Résolution du Parlement européen du 21 juin 2007 sur les résultats de la mission d'enquête dépêchée dans les régions de l'Andalousie, de Valence et de Madrid au nom de la commission des pétitions
Le Parlement européen,
— vu l'article 194 du traité CE, qui reconnaît le droit de pétition à tous les citoyens et à tous les résidents de l'Union européenne,
— vu l'article 6 du traité UE, qui dispose que l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'elle se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques,
— vu l'article 108, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant le contenu et les recommandations du rapport de la troisième mission d'enquête en Espagne, adopté par la commission des pétitions le 11 avril 2007, dont l'objet est d'examiner les allégations, figurant dans un très grand nombre de pétitions, de violations des droits de propriété légitimement acquis par des citoyens européens et les préoccupations, exprimées en détail, portant sur le développement durable, la protection de l'environnement, l'approvisionnement en eau et la qualité de l'eau, et les marchés publics, généralement en rapport avec un contrôle insuffisant des procédures d'urbanisation par les autorités locales et régionales,
B. considérant sa résolution du 13 décembre 2005 sur les allégations d'utilisation abusive de la loi foncière de Valence ou Ley reguladora de la actividad urbanística (LRAU – Loi sur la réglementation des opérations d'aménagement urbain) et ses incidences sur les citoyens européens(1),
C. considérant que des cas de corruption ont été signalés dans le cadre de projets urbanistiques de grande envergure, qui ont conduit à l'arrestation et à la condamnation de fonctionnaires et d'élus locaux,
D. considérant que l'Espagne a récemment adopté un nouveau cadre législatif en matière de droit foncier, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 2007,
E. considérant que la Commission a engagé une procédure d'infraction contre l'Espagne pour non application des directives communautaires sur les marchés publics dans le cadre de programmes d'urbanisation à Valence,
1. estime que l'obligation de céder des propriétés privées légitimement acquises, sans procédure régulière et sans indemnisation appropriée, et celle de payer des frais arbitraires pour la construction d'infrastructures non voulues et souvent superflues constituent une violation des droits fondamentaux de la personne en vertu de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (voir, par exemple, l'arrêt Aka/Turquie(2)) et tels qu'énoncés dans le traité UE;
2. regrette vivement que ces pratiques soient courantes dans plusieurs régions autonomes espagnoles, et en particulier dans la région de Valence et dans d'autres secteurs de la côte méditerranéenne, mais aussi, par exemple, dans la région de Madrid;
3. exprime sa vive condamnation et son rejet des projets d'urbanisation massive engagés par des sociétés de construction et des promoteurs immobiliers, qui sont sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés, sont contraires à la durabilité environnementale et ont des effets désastreux sur l'identité historique et culturelle des régions touchées;
4. condamne l'approbation tacite accordée par certaines mairies à des projets de construction qui, déclarés illégaux par la suite, se soldent, ou menacent de se solder, par la destruction de biens achetés en toute bonne foi par des citoyens européens par l'intermédiaire de promoteurs et d'agents commerciaux ordinaires;
5. reconnaît les efforts menés par la Commission pour assurer le respect, par l'Espagne, des directives sur les marchés publics, mais estime qu'elle devrait porter une attention particulière aux cas documentés d'infractions aux directives sur l'environnement, l'eau et la politique des consommateurs;
6. estime qu'il est impératif de prendre des mesures appropriées pour assurer dûment l'application et le respect de la directive-cadre sur l'eau(3) dans le cadre des grands projets d'urbanisation;
7. prie le Conseil et la Commission ainsi que l'État membre concerné de veiller à la bonne application du droit communautaire et des droits fondamentaux dans l'intérêt de tous les citoyens et résidents de l'Union;
8. demande aux autorités et aux gouvernements régionaux espagnols, en particulier au gouvernement de Valence, qui sont soumis à l'obligation de respecter et d'appliquer les dispositions du traité UE et de la législation communautaire, de reconnaître le droit légitime des personnes à jouir des biens qu'ils ont acquis légalement et de définir, en droit, des critères plus précis pour l'application de l'article 33 de la Constitution espagnole en matière d'utilité publique, afin d'empêcher et d'interdire que des décisions des autorités locales et régionales portent atteinte au droit de propriété des personnes;
9. remet en question les méthodes de désignation des urbanistes et des promoteurs immobiliers et les pouvoirs souvent excessifs qui leur sont accordés dans les faits par certaines autorités locales aux dépens des communautés locales et des citoyens dont les logements et les biens, acquis en toute légalité, se trouvent dans ces régions;
10. invite instamment les autorités locales à consulter leurs citoyens et à les associer aux projets urbanistiques afin d'encourager la réalisation d'aménagements urbains acceptables et durables, lorsqu'ils sont nécessaires, pour le bien des collectivités locales, et non dans le seul intérêt des promoteurs et agents immobiliers ou d'autres parties intéressées;
11. condamne vivement les pratiques occultes auxquelles se livrent certains promoteurs immobiliers qui usent de subterfuges pour mettre en cause le droit de propriété légitime de citoyens européens en s'ingérant dans le système d'inscription au registre foncier et invite les autorités locales compétentes à mettre en place de véritables garanties légales contre ces méthodes;
12. invite les autorités régionales à mettre en place des commissions administratives spéciales faisant intervenir des médiateurs locaux, qui devront être informées par des services d'enquête indépendants et dotées de pouvoirs d'arbitrage dans les différends relatifs à des projets urbanistiques, et auxquelles ceux qui sont directement concernés par les programmes d'urbanisation, et en particulier les victimes d'opérations immobilières illégales dans le cadre d'aménagements urbains non autorisés, devront avoir accès gratuitement;
13. estime que lorsque la perte d'un bien donne lieu à une indemnisation, celle-ci devrait être fixée à un niveau approprié et conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l'homme;
14. invite la Commission à lancer une campagne d'information destinée aux citoyens européens qui achètent des biens immobiliers dans un État membre autre que le leur;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux autorités et gouvernements régionaux espagnols.