— vu l'accord de partenariat ACP-UE signé à Cotonou le 23 juin 2000(1),
— vu la Constitution de la République du Soudan adoptée le 30 juin 1998,
— vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966,
— vu l'article 104 bis et l'article 104, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que la commission du développement et de la coopération du Parlement européen a envoyé une délégation au Soudan du 19 au 24 février 2004,
B. considérant qu'au cours d'une attaque survenue le 27 février 2004 dans la région de Tawilah, dans la partie septentrionale du Darfour, 30 villages ont été réduits en cendres, plus de 200 personnes ont été tuées, plus de 200 femmes et jeunes filles violées et 150 femmes et enfants enlevés,
C. considérant que, le 22 mars 2004, Mukesh Kapila, coordinateur de l'action humanitaire des Nations unies au Soudan, a attiré l'attention sur la situation au Darfour, la décrivant comme une des pires du monde, dans la mesure où l'on dénombre quelque 700 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays, 110 000 réfugiés au Tchad voisin et plus de 10 000 décès depuis le début de la rébellion, en février 2003,
1. se félicite des progrès des négociations relatives à un accord de paix menées entre le gouvernement soudanais et le Mouvement/Armée de libération du peuple soudanais (M/ALPS) à Naivasha, au Kenya;
2. souligne l'importance politique du processus de paix entre le gouvernement soudanais et le M/ALPS, qui devrait aboutir à l'arrêt d'un des conflits les plus longs observés en Afrique, conflit qui a fait près de 2 millions de victimes et a été à l'origine du déplacement de 4 millions de personnes;
3. souligne cependant que la paix au Soudan ne pourra être considérée comme réalisée que lorsque toutes les parties au conflit dont le pays est le théâtre accepteront et respecteront un cessez-le-feu et lorsque des processus de paix associant chefs de communauté et chefs tribaux, parlementaires, société civile et groupes de femmes, de même que les groupes belligérants auront été engagés et menés à bien, notamment au Darfour;
4. demande au gouvernement soudanais et au M/ALPS de finaliser l'accord de paix dans les meilleurs délais;
5. demande à toutes les parties au conflit au Darfour d'approuver sans retard un cessez-le-feu immédiat et d'ouvrir des négociations pour mettre fin au conflit dans la région;
6. se félicite de l'annonce faite récemment de pourparlers entre le gouvernement soudanais et les rebelles; appuie l'initiative du gouvernement néerlandais, agissant pour la présidence du Conseil au Soudan, de faciliter les pourparlers entre les différentes parties au conflit et demande à l'Union d'apporter tout le soutien possible, à travers la communauté internationale, à cette initiative et de faire en sorte que le cessez-le-feu fasse l'objet d'un contrôle multilatéral et que toutes les parties concernées, notamment les chefs de communauté et les chefs tribaux, les groupes de femmes, les parlementaires et la société civile participent au processus de paix;
7. demande à la Commission et aux États membres de suivre de près la situation au Darfour, de prendre les mesures nécessaires pour apporter une solution pacifique au problème et de respecter les principes inscrits dans l'accord de Cotonou, notamment en ce qui concerne le respect des droits de l'homme, les principes démocratiques et l'État de droit;
8. se félicite du climat de détente observé au mont Nouba à la suite de l'application du cessez-le-feu, ainsi que de la reprise partielle de la libre circulation des personnes entre la zone sous contrôle gouvernemental et celle sous contrôle du M/ALPS;
9. est d'avis que l'Union devrait, le cas échéant, appuyer une mission de soutien de la paix des Nations unies, à approuver par le Conseil de sécurité, et qu'elle pourrait jouer un rôle de maintien de la paix et de contrôle mais que ce rôle doit être adapté aux besoins et reconnaître le succès de l'action de la commission militaire mixte "light touch" dans les monts Nouba;
10. demande au gouvernement soudanais et au M/ALPS d'élargir la portée de l'accord une fois que celui-ci aura été conclu, dans un esprit d'unité nationale, pour assurer le développement du pays tout entier ainsi que la répartition de la richesse, en ce compris les recettes du pétrole et les avantages pour toutes les régions du pays;
11. demande aux compagnies pétrolières exerçant leurs activités au Soudan de veiller à ce que les personnes déplacées à la suite de l'exploitation du pétrole dans le passé aient le droit de rentrer chez elles et bénéficient du remboursement intégral de leurs frais de déménagement et de retour ou de relogement et de respecter pleinement l'initiative de transparence des industries extractives et les principes de sécurité volontaires internationaux; invite la Commission à s'assurer de cela dans le contexte de sa politique en matière de responsabilité sociale des entreprises;
