Résolution du Parlement européen sur le droit européen des contrats et la révision de l'acquis: la voie à suivre (2005/2022(INI))
Le Parlement européen,
— vu l'article 45 de son règlement,
— vu le rapport de la commission des affaires juridiques et l'avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (A6-0055/2006),
A. considérant que, s'il semble que l'initiative concernant le droit européen des contrats telle que décrite dans la communication de la Commission du 11 octobre 2004 (COM(2004)0651) et présentée dans le premier rapport annuel d'étape de la Commission (COM(2005)0456)doive être considérée essentiellement comme un exercice ayant pour objet une meilleure législation au niveau de l'Union européenne, l'incertitude règne concernant ses résultats pratiques ou la base juridique qui sera adoptée pour tout instrument contraignant,
B. considérant que, même si la Commission nie que tel est son objectif, il est clair que de nombreux chercheurs et intéressés travaillant au projet sont persuadés que le résultat final sera, à terme, un code européen des obligations, voire un véritable code civil européen et que, quoi qu'il en soit, l'initiative en cours est d'ores et déjà la plus importante dans le domaine du droit civil,
C. considérant que la décision de travailler à l'élaboration d'un tel code doit être prise par les autorités politiques, étant donné que la décision même d'opter pour un code est politique et que son contenu, bien que juridique, est inséparable d'objectifs sociaux et politiques; étant donné que, à l'avenir, il peut y avoir une réelle volonté politique en faveur de l'adoption d'un tel code, il est essentiel que le travail actuel soit mené à bien, avec l'engagement politique approprié,
D. considérant que, même si l'initiative dans sa forme actuelle est limitée à une rationalisation et à un toilettage de l'acquis dans le domaine de la protection des consommateurs et à la définition des conditions concernant les contrats types à option, il est indispensable que les autorités politiques s'engagent véritablement dans le processus; à ce propos, l'expérience récente de l'adoption d'un nouveau code civil par les Pays-Bas pourrait servir de modèle,
E. considérant que si l'objectif est de réviser l'acquis de la protection des consommateurs afin d'accroître la confiance du public dans le marché intérieur, il convient d'atteindre un haut niveau de protection des consommateurs,
F. considérant que le produit final de l'initiative devrait pouvoir être modifié par la législature communautaire et devrait être formellement adopté par celle-ci,
G. considérant que, étant donné que l'acquis existant en matière de protection des consommateurs est un domaine distinct de la législation communautaire, qui reflète le souci de la législature communautaire de garantir un niveau élevé de protection dans ce domaine, conformément aux traités, et bien que l'initiative concernant le droit européen des contrats doive garantir et développer plus largement la cohérence du droit des contrats dans son ensemble, ceci ne doit pas conduire à un appauvrissement des valeurs qui constituent le fondement de l'acquis existant de la protection des consommateurs,
Principes directeurs et objectifs
1. réaffirme sa conviction, exprimée dans ses résolutions des 26 mai 1989(1), 6 mai 1994(2), 15 novembre 2001(3) et 2 septembre 2003(4), qu'un marché intérieur uniforme ne peut être pleinement opérationnel sans de nouveaux efforts d'harmonisation du droit civil;
2. demande à la Commission d'exploiter sans attendre les travaux en cours des groupes d'étude portant sur l'élaboration d'un droit européen des contrats et ceux du réseau du cadre commun de référence (réseau CCR)(5), en vue d'utiliser leurs résultats tout d'abord dans le cadre de la révision de l'acquis dans le domaine du droit civil et ensuite pour élaborer un droit civil communautaire;
Principales questions juridiques
3. recommande vivement que le cadre commun de référence proposé ainsi que le droit des contrats envisagé ne soient pas conçus de façon à favoriser unilatéralement un groupe particulier de participants dans les transactions juridiques;
4. rappelle à la Commission que le terme "entreprise" ne s'applique pas seulement aux grandes entreprises mais également aux petites entreprises – même d'une personne – qui exigent souvent des contrats qui sont spécialement adaptés à leurs besoins et qui tiennent compte de leur relative vulnérabilité lors de la conclusion de contrats avec de grandes entreprises;
5. note que la législation à établir doit être applicable non seulement aux transactions juridiques inter-entreprises mais également aux transactions juridiques entre entreprises et consommateurs;
6. demande à la Commission de faire la distinction, le cas échéant, entre les dispositions juridiques qui s'appliquent au secteur inter-entreprises et celles qui s'appliquent au secteur entreprises/consommateurs et de les séparer systématiquement;
7. souligne l'importance de tenir compte du principe fondamental de la liberté de conclure un contrat, particulièrement dans le secteur du commerce inter-entreprises;
8. souligne l'importance de tenir compte du modèle social européen lors de l'harmonisation du droit des contrats;
9. demande que les différents traditions et systèmes juridiques soient respectés;
10. demande à la Commission de définir de façon adéquate et précise, dans ses futures propositions, les modalités d'interaction de celles-ci avec les règles communautaires relatives aux conflits de loi et avec les systèmes juridiques nationaux, notamment en ce qui concerne les conditions déterminant la validité du choix de la législation applicable, les dispositions impératives et le rôle de la "lex fori";
