— vu sa résolution du 4 décembre 2003 sur le rapport de la Commission relatif à l'évaluation des activités de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF)(1), sa résolution du 29 janvier 2004 sur les mesures prises par la Commission pour donner suite aux observations figurant dans la résolution qui accompagne la décision de décharge sur l'exécution du budget général de l'Union européenne pour l'exercice 2001(2) et sa résolution du 21 avril 2004(3) concernant la décharge pour l'exercice 2002,
— vu le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le suivi des décharges de 2001 (COM(2003) 651 – C5-0536/2003),
— vu l'article 276 du traité CE,
— vu l'article 147 du règlement financier,
— vu l'article 37, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que le Parlement a, dans sa résolution du 8 avril 2003(4) concernant la décharge pour l'exercice 2001, fait état d'un certain nombre de préoccupations concernant la gestion financière au sein d'Eurostat,
B. considérant que, devant l'insistance du Parlement et suite à divers articles parus dans la presse au printemps 2003, la Commission a lancé une enquête interne au sein d'Eurostat, dont les résultats ont été communiqués au Parlement le 8 juillet 2003, assortis d'un certain nombre de mesures d'urgence, dont la suspension de contrats et de hauts responsables dans l'attente d'une enquête plus approfondie,
C. considérant que trois enquêtes parallèles ont été ouvertes par un groupe de travail interne à la Commission, par le service d'audit interne et par l'OLAF, dont les résultats lui ont été soumis à la fin du mois d'octobre 2003,
D. considérant que le Président Prodi a annoncé au Parlement, en décembre 2003, la mise en place d'un plan d'action dans le cadre du débat annuel sur le programme législatif de la Commission, qui a été exposé dans le détail par le commissaire Solbes en février 2004,
E. considérant que l'OLAF a clos à ce jour un certain nombre d'enquêtes sur des aspects spécifiques de l'affaire Eurostat et transmis certains dossiers au ministère public au Luxembourg et en France, plusieurs autres dossiers étant encore à l'examen,
1. rappelle les conclusions et recommandations contenues dans sa résolution du 29 janvier 2004, qui ont principalement trait aux suites données à l'affaire Eurostat, et notamment au rôle positif des informateurs dans la mise au jour d'irrégularités, à l'existence de rapports d'audit interne exposant de façon détaillée des pratiques financières erronées, ainsi qu'aux déficiences constatées dans la communication et le traitement de ces informations au sein et entre les divers services de la Commission, ce qui explique que le problème ait pu demeurer ignoré plusieurs années durant;
2. déplore la médiocrité de la réponse reçue à ce jour à la question orale (O-0067/03) présentée en octobre dernier et à sa résolution du 29 janvier 2004; demande à la Commission de présenter une évaluation écrite complète, le 31 juillet 2004 au plus tard, du scandale Eurostat, reprenant tous les rapports de l'OLAF, et notamment la réponse tardive des commissaires aux avertissements et à la mauvaise circulation de l'information au sein de la Commission;
3. félicite le service d'audit interne de la Commission et la structure d'audit interne d'Eurostat pour la qualité et la minutie de leurs travaux; juge cependant inacceptables l'extrême lenteur, les réticences et les hésitations dont la Commission a fait preuve dans la transmission au Parlement de ces rapports d'importance capitale; demande à la Commission d'envisager la publication intégrale de ces documents ou, à tout le moins, de versions rendues anonymes;
4. constate que, de 1999 à 2003, des infractions au règlement financier ont été commises à Eurostat et que l'encadrement d'Eurostat n'a pas réagi aux rapports établis par les services d'audit interne en prenant les mesures énergiques qui s'imposaient, ni informé clairement ses supérieurs hiérarchiques des irrégularités qui se sont produites; souligne que, si certaines modifications des règles apparaissent souhaitables, le problème ne réside pas dans l'absence de bonnes règles, mais bien dans la mise en œuvre peu satisfaisante des règles existantes;
5. accueille favorablement, en principe, le plan d'action d'Eurostat pour 2004 et la proposition de la Commission d'un nouveau réglement OLAF (10 janvier 2004);