12. reconnaît l'importance d'une reprise rapide de l'aide au développement de l'Union, une fois l'accord de paix signé, et de l'instauration d'un cessez-le-feu contrôlé au Darfour, parallèlement à l'ouverture de négociations, mais réclame une libération par étape des fonds du FED en fonction des progrès généraux accomplis en matière de démocratie et de respect des droits de l'homme au Soudan, notamment:
—
l'arrêt de la campagne d'épuration ethnique menée par le gouvernement dans la région du Darfour et le rétablissement d'un accès de l'aide humanitaire sans restriction aux populations en danger de la région,
—
la nomination d'un ordonnateur délégué national pour la partie sud du pays, doté de pleins pouvoirs sur le modèle de ce qui s'est fait à Zanzibar en Tanzanie,
—
un appel plus large aux Nations unies et aux ONG internationales pour la fourniture de l'aide,
—
des critères précis, basés sur ceux déjà mis en place dans le contexte du dialogue politique UE/Soudan, en ce qui concerne la démocratie, les droits de l'homme et la bonne gouvernance, les progrès dans ces domaines devant être évalués pour rendre possible la libération progressive des ressources disponibles,
—
un recours maximal aux lignes budgétaires horizontales et la facilitation du transfert de ressources de l'enveloppe A à l'enveloppe B pour les dépenses liées à l'établissement de la paix avant la signature, à l'effet de réduire à l'avenir les retards d'exécution,
—
la convocation d'une conférence internationale des ONG exerçant leurs activités au Soudan pour examiner les problèmes de capacité relatifs à la fourniture de l'aide à l'avenir;
13. invite la Commission à veiller dans toute la mesure du possible à une transition sans à-coups entre aide humanitaire, réhabilitation et développement; juge indispensable que les interventions de réhabilitation et de reconstruction soutenues par le FED soient coordonnées avec les interventions d'aide soutenues au moyen des ressources d'ECHO; estime par ailleurs que lorsque des actions humanitaires présentent une composante de développement, la Commission devrait œuvrer en vue de leur poursuite par le FED;
14. exprime sa consternation face aux blessures graves subies par un membre d'une ONG assurant une distribution de nourriture financée par la Communauté, qui a été victime d'une mine terrestre le 5 février 2004, et souligne l'importance des programmes de déminage sur tout le territoire du Soudan;
15. invite les autorités soudanaises à mettre fin à l'impunité des agents du gouvernement et du personnel militaire et à traduire en justice les auteurs de violations des droits de l'homme et d'autres crimes, notamment les militaires, qui sont ou peuvent être mêlés aux viols et meurtres, trafic d'armes notamment avec le Lord's Resistance Army (LRA), vols de bétail et pillage;
16. demande au gouvernement soudanais, au Mouvement de libération du Soudan et au Mouvement pour la justice et l'égalité de s'engager dans la voie du dialogue et de la négociation et de s'abstenir de recourir directement ou indirectement à la lutte armée pour défendre leurs intérêts;
17. critique les manœuvres dilatoires et l'obstruction systématiques du gouvernement du Soudan en ce qui concerne l'accès du personnel humanitaire, au mépris du principe de neutralité de cette dernière, et demande au gouvernement soudanais et aux groupes rebelles opérant au Darfour d'autoriser les Nations unies, les autres organisations d'aide et le personnel de la Communauté à accéder sans délai, en permanence et sans restriction à toutes les régions du Darfour; demande par ailleurs au gouvernement soudanais de prendre des dispositions pour assurer la sécurité du personnel s'occupant de l'aide humanitaire et des personnes déplacées dans les camps installés dans les régions contrôlées par le gouvernement;
18. souligne les preuves écrasantes rassemblées par le coordinateur humanitaire des Nations unies, les ONG et les journalistes quant à la complicité du gouvernement soudanais dans les atrocités commises par la milice Janjaweed contre des civils au Darfour;
19. note avec la plus vive inquiétude les propos tenus récemment par M. Mukesh Kapila, coordinateur humanitaire des Nations unies, qui a indiqué que la situation au Darfour devait être considérée comme la crise ou la catastrophe humanitaire et des droits de l'homme la plus grave à l'heure actuelle sur la planète, la violence au Darfour apparaissant systématique et ciblée en particulier sur un groupe ethnique déterminé;
20. condamne vivement la fourniture d'un soutien financier, logistique ou autre à la milice Janjaweed par le gouvernement du Soudan, notamment le bombardement aveugle de civils, les 8 et 12 mars 2004, et demande au gouvernement d'interrompre toute aide à cette milice, de faire le nécessaire pour la démanteler et de mettre fin aux attaques de civils;
