Résolution du Parlement européen sur la sécheresse en Espagne
Le Parlement européen,
— vu les articles 2 et 6 du traité CE, selon lesquels les exigences en matière de protection de l'environnement doivent être intégrées dans les politiques communautaires dans différents secteurs en vue d'un développement économique durable du point de vue environnemental,
— vu l'article 174 du traité CE,
— vu le Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques du 11 décembre 1997 et l'approbation de ce protocole par la Communauté européenne intervenue le 25 avril 2002 par décision du Conseil(1),
— vu le rapport de la Commission n°21553 de mars 2005 sur les changements climatiques et la dimension européenne de l'eau,
— vu l'article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que l'Europe méridionale et la péninsule Ibérique, en particulier, ont été frappées par nombre de sécheresses et de gels graves, lesquels ont détruit de nombreuses cultures d'arbres fruitiers, d'oliviers, de plantes herbacées, de produits de l'horticulture, de fleurs et causé par ailleurs de graves préjudices à l'élevage, ainsi qu'à l'industrie de transformation,
B. considérant que la période comprise entre novembre 2004 et mars 2005 a été la plus sèche en Espagne depuis 1947 et que, à la date du 31 mars 2005, le volume d'eau accumulée au cours des sept derniers mois était de 37 % inférieur à la moyenne habituelle enregistrée au cours de la même période; considérant que les réserves d'eau espagnoles ne sont remplies qu'à 60 % de leur capacité normale,
C. considérant que le gel subi pendant la période comprise entre janvier et mars 2005 a atteint les niveaux les plus bas enregistrés en vingt ans en Espagne, détruisant les plantations de millions d'oliviers et d'arbres fruitiers et causant des pertes importantes dans d'autres productions agricoles,
D. considérant qu'après le gel, la sécheresse persiste en Espagne et qu'une telle situation de sécheresse extrême accroît de manière inquiétante le risque d'incendies de forêts; considérant que, dans certaines communautés autonomes, le risque de départs de feux frôle d'ores et déjà les valeurs maximales et que les prévisions météorologiques pour les prochains mois laissent présager des températures élevées et une absence de précipitations,
E. considérant que les pertes subies par les producteurs s'élèveront pour la prochaine récolte à plus de deux milliards d'euros et que les conséquences du gel se prolongeront pendant plusieurs années pour de nombreux agriculteurs qui ne pourront récupérer leur production à court terme, situation particulièrement grave pour les oliveraies, qui exigent des actions draconiennes comme un élagage rigoureux ou l'arrachage de plantations jeunes, ainsi que pour la culture d'arbres fruitiers,
F. considérant que le secteur de l'oléiculture a enregistré une perte importante en matière de capacités de production et que la récolte sera considérablement réduite dans de nombreuses régions au cours de la prochaine campagne,
G. considérant qu'il faut recourir à la flexibilité prévue pour l'organisation commune de marché des fruits et légumes en vue de faire face aux cas de force majeure,
H. considérant que le gel et la sécheresse aggravent les pertes subies par les éleveurs espagnols en raison de l'immobilisation des animaux en vue d'éviter une plus grande propagation de la maladie de la langue bleue; considérant par ailleurs que la crise des carburants accentue les coûts à la charge des agriculteurs,
I. considérant que les conséquences de cette catastrophe climatique affecte l'économie de vastes régions, atteignant des dimensions historiques avec de graves conséquences sur l'emploi temporaire, en particulier pour une population d'immigrants en pleine phase de régularisation,
J. considérant que, dans son rapport n°2 de 2004 sur les impacts du changement climatique en Europe, l'Agence européenne pour l'environnement reconnaît que le réchauffement de la planète est plus accusé dans le Sud de l'Europe et que cela pourrait entraîner de sévères répercussions pour l'Espagne en raison de l'augmentation de la sécheresse, des incendies de forêt et des risques pour la santé humaine,
K. considérant qu'au Conseil européen de Bruxelles des 22 et mars 2005 ont été convenus de nouveaux critères de référence pour les efforts internationaux déployés pour lutter contre le changement climatique,
1. manifeste sa solidarité avec les agriculteurs et les éleveurs espagnols et de l'ensemble de la péninsule ibérique, la situation climatique défavorable étant généralisée;
2. félicite la Commission pour sa communication relative à la gestion des risques et des crises dans le secteur agricole (COM(2005)0074) et l'invite, ainsi que le Conseil, à accorder à ladite communication un suivi urgent afin que soit instauré, à l'échelle communautaire et dans les plus brefs délais, un système de protection efficace des agriculteurs européens contre tout risque ou crise pareils à ceux que traversent actuellement le Portugal et l'Espagne;