6. souligne que l'affaire a mis en évidence de graves déficiences dans les méthodes de travail tant de la Commission que de l'OLAF; estime que l'affaire Eurostat a été révélatrice de graves lacunes dans le système de gestion des contrôles internes de la Commission et que le fait que la Commission ait manqué d'y apporter des réponses convaincantes nuit à la crédibilité du système dans son ensemble;
Commission
7. estime que la Commission n'a pas tiré les leçons de l'affaire Eurostat et que, contrairement à ce à quoi elle s'était engagée en début de mandat, elle n'a pas assumé collectivement ni individuellement les responsabilités politiques qui étaient les siennes;
8. constate que les rapports obtenus jusqu'à présent sur l'affaire Eurostat ont montré:
—
qu'il n'y a pas eu de réaction politique réelle aux déclarations publiques de l'OLAF concernant ses enquêtes sur Eurostat (juillet 2002) ni de la part du commissaire responsable d'Eurostat, ni de la part du commissaire responsable des questions budgétaires;
—
que nul n'a eu une vue d'ensemble des éléments de preuve au fur et à mesure de leur accumulation;
—
que le Secrétaire général n'a transmis aucune information, même très vague, communiquée par l'OLAF à un quelconque responsable politique;
—
que les cabinets des commissaires ont ignoré ou rejeté les informations parvenues jusqu'à eux;
9. reconnaît que les problèmes datent d'avant 1999, mais estime que l'actuelle Commission n'a pas prévu, en temps utile, les mesures qui s'imposaient pour les identifier et remédier à la situation;
10. estime que, malgré les efforts déployés par la Commission en vue d'améliorer les relations entre les commissaires et les services, l'affaire Eurostat a révélé un manque de transparence et de communication entre la direction d'Eurostat et les services horizontaux de la Commission, ainsi qu'entre Eurostat et le commissaire compétent;
11. estime que tout ceci démontre qu'il a été fait peu de cas des systèmes et méthodes devant permettre aux commissaires eux-mêmes d'assumer leurs responsabilités politiques dans la lutte contre la fraude et la mauvaise gestion;
12. rappelle aux commissaires qu'ils sont responsables des actions fautives des agents dans leurs services (Comités d'experts indépendants, 1999, et Code de conduite des commissaires, 1999); considère que les commissaires ne peuvent être dégagés de leurs responsabilités sous prétexte qu'ils n'auraient pas eu des informations suffisantes;
13. déplore l'absence de propositions visant à introduire des modifications structurelles dans les relations entre les commissaires et les directeurs généraux, et considère qu'il est capital de clarifier le rôle prépondérant des commissaires ainsi que les responsabilités politiques qui leur incombent; observe que les propositions formulées par la Commission dans le dernier rapport de suivi prévu par le Livre blanc de mars 2000 sur la réforme de son administration ne vont pas assez loin en ce sens;
14. attire l'attention, en particulier, sur les questions relatives à la responsabilité politique que cette situation soulève en matière de gestion financière et administrative, ainsi que les carences des systèmes de contrôle dans certains services; invite la Commission à présenter des propositions visant à modifier le code de conduite des commissaires et à introduire des modifications structurelles dans les relations entre les commissaires et les directeurs généraux, de façon à ce que le concept de responsabilité politique des commissaires pour les services placés sous leur autorité prenne tout son sens; estime qu'il est essentiel que le Président de la Commission dispose d'instruments lui permettant de veiller à l'application des dispositions de ce code;
15. invite l'un des membres du Collège à assumer la responsabilité, comme ce fut le cas dans le passé, de la coordination de la lutte contre la fraude et la mauvaise gestion, en mettant plus particulièrement l'accent sur:
—
le service d'audit interne,
—
l'examen minutieux, la vérification et le contrôle du suivi de tous les rapports d'audit interne préparés par les services d'audit des directions générales et des rapports d'évaluation de la gestion des programmes,
—
le comité de suivi des audits,
—
les relations avec l'OLAF,
—
les relations avec la Cour des comptes européenne,
—
les relations avec d'autres commissaires travaillant sur des questions budgétaires;
