Résolution du Parlement européen du 19 juin 2008 sur l'avenir des secteurs ovin et caprin en Europe (2007/2192(INI))
Le Parlement européen,
— vu l'étude qu'il a commandée, intitulée "L'avenir des secteurs de la viande ovine et caprine en Europe",
— vu sa position du 13 décembre 2007 sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 21/2004 en ce qui concerne la date d'introduction de l'identification électronique des animaux des espèces ovine et caprine(1),
— vu l'article 45 de son règlement,
— vu le rapport de la commission de l'agriculture et du développement rural (A6-0196/2008),
A. considérant que les secteurs ovin et caprin représentent des entreprises agricoles traditionnelles importantes dans l'Union européenne, qui permettent à des milliers de producteurs de subsister et qui fournissent des produits d'excellente qualité, dotés de caractéristiques spécifiques, ainsi que des produits dérivés, apportant une contribution économique et sociale essentielle dans les zones rurales de l'Union,
B. considérant que l'élevage ovin et caprin, y compris l'élevage de races traditionnelles, joue un rôle environnemental essentiel en entretenant notamment les zones les moins fertiles et en préservant les paysages et des écosystèmes sensibles; que les espaces naturels, comme la Dehesa, ont été préservés pendant des siècles grâce à l'élevage d'ovins et de caprins; qu'en outre, étant donné leurs habitudes alimentaires, dans le cadre desquelles le broutage est important, les ovins et les caprins préservent la biodiversité de la flore, protègent la faune sauvage et nettoient les espaces naturels de la matière végétale sèche, ce qui, dans les pays méditerranéens, est essentiel pour la prévention des incendies,
C. considérant que les secteurs ovin et caprin de l'Union, qui se concentrent dans les régions les moins favorisées, accusent une chute critique de leur production et pâtissent de l'exode des producteurs ainsi que d'un manque d'attractivité total pour de jeunes éleveurs d'ovins et de caprins,
D. considérant que l'épizootie de fièvre catarrhale ovine qui sévit actuellement en Europe est très sérieuse du fait de sa durée, de sa propagation, de la diffusion des différents sérotypes de la maladie dans des zones jusque-là indemnes et des conséquences socio-économiques graves découlant des limitations à la circulation des bêtes et au commerce,
E. considérant que les secteurs ovin et caprin de l'Union se caractérisent par la faiblesse des revenus des producteurs, la chute des productions nationales et la baisse de la consommation, surtout au sein de la jeune génération, et qu'ils sont exposés à une concurrence internationale accrue sur le marché intérieur,
F. considérant que la hausse des prix des aliments pour animaux et, plus généralement, des intrants agricoles menace tout particulièrement le secteur de l'élevage ovin et caprin en augmentant les coûts et en exerçant une pression supplémentaire sur ce secteur, qui se trouve déjà en situation critique sur le plan de la compétitivité,
G. considérant que la conjoncture actuelle ainsi que l'évolution prévue de la demande mondiale et des prix des produits agricoles et des produits alimentaires imposent à l'Union d'éviter autant que possible de dépendre de produits d'élevage et d'aliments pour animaux importés et d'assurer un meilleur équilibre de ces produits, en particulier des produits traditionnels et protégés de l'élevage ovin et caprin pour lesquels le marché de l'Union était autosuffisant,
H. considérant que l'échelle de production d'ovins et de caprins du Nord et du Sud de l'Union diffère considérablement,
I. considérant que le bétail ovin, exposé depuis toujours à plusieurs maladies connues, est également particulièrement touché par certaines nouvelles maladies comme la fièvre catarrhale ovine,
J. considérant que le secteur de l'agneau dans l'Union ne dispose pas d'un accès intéressant aux fonds communautaires pour la promotion des produits agricoles et nécessite une campagne de promotion soutenue afin de développer les préférences des consommateurs,
K. considérant que le bilan de santé à venir de la politique agricole commune (PAC) offre l'occasion d'envisager des instruments de politique adéquats et un soutien de la PAC en faveur des secteurs ovin et caprin,
1. reconnaît la nécessité urgente pour le Conseil des ministres de l'agriculture et la Commission de prendre des mesures pour garantir un avenir fructueux et durable des productions de lait et de viande d'origine ovine et caprine dans l'Union, relancer la consommation de ces produits et maintenir et attirer de jeunes éleveurs dans ce secteur, et plaide en faveur du maintien de ces entreprises agricoles traditionnelles et respectueuses de l'environnement dont le rôle est d'approvisionner le marché communautaire et de constituer une source d'approvisionnement communautaire pour les produits de l'élevage ovin et caprin de l'Union;
2. note l'intention de la Commission de revoir les instruments de ses politiques puisque leurs effets négatifs ont été démontrés; se félicite que référence soit faite à cette question spécifique dans le contexte de la communication récente de la Commission intitulée "Préparer le 'bilan de santé' de la PAC réformée" (COM(2007)0722);
