Résolution du Parlement européen du 5 février 2009 sur l'impact des accords de partenariat économique (APE) sur le développement (2008/2170(INI))
Le Parlement européen
— vu l'accord de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (accord de Cotonou)(1),
— vu le règlement (CE) n° 980/2005 du Conseil du 27 juin 2005 portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées(2),
— vu le règlement (CE) n° 1528/2007 du Conseil du 20 décembre 2007 appliquant aux produits originaires de certains États appartenant au groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des accords de partenariats économiques(3),
— vu les conclusions du Conseil "Affaires générales et relations extérieures" (CAGRE) sur les accords de partenariat économique, des 10 et 11 avril 2006, et sur l'aide pour le commerce, du 16 octobre 2006, ainsi que les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 juin 2006,
— vu les conclusions du CAGRE sur les accords de partenariat économique, du 15 mai 2007,
— vu les conclusions de la 2870e session du CAGRE sur les accords de partenariat économique, des 26 et 27 mai 2008,
— vu la résolution du Conseil des ministres ACP-UE, adoptée le 13 juin 2008 à Addis Abeba,
— vu la communication de la Commission du 28 novembre 2006 intitulée "Communication relative à la modification des directives de négociation d'accords de partenariat économique avec les pays et régions ACP" (COM(2006)0673),
— vu la communication de la Commission du 27 juin 2007, intitulée "Du Caire à Lisbonne – Le partenariat stratégique UE-Afrique" (COM(2007)0357),
— vu la communication de la Commission du 23 octobre 2007 sur les accords de partenariat économique (COM(2007)0635),
— vu l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), notamment son article XXIV,
— vu la déclaration du Millénaire des Nations unies, du 8 septembre 2000, définissant les objectifs de développement du Millénaire en tant que critères établis conjointement par la communauté internationale pour l'élimination de la pauvreté,
— vu la déclaration de la deuxième conférence des ministres africains de l'intégration, adoptée à Kigali, au Rwanda, les 26 et 27 juillet 2007,
— vu le rapport présenté le 16 juin 2008 par Mme Christiane Taubira, membre de l'Assemblée nationale française, intitulé "Les Accords de Partenariat Economique entre l'Union européenne et les pays ACP. Et si la Politique se mêlait enfin des affaires du monde ?",
— vu la résolution de l'Assemblée parlementaire paritaire (APP) ACP-UE du 19 février 2004 sur les accords de partenariat économique: problèmes et perspectives(4),
— vu la résolution de l'APP ACP-UE du 23 novembre 2006 sur l'état des négociations des accords de partenariat économique (APE)(5),
— vu la déclaration de Kigali concernant des accords de partenariat économique (APE) en faveur du développement, approuvée le 20 novembre 2007 par l'APP ACP-UE(6),
— vu la déclaration sur les APE adoptée par les chefs d'États des pays ACP à Accra au Ghana, le 3 octobre 2008,
— vu sa résolution du 26 septembre 2002 contenant ses recommandations à la Commission concernant les négociations d'accords de partenariat économique avec les régions et États ACP(7),
— vu sa résolution du 17 novembre 2005 sur une stratégie de développement pour l'Afrique(8),
— vu sa résolution du 23 mars 2006 sur l'impact sur le développement des accords de partenariat économique (APE)(9),
— vu sa résolution du 28 septembre 2006 sur "Coopérer plus, coopérer mieux: le paquet 2006 sur l'efficacité de l'aide de l'UE"(10),
— vu sa résolution du 23 mai 2007 sur les accords de partenariat économique(11),
— vu sa résolution du 23 mai 2007 sur l'aide au commerce accordée par l'Union européenne(12),
— vu sa résolution du 20 juin 2007 sur les objectifs du Millénaire pour le développement – Bilan à mi-parcours(13),
— vu sa résolution du 29 novembre 2007 sur le thème "Faire progresser l'agriculture africaine – Proposition pour le développement agricole et la sécurité alimentaire en Afrique"(14),
— vu sa résolution du 12 décembre 2007 sur les accords de partenariat économique(15),
— vu sa résolution du 22 mai 2008 sur le suivi de la déclaration de Paris de 2005 sur l'efficacité de l'aide au développement(16),
— vu l'article 45 de son règlement,
— vu le rapport de la commission du développement (A6-0513/2008),
A. considérant qu'à l'article 36, paragraphe 1, de l'accord de Cotonou, l'Union européenne et les États ACP "conviennent de conclure de nouveaux accords commerciaux compatibles avec les règles de l'OMC en supprimant progressivement les entraves aux échanges entre elles et en renforçant la coopération dans tous les domaines en rapport avec le commerce",
B. considérant que les directives de négociation concernant les APE avec les États ACP ont été adoptées par le Conseil le 12 juin 2002 et que les négociations avec le groupe des États ACP sur des questions d'intérêt général ont été ouvertes la même année et ont été suivies de négociations distinctes avec six régions APE (Caraïbes, Afrique de l'ouest, Afrique centrale, Afrique de l'est et du sud, CDAA-moins, Pacifique),
C. considérant que les quinze États membres du Forum des États ACP des Caraïbes (CARIFORUM) ont paraphé un APE avec l'Union européenne et ses États membres le 16 décembre 2007,
D. considérant l'article 231 de l'APE conclu avec le CARIFORUM, qui établit une commission parlementaire CARIFORUM-CE,
