Résolution du Parlement européen sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) dans le cadre de l'OMC, y compris la diversité culturelle
Le Parlement européen,
— vu la déclaration de la quatrième Conférence ministérielle de l'OMC, adoptée à Doha le 14 novembre 2001,
— vu sa résolution du 18 novembre 1999 sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'OMC(1),
— vu sa résolution du 25 octobre 2001 sur la quatrième conférence ministérielle de l'OMC(2),
— vu sa résolution du 25 octobre 2001 sur l'ouverture et la démocratie dans le commerce international(3),
— vu l'article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui précise que "l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique",
— vu la Déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle, qui souligne la spécificité des biens et services culturels qui, parce qu'ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres(article 8) et qui précise que les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle, gage d'un développement humain durable (article 11),
A. considérant que l'Union européenne occupe la première place du marché mondial des services, ce qui s'explique en partie par son ouverture à la concurrence, et que les marchés ouverts des services sont susceptibles de profiter en théorie à tous les pays, dès lors qu'ils permettent de baisser les tarifs pour les particuliers comme pour les entreprises,
B. considérant que le secteur des services est extrêmement diversifié et va de la santé et de l'éducation à la vente au détail et aux services financiers,
C. considérant que le cycle de Doha de l'OMC doit axer ses travaux sur le développement et que, dès lors, des résultats concrets doivent être obtenus afin de convaincre les nations les plus pauvres que la réussite de l'OMC est déterminante pour l'économie de tous les pays, riches et pauvres,
D. considérant, toutefois, que l'AGCS a suscité l'inquiétude générale en ce qui concerne le manque de transparence du processus de négociation et l'impact qu'il pourrait avoir sur les services publics et la réglementation des services en général,
Contrôle politique et transparence
1. fait valoir que la libéralisation des services est l'objet d'un vaste débat public et que l'offre doit donc être soumise à un contrôle parlementaire efficace; se félicite par conséquent des efforts déployés par la Commission pour transmettre à certains députés européens les propositions faites par l'Union européenne en ce qui concerne l'AGCS; demande cependant que la transparence soit poussée plus loin encore et qu'à cet effet, tous les députés européens puissent accéder sans restriction aux documents de négociation de l'Union, moyennant le respect des règles de confidentialité du Parlement européen;
2. salue les efforts déployés par la Commission pour améliorer la transparence et associer les groupes d'intérêt de tous les secteurs de services concernés, y compris les partenaires sociaux, ainsi que la société civile, mais estime qu'il est essentiel de poursuivre dans cette voie et de diffuser largement des informations sur les demandes et les propositions de l'Union européenne afin de permettre la tenue d'un débat public informé avant la transmission de toute proposition à l'OMC; invite la Commission à proposer à l'OMC la publication des demandes et des propositions de tous les États membres;
Les propositions de l'Union européenne
3. accueille favorablement la proposition initiale de la Commission sur l'AGCS, où elle voit une partie importante des négociations de Doha et un signal positif montrant aux membres de l'OMC que l'Union européenne est ouverte aux entreprises et soutient un système réglementé non discriminatoire; soutient les engagements pris afin d'accroître l'accès au marché des fournisseurs de services de l'Union européenne par la réduction ou l'élimination des barrières au commerce des services;
4. rappelle que les négociations sur le commerce des services doivent viser à promouvoir la croissance économique de tous les partenaires commerciaux et l'essor des pays moins développés ou en développement et qu'elles doivent être replacées dans la perspective de cet objectif absolument prioritaire;
5. rappelle que l'AGCS est un accord volontaire et que ses principes n'imposent ni la privatisation ni la déréglementation et qu'ils ne préconisent aucun degré de libéralisation en tant que tel; souligne néanmoins que les pays en développement et les pays les moins avancés ne doivent pas faire l'objet de pressions en vue de la libéralisation des services, et notamment des services publics;
6. se félicite en outre de ce que la Commission a annoncé qu'aucune offre de libéralisation n'a été proposée dans les secteurs de la santé, de l'enseignement et de l'audiovisuel et invite la Commission à maintenir cette position tout au long des négociations de l'AGCS et à veiller à ce qu'il n'y ait aucune exception à ce droit;
