Résolution du Parlement européen du 21 juin 2007 sur l'asile: coopération pratique, qualité des décisions prises dans le cadre du régime d'asile européen commun (2006/2184(INI))
Le Parlement européen,
— vu l'article 63, paragraphe 1 et paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne,
— vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres(1),
— vu la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts(2),
— vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers(3) (ci-après "règlement Dublin II"),
— vu la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres(4),
— vu le programme de La Haye des 4 et 5 novembre 2004,
— vu sa position du 27 septembre 2005 sur la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres(5),
— vu la communication de la Commission sur le renforcement de la coopération pratique, nouvelles structures, nouvelles approches: améliorer la qualité des décisions prises dans le cadre du régime d'asile européen commun (COM(2006)0067),
— vu la communication de la Commission visant l'adaptation des dispositions du titre IV du traité CE relatives aux compétences de la Cour de justice, en vue d'assurer une protection juridictionnelle plus effective (COM(2006)0346),
— vu l'article 45 de son règlement,
— vu le rapport de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et l'avis de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (A6-0182/2007),
A. considérant que les conventions internationales, notamment la Convention relative à la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être observées sans réserve et que le principe de non-refoulement doit être défendu sans faille,
B. rappelant qu'avec l'adoption des quatre instruments prévus par l'article 63, paragraphe 1, du traité CE, s'est achevée la première phase de mise en place du système d'asile commun; eu égard aux difficultés tant politiques que techniques qui devront être surmontées pour parvenir à la deuxième phase du régime européen d'asile, qui a pour objet d'instaurer une procédure d'asile commune et un statut uniforme pour les personnes ayant droit à l'asile ou à une protection subsidiaire, et espérant que l'échéance prévue, en l'occurrence l'année 2010, sera respectée,
C. considérant qu'il a déjà souscrit à la définition du "réfugié" qui figure dans la directive 2004/83/CE du Conseil, et qui reste par conséquent valable dans le contexte de la présente résolution,
D. attirant l'attention sur le fait que l'adoption de directives ne constitue qu'une première étape dans la mise en œuvre de normes communes, et qu'elle doit nécessairement être suivie par une transposition adéquate dans l'ensemble des États membres des dispositions adoptées à l'échelon communautaire; considérant que le contrôle par la Commission de cette transposition revêt une importance cruciale et que des effectifs suffisants doivent donc être affectés à cette tâche,
E. rappelant que les instruments adoptés jusqu'ici dans le domaine de l'asile n'ont fait que fixer des normes minimales et considérant qu'il y a lieu de vaincre la tendance à se mettre d'accord sur le plus petit commun dénominateur afin d'éviter le nivellement par le bas ainsi que la réduction de la protection et de la qualité de l'accueil, des procédures et de la protection,
F. rappelant que dans le programme de La Haye des 4 et 5 novembre 2004, le Conseil européen a convié le Conseil et la Commission à établir des structures appropriées associant les services nationaux des États membres en matière d'asile pour faciliter la coopération pratique, et estimant que le renforcement de cette coopération pratique ainsi que des échanges d'informations et de meilleures pratiques entre États membres constitue un moyen important pour réaliser l'objectif d'une procédure d'asile et d'un statut de réfugié communs,
G. estimant que le renforcement de la confiance mutuelle constitue l'une des pierres angulaires de la création d'un système d'asile commun, et qu'une coopération pratique et régulière entre les différents niveaux de l'administration des États membres constitue le meilleur moyen de parvenir à instaurer cette confiance; que le renforcement de la confiance mutuelle est nécessaire pour assurer la qualité et accroître la confiance du public à l'égard de la gestion de la politique d'asile et, partant, de promouvoir des procédures moins accusatoires et plus efficaces,