E. considérant que dix-huit pays africains, dont huit figurent parmi les pays les moins avancés (PMA), ont paraphé des APE appelés "tremplins" en novembre et décembre 2007, tandis que 29 autres pays africains ACP, dont trois ne sont pas des PMA, n'ont paraphé aucun APE; considérant que l'Afrique du Sud et l'Union européenne avaient déjà signé l'accord sur le commerce, le développement et la coopération (ACDC), un régime commercial compatible avec l'OMC,
F. considérant que la Papouasie – Nouvelle-Guinée et les îles Fidji, pays ACP, mais non-PMA, ont paraphé un APE provisoire le 23 novembre 2007, tandis que les autres pays ACP du Pacifique (six PMA et sept non-PMA) n'ont paraphé aucun APE,
G. considérant que les accords paraphés en 2007 n'avaient pas encore été signés mais qu'il était prévu qu'ils le fussent tous avant la fin de l'année 2008,
H. considérant que l'Union applique, depuis le 1er janvier 2008, le régime d'importation de produits originaires des États ACP qui ont paraphé des APE ou APE tremplins, comme prévu dans ces accords(17),
I. considérant que les pays d'Afrique et du Pacifique poursuivent les négociations avec la Commission en vue de la conclusion d'APE complets,
J. considérant qu'il a été confirmé à maintes reprises par toutes les parties, notamment par le biais de résolutions du Parlement européen, mais également de documents du Conseil et de la Commission, que les APE doivent être des instruments de développement propres à promouvoir le développement durable, l'intégration régionale et une réduction de la pauvreté dans les États ACP,
K. considérant que les coûts d'ajustement résultant des APE auront un impact négatif significatif sur le développement des pays ACP, impact qui, bien que difficile à prédire, sera composé d'un impact direct à travers la perte des droits de douane et à travers les coûts liés à la réforme et aux mesures d'application réglementaires nécessaires pour répondre aux nombreuses dispositions prévues par les APE, et d'un impact indirect à travers les coûts nécessaires pour l'adaptation ou le soutien social dans les domaines de l'emploi, de l'amélioration des compétences, de la production, de la diversification des exportations et de la réforme de la gestion des finances publiques,
L. considérant que 21 pays ACP ont prévu des montants spécifiques pour les mesures d'accompagnement des APE dans leur programmes indicatifs nationaux (PIN) pour le 10e Fonds européen de développement (FED), et que certains d'entre eux n'ont pas encore signé d'APE,
M. considérant que les montants prévus expressément dans tous les PIN pour des mesures liées aux EPA ne représentent que 0,9 % du montant total des PIN (enveloppes A); considérant que, par ailleurs, il existe des mesures de soutien importantes pour les APE indirects, notamment en ce qui concerne l'intégration régionale et les infrastructures ainsi que l'aide au commerce,
N. considérant que l'impact des APE sur le développement va se traduire par:
—
la réduction du montant net des recettes douanières et ses effets sur les budgets des États ACP,
—
l'amélioration de l'offre économique dans les pays ACP et l'approvisionnement des clients en produits importés de l'Union,
—
une augmentation des exportations des pays ACP vers l'Union grâce à l'amélioration des règles d'origine, ce qui conduirait à une croissance économique, à la création d'emplois et à une augmentation des recettes fiscales qui pourraient être utilisées pour le financement de mesures sociales,
—
une intégration régionale dans les régions ACP, qui permettrait d'améliorer le cadre pour le développement économique et donc de contribuer à la croissance économique,
—
l'utilisation fructueuse des fonds destinés au financement de l'aide pour le commerce dans le cadre des APE,
—
la mise en œuvre de mesures de réforme dans les pays ACP, en particulier en ce qui concerne la gestion des finances publiques, la collecte des droits de douane et la mise en place d'un nouveau système de recettes fiscales,
O. considérant qu'il est absolument primordial de promouvoir et de soutenir le commerce intérieur et entre les régions ACP, d'une part, et le commerce entre les pays ACP et d'autres pays en développement (sud-sud), d'autre part, ce qui se traduira par des effets positifs importants sur le développement des pays ACP et réduira leur dépendance,
P. considérant que dans ses conclusions précitées, des 26 et 27 mai 2008, le CAGRE a souligné la nécessité d'adopter une approche flexible tout en garantissant des progrès adéquats et a invité la Commission à avoir recours dans toute la mesure du possible à la flexibilité et à l'asymétrie compatibles avec les règles de l'OMC pour tenir compte des différents besoins et niveaux de développement des pays et régions ACP,
Q. considérant que les populations des pays ACP sont les plus touchées par la crise financière et alimentaire mondiale qui menace de réduire à néant les maigres résultats enregistrés sur la voie des objectifs du Millénaire pour le développement,
1. demande instamment au Conseil, à la Commission et aux gouvernements des États membres de l'Union et des pays ACP de faire tout leur possible pour rétablir un climat de confiance et de dialogue constructif, dans la mesure où il a été endommagé au cours des négociations, et de reconnaître les États ACP comme des partenaires égaux dans le cadre du processus de négociation et de mise en œuvre;