7. soutient le droit de chaque État membre de l'OMC de réglementer les services publics et les services d'intérêt général et de maintenir le principe des obligations de service universel; souhaite que le droit de réglementer soit défini de manière précise afin de veiller à ce qu'il ne puisse être mis à mal par l'application de critères commerciaux tels que les critères de nécessité ou les mesures commerciales les moins restrictives;
8. se dit favorable à une plus grande ouverture des marchés des services financiers et du secteur des télécommunications ainsi que d'autres domaines tels que les services informatiques, les services professionnels, les services aux entreprises, la construction et le génie civil, la distribution, le tourisme et les transports maritimes, l'expérience européenne ayant démontré que la suppression des monopoles était susceptible d'entraîner l'apparition de services plus attentifs aux clients pour un prix moindre tout en créant des emplois qualifiés;
9. est favorable à l'inclusion des services environnementaux dans la mesure où ils figurent dans la proposition; accepte par ailleurs d'exclure l'accès aux ressources en eau et leur gestion ainsi que leur répartition;
10. se félicite de la proposition d'offrir, aux pays en développement, de meilleures possibilités de fourniture de services sur le marché européen grâce au transfert transfrontalier temporaire de personnels qualifiés, mais insiste sur le fait que les négociateurs doivent garantir que les travailleurs transfrontaliers seront protégés contre toute forme de discrimination et rappelle que, dans tous ces cas, les conditions de travail communautaires et nationales, les obligations en matière de rémunération minimale et toutes les conventions collectives sur les salaires doivent rester d'application, et ce indépendamment du fait que l'employeur soit enregistré ou non dans un pays de l'Union européenne;
11. souligne que la présence commerciale (investissements) doit continuer à être régie par les mesures fiscales et sociales nationales et d'autres mesures réglementaires et insiste sur le droit de subordonner la présence commerciale étrangère au respect de la déclaration tripartite de l'OIT sur les principes régissant les entreprises multinationales et la politique sociale et des nouvelles lignes directrices de l'OCDE pour les entreprises multinationales;
Services culturels
12. souligne l'importance de la diversité culturelle et la nécessité de respecter la diversité nationale et régionale et de mettre en valeur le patrimoine culturel commun; chaque État membre doit avoir la possibilité juridique de prendre, dans les secteurs relevant de la politique culturelle et audiovisuelle, toutes les mesures nécessaires pour préserver et promouvoir la diversité culturelle;
13. rappelle que les services culturels ne doivent pas être comparés à la plupart des autres services et que, de ce fait, ils font l'objet d'un traitement distinct dans les accords en vigueur; reconnaît le rôle particulier du secteur audiovisuel européen dans la promotion du pluralisme culturel, les résultats économiques et la liberté d'expression; réaffirme son engagement à l'égard de la liberté d'action dans le domaine de la politique audiovisuelle, telle que l'a définie le cycle d'Uruguay; est d'avis que les règles de l'AGCS sur les services culturels, et notamment sur le secteur audiovisuel, ne doivent pas compromettre la diversité et l'autonomie culturelles des parties contractantes à l'OMC;
14. appuie la Commission dans sa volonté de maintenir la possibilité, pour la Communauté, ses États membres et ses régions, de préserver et de développer leur capacité à définir et à mettre en œuvre, dans les secteurs culturel et audiovisuel, des politiques visant à préserver leur diversité culturelle;
Impact sur les pays en développement
15. reconnaît que la capacité de certains pays en développement ou les moins développés à réglementer les secteurs de services qui relevaient auparavant de l'autorité publique ou de la propriété de l'État peut être limitée, voire inexistante, et invite la Commission à user du bon sens dans ces secteurs lorsque les pays en développement concernés ont des objections sérieuses qui tiennent à la situation de leur développement; rappelle avec insistance que certains secteurs de services tels que l'eau ou les installations sanitaires jouissent d'un statut particulier dans les pays en développement ou les moins développés, qu'ils ont un impact direct considérable sur la vie quotidienne de la population et que, dès lors, ils doivent faire l'objet d'un traitement particulier;
16. invite la Commission à faire pression en faveur d'une évaluation globale du commerce des services, conformément à l'article XIX de l'AGCS, parallèlement aux négociations du plan d'action de Doha pour le développement;
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17. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements des États membres et des pays candidats.