Résolution du Parlement européen du 23 octobre 2008 sur la Birmanie
Le Parlement européen,
— vu ses résolutions des 19 juin 2008(1), 24 avril 2008(2), 27 septembre 2007(3), 21 juin 2007(4) et 14 décembre 2006(5) relatives à la Birmanie,
— vu les conclusions du Conseil du 29 avril 2008 sur la Birmanie/le Myanmar, adoptées par le Conseil "Affaires générales et relations extérieures" réuni à Luxembourg, et la position commune 2006/318/PESC du Conseil du 27 avril 2006 renouvelant les mesures restrictives à l'encontre de la Birmanie/du Myanmar(6),
— vu le rapport présenté le 3 septembre 2008 (A/63/341) par le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, Tomás Ojea Quintana,
— vu l'article 115, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que le 24 octobre 2008, cela fera treize ans que Daw Aung San Suu Kyi, secrétaire générale de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), est injustement maintenue en détention en tant que prisonnière politique; considérant que 2 120 autres personnes demeurent emprisonnées dans des conditions atroces tout simplement parce qu'elles ont exprimé le souhait d'introduire la démocratie en Birmanie; considérant que, le 3 octobre 2008, Navanethem Pillay, qui a été récemment nommée Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a lancé un appel officiel aux autorités militaires birmanes afin qu'elles libèrent tous les prisonniers politiques,
B. considérant que, le jour de l'anniversaire de la captivité de Daw Aung San Suu Kyi, les dirigeants des pays d'Asie et d'Europe se réuniront pour le septième sommet Asie-Europe (ASEM) en Chine, les 24 et 25 octobre 2008,
C. considérant que la junte militaire birmane refuse délibérément de prendre des mesures de prévention ou de protection afin de lutter contre la sérieuse famine qui menace l'État Chin, situé à l'ouest du pays,
D. considérant qu'en septembre 2008, les autorités birmanes ont mené durant cinq jours des actions de répression contre les multiples mouvements de protestation qui avaient éclaté six semaines auparavant,
E. considérant que la situation des droits de l'homme a continué à se détériorer, que la répression politique s'est intensifiée et que la junte militaire n'est pas parvenue à tenir les engagements pris à l'égard de la communauté internationale à la suite de la révolution safran de septembre 2007,
F. considérant qu'en 2003, les États-Unis ont interdit toute importation de textiles de Birmanie, ceux-ci étant fabriqués dans des conditions proches de l'esclavage, et que le Conseil de l'Union européenne n'est jusqu'à présent pas parvenu à dégager un consensus parmi les États membres afin de prendre des mesures équivalentes,
G. considérant que le secrétaire général des Nations unies a annoncé qu'il était susceptible d'annuler une visite au Myanmar prévue pour décembre 2008 si la situation du pays ne s'améliorait pas de manière notable au cours des prochains mois,
H. considérant que les Nations unies ont révélé en août 2008 que les autorités militaires birmanes détournaient une partie de l'aide humanitaire fournie à la Birmanie en appliquant des taux de change abusifs,
I. considérant que les autorités militaires birmanes ont bloqué l'accès via internet aux médias libres, entravé la diffusion des sources d'information indépendantes et emprisonné ceux que l'on qualifie de cyberdissidents parce qu'ils ont tenté d'exprimer librement leurs opinions politiques,
1. condamne le maintien en détention de Daw Aung San Suu Kyi qui, depuis sa victoire aux dernières élections démocratiques de 1990, a été la plupart du temps assignée à résidence, et insiste pour qu'elle soit immédiatement remise en liberté;
2. déplore le fait que le nombre de prisonniers politiques soit passé de 1 300 à 2 000 depuis la révolution safran, et que, malgré la libération de U Win Tin, ancien journaliste et secrétaire de la LND, et de six autres dirigeants de ce parti en septembre 2008, 23 membres de la LND aient été arrêtés par la suite;
3. dénonce le caractère arbitraire des charges retenues lors des arrestations de nombreux dissidents et les conditions de détention pénibles auxquelles sont soumis les prisonniers politiques, impliquant notamment le recours généralisé à la torture et aux travaux forcés; exprime sa vive préoccupation concernant le refus systématique de traitements médicaux aux prisonniers politiques et demande que les visites du Comité international de la Croix-Rouge aux détenus soient à nouveau autorisées;
4. engage les pays de l'ASEM à lancer conjointement, à l'occasion de leur sommet, un appel aux autorités militaires birmanes afin d'obtenir la libération de tous les prisonniers politiques;