H. considérant qu'une mise en œuvre efficace de la politique d'asile présuppose la poursuite de divers objectifs complémentaires tels que l'amélioration de la qualité des décisions, le traitement rapide et sûr des demandes de protection ainsi que l'organisation, dans les pays d'origine et de transit, de campagnes d'information sur les possibilités d'immigration légale, sur les modalités d'acquisition du statut de réfugié ou de protection humanitaire, sur les dangers inhérents à la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les mineurs non accompagnés, sur les conséquences de l'immigration illégale ainsi que sur celles de la non-reconnaissance du statut de réfugié,
I. considérant qu'afin d'améliorer la qualité du traitement des demandes d'asile, et donc de réduire les recours et les retards dans la procédure, il peut être utile de recourir au soutien d'organisations spécialisées en ce domaine, telles que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui a développé une méthode pour aider les administrations publiques à améliorer la qualité de leurs décision (Initiative qualité),
J. rappelant que, comme le Conseil JAI des 27 et 28 avril 2006 l'a déclaré, l'instauration d'une procédure unique doit être encouragée, afin d'éviter des retards et donc de contribuer concrètement à améliorer l'efficacité des procédures,
K. considérant qu'en dépit du socle commun de mesures adoptées dans le domaine de l'asile depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les États membres continuent d'adopter, à l'échelon national, des mesures ou des décisions, notamment en matière d'octroi d'une protection internationale, qui se répercutent sur les autres États membres,
L. considérant que l'article 29 de la directive 2005/85/CE prévoit la constitution d'une liste commune minimale de pays tiers considérés comme sûrs; constatant, d'une part, que cette liste n'a toujours pas été élaborée et, d'autre part, que le Conseil n'a pas tenu compte de l'avis du Parlement lorsqu'il a adopté la directive, raison pour laquelle un recours en annulation de la directive 2005/85/CE a été introduit devant la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après " la Cour "); considérant que cette liste devrait être adoptée en codécision; considérant que l'inscription d'un pays sur cette liste ne signifierait pas automatiquement que les demandeurs d'asile provenant de ce pays se verraient refuser l'asile mais plutôt que, conformément à la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, telle que modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 (convention de Genève), chaque demande ferait l'objet d'une évaluation particulière,
M. considérant qu'il est regrettable que pour l'établissement de la liste des pays tiers sûrs, le Conseil n'ait pas considéré que la procédure de codécision doive s'appliquer, et attendant avec intérêt l'arrêt que rendra la Cour sur ce point,
N. attirant l'attention sur le fait que, pour assurer des procédures fiables et équitables garantissant le respect des droits des demandeurs d'asile, les États membres doivent pouvoir disposer d'informations de qualité sur les risques réels encourus dans les pays d'origine,
O. considérant que la violence et la menace de violences contre les femmes représentent une violation du droit à la vie, à la sécurité, à la liberté, à la dignité et à l'intégrité physique et psychique, ainsi qu'une menace sérieuse pour la santé physique et mentale des victimes de ces violences,
P. considérant que, s'il existe des problèmes techniques et politiques entravant le partage d'informations sensibles concernant les pays d'origine, il importe assurément de mettre sur pied des bases de données communes sur ces pays, afin que toutes les personnes intervenant dans la procédure puissent se baser sur les mêmes informations lorsqu'elles examinent une demande,
Q. considérant que pour améliorer les procédures de décision, il s'agit de rehausser le niveau de formation des fonctionnaires qui sont à l'origine de ces décisions,
R. rappelant que la procédure par excellence qui permet à la Cour de garantir l'unité du droit communautaire est celle du renvoi préjudiciel prévu à l'article 234 du traité CE, et qu'un élément essentiel de cette procédure est le principe selon lequel toute juridiction nationale peut solliciter une décision de la Cour; considérant toutefois qu'en raison de la dérogation à ce principe introduite par l'article 68 du traité CE, la Cour n'est malheureusement habilitée à interpréter les dispositions dans le domaine de l'asile que lorsqu'elle est interrogée par les juridictions nationales de dernière instance,
1. se félicite des efforts accomplis pour améliorer la coopération pratique dans le cadre du régime d'asile européen commun; considère qu'une amélioration de la qualité dans les procédures et dans les décisions est dans l'intérêt tant des États membres que des demandeurs d'asile;
