Résolution du Parlement européen sur les fermetures d'entreprises ayant bénéficié d'une aide financière de l'Union européenne
Le Parlement européen,
— vu la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 et le programme d'action y afférent,
— vu la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs(1),
— vu la directive 94/45/CE du Conseil, du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs(2),
— vu la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne(3),
— vu ses résolutions antérieures sur les restructurations, les fusions, les transferts et les fermetures d'entreprises,
A. considérant que des pratiques commerciales parfois inéquitables sont utilisées dans ce secteur, dans les pays tiers,
B. considérant les nombreuses actions menées par les travailleurs concernés, par leurs organisations syndicales, par les populations ainsi que par les autorités locales, pour la défense des postes de travail et la viabilité des entreprises;
C. considérant que l'industrie traditionnelle du cuir et du tannage subit actuellement un processus de restructuration,
D. considérant qu'on assiste actuellement, dans divers pays européens, à un vaste mouvement de transferts d'entreprises qui, tablant sur des avantages spéculatifs à court terme, se traduit par des suppressions d'emplois et compromet la stabilité sociale de la région dans laquelle les entreprises s'implantent,
E. considérant que les délocalisations de restructuration affectent non seulement des secteurs industriels "traditionnels", à fort apport de main-d'œuvre, comme le textile, la chaussure ou le jouet, mais également des secteurs à forte proportion de capital comme la sidérurgie, la construction navale, les machines-outils, le secteur aéronautique et celui des équipements électroniques, ainsi que de larges pans du secteur tertiaire comme le développement de logiciels ou les services financiers, logistiques ou d'information,
F. considérant que ce problème est particulièrement grave dans les États membres moins développés sur le plan économique, à la lumière des délocalisations récemment effectuées ou annoncées d'un certain nombre d'entreprises ou de filiales d'entreprises (C&J Clarks, Gerry Weber, Bagir, Sasimac, Schuh-Union, Scottwool, Ecco'let, Bawo, Rohde, Philips, Yasaki Saltano, Efacec, Eres, Alcoa, Delphy, Alcatel et Eftec, entre autres), ce qui se traduira par des milliers de chômeurs et remettra en question la concrétisation de la cohésion économique et sociale,
G. considérant que C&J Clarks, par exemple, a demandé un financement public de près de 1,7 million d'euros pour son usine de Castelo de Paiva, dans la région de Aveiro (Portugal), et a licencié 1 056 travailleurs, pour cause de réorganisation, au cours des deux dernières années, dans ses deux usines d'Arouca et Castelo de Paiva dans la même région, et a procédé à de nombreuses autres fermetures dans d'autres régions de l'UE; considérant également que cette entreprise a signé un accord contractuel avec les autorités locales pour maintenir sa production sur le site de Castelo de Paiva jusqu'en 2007 au moins,
1. estime que l'aide provenant de crédits publics doit être subordonnée à des accords à long terme signés par les responsables d'une entreprise dans le domaine de l'emploi et du développement local;
2. demande par conséquent à la Commission de refuser l'octroi d'aides au titre des programmes communautaires aux entreprises qui ne respectent pas ces engagements, qui font une mauvaise utilisation des subventions à l'investissement et qui subventionnent directement et indirectement les délocalisations à l'intérieur de l'Union; demande, en particulier, que soient refusées les aides communautaires aux entreprises qui, après avoir bénéficié d'une aide dans un État membre, transfèrent leurs unités de production dans un autre pays sans avoir rempli intégralement les contrats qu'elles ont signés avec cet État membre;
3. demande à la Commission d'élaborer un code de conduite afin d'éviter des transferts d'entreprises subventionnées entraînant le déplacement des emplois d'un pays membre à un autre et d'éviter que des entreprises de l'UE se réimplantent dans les pays candidats dans le seul but d'obtenir une aide financière de l'UE et de recourir à la main-d'œuvre meilleur marché de ces pays;
4. espère qu'au moment d'accorder une aide au titre des Fonds structurels, la Commission veillera à ce que celle-ci dépende des garanties sur l'emploi à long terme;
5. demande à la Commission d'établir une liste, disponible et périodiquement réactualisée, des pratiques préjudiciables à la concurrence et anticontractuelles ayant cours au sein d'entreprises bénéficiant directement ou indirectement d'aides publiques, en relation avec des opérations de transfert d'actifs à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union, en vue d'évaluer la conformité de ces actions avec la législation en vigueur et de statuer sur l'application éventuelle de sanctions;
6. demande à la Commission d'inviter l'Observatoire européen du changement (EMCC) à accorder une attention particulière à l'étude des délocalisations, en vue de définir des politiques qui permettront de neutraliser les incidences négatives qui en découlent;
7. fait part à la Commission de la nécessité de procéder à un accompagnement sérieux des processus actuels de fermeture et de délocalisation d'entreprises et d'adopter, dans les meilleurs délais, des mesures concrètes de soutien aux travailleurs et de redressement économique des régions concernées;
8. demande à la Commission ainsi qu'aux États membres de retirer les subventions des programmes d'aide et de réclamer le remboursement de ces subventions aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations;
9. invite la Commission à s'assurer que les entreprises C&J Clarks, Gerry Weber, Bagir, Sasimac, Schuh-Union, Scottwool, Ecco'let, Bawo, Rohde, Philips, Yasaki Saltano, Efacec, Eres, Alcoa, Delphy, Alcatel et Eftec ont respecté les dispositions des directives 94/45/CE et 98/59/CE précitées;
10. rappelle que, dans d'autres cas où les licenciements collectifs semblaient offrir la seule solution à la crise d'une entreprise, des négociations avec les employés ont contribué à mettre au point des plans de substitution qui ont permis de sauvegarder des emplois;
11. recommande, dès lors, que la direction des entreprises concernées recherche, conjointement avec les organisations représentatives des travailleurs et les autorités locales, des solutions de remplacement susceptibles de sauvegarder l'emploi; demande à la Commission, en coopération avec les autorités locales concernées, de se pencher sur une utilisation efficace et ciblée du Fonds social européen, qui soit axée sur la formation professionnelle et la reconversion des travailleurs concernés;
12. considère que les entreprises de secteurs menacés par la concurrence mondiale doivent coopérer entre elles, avec l'aide des États membres et de la Commission, afin de développer des technologies répondant aux meilleures pratiques au niveau mondial et d'améliore la valeur apportée au client;
13. souligne que les investissements dans la recherche et le développement, associés à l'engagement de crédits de l'UE par le biais du 6e programme-cadre, peuvent être utilisés pour développer les nouvelles matières, les nouveaux projets et processus qui peuvent redessiner les secteurs industriels traditionnels;
14. exprime sa solidarité à l'égard de tous les travailleurs directement ou indirectement touchés par la fermeture d'entreprises, en particulier celles qui font l'objet d'une délocalisation;
15. recommande à ses commissions compétentes en la matière d'évaluer attentivement le suivi apporté par la Commission à la présente résolution;
16. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, aux gouvernements et aux parlements des États membres et aux partenaires sociaux, notamment ceux qui sont liés aux entreprises C&J Clarks, Gerry Weber, Bagir, Sasimac, Schuh-Union, Scottwool, Ecco'let, Bawo, Rohde, Philips, Yasaki Saltano, Efacec, Eres, Alcoa, Delphy, Alcatel et Eftec.