Résolution du Parlement européen sur la contrefaçon de médicaments
Le Parlement européen,
— vu la déclaration sur la lutte contre le piratage et la contrefaçon faite par les chefs d'État ou de gouvernement du G8 lors du sommet de Saint-Pétersbourg les 15, 16 et 17 juillet 2006,
— vu la déclaration de Rome lors de la Conférence internationale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) du 18 février 2006,
— vu les initiatives de la Commission en matière de respect des droits de propriété intellectuelle et son plan d'action contre la contrefaçon et la piraterie, adopté en octobre 2005,
— vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 septembre 2005 (C-176/03) qui a renforcé la capacité de la Communauté européenne d'édicter des sanctions pénales en matière de contrefaçon,
— vu la résolution de l'OMS intitulée "Santé publique, innovation, recherche essentielle en santé et droits de propriété intellectuelle", adoptée le 29 mai 2006,
— vu l'article 108, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant les conséquences extrêmement graves de la contrefaçon de médicaments, risquant même de mettre en danger la santé et la vie de millions de personnes,
B. considérant que selon l'OMS, "un médicament contrefait est un médicament qui est délibérément et frauduleusement muni d'une étiquette n'indiquant pas son identité et/ou sa source véritable. Il peut s'agir d'une spécialité ou d'un produit générique, et parmi les produits contrefaits, il en est qui contiennent les bons ingrédients ou de mauvais ingrédients, ou bien encore pas de principe actif et il en est d'autres où le principe actif est en quantité insuffisante ou dont le conditionnement a été falsifié",
C. constatant que ces médicaments contrefaits circulent essentiellement dans les pays en développement et qu'ils sont utilisés contre des affections mortelles comme le paludisme, la tuberculose et le VIH/sida,
D. considérant que la contrefaçon de médicaments concerne aujourd'hui, selon les estimations de l'OMS, 10 % du marché mondial et plus de 10 % selon la Food and Drug Administration américaine; que jusqu'à 70 % des médicaments antipaludéens circulant au Cameroun s'avèrent contrefaits, chiffre corroboré pour six autres pays africains par l'OMS en 2003; et que 25 % des médicaments consommés dans les pays en développement seraient des contrefaçons (50 % au Pakistan ou au Nigéria),
E. constatant que, selon l'OMS, sur le million de décès annuels par paludisme, 200 000 sont à mettre sur le compte de médicaments mal administrés ou de consommation de médicaments contrefaits,
F. considérant que la contrefaçon de médicaments sévit sur tous les continents et principalement en Afrique, Asie, Amérique latine et Russie,
G. considérant que les facteurs les plus courants indiqués par l'OMS favorisant l'apparition de médicaments contrefaits sont: l'absence d'une législation interdisant la contrefaçon des médicaments, la faiblesse des sanctions pénales, la faiblesse ou l'absence des autorités nationales de réglementation dans le domaine pharmaceutique, les pénuries ou l'approvisionnement aléatoire de médicaments, l'absence de contrôle des médicaments à l'exportation, les transactions commerciales impliquant plusieurs intermédiaires, la corruption et les conflits d'intérêts,
H. considérant que ce trafic de faux médicaments est également dû à l'absence de sensibilisation et d'engagement politiques, à la faiblesse des réglementations, à une capacité de mise en œuvre inadéquate et, notamment dans les pays en développement, au manque d'accès des populations aux médicaments véritables, contrôlés par les autorités publiques,
I. regrettant que l'Union européenne soit entrée tardivement dans le domaine de la lutte internationale contre la contrefaçon, alors que la porosité accrue des frontières et les nouvelles technologies (internet) risquaient d'amplifier le phénomène de la piraterie,
1. estime que l'Union européenne doit de toute urgence se donner les moyens pour mener à bien son combat contre les pratiques illicites dans le domaine de la piraterie et de la contrefaçon des médicaments;
2. invite la Commission à aller au-delà de sa communication intitulée "Stratégie visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers"; encourage, en particulier, l'Union européenne à prendre les mesures adéquates pour lutter contre le fléau de la contrefaçon de médicaments sur son territoire;
3. invite l'Union européenne à prendre des initiatives pour renforcer dans les pays à faibles ressources les capacités de réglementation et de contrôle de la qualité des produits et matériel médicaux mis sur le marché et d'améliorer l'accès à des médicaments à un prix abordable;
4. incite fortement l'Union européenne à jouer un rôle moteur dans la promotion d'une convention mondiale tendant à créer dans la législation de chaque pays une incrimination pénale spécifique (crime ou délit) concernant la contrefaçon de médicaments et le recel et la distribution de médicaments contrefaits;
5. demande instamment de renforcer la coopération autant sur le plan national que transnational entre les différentes autorités impliquées dans les actions de lutte contre la contrefaçon;
6. insiste sur l'importance des mesures préventives dans les programmes d'action, en l'occurrence la mise en place de structures, la coopération, des campagnes de sensibilisation à mener de préférence par les autorités publiques, et enfin la volonté politique pour mener à bien ces actions;
7. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements des États membres, au Secrétaire général des Nations unies et au Secrétaire général de l'OMS.