3. appelle le Conseil des ministres de l'agriculture et la Commission à allouer de toute urgence un soutien financier supplémentaire aux producteurs de viande et de lait d'origine ovine et caprine dans l'Union afin qu'ils puissent développer une production ovine et caprine dynamique, autosuffisante, guidée par le marché et orientée vers le consommateur au sein de l'Union; appelle encore le Conseil des ministres de l'agriculture et la Commission à se pencher sur l'avenir de ces secteurs dans le cadre du bilan de santé de la PAC, au travers de la mise en œuvre de différentes mesures qui offrent aux États membres, en ne perdant toutefois pas de vue la nécessité d'éviter toute distorsion de la concurrence sur le marché intérieur, une certaine flexibilité dans le choix des possibilités de financement suivantes:
—
introduction d'un nouveau plan environnemental de maintien des ovins par tête qui serait a) financé directement par des crédits communautaires ou b) cofinancé par l'Union et les gouvernements nationaux, afin de mettre un terme au déclin de la production; de tels financements seraient liés aux atouts environnementaux associés à la production ovine, ainsi qu'aux progrès réalisés du point de vue de la qualité et de la technique des zones de production,
—
analyse de la disponibilité et de l'utilisation des fonds non utilisés au titre du premier pilier et du deuxième pilier de la PAC, afin de réaffecter ces crédits, en soutien des secteurs ovin et caprin,
—
modification de l'article 69 du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs(2), dans le cadre du bilan de santé de la PAC afin que les États membres puissent allouer jusqu'à 12 % de leurs paiements nationaux à des mesures de soutien des filières en difficulté et de maintien de l'activité agricole dans les zones défavorisées,
—
inclusion des mesures pour les producteurs d'ovins et de caprins parmi les défis nouveaux que pose le bilan de santé de la PAC dans le cadre du deuxième pilier, auxquelles il sera possible d'ajouter les fonds résultant de la modulation;
4. invite la Commission à introduire des crédits de paiement supplémentaires pour les éleveurs ovins et caprins traditionnels et régionaux rares des régions montagneuses et des autres zones rencontrant des difficultés particulières, afin de maintenir la diversité biologique dans l'agriculture et les moutons dans certaines régions sensibles;
5. invite la Commission, dans le cadre du processus de simplification de la révision du bilan de santé de la PAC, à accorder un préavis de quatorze jours aux éleveurs en vue des inspections en matière de conditionnalité in situ menées dans les exploitations;
6. note que le pourcentage du prix de vente au détail perçu par les producteurs sur la viande ovine est insuffisant et attire l'attention sur sa déclaration sur la nécessité d'enquêter sur les abus de pouvoir des grands supermarchés établis au sein de l'Union européenne et de remédier à la situation(3); se félicite du fait que la Commission ait créé un groupe de haut niveau sur la compétitivité de l'industrie agroalimentaire chargé d'étudier la situation en ce qui concerne le pouvoir de marché dans la distribution, et escompte que les représentants du Parlement seront pleinement associés à ce travail;
7. demande à la Commission d'enquêter sur la chaîne d'approvisionnement en viandes ovine et caprine afin de garantir que les exploitants perçoivent un revenu équitable sur le marché;
8. invite la Commission à favoriser l'établissement de conditions de vente directe par les producteurs et les associations de producteurs, afin de limiter les hausses de prix artificielles;
9. note que la production de lait d'ovin et de caprin doit être encouragée au même titre que la production de viande ovine et caprine, afin notamment de garantir la pérennité de l'ensemble de la chaîne de transformation du lait et de production de fromages dont la typicité et la qualité sont largement reconnues;
10. invite le Conseil des ministres de l'agriculture et la Commission à étudier la possibilité d'introduire un financement communautaire pour l'application dans toute l'Union du système d'identification électronique pour les moutons prévue pour le 31 décembre 2009, car même si ce système va améliorer la traçabilité, la gestion de troupeaux et la lutte contre la fraude, il impliquera pour ce secteur en crise de nouvelles charges administratives et des coûts élevés;
11. demande à la Commission d'améliorer sa capacité de réaction face à des épizooties animales aussi graves que la fièvre catarrhale ovine qui sévit actuellement, par le biais d'une nouvelle stratégie de santé animale pour l'Union, du financement de la recherche, de l'indemnisation des pertes, d'avances sur les paiements, etc.;
12. appelle l'équipe de négociation de l'Union dans les débats au sein de l'Organisation mondiale du commerce à réduire l'échelle des diminutions de droits de douane sur la viande ovine et à garantir que l'Union puisse recourir à l'option "statut de produit sensible" pour les produits de viande ovine;
13. appelle la Commission à procéder à la révision des régimes de gestion existants en matière de quotas d'importations, afin de garantir que l'agneau produit dans l'Union ne soit pas soumis à une concurrence déloyale;
14. invite la Commission à introduire dans l'Union un système de réglementation en matière d'étiquetage obligatoire pour les produits à base de viande ovine, lequel comporterait un logo commun pour permettre aux consommateurs de distinguer les produits de l'Union de ceux des pays tiers, et répondrait à un certain nombre de critères, y compris un système d'assurance agricole et l'indication du pays d'origine, en vue de garantir que les consommateurs soient pleinement informés sur le lieu d'origine du produit; estime que le système doit être conçu de telle sorte qu'il permette d'éviter toute atteinte aux systèmes d'étiquetage promotionnel existants aux niveaux des États membres et régional;