2. réaffirme la nécessité d'une politique commune en matière d'asile fondée sur l'obligation d'accueillir les demandeurs d'asile ainsi que sur le respect du principe de non-refoulement; rappelle dans ce contexte le rôle fondamental d'une politique étrangère et de sécurité commune promouvant et préservant la démocratie et les droits fondamentaux;
3. réaffirme avec force que le but ultime de l'instauration d'un système d'asile commun doit être d'assurer une grande qualité de protection, d'évaluation des demandes d'asile et des procédures aboutissant à des décisions justes et bien fondées; attire l'attention sur le fait que l'amélioration de la qualité des décisions doit permettre aux personnes ayant besoin d'une protection de pénétrer en toute sécurité sur le territoire de l'UE et de voir leur demande examinée comme il convient et permettre d'assurer le respect rigoureux des normes internationales en matière de droits de l'homme et de droits des réfugiés, en particulier le principe de non-refoulement;
4. dénonce l'insuffisance flagrante des possibilités dont dispose la Commission pour contrôler la transposition des différentes directives relatives à l'asile et exhorte les États membres à faciliter la tâche de la Commission en lui fournissant systématiquement un tableau de correspondance indiquant par quelles mesures quelles dispositions des directives sont censées avoir été transposées;
5. demande au Conseil et à la Commission d'œuvrer à la mise en place dans tous les États membres d'une procédure commune assurant des décisions équitables et efficaces à l'effet d'assurer l'octroi du statut de réfugié dans les meilleurs délais à toutes les personnes ayant droit audit statut;
6. rappelle que, s'agissant des conditions et des modalités d'octroi d'une protection internationale, notamment d'une protection subsidiaire, des disparités subsisteront entre les États membres, et le risque de l''asylum shopping" continuera d'exister, aussi longtemps que la législation en place dans le domaine de l'asile se fondera sur des normes minimales et reposera sur le plus petit commun dénominateur;
7. souligne que l'un des objectifs des différents instruments adoptés dans le domaine de l'asile est d'endiguer les mouvements dits "secondaires"; exhorte dès lors les États membres à œuvrer concrètement à un maximum de convergence entre leurs politiques respectives en matière d'asile;
8. estime que l'une des améliorations à apporter au régime d'asile de l'Union consisterait, par souci de solidarité accrue, à mieux partager le fardeau supporté notamment par les États membres situés aux frontières extérieures de l'Union, et attend avec intérêt l'évaluation par la Commission du règlement Dublin II ainsi que toute proposition qu'elle pourrait présenter dans ce contexte;
9. est d'avis qu'il s'agirait de veiller à ce que les fonctionnaires chargés de l'octroi du statut de réfugié disposent d'une formation solide fondée sur un cursus européen, en prévoyant la possibilité d'un diplôme obligatoire ou d'un niveau de qualification obligatoire;
10. demande que les pays d'origine et de transit mènent des campagnes d'information destinées à éclairer les demandeurs d'asile potentiels sur les risques de l'immigration illégale, sur les conséquences de la non-attribution du statut de réfugié et sur les possibilités d'immigration légale et de demande d'asile lorsque le cas le justifie, ainsi que sur les dangers de la traite des êtres humains, en particulier pour les femmes et les mineurs non accompagnés;
11. demande une application rapide et équitable des mesures visant les personnes auxquelles le statut de réfugié a été refusé ou retiré, une fois les voies de recours épuisées, dans le respect total de la dignité humaine ainsi que des droits fondamentaux des personnes qui doivent être rapatriées; demande par ailleurs, dans ce contexte, la mise en place dans les meilleurs délais d'une procédure communautaire de rapatriement;
12. demande une application rapide et équitable des mesures visant les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié ou une protection humanitaire afin de favoriser des conditions de vie décentes, une réelle intégration dans la vie sociale et politique, ainsi qu'une participation active et entière aux choix de la communauté d'accueil;
13. encourage la Commission à résoudre dans les meilleurs délais les problèmes techniques et politiques inhérents à la mise en place d'une base de données commune sur les pays d'origine; considère qu'une telle base de données devrait fonctionner en tant que système ouvert, afin que toutes les personnes intervenant dans la procédure puissent se baser sur les mêmes informations lorsqu'elles examinent une demande; souhaite qu'une solution pragmatique au problème du multilinguisme puisse être trouvée;