16. estime que chaque membre de la Commission doit répondre des services placés sous son autorité et faire en sorte que les objectifs desdits services soient réalisés dans le plein respect des principes de la bonne gestion financière; réaffirme que tous les commissaires doivent accorder la priorité à la lutte contre la fraude et la mauvaise gestion au sein des directions générales dont ils ont la responsabilité; se propose de tenir compte de l'engagement des candidats commissaires à cet égard lors des auditions des nouveaux commissaires;
17. demande par conséquent que, dans le cabinet de chaque commissaire, un conseiller soit spécialement chargé, en plus de ses autres attributions, d'assister son/sa commissaire sur les questions relatives au contrôle budgétaire dans les directions générales placées sous sa responsabilité et de coopérer avec le cabinet du commissaire responsable des questions budgétaires;
18. se déclare une nouvelle fois convaincu que les commissaires doivent s'impliquer plus directement et plus activement dans le contrôle des activités de leurs services et assumer la responsabilité des échecs aussi bien que des succès; fait donc part de son intention de demander à la future Commission de rendre compte de ses omissions aussi bien que de son action;
Procédures internes
19. rappelle que la réforme administrative fut un des objectifs principaux de l'actuelle Commission, que le Livre blanc "Réforme de la Commission" (COM(2000) 200) fut approuvé le 1er mars 2000 et que la Commission s'est engagée à mettre en œuvre un programme ambitieux visant à renforcer l'indépendance, la responsabilité, l'efficacité, la transparence et la mise en œuvre des règles le plus élevées de responsabilité; fait observer que:
—
des progrès considérables, et absolument indispensables, ont été enregistrés;
—
il importe de s'atteler à l'élimination des obstacles potentiels à la réforme;
20. rappelle que la réforme insiste particulièrement sur la décentralisation des contrôles financiers, ce qui rend d'autant plus nécessaire la mise en œuvre de formes plus appropriées et plus facilement vérifiables de surveillance centrale de la gestion des systèmes de contrôle en vigueur dans les divers services;
21. est d'avis que l'affaire Eurostat a mis en lumière la nécessité de revoir les relations existant entre les divers acteurs impliqués et entre les membres de la Commission à titre individuel et la Commission en tant que collège, ainsi que le fonctionnement de la chaîne de responsabilités, afin que des progrès puissent être accomplis non seulement dans le domaine de la gestion financière, mais aussi dans la structure de gouvernance de la Commission;
22. demande que les rapports d'activité annuels élaborés par les directeurs généraux reflètent leurs responsabilités en tant qu'ordonnateurs, comme le prévoit le règlement financier; demande que le rapport de synthèse reprenne tous les aspects essentiels des différents rapports annuels d'activité/déclarations d'assurance;
23. estime, en ce qui concerne les circuits utilisés pour diffuser les demandes des commissaires et les réponses émises par les services, que ces réponses (lorsqu'elles touchent à des thèmes jugés sensibles) devraient systématiquement être transmises par le Directeur général au commissaire concerné lui-même, et pas seulement à son chef de cabinet;
24. déplore la pratique qui avait précédemment cours à Eurostat et à l'OPOCE, consistant à créer des enveloppes financières; demande à la Commission d'agir rapidement, de procéder à des investigations pour déterminer si d'autres services de la Commission ont pu se livrer à des pratiques analogues et de prendre toute mesure appropriée pour établir la vérité quant à l'étendue réelle du système et à l'utilisation finale des fonds contenus dans ces enveloppes financières;
Suites données à l'affaire Eurostat
25. prend note des mesures prises à ce jour pour remédier à la situation dans ce service de la Commission; se félicite en particulier des initiatives suivantes:
—
la révision approfondie de tous les contrats et subventions attribués à des organismes extérieurs et l'annulation de tous les renouvellements automatiques de contrats;
—
la révision complète des relations établies entre Eurostat et les offices statistiques nationaux, y compris les subventions qui n'ont pas été correctement analysées durant plusieurs années;
—
la réduction draconienne du nombre des publications;
—