3. demande, dans ce contexte, que soit accéléré le lancement du projet-pilote prévu dans la procédure budgétaire 2005 pour l'établissement d'un modèle d'assurances communautaire ou d'un mécanisme d'indemnisation visant à indemniser les catastrophes naturelles et à garantir un revenu minimal aux agriculteurs;
4. demande à la Commission de libérer des ressources du Fonds de solidarité de l'Union européenne pour remédier aux dommages causés à la capacité de production de vastes régions, compte tenu du fait que le gel et la sécheresse ont des répercussions sur les conditions de vie et la stabilité économique de nombreuses régions;
5. invite, une nouvelle fois, le Conseil et la Commission à procéder au réexamen des critères d'éligibilité et des mesures éligibles au Fonds de solidarité afin que celui-ci puisse faire face à ces situations provoquées par les conditions climatiques adverses qui touchent gravement le milieu rural; se déclare favorable à l'extension des critères régissant l'accès aux aides du Fonds de solidarité en cas de catastrophes climatiques, dans le cadre des perspectives financières pour la période 2007-2013;
6. demande à la Commission d'améliorer les conditions d'accès aux aides octroyées dans le cadre de la politique agricole commune, au moyen des mesures suivantes:
—
la flexibilisation du régime de la jachère;
—
l'autorisation de pâturages dans les terres en jachère;
—
l'exemption de l'obligation d'attendre la floraison pour bénéficier des aides communautaires pour les cultures herbacées;
—
l'exemption de l'obligation habituelle de récolte des légumineuses pour bénéficier des aides et la possibilité d'utiliser directement ces terres arables pour le pâturage;
—
une plus grande mobilisation des céréales d'intervention pour satisfaire aux besoins en alimentation du bétail;
—
l'anticipation au mois de septembre du paiement des aides au titre de la politique agricole commune;
7. demande, dans le cadre de l'organisation commune du marché des fruits et légumes, que soit appliqué aux programmes opérationnels correspondants à 2006 l'article 4, paragraphe 4 du règlement (CE) n° 1433/2003 de la Commission du 11 août 2003(2), afin de garantir une valeur minimale de la production commercialisée au moins égale à 65% de la valeur du produit concerné lors de la période de référence précédente; demande par ailleurs, dans la perspective de la réforme de l'OCM, que les normes soient assouplies au maximum en cas de catastrophe climatique; invite également, dans le secteur du citron, à supprimer les sanctions pour non-exécution de contrats avec l'industrie de la transformation, sachant que le gel constitue un cas de force majeure dont il faut tenir compte;
8. prévient la Commission et le Conseil de la nécessité immédiate d'une mise à disposition des crédits et des moyens pour parvenir à une prévention efficace de la multiplication des incendies de forêts, autre conséquence grave de l'absence de précipitations; demande que des ressources plus importantes soient affectées à la lutte contre les incendies de forêt et qu'une stratégie communautaire dûment structurée soit mise au point pour combattre ce phénomène, accentué par la sécheresse;
9. exhorte la Commission à étudier avec attention le phénomène de la sécheresse afin d'en déterminer la périodicité ou le caractère cyclique, et d'examiner s'il s'agit d'un nouvel indice des modifications découlant du changement climatique, et la prie également instamment d'évaluer les conséquences de la progression de l'érosion et de la désertification du territoire; par ailleurs, prie la Commission, dans le cadre de la politique de lutte contre les changements climatiques, de promouvoir l'utilisation des biocarburants afin de réduire la forte dépendance de l'Union européenne à l'égard du pétrole;
10. se félicite de ce que ledit Conseil européen de Bruxelles se soit récemment engagé, d'une part, à réduire d'ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre jusqu'à 30% par rapport aux niveaux de 1990 et, d'autre part, à limiter l'augmentation des températures mondiales à 2° Celsius au maximum par rapport aux niveaux préindustriels;
11. invite la Commission à apporter son soutien à des mesures – y compris dans le domaine de la sensibilisation de l'opinion publique – qui encouragent une utilisation plus rationnelle de l'eau, en particulier en Europe méridionale;
12. a pris connaissance avec intérêt du récent rapport de la Commission, ci-dessus mentionné, sur le phénomène mondial du changement climatique et ses effets directs sur les écosystèmes et sur le cycle de l'eau, ainsi que les moyens proposés pour faciliter la gestion, par les responsables communautaires, de la politique de l'eau;
13. prie instamment la Commission, d'étudier la possibilité de créer un Observatoire européen de la sécheresse;
14. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et au gouvernement espagnol, ainsi qu'aux autorités régionales et locales des zones concernées.