie dans l’Union et ses États membres; déplore toutes les attaques dont sont victimes les juges qui enquêtent sur des activités d’ingérence;
12. condamne fermement l’incident survenu récemment en Slovaquie, au cours duquel le service russe de renseignement extérieur, à des fins de provocation, a publié au cours du moratoire préélectoral une déclaration qui mettait en cause l’intégrité du processus électoral de la République slovaque; se déclare préoccupé par le rôle visible et direct joué par la diplomatie russe dans la vie publique et politique slovaque depuis les élections législatives de septembre 2023;
13. condamne fermement la campagne de désinformation à grande échelle révélée par le ministère allemand des affaires étrangères, prétendument orchestrée par la Russie sur la plateforme X, dans l’intention de manipuler l’opinion publique en Allemagne;
14. constate avec inquiétude que X a cessé de suivre le code de bonnes pratiques contre la désinformation, qui revêt un caractère facultatif; s’inquiète de l’omniprésence de la désinformation et des contenus illicites sur cette plateforme;
15. réaffirme sa position antérieure, selon laquelle le caractère exceptionnel de l’ingérence étrangère russe requiert des efforts particuliers de la part des institutions nationales et de l’Union, Parlement européen inclus, pour repérer, combattre et surmonter cette menace spécifique;
16. condamne fermement les faits alarmants révélés par des médias allemands renommés, qui indiquent qu’un employé membre de l’AfD et associé à un membre du Bundestag allemand a été identifié comme agent de liaison pour le FSB, ce qui suscite de vives inquiétudes quant à une potentielle influence étrangère dans le paysage politique allemand;
17. rappelle que l’ingérence étrangère est une menace systémique et qu’il convient de la combattre vigoureusement; souligne que la guerre hybride et les campagnes de manipulation de l’information et d’ingérence menées depuis l’étranger ne sont pas uniquement des questions de politique étrangère, mais qu’elles menacent bel et bien le fondement même de nos démocraties; presse les institutions de l’Union d’adopter une approche transversale permanente afin de lutter plus efficacement contre les campagnes de manipulation de l’information et d’ingérence menées depuis l’étranger; estime que l’ingérence électorale dans un État membre a des répercussions pour l’ensemble de l’Union européenne, car elle peut avoir une incidence sur la composition des institutions européennes; estime que les autorités nationales ne peuvent pas faire face à ces menaces en travaillant de manière isolée, pas plus qu’une autoréglementation du secteur privé ne peut résoudre tous les problèmes; se félicite du travail effectué par le Service européen pour l’action extérieure dans son deuxième rapport sur les menaces de manipulation de l’information et d’ingérence étrangères, qu’il a publié le 23 janvier 2024; reste déterminé à poursuivre son combat contre l’ingérence étrangère dans l’Union dans les années à venir, notamment par l’intermédiaire d’un organe parlementaire spécialisé;
18. maintient son soutien résolu aux efforts visant à améliorer et à faire respecter les règles qui protègent l’intégrité du Parlement en tant que pilier de la démocratie européenne; estime que les accusations visant la députée en question démontrent qu’il est indispensable de renforcer la culture de la sécurité au sein du Parlement européen; demande que la plus grande attention sur les plans politique et administratif soit accordée aux recommandations pour la réforme des règles du Parlement européen en matière de transparence, d’intégrité, de responsabilité et de lutte contre la corruption adoptées le 13 juillet 2023; souhaite la pleine mise en œuvre des mesures proposées, notamment des formations obligatoires et régulières en matière de sécurité et d’intégrité pour les députés et le personnel, une habilitation de sécurité adéquate et un renforcement des enquêtes de sécurité sur les membres du personnel, en particulier ceux qui assistent aux réunions à huis clos; demande un contrôle plus strict de l’organisation d’événements, de l’invitation de personnes externes au Parlement et de l’accès aux plateformes de communication du Parlement; invite les autorités nationales à suivre des procédures et un calendrier communs à chaque fois qu’elles sont invitées à délivrer une habilitation de sécurité aux députés et au personnel du Parlement, ainsi que pour toute enquête de sécurité liée aux institutions de l’Union; est fermement convaincu que les ressources du Parlement, telles que le parrainage d’événements et de voyages, l’accès à des studios d’enregistrement vidéo et à d’autres plateformes de communication et le financement de projets de communication des groupes politiques ou des députés, ne doivent pas être utilisées pour saper les valeurs de l’Union ou pour diffuser des informations hostiles provenant de régimes autoritaires;