la politique d'internalisation, ce qui signifie que les travaux statistiques seront à nouveau exécutés en interne, conformément aux recommandations formulées dans les rapports de la structure d'audit interne d'Eurostat et aux demandes présentées dans la résolution précitée du Parlement concernant la décharge pour l'exercice 2001;
—
la libre publication de statistiques via son site internet;
—
une meilleure formation en matière de gestion financière;
26. est d'avis que la nouvelle structure administrative d'Eurostat devrait être soumise, après la clôture des enquêtes de l'OLAF, à un audit administratif et de gestion indépendant, et demande en particulier l'élaboration, durant le mandat actuel de la Commission, d'un rapport de suivi qui permettra de savoir si les recommandations précédemment formulées par le service d'audit interne de la Commission et la structure d'audit interne d'Eurostat ont été respectées;
27. estime que, dans le cas d'Eurostat, la dépendance à l'égard d'organismes externes était excessive; se félicite, à cet égard, de l'engagement qui a été pris d'effectuer en interne la plus grande partie des tâches d'Eurostat et de réexaminer la nature de tous les contrats conclus avec des consultants externes liés à Eurostat;
28. demande, en outre, à la Commission de remédier à la situation des petites firmes sous-traitantes involontairement impliquées dans l'affaire;
Règlement financier
29. invite la Commission à remédier, soit par une révision des dispositions d'application, soit par des mesures législatives/procédurales spécifiques, à toute faiblesse identifiée dans le nouveau règlement financier qui pourrait exposer le budget communautaire au risque de fraude; recommande que toute mesure de ce type soit envisagée en conjonction avec la révision prévue du règlement sur l'OLAF;
OLAF
30. souligne l'importance dévolue au fonctionnement sans entraves d'un organe antifraude indépendant lorsqu'il s'agit de mener des enquêtes complexes et sensibles; réaffirme que l'OLAF doit être, sur le plan institutionnel, indépendante de la Commission et secondée par une instance légalement chargée d'assurer une supervision adéquate de ses opérations en garantissant la confidentialité des données et la protection des personnes faisant l'objet d'une enquête;
31. souligne que le Secrétaire général de la Commission devrait être tenu d'informer directement le commissaire responsable de la DG concernée de toute enquête interne dont il pourrait avoir connaissance par l'intermédiaire de l'OLAF, même si les informations communiquées sont concises; estime que le commissaire concerné doit s'engager à ne pas divulguer, en dehors du Collège des commissaires, les informations confidentielles qui pourraient lui être confiées;
Organes interinstitutionnels
32. estime qu'il est particulièrement difficile, comme le prouve l'affaire de l'Office des publications officielles des Communautés Européennes (OPOCE), d'établir des responsabilités politiques claires au sein d'organes interinstitutionnels; invite dès lors les institutions à réexaminer les dispositions régissant les organes interinstitutionnels en place sans pour autant remettre en cause le principe de la collaboration interinstitutionnelle;
Actions futures
33. reconnaît que l'affaire Eurostat a sérieusement écorné, aux yeux des citoyens, le processus de réforme administrative de la Commission; prend acte, toutefois, du fait que toutes les actions spécifiques visées par le Livre blanc susmentionné ont été approuvées; invite instamment la Commission à veiller à leur mise en œuvre intégrale et approfondie dans tous ses services, agences et organes satellites, afin d'empêcher à jamais que des affaires comme celles d'Eurostat puissent se reproduire;
34. envisage d'analyser systématiquement tous les rapports relatifs à l'enquête portant sur Eurostat, promis par l'OLAF et exigés à maintes reprises par le Parlement et, dernièrement, dans sa résolution du 17 décembre 2003(5), dans laquelle il invitait l'OLAF à "soumettre ses rapports finaux au Parlement européen dans les meilleurs délais et au plus tard le 15 janvier 2004"; réaffirme son intention de poursuivre sa surveillance et d'examiner attentivement l'évolution des enquêtes en cours sur Eurostat et des poursuites éventuelles, en vue de proposer de nouvelles réformes, si besoin est;
o o o
35. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil et à la Cour des comptes.