15. souligne que les moyens les plus efficaces et les plus durables d'aider le secteur résident dans le développement du marché, dans la communication auprès des consommateurs, en insistant sur les bienfaits nutritionnels et pour la santé des produits concernés, et en en encourageant la consommation;
16. invite la Commission à augmenter le budget annuel de l'Union pour la promotion des produits alimentaires, évalué à 45 000 000 EUR pour l'année 2008, à garantir le financement en faveur de la viande ovine de l'Union, ainsi qu'à changer, à simplifier et à rationaliser les règles pratiques régissant l'exécution du budget, de telle sorte que les produits à base d'agneau aient un accès significatif au budget;
17. invite la Commission et les États membres à valoriser le rôle essentiel que joue l'élevage ovin dans la mise en valeur économique et durable des zones les plus en difficultés et dans l'aménagement du territoire et à favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs prioritairement dans cette filière;
18. invite la Commission à coordonner des campagnes de promotion en faveur des produits ovins et caprins affichant l'indication géographique protégée (IGP) et l'appellation d'origine protégée (AOP) et à cibler les États membres concernés afin de permettre d'en maximiser la consommation;
19. demande à la Commission que, d'une manière générale, elle mène, au niveau de l'Union, une campagne de communication destinée à l'ensemble des consommateurs et basée sur des actions novatrices, qui pourraient aller de la diffusion, sur les points de vente, des différentes préparations à consommer, à des campagnes mettant en avant de grands chefs européens qui insisteraient sur la qualité du produit et feraient connaître des recettes culinaires;
20. demande à la Commission et aux États membres de mettre en place des programmes encourageant les producteurs à créer des associations de production et de commercialisation, à pratiquer la commercialisation directe et à produire et étiqueter des qualités particulières des produits à base de viande et de lait ovins et caprins (par exemple des produits biologiques ou des spécialités régionales);
21. invite la Commission à offrir son assistance en vue de l'ouverture de marchés d'exportation pour les produits et les abats ovins en provenance de l'Union, dans des pays où des restrictions inutiles sont en vigueur;
22. invite la Commission à inclure le secteur ovin et caprin dans le deuxième programme d'action communautaire dans le domaine de la santé (2008-2013)(4) afin de convaincre les consommateurs, en particulier les jeunes gens, faibles consommateurs de produits ovins et caprins, des bienfaits pour la santé et de l'apport protéinique qu'offrent ceux-ci, et d'organiser une campagne d'information active dans les États membres sur la viande et les produits dérivés du secteur ovin et caprin;
23. invite la Commission à encourager la recherche et le développement dans l'industrie des "petits ruminants", en se concentrant tant sur l'innovation technique des exploitations agricoles que sur l'innovation pour les produits à base d'agneau, le fromage et les produits dérivés comme la laine et les peaux, dits "cinquième quart", et pour lesquels le bénéfice financier est à l'heure actuelle presque négligeable;
24. met en garde contre la disparition des professions d'éleveur d'ovins, de berger, d'ouvrier de traite et de tondeur, et demande à la Commission que la stratégie destinée à ce secteur comprenne des actions de communication auprès du public et d'échanges de professionnels entre les centres d'enseignement, ainsi que des programmes de mobilité entre les États membres pour les professionnels et les étudiants de l'enseignement agricole;
25. souligne la nécessité d'améliorer la mise à disposition de produits médicaux et vétérinaires pour les secteurs ovin et caprin au niveau de l'Union, grâce à un soutien à la recherche pharmaceutique et à la simplification des autorisations de mise sur le marché;
26. demande à la Commission, eu égard notamment à la fièvre catarrhale ovine, de stimuler, en cas d'apparition d'épizooties, la recherche de leurs causes et des possibilités de les combattre, d'élaborer une stratégie de lutte efficace, de coordonner les efforts des États membres, de favoriser l'élaboration de vaccins, de mettre au point une stratégie de vaccination efficace et de soutenir financièrement la vaccination des animaux; demande que les mesures légalement établies au cours de la lutte contre une épizootie, mais qui, avec le temps, se sont révélées inefficaces, soient rayées aussi rapidement que possible de la liste de mesures;
27. invite la Commission à présenter des propositions sur la transparence des prix dans le secteur afin de fournir des informations aux consommateurs et aux producteurs sur le prix des produits;
28. invite la présidence du Conseil et la Commission à contrôler attentivement les secteurs de production ovine et caprine au sein de l'Union, et à veiller à ce que des rapports sur les changements mis en œuvre soient régulièrement soumis au Parlement;
29. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres.
Décision no 1350/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 établissant un deuxième programme d'action communautaire dans le domaine de la santé (2008-2013) (JO L 301 du 20.11.2007, p. 3).