19. réaffirme son soutien à la création, dès que possible, d’un organisme indépendant chargé des questions d’éthique, conformément à sa résolution du 16 septembre 2021; demande que toutes les institutions de l’Union se montrent plus ambitieuses en vue de la mise en œuvre de cet organisme;
20. demande au secrétariat du registre de transparence de l’Union d’interdire toute entité ayant des relations directes ou indirectes avec le gouvernement russe, conformément à la décision du Conseil du 3 juin 2022 concernant des mesures restrictives[10];
21. attend de la Commission et du Conseil qu’ils mettent en œuvre le train de mesures de défense de la démocratie afin, de toute urgence, de prendre des dispositions et de combler les nombreuses lacunes de la législation de l’Union relative au financement des partis, de parvenir à un schéma réglementaire contraignant pour les grandes plateformes et de renforcer la cyberdéfense de l’Union contre d’éventuelles attaques à l’encontre de notre système électoral; prie instamment les institutions de l’Union et les États membres d’investir massivement et durablement dans le renforcement de notre résilience démocratique et de notre état de droit, y compris en prenant des mesures qui consolident les capacités de l’Union en matière de contre-espionnage;
22. condamne tous les types de captation des élites et la méthode qui consiste à coopter de hauts fonctionnaires et d’anciens responsables politiques de l’Union, notamment en leur fournissant des emplois lucratifs dans des entreprises liées à des gouvernements menant activement des actions d’ingérence contre l’Union;
23. fait observer que les lois sont essentielles pour lutter contre la corruption et les comportements criminels, mais qu’elles ne peuvent pas, à elles seules, prévenir les actions criminelles et contraires à l’éthique de la part de certains députés au Parlement européen; souligne que tous les groupes politiques du Parlement européen portent une certaine responsabilité en ce qui concerne le suivi des actions de leurs députés; rappelle donc à tous les groupes d’agir rapidement lorsqu’ils sont informés d’un comportement qui suscite des doutes quant à l’intégrité d’un de leurs députés; invite tous les députés au Parlement européen et tous les groupes à coopérer pleinement avec les autorités nationales et européennes compétentes dans ce domaine;
24. estime que des élections libres et régulières sont au cœur du processus démocratique; invite donc instamment les institutions de l’Union et les États membres à prendre des mesures décisives pour veiller à ce que la seule volonté du peuple soit le fondement de l’autorité des pouvoirs publics, sans ingérence étrangère de la part d’acteurs malveillants, notamment dans le cadre des préparatifs des élections européennes qui auront lieu du 6 au 9 juin 2024; invite les États membres et les institutions de l’Union à mettre en œuvre des stratégies de résilience pour les élections; insiste sur la nécessité de renforcer les efforts de suivi permanents et de renforcer leur mise en œuvre bien avant les élections, les référendums et les autres processus politiques importants dans l’ensemble de l’Europe;
25. souligne le rôle essentiel du journalisme d’investigation dans la révélation des tentatives d’ingérence étrangère et d’activités secrètes; demande une nouvelle fois aux institutions de l’Union et aux États membres de garantir un financement suffisant et durable du journalisme d’investigation;
26. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et au vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
- [1] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2023)0316.
- [2] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2023)0292.
- [3] JO C, C/2023/1226 du 21.12.2023, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2023/1226/oj.
- [4] JO C 347 du 9.9.2022, p. 61.
- [5] JO C 167 du 11.5.2023, p. 18.
- [6] JO C 171 du 6.5.2021, p. 25.
- [7] Textes adoptés de cette date, P9_TA(2024)0030.
- [8] JO C 125 du 18.3.2022, p. 2.
- [9] JO C 117 du 11.3.2022, p. 159.
- [10] Décision (PESC) 2022/884 du Conseil du 3 juin 2022 modifiant la décision 2014/512/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, JO L 153 du 3.6.2022, p. 128.