Résolution du Parlement européen sur la Journée mondiale de la santé
Le Parlement européen,
— vu la Journée mondiale de la santé du 7 avril 2006, qui sera consacrée aux professionnels de la santé,
— vu la Décennie pour les ressources humaines dans le domaine de la santé (2006-2015), qui sera lancée à l'occasion de la Journée mondiale de la santé,
— vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur une stratégie d'action communautaire concernant la pénurie de ressources humaines dans le secteur de la santé dans les pays en développement (COM(2005)0642),
— vu les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD),
— vu le deuxième Forum de haut niveau sur les OMD concernant la santé qui s'est tenu à Abuja en décembre 2004, et ses conclusions,
— vu le sommet mondial 2005 qui s'est tenu à New York du 14 au 16 septembre 2005, et ses conclusions sur les progrès réalisés sur la voie des OMD,
— vu la déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement européen et de la Commission sur la politique de développement de l'Union européenne intitulée Le consensus européen(1),
— vu le rapport de la Banque mondiale sur les soins de santé, intitulé "Reaching the Poor with Health, Nutrition and Population Services: What Works, What Doesn't and Why" (Aider les populations démunies avec des services touchant à la santé, la nutrition et la population: échecs et réussites), publié le 7 décembre 2005,
— vu la déclaration d'engagement sur le VIH/sida, adoptée en juin 2001 par la session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (UNGASS), et la prochaine réunion de haut niveau consacrée à son examen d'ensemble, qui se tiendra en juin 2006,
— vu l'article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que de nombreuses régions du monde en développement souffrent d'une grave pénurie de professionnels de la santé, avec des migrations qui s'opèrent tant à partir des régions défavorisées qu'à l'intérieur de celles-ci,
B. considérant que la pénurie de ressources humaines dans le secteur de la santé est grave non seulement dans les pays en développement, mais aussi en Europe et dans tous les autres États du monde, en particulier dans l'éventualité de scénarios de pandémie,
C. considérant que le besoin accru de professionnels de la santé dans les pays développés, où les populations vieillissent, a attiré médecins et infirmiers provenant notamment de pays en développement, ce qui aggrave la pénurie de professionnels de la santé dans ces pays,
D. considérant que les pays donateurs comme les pays bénéficiaires ont souscrit aux OMD, dont trois sont directement liés à la santé: réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle et combattre le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme et d'autres maladies,
E. considérant que l'accès aux services de santé est un droit humain fondamental,
F. considérant que le HIV/sida, la tuberculose et le paludisme ont contribué à une augmentation des niveaux de morbidité dans la société en général et dans les pays en développement en particulier, avec des effets particulièrement dommageables dans le secteur de la santé, y compris des pertes de professionnels de la santé,
G. considérant que, dans les pays développés mais en particulier dans les pays en développement, les professionnels de la santé sont souvent exposés à des risques accrus d'infection ou de contact avec des agents toxiques,
H. considérant que les conflits dans le monde en développement engendrent de graves situations d'urgence, lesquelles requièrent de nombreux professionnels de la santé spécialement formés,
I. considérant que la formation des personnels de santé dans les pays en développement est souvent inadéquate en raison d'un manque de volonté politique et de ressources,
J. considérant que, pour agir efficacement, les professionnels de la santé dans les pays en développement ont besoin de disposer de structures appropriées, avec un soutien technique et pharmaceutique adéquat,
K. considérant qu'une formation médicale permanente, une assurance de qualité et la couverture du personnel médical par une assurance sont des éléments essentiels dans la pratique de la médecine par les professionnels de la santé dans les pays en développement,
1. se félicite de la communication de la Commission précitée, et souscrit sans réserve à l'affirmation de la Commission selon laquelle "les progrès en faveur de la réalisation des OMD seront difficiles à obtenir sans augmenter les investissements dans le domaine de la main-d'œuvre se consacrant aux soins de santé", ainsi qu'à l'engagement clair de travailler en partenariat avec les pays en développement sur des stratégies de développement;
2. déplore, cependant, la contradiction entre l'engagement affiché par la Commission d'améliorer les services de santé dans les pays en développement et de réaliser les OMD, d'une part, et le niveau des dépenses qu'elle a effectivement engagées en faveur du développement dans le secteur de la santé, d'autre part; souligne par exemple qu'en 2003, 5,2 % seulement des crédits du Fonds européen de développement étaient consacrés à des dépenses de santé, et seulement 4 % en 2002;
3. juge vivement regrettables les indications selon lesquelles la Commission compte proposer que seulement 6 % des fonds affectés au développement dans le cadre du nouvel instrument de coopération au développement soient consacrés au développement humain et social, lequel comprend non seulement les soins de santé, le VIH/sida et la santé sexuelle et génésique, mais aussi tous les autres volets du développement social, y compris les programmes consacrés à l'enfance, à l'éducation et à l'égalité entre hommes et femmes;
4. demande à la Commission de se rallier à l'exigence posée de longue date par le Parlement, selon laquelle 35 % des fonds affectés au développement devraient être utilisés dans le secteur social, 20 % de l'ensemble des crédits devant aller aux soins de santé de base et à l'éducation fondamentale;