5. condamne fermement le nettoyage ethnique perpétré à l'encontre de la minorité karen, y compris les membres de celle-ci qui cherchent refuge auprès du pays voisin, la Thaïlande; invite à cet égard la communauté internationale à exercer des pressions plus fortes sur la junte afin qu'elle mette un terme aux opérations militaires dirigées contre des civils et à accroître l'aide humanitaire offerte aux populations touchées, notamment en recourant à des mécanismes transfrontaliers lorsque cela s'avère nécessaire;
6. invite la Commission à insister pour que soient levées toutes les restrictions à la livraison de l'aide imposées par les autorités militaires birmanes dans les régions touchées par le cyclone Nargis et à présenter un rapport détaillé sur l'efficacité de cette assistance et l'ampleur de l'assistance qui demeure nécessaire;
7. invite les autorités birmanes à assumer sans plus attendre leurs responsabilités humanitaires, notamment pour faire face à la famine imminente dans l'État Chin;
8. souligne que, bien que des émissaires des Nations unies se soient rendus à 37 reprises au Myanmar au cours des vingt dernières années, aucune réforme n'a pu être obtenue du Conseil d'État pour la paix et le développement (SPDC) et rappelle la déclaration du président du Conseil de sécurité des Nations unies du 11 octobre 2007 sur la situation au Myanmar (S/PRST/2007/37), qui a également été ignorée par le SPDC; demande que des délais et des objectifs soient fixés concernant les réformes à entreprendre et invite le Conseil de sécurité des Nations unies à se résoudre à prendre des mesures supplémentaires à l'égard de la Birmanie en cas de non respect de ces délais et objectifs;
9. invite le gouvernement birman à procéder peu à peu à la mise en œuvre des quatre droits de l'homme les plus fondamentaux, ainsi que l'a demandé le rapporteur spécial des Nations unies, à savoir: la liberté d'expression, de rassemblement et d'association; la libération des prisonniers d'opinion; la mise en place d'un gouvernement civil démocratique et multipartite; l'établissement d'un système judiciaire indépendant et impartial;
10. invite le secrétaire général des Nations unies à programmer une deuxième mission en Birmanie pour décembre 2008, ce quelle que soit la situation, afin de pouvoir personnellement réclamer d'urgence la libération de tous les prisonniers politiques ainsi que la pleine participation de la LND aux préparatifs en vue des élections de 2010 et de souligner la nécessité de tenir compte des demandes formulées par les Nations unies;
11. invite le Conseil européen à profiter de sa réunion des 11 et 12 décembre 2008 pour procéder à une révision du règlement (CE) n° 194/2008 du 25 février 2008 renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Birmanie/du Myanmar(7), afin d'élargir la portée des sanctions ciblées en veillant à restreindre l'accès aux services bancaires internationaux pour les entreprises ou conglomérats détenus par les militaires birmans ou étroitement liés à eux, à suspendre toute importation de textiles fabriqués en Birmanie et à mettre fin à la possibilité pour certains généraux et leurs proches de faire des affaires, d'avoir accès aux soins de santé, de faire des achats ou d'envoyer leurs enfants étudier à l'étranger;
12. invite la Commission à décrire les mesures qu'elle entend prendre compte tenu du fait que les Nations unies ont reconnu qu'une partie de l'aide humanitaire fournie à la Birmanie pâtissait du taux de change abusif pratiqué par l'État;
13. exprime sa vive préoccupation quant au fait que l'organe mis en place par les autorités militaires birmanes pour enquêter sur les décès, arrestations et disparitions liés aux manifestations pacifiques de septembre 2007 n'a livré aucune conclusion et invite les autorités birmanes à faciliter le travail d'une commission d'enquête placée sous l'égide des Nations unies;
14. prie instamment les gouvernements chinois, indien et russe d'utiliser, par rapport aux autorités birmanes, les moyens d'influence considérables dont ils disposent sur les plans économique et politique afin de favoriser la mise en œuvre d'améliorations significatives dans le pays, et de cesser de lui fournir des armes et d'autres ressources stratégiques;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, à l'envoyé spécial de l'Union pour la Birmanie, au SPDC, aux gouvernements des pays membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) et de l'ASEM, au secrétariat de l'ASEM, à la commission interparlementaire de l'ANASE pour le Myanmar, à Daw Aung San Suu Kyi, à la LND, au secrétaire général des Nations unies, au Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et au rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en Birmanie.