Résolution du Parlement européen du 23 octobre 2008 sur l'impact des mesures de sûreté de l'aviation et des scanners corporels sur les droits de l'homme, la vie privée, la dignité personnelle et la protection des données
Le Parlement européen,
— vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6 du traité UE, l'article 80, paragraphe 2, du traité CE et le règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile(1),
— vu l'article 108, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que la Commission a présenté un projet de règlement de la Commission complétant les normes de base communes en matière de sûreté de l'aviation civile, lequel inclut parmi les méthodes autorisées d'inspection/filtrage des passagers dans les aéroports de l'Union européenne les "scanners corporels", c'est-à-dire des machines produisant des images scannées des personnes, comme si elles étaient nues, ce qui équivaut à une fouille au corps virtuelle,
B. considérant que les scanners corporels sont peut-être l'une des solutions techniques requises pour maintenir un niveau élevé de sécurité dans les aéroports européens,
C. considérant qu'un cadre européen garantissant les droits des passagers européens en cas de recours à des scanners corporels est essentiel pour éviter que chaque aéroport n'applique des règles différentes,
D. considérant que ce projet de mesure, loin d'être purement technique, a des conséquences graves sur le droit à la vie privée, le droit à la protection des données et le droit à la dignité personnelle et qu'elle doit donc être assortie de garanties fortes et appropriées,
E. considérant que la Commission n'a pas assorti ce projet de mesure d'une évaluation d'impact sur les droits fondamentaux ainsi que le requiert la communication de la Commission du 27 avril 2005 sur le respect de la charte des droits fondamentaux dans les propositions législatives de la Commission (COM(2005)0172) et n'a consulté ni le contrôleur européen de la protection des données, ainsi que le requiert l'article 28, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données(2), ni le groupe de travail "article 29", ni l'agence des droits fondamentaux et considérant qu'aucune étude n'a eu lieu concernant les effets éventuels de tels équipements sur la santé des passagers;
F. considérant que pour les raisons qui précèdent, il y a lieu de s'interroger sur la justification de cette mesure ainsi que sur sa proportionnalité et sa nécessité dans une société démocratique,
G. considérant que ce projet de mesure concernant les méthodes d'inspection/filtrage des passagers, examinée dans le cadre de la procédure de réglementation avec contrôle (comitologie), sera suivie de mesures d'exécution concernant les exigences et les procédures en matière d'inspection/filtrage qui seront décidées au travers de procédures dans lesquelles le Parlement n'a quasiment aucun pouvoir,
H. considérant qu'aucun débat large, transparent et ouvert impliquant les passagers, les parties prenantes et les institutions au niveaux national et européen n'a été encouragé sur ce qui est une question extrêmement délicate touchant aux droits fondamentaux des citoyens,
I. considérant qu'il est nécessaire d'assurer une sécurité effective dans le secteur de l'aviation,
J. considérant que la décision de la Commission de lever progressivement l'interdiction des liquides d'ici avril 2010 au plus tard va dans le bon sens,
1. estime que les conditions d'une prise de décision ne sont pas encore réunies, dès lors que des informations essentielles font toujours défaut, et invite la Commission, avant l'expiration du délai de trois mois, à:
—
procéder à une évaluation d'impact sur les droits fondamentaux;
—
consulter le contrôleur européen de la protection des données, le groupe de travail "article 29" et l'agence des droits fondamentaux;
—
procéder à une évaluation scientifique et médicale des effets possibles de telles technologies sur la santé;
—
procéder à une évaluation des effets économiques et commerciaux et à une étude du rapport coûts/bénéfices;
2. estime que ce projet de mesure pourrait outrepasser les pouvoirs d'exécution prévus dans l'instrument de base, dès lors que les dispositions en question ne peuvent être considérées comme de simples dispositions techniques liées à la sûreté de l'aviation mais ont de graves incidences sur les droits fondamentaux des citoyens;
3. à cet égard, estime que toutes les mesures de sûreté de l'aviation, y compris l'utilisation de scanners corporels, devraient respecter le principe de proportionnalité, justifié et nécessaire dans une société démocratique et demande dès lors au contrôleur européen de la protection des données, au groupe de travail "article 29" et à l'agence des droits fondamentaux de rendre d'urgence un avis sur les scanners corporels pour le début du mois de novembre 2008;
4. se réserve le droit de vérifier la compatibilité de telles mesures avec les droits de l'homme et les libertés fondamentales auprès des services juridiques de l'Union européenne et de prendre en conséquence les dispositions qui s'imposeront;
5. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux parlements et aux gouvernements des États membres.