21. demande qu'une zone interdite au trafic aérien soit mise en place immédiatement au-dessus du Darfour, sous le contrôle des Nations unies, et demande que le gouvernement soudanais immobilise sans délai tous les avions au sol;
22. se déclare vivement préoccupé par le fait qu'au moins un million de personnes ont été touchées par les violences qui ont sévi récemment au Darfour, lesquelles ont été à l'origine du départ de 110 000 réfugiés au Tchad et de l'apparition de quelque 700 000 déplacés internes;
23. demande au gouvernement soudanais de protéger les habitants des villages, de faire en sorte que les déplacés internes soient hébergés en des lieux sûrs où ils aient accès aux services nécessaires, à des moyens de vivre et à une aide, et de mettre fin à sa politique d'expulsion des habitants du Darfour de leurs habitats ruraux vers le Tchad et les centres urbains de la région;
24. condamne vivement le fait que les milices Janjaweed prennent pour cible des civils dans les villages et dans les centres pour personnes déplacées, en ce compris le meurtre, le recours aux violences sexuelles contre les femmes, le pillage et le harcèlement ainsi que l'enrôlement forcé, notamment d'enfants;
25. exprime sa plus vive inquiétude face aux informations persistantes faisant état de disparitions, d'enlèvements et de viols, qui constituent incontestablement des violations du droit international et s'assimilent à des crimes de guerre;
26. demande à toutes les parties au conflit de s'abstenir d'enrôler et d'utiliser des enfants soldats âgés de moins de 18 ans;
27. demande aux Nations unies de désigner un représentant spécial du Secrétaire général au Soudan, qui serait chargé de suivre la situation au Darfour et de superviser une enquête approfondie sur les atrocités commises par ces milices contre des civils et de traduire les auteurs de ces actes en justice;
28. demande à l'Union et aux autres donateurs de tout mettre en œuvre sur le plan humanitaire afin de réparer les dégâts occasionnés par les combats au Soudan et dans les pays voisins, notamment au Tchad, ainsi que protéger et aider les personnes déplacées et les réfugiés;
29. invite les gouvernements du Tchad, de la Libye et de la République centrafricaine à contrôler plus étroitement le trafic des armes légères dans la région;
30. se félicite de l'amélioration des relations entre le Soudan et l'Ouganda; demande au gouvernement soudanais de tout mettre en œuvre pour empêcher le groupe terroriste LRA de Joseph Kony d'exercer ses activités à partir du Soudan;
31. constate avec inquiétude que les sanctions dont la charia punit l'adultère sont principalement défavorables aux femmes, les exigences en matière de preuves n'étant pour ainsi dire jamais remplies dans le cas des hommes alors qu'une femme enceinte est automatiquement considérée comme coupable;
32. condamne des pratiques de flagellation et d'amputation ainsi que tous les châtiments corporels en usage au Soudan et fait observer que ceux-ci sont en contradiction avec les obligations auxquelles le Soudan a souscrit dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu'avec les critères en matière de droits de l'homme convenus dans le contexte du dialogue politique UE/Soudan;
33. considère que l'application de certains éléments de la charia est contraire au droit international, notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques dont le Soudan est signataire;
34. demande aux autorités soudanaises de réformer le système de détention prolongée pour amendes impayées (infligées dans de très nombreux cas à des femmes condamnées pour fabrication d'alcool) et de faire en sorte que les personnes placées en détention provisoire soient jugées rapidement et de manière équitable et à ce que les droits de la défense soient respectés, conformément à l'article 32 de la Constitution;
35. attire l'attention sur l'absence presque totale de liberté de parole, de médias libres ou d'infrastructures indépendantes en ce qui concerne les droits de l'homme au Soudan et invite les autorités soudanaises à revoir, conformément aux instruments internationaux qu'elles ont signés, les méthodes de travail et les principes qui régissent les unités de police ou militaires spéciales, le service de renseignements militaire et la sécurité interne, par exemple le bureau de sécurité nationale mis en place pendant la guerre, et ce dès que l'accord de paix aura été conclu;
36. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au gouvernement du Soudan, aux gouvernements des États membres, des États-Unis et de la Norvège ainsi qu'aux gouvernements des pays voisins du Soudan, au Secrétaire général des Nations unies, aux coprésidents de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE et au Conseil ACP.