14. constate les efforts déployés par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 29 de la directive 2005/85/CE, pour établir une liste des pays d'origine sûrs, non sans rappeler que la Cour doit encore se prononcer sur le recours en annulation introduit contre cette directive, ce qui explique que l'établissement de la liste est suspendu, et invite le Conseil à tenir compte de ces éléments et à prendre ses décisions en conséquence; rappelle par ailleurs que la notion de pays tiers sûr n'exonère pas les États membres des obligations que leur impose le droit international, notamment les dispositions de la convention de Genève relatives aux principes de non-refoulement et d'examen individuel de chaque demande d'asile;
15. estime que la coordination des activités liées à la coopération pratique en matière d'asile doit demeurer du ressort de la Commission, laquelle doit pouvoir s'appuyer sur des effectifs suffisants; demande à la Commission de privilégier cette option dans le rapport qu'elle présentera début 2008 sur les progrès réalisés dans la première phase des activités, et, si elle retient une autre option, d'indiquer pour quelle raison la mise en place d'une nouvelle structure prenant la forme d'un bureau de soutien européen est jugée nécessaire, le rapport coût-avantages devant être pris en compte; estime qu'au cas où la Commission envisagerait la création d'un bureau de soutien européen, il lui incomberait de prévoir les garanties indispensables en matière de transparence et de responsabilité;
16. encourage les États membres à coopérer avec le HCR et à lui apporter l'appui nécessaire, à mettre en place une opération "Initiative qualité" et à en publier les résultats afin de faire connaître et de promouvoir les meilleures pratiques dans le traitement des demandes de protection internationale;
17. juge inacceptable que les demandeurs d'asile soient maintenus dans des conditions caractérisées par la privation de leur liberté individuelle;
18. souligne la nécessité de la mise en place de centres d'accueil avec des structures distinctes pour les familles, les femmes et les enfants ainsi que des structures adéquates pour les personnes âgées et les handicapés demandeurs d'asile; demande qu'une évaluation soit effectuée quant aux conditions d'accueil, dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 2003/9/CE; souligne, à cet égard, que les possibilités offertes par le nouveau Fonds européen pour les réfugiés devraient être pleinement exploitées;
19. se félicite des mesures envisagées par la Commission pour aider les États membres qui subissent des pressions particulières, à faire face aux problèmes d'accueil des demandeurs d'asile et de traitement des demandes d'asile, notamment et surtout par l'envoi d'équipes d'experts constituées d'experts des différents États membres;
20. insiste sur le fait qu'il est du devoir de la Commission de contrôler l'application des directives adoptées dans le domaine de l'asile, et qu'elle doit pouvoir pour ce faire disposer d'effectifs qui, à l'heure actuelle, apparaissent totalement insuffisants pour mener à bien une tâche d'une telle ampleur; estime qu'il y va de la crédibilité de l'Union dans ce secteur, et de l'avenir de la politique commune d'asile;
21. encourage la Commission à faciliter l'accès aux instruments financiers tels que le Fonds européen pour les réfugiés et le programme ARGO afin de permettre aux États membres d'obtenir des fonds rapidement en cas de situation d'urgence;
22. attire l'attention sur le fait que le corpus de droit communautaire créé dans le domaine de l'asile appelle une interprétation et une application uniformes dans l'ensemble de l'Union; considère que le processus d'harmonisation en matière d'asile sera facilité et accéléré si la Cour peut désormais être saisie par d'autres tribunaux que les plus hautes juridictions nationales, ainsi que c'est le cas actuellement; invite dès lors le Conseil à restituer à la Cour la plénitude de ses compétences préjudicielles dans le titre IV du traité CE; se félicite du document de travail de la Cour(6) sur l'examen des questions préjudicielles relative à l'espace de liberté, de sécurité et de justice et encourage une discussion sur la nécessité d'une procédure adaptée au caractère particulier des dossiers relevant du domaine de l'asile et de l'immigration;
23. charge son Président de transmettre sa résolution au Conseil et à la Commission.