11. note que des dispositions juridiques trop détaillées concernant certains aspects particuliers du droit des contrats comportent le risque d'une incapacité à réagir avec souplesse face à un contexte juridique modifié et préconise par conséquent l'adoption de dispositions générales incluant des concepts juridiques qui ne sont pas définis avec précision, ce qui donne aux instances judiciaires la marge de manœuvre nécessaire pour statuer;
12. demande à la Commission de procéder à une évaluation approfondie de l'impact juridique et économique de toutes les mesures législatives concernant le droit civil;
Questions de procédure
13. se félicite du premier rapport annuel d'étape de la Commission et approuve son approche réfléchie et mesurée à l'égard de la révision de l'acquis concernant la protection des consommateurs;
14. demande que la Commission dans son ensemble participe à ces travaux avec, comme direction générale compétente, la DG Justice, liberté et sécurité, et avec la participation des DG Marché intérieur et services et Santé et protection des consommateurs et que les ressources matérielles et humaines nécessaires – en raison de l'importance et de l'ampleur du projet – soient mises à disposition;
15. demande à la Commission de présenter sans retard un plan législatif clair indiquant quels instruments juridiques serviront à transposer les résultats des travaux des groupes d'étude et du réseau CCR dans la pratique des transactions juridiques;
16. demande à la Commission de soumettre au Parlement un plan formel de consultation régulière du Parlement au fur et à mesure des travaux et demande la mise en œuvre définitive des travaux des chercheurs et du réseau CCR;
17. demande à la Commission de s'assurer que les résultats obtenus par le réseau CCR sont dûment pris en compte dans les travaux des groupes d'étude;
18. soutient la Commission dans ses efforts visant à une meilleure législation, tout en soulignant que le travail accompli par les chercheurs dans l'élaboration du CCR doit suivre des orientations claires établies par la législature communautaire;
19. demande à la Commission d'encourager la clarification des processus définis par les chercheurs et les intéressés grâce à l'élaboration d'un diagramme organisationnel qui identifie clairement les différents groupes – groupes de travail, partis – concernés, indiquant ainsi leur rôle et leur position dans les processus;
20. estime souhaitable que la Commission, sur la base du rapport définitif des chercheurs, soumette au Parlement les différentes options juridiques possibles et rappelle que l'adoption finale du CCR ne pourra se faire qu'après validation politique par le Parlement et le Conseil;
21. demande à la Commission de tenir le Parlement informé en permanence, au moins par un rapport trimestriel, des résultats obtenus et des progrès accomplis dans les travaux des groupes d'étude et du réseau CCR;
22. demande qu'au moins les trois types d'information ci-après apparaissent dans les rapports trimestriels:
a)
un résumé des principaux résultats des ateliers qui se sont tenus jusqu'à présent,
b)
les réactions des groupes d'étude,
c)
une déclaration de la Commission sur la façon dont elle propose de tenir compte de ces résultats dans ses travaux ultérieurs;
23. demande à la Commission d'agir en coopération la plus étroite possible avec le Parlement à chaque étape devant conduire à la mise en place d'un CCR; estime que le Parlement devrait être formellement consulté tout d'abord sur le projet de structure puis sur chaque titre ou section du CCR (selon sa structure finale), au fur et à mesure de sa finalisation, avant d'être enfin consulté sur l'instrument final;
24. demande à la Commission de consulter le Parlement avant de prendre toute autre mesure de planification;
25. demande à la Commission de donner aux représentants des intérêts fondés sur la pratique, davantage de temps pour préparer et examiner la matière complexe des travaux des groupes de travail du réseau CCR;
26. demande instamment que les organisations qui, au nom de groupes d'intérêts, participent au réseau CCR aient la possibilité de décider elles-mêmes des représentants qui prendront part aux réunions;
27. charge sa commission des affaires juridiques et ses commissions consultées pour avis sur le droit européen des contrats, de suivre en permanence les travaux de la Commission, des groupes de recherche et du réseau CCR et, le cas échéant, d'adopter des avis sur les résultats régulièrement publiés par la Commission;
28. invite instamment chaque présidence du Conseil à organiser, en coopération avec la Commission et le Parlement, un forum au sein duquel peuvent être présentés et évalués les progrès accomplis et les résultats de la procédure;
29. s'engage, afin de donner à ce projet ambitieux et à long terme la visibilité et l'attention qu'il mérite, à réfléchir attentivement à la façon optimale dont il devrait être traité au sein du Parlement lui-même et suggère par conséquent la création d'une équipe projet parlementaire qui devrait être dotée des ressources nécessaires afin de traiter de ce projet à long terme sous l'actuelle législature et qui devrait refléter la procédure de coopération renforcée entre commissions.
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30. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.