Résolution du Parlement européen sur la situation en matière de droits de l'homme et de démocratie dans la République islamique du Pakistan
Le Parlement européen,
— vu l'accord de coopération commerciale conclu entre la Communauté économique européenne et la République islamique du Pakistan le 21 juin 1976 (règlement du Conseil (CEE) no 1503/76)(1),
— vu l'accord de coopération commerciale, économique et de développement conclu entre la Communauté économique européenne et la République islamique du Pakistan le 22 avril 1986 (règlement du Conseil (CEE) no 1196/86)(2),
— vu la décision du Conseil du 15 juillet 1996 par laquelle celui-ci autorisait la Commission à entamer des négociations avec le Pakistan aux fins de conclusion d'un accord de coopération entre la Communauté européenne et la République islamique du Pakistan en matière de partenariat et de développement (également appelé accord de coopération de troisième génération (8108/1999 - COM(1998) 357 - C5-0659/2001))(3) et d'adoption de directives à cet effet,
— vu le fait que, alors que le texte avait été établi le 22 avril 1998, la signature a été reportée à plusieurs reprises en raison des essais nucléaires menés par le Pakistan, des violations des droits de l'homme dans ce pays, des combats de Kargil et de la prise du pouvoir par les forces armées le 12 octobre 1999,
— vu le fait que l'accord a été finalement signé par le président Moucharraf, par M. Verhofstadt, Président du Conseil, et par M. Prodi, Président de la Commission, à Islamabad le 24 novembre 2001,
— vu l'article 1er de cet accord, qui stipule que le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques constitue un élément essentiel de l'accord,
— vu ses nombreuses résolutions antérieures sur les droits de l'homme, et en particulier ses résolutions des 25 avril 2002(4) et 10 février 2004 (5),
— vu le coup d'État militaire de 1999 perpétré sous la direction du général Pervez Moucharraf, qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu de Nawaz Sharif,
— vu la décision ultérieure de la Cour suprême selon laquelle le général Moucharraf devait préparer le pays au retour à la démocratie dans un délai de trois ans, en respectant une feuille de route relative au rétablissement de la démocratie,
— vu le référendum du 30 avril 2002, qui visait à reconfirmer le président-général Moucharraf au pouvoir pour cinq années supplémentaires, référendum qui a été critiqué à la fois comme inconstitutionnel et pour avoir donné lieu à une fraude électorale massive,
— vu les élections législatives qui ont eu lieu au Pakistan le 10 octobre 2002 et qui ont été considérées par la mission d'observation électorale de l'UE comme entachées de sérieuses irrégularités,
— vu l'exclusion constante du Pakistan des conseils de décision du Commonwealth,
— vu les résultats positifs du sommet de l'ASACR qui s'est tenu à Islamabad en janvier 2004,
— vu l'article 37, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant qu'un certain nombre de questions clés, concernant la mesure dans laquelle le Pakistan respecte les principes démocratiques et les droits de l'homme, continuent de susciter des préoccupations,
B. considérant que le Parlement européen a énergiquement et constamment soutenu les clauses relatives aux droits de l'homme dans les accords de commerce et de coopération et qu'il estime que le meilleur moyen d'exercer une pression sur le Pakistan pour que celui-ci améliore ses performances en matière de droits de l'homme et accomplisse des progrès nettement plus importants en ce qui concerne le rétablissement de la démocratie consiste à maintenir les possibilités de dialogue dans tous les domaines envisageables,
C. considérant que, dans le cadre de la coopération au développement avec le Pakistan, l'Union européenne fournit des financements importants au Pakistan pour la lutte contre la pauvreté et pour le développement du secteur social; qu'il existe un certain nombre d'accords sectoriels entre la Communauté européenne et le Pakistan; que l'UE a signé, durant la visite effectuée par la Troïka à Islamabad en février 2004, un accord aux termes duquel elle contribue à hauteur de cinq millions d'euros à un programme de coopération relatif à l'aide technique liée au commerce en faveur du Pakistan,
D. considérant que l'accord de coopération de troisième génération actuellement en cours de discussion ne comporte pas d'incidences financières directes, mais qu'il fournirait au général Moucharraf une reconnaissance internationale accrue pour les mesures qu'il a prises et encouragerait de nouveaux progrès vers le rétablissement de la démocratie,
1. reconnaît la difficile décision prise par le Pakistan de se joindre à la communauté internationale dans sa lutte contre le terrorisme et le rôle important qu'il joue dans le renforcement de la sécurité mondiale; prend acte des mesures résolues - mais impopulaires sur le plan intérieur - prises récemment par le Pakistan à l'encontre d'Al Qaida et des talibans qui sont réapparus au Waziristan;