5. reconnaît qu'il est nécessaire et urgent d'améliorer l'harmonisation de l'aide des donateurs - au sein de l'Union européenne ainsi qu'au niveau mondial - et convient qu'une aide budgétaire liée à des indicateurs de performance suffisamment clairs peut être un moyen efficace d'améliorer l'harmonisation et d'accroître la prévisibilité;
6. demande qu'un financement adéquat soit alloué aux projets relatifs à la santé génésique et condamne la "règle du bâillon mondial" (politique de Mexico) qui bloque tout financement des États-Unis en faveur de tels projets;
7. reconnaît que l'une des causes principales de cette situation problématique dans les pays en développement tient à l'émigration des professionnels de la santé qui sont recrutés dans des pays plus riches (notamment dans l'Union européenne et aux États-Unis) et demande à l'Union de faire pression pour l'introduction d'un code de conduite mondial pour un recrutement éthique;
8. estime que la première étape dans la lutte contre cette tendance doit consister à assurer une formation et de meilleures conditions de travail aux professionnels de la santé dans les régions concernées, à leur offrir des mesures incitatives pour les encourager à travailler là où ils sont le plus nécessaires ainsi qu'à leur fournir des vaccins dans la perspective d'éventuelles pandémies;
9. demande à la Commission et aux États membres de mettre intégralement en œuvre la cohérence des politiques au service du développement à laquelle ils ont souscrit dans le cadre de la déclaration conjointe précitée sur la politique de développement, en veillant à ce que les politiques de migration n'opèrent pas au détriment des pays en développement en cherchant à recruter des professionnels de la santé essentiels dans les nations les plus pauvres;
10. souligne, cependant, que le meilleur moyen de lutter contre la "fuite des cerveaux" dans le secteur de la santé est d'inciter, par des perspectives de carrière, les professionnels de la santé essentiels à rester dans leur pays d'origine; demande à la Commission, aux États membres et aux gouvernements des pays en développement d'investir dans la formation des professionnels de la santé essentiels;
11. invite les pays en développement à restaurer leurs systèmes et leurs services de soins de base et de santé publique, et demande à l'Union européenne de soutenir ce processus en aidant au renforcement des ressources humaines et des capacités et infrastructures institutionnelles, notamment grâce à l'amélioration des conditions de travail du personnel médical, à la fourniture d'équipements médicaux convenables et au transfert de technologie;
12. insiste pour que la Commission et les États membres mettent tout en œuvre pour que les fonds affectés aux soins de santé atteignent les populations les plus défavorisées des pays en développement; souligne qu'il est nécessaire et urgent de garantir l'accès aux soins de santé dans les zones rurales et reculées;
13. exhorte les États membres de l'Union européenne à faire de la santé mondiale et des médicaments un secteur stratégique et à agir fermement afin de mettre l'accent sur les priorités en recherche et développement en vue de satisfaire les besoins des patients, notamment ceux dépourvus de ressources;
14. demande à l'Union européenne de veiller à ce que les progrès en matière de recherche fondamentale et de biomédecine se traduisent en de meilleurs soins de santé, sûrs et abordables, notamment grâce à un accès aux médicaments essentiels, pour tous les patients, en particulier s'ils vivent dans la pauvreté;
15. invite la Commission et les États membres à mettre en place des partenariats avec les hôpitaux dans les pays en développement et à encourager la coopération par le biais de visioconférences, ce qui peut permettre à des hôpitaux relativement petits et isolés de bénéficier des compétences de haut niveau et de l'aide d'autres hôpitaux ou pays, ainsi qu'à soutenir activement le développement des soins de santé de base;
16. plaide pour une planification efficace de la main d'œuvre du secteur de la santé dans tous les États membres de manière à satisfaire la demande intérieure de l'Union et à réduire à un minimum les effets négatifs pour ses voisins, les pays africains et les autres nations concernées;
17. invite la Commission et les États membres à soutenir activement l'enseignement de la médecine dans les pays en développement et à favoriser l'accès à l'enseignement médical aux étudiants des zones rurales et périphériques;
18. estime que l'une des priorités de l'Union européenne, pour remédier à la pénurie de professionnels de la santé dans divers États membres, est de maintenir et d'augmenter les effectifs des services de santé de l'Union en adoptant une série de mesures telles que l'encouragement de la mobilité professionnelle dans l'Union, l'offre de meilleures conditions de travail, l'octroi d'un soutien accru à l'investissement dans la formation et l'élaboration de systèmes d'incitation efficaces, qui doivent reposer sur la recherche, l'analyse et la consultation des professionnels de la santé;
19. estime qu'il est fondamental de garantir l'accès de tous à des services de santé gratuits et de grande qualité;
20. souligne qu'il est nécessaire de mettre au point un vaccin efficace contre le paludisme et que ce processus peut être accéléré au travers de partenariats internationaux entre les secteurs public et privé;
21. exprime sa considération et son soutien à l'action des ONG qui fournissent aide et expertise dans le domaine de la santé dans les pays en développement; invite la Commission à soutenir activement ces ONG;
22. rappelle la situation terrible dans laquelle se trouvent les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien qui encourent la peine de mort à Tripoli;
23. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements des États membres et de tous les pays en développement, ainsi qu'à M. Lee Jong-Wook, secrétaire général de l'Organisation mondiale de la santé.