2. prend acte du souhait de l'UE d'approfondir et d'élargir ses relations avec le Pakistan; est convaincu que la meilleure manière d'y parvenir est que le Pakistan accomplisse des progrès dans le domaine des droits de l'homme et de la démocratie;
3. attire l'attention sur le processus des élections législatives de 2002, qui a été largement jugé frauduleux; se déclare également préoccupé par les résultats des négociations sur l'Ordonnance sur le cadre juridique qui ont eu pour conséquence que l'administration du président Moucharraf a mis sur la touche les principaux partis d'opposition et que le système de gouvernement du Pakistan, naguère parlementaire, a été transformé en un régime présidentiel, dans le cadre duquel le président possède le pouvoir de dissoudre le parlement;
4. regrette que les forces armées continuent d'exercer une forte influence sur la politique et le gouvernement au Pakistan et est vivement préoccupé par le fait que la création, sanctionnée par l'Ordonnance sur le cadre juridique, d'un Conseil national de sécurité - qui, selon le rapport annuel sur les droits de l'homme pour 2003 du ministère américain des affaires étrangères, légitimera le rôle des forces armées dans la politique - est totalement contraire à l'esprit de la feuille de route visant le rétablissement de la démocratie, qui prévoyait que le pouvoir serait transféré des forces armées à une administration civile;
5. est extrêmement choqué par les atteintes graves et récurrentes aux droits de l'homme commises au Pakistan, notamment par le traitement réservé aux femmes (meurtres "d'honneur" et lois Hudood), le travail des enfants, le sort des minorités religieuses (y compris celui de la communauté Ahmadi et de la minorité chrétienne, qui ont déjà fait l'objet de persécutions au titre des lois sur le blasphème) et celui des journalistes, ainsi que par les problèmes sérieux en matière de liberté d'expression et de réunion et par ceux que posent les arrestations arbitraires; a exprimé en plusieurs occasions ses protestations contre l'emprisonnement de Javed Hashmi, dirigeant du parti d'opposition Alliance pour la Restauration de la Démocratie, accusé d'avoir critiqué l'armée; est horrifié d'apprendre qu'il a été à présent condamné à 23 années de détention,
6. prend acte des mesures prises pour réglementer les "madrassas", ou écoles religieuses, mais regrette que cette politique ne soit que peu appliquée, le gouvernement Moucharraf ayant publiquement assuré au clergé qu'il n'interviendrait pas dans les affaires intérieures des madrassas;
7. constate que, alors que le président Moucharraf souhaitait sévir contre le terrorisme et la culture du "djihad" et que, après le 11 septembre 2001, il avait interdit de nombreux groupes extrémistes, ceux-ci ont tout simplement refait surface sous des noms différents et leurs dirigeants n'ont pas été poursuivis au titre de la loi antiterroriste;
8. attire l'attention sur la profonde inquiétude de la communauté internationale concernant le rôle du Pakistan dans la prolifération d'armes nucléaires, au sujet duquel les déclarations et les preuves contre le Pakistan se précisent de jour en jour; souligne, tout en reconnaissant que le président Moucharraf a eu raison d'insister sur la nécessité de mener des enquêtes approfondies et qu'il a encore raison lorsqu'il affirme que l'"incident" de Khan s'est produit en raison de la nature secrète du programme nucléaire militaire pakistanais, que ce même président Moucharraf (de même que le reste du monde) devrait également reconnaître que la prolifération nucléaire s'est produite parce que le programme nucléaire était sous le contrôle - totalement injustifiable - des forces armées;
9. exige du Pakistan un complément d'informations sur l'essai nucléaire du 30 mai 1998 au Belouchistan, à la suite duquel des traces de plutonium ont été constatées, et dont certains pensent qu'il s'est agi d'un essai conjoint pour la mise au point de l'arme nucléaire par la Corée du Nord;
10. reconnaît aussi bien l'initiative courageuse prise par le Pakistan pour normaliser ses relations avec l'Inde que la réaction également positive de cette dernière; se félicite donc du dégel qui s'en est ensuivi dans les relations entre les deux pays, rendant les perspectives de résolution du problème du Cachemire bien meilleures qu'elles ne l'avaient été depuis des années;
11. rappelle que des procès et condamnations pour motifs politiques ne sauraient être tolérés; exige par conséquent la libération immédiate du leader de l'opposition Javed Hashmi;
12. prend acte du fait que le Pakistan a pris un certain nombre de mesures pour répondre à certaines des préoccupations exprimées ci-dessus; souligne toutefois qu'il convient de ne pas oublier des sujets de préoccupation majeurs concernant la démocratie, les droits de l'homme, la situation des femmes, des enfants et des minorités, la liberté d'expression, la question de la prolifération nucléaire et le rôle des forces armées dans la polémique à ce sujet ainsi que dans la vie politique du Pakistan en général, ou encore l'attitude permissive à l'égard des extrémistes;
13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements des États membres ainsi qu'au gouvernement pakistanais.