2. invite instamment les États membres à respecter leurs engagements à accroître l'aide publique au développement (APD), y compris dans le contexte actuel de crise financière mondiale, ce qui permettra d'augmenter l'aide pour le commerce, et à mettre en place des mesures d'accompagnement sous la forme de paquets d'aide pour le commerce au niveau régional aux fins de la mise en œuvre des APE qui contribuent à l'impact positif des APE sur le développement; souligne que la signature d'un APE n'est pas une condition préalable pour recevoir des fonds au titre de l'aide pour le commerce;
3. souligne que les APE sont un instrument de développement qui devrait refléter à la fois les intérêts et les besoins nationaux et régionaux des pays ACP aux fins de la réduction de la pauvreté, de la réalisation des OMD et du respect des droits de l'homme fondamentaux, tels que le droit à l'alimentation ou le droit d'accès aux services publics de base;
4. rappelle au Conseil et à la Commission que ni la conclusion d'un APE ni la renonciation à ce dernier ne devrait conduire à une situation où un pays ACP se trouverait dans une position moins favorable que celle qui lui était assurée en vertu des dispositions commerciales de l'accord de Cotonou;
5. invite instamment la Commission et les pays ACP à faire le meilleur usage des fonds destinés à l'aide pour le commerce afin de soutenir le processus de réforme dans des domaines essentiels pour le développement économique, à améliorer les infrastructures, lorsque cela est nécessaire, car les possibilités offertes par les APE ne pourront être pleinement exploitées que si des mesures fortes d'accompagnement des pays ACP sont mises en place, à compenser la perte nette des recettes douanières et à encourager la réforme fiscale de telle sorte que les investissements publics dans les secteurs sociaux ne soient pas réduits, ainsi qu'à investir dans la chaîne de production en vue de diversifier la production à l'exportation et à produire davantage de marchandises à plus forte valeur ajoutée destinées à l'exportation et à investir dans des programmes de formation et de soutien propres à aider les petits producteurs et exportateurs à répondre aux critères sanitaires et phytosanitaires de l'Union;
6. souligne que les APE conclus avec des pays ACP individuels ou avec des groupes de pays n'incluant pas l'ensemble des pays d'une région donnée risquent d'entraver le processus d'intégration régionale; demande à la Commission de redéfinir son approche en tenant compte de ce risque et de veiller à ce que la conclusion d'APE ne nuise pas à l'intégration régionale;
7. souligne que les augmentations d'APD promises par les États membres devraient prioritairement servir à redoubler d'efforts dans la poursuite des objectifs du Millénaire pour le développement au sein des pays ACP les plus durement touchés par les conséquences de la crise financière et alimentaire mondiale qui a mis et continue chaque jour de mettre gravement en péril les résultats enregistrés dans la poursuite de ces objectifs;
8. souligne également que tous les accords doivent respecter l'asymétrie en faveur des pays ACP, tant en ce qui concerne l'éventail des produits visés que les périodes de transition, et que les APE doivent apporter des garanties concrètes pour la protection des secteurs sensibles tels qu'identifiés par les pays ACP;
9. souligne que les mesures de soutien liées aux APE doivent tenir compte de l'importance de l'intégration régionale et des relations économiques avec d'autres pays en développement pour le développement des pays ACP;
10. invite instamment la Commission à accorder aux négociateurs ACP suffisamment de temps pour leur permettre d'évaluer l'accord et de faire des suggestions avant son adoption, en tenant compte des calendriers de l'OMC;
11. souligne que les accords APE devraient inclure une clause de révision prévoyant une révision dans les cinq ans à compter de leur signature, avec l'association formelle des parlements nationaux, du Parlement européen et de la société civile; souligne également que ce délai doit permettre une évaluation approfondie de l'impact des APE sur les économies et l'intégration régionale des États ACP et rendre possible les réorientations adéquates;
12. considère que tout accord commercial conclu entre des pays ACP et l'Union ayant un impact sur les moyens de subsistance de la population, devrait être le résultat d'un débat public ouvert, avec la pleine participation des parlements nationaux des pays ACP;
13. prie instamment les gouvernements des pays ACP de mettre en œuvre les réformes nécessaires en vue de mettre en place une bonne gouvernance, en particulier dans le domaine de l'administration publique, notamment en ce qui concerne la gestion des finances publiques, la collecte des droits de douane, le système de recettes fiscales, et la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion;
14. souligne la nécessité d'inclure, dans les APE, des dispositions renforcées en matière de surveillance et d'évaluation qui permettront de déterminer l'impact de l'APE sur le développement national et régional ainsi que sur les objectifs de réduction de la pauvreté, pas seulement les niveaux de conformité de l'APE;
15. souligne la nécessité d'améliorer la transparence des négociations et de leurs résultats en vue de permettre aux décideurs politiques, aux parlementaires et aux représentants de la société civile d'exercer un contrôle démocratique;
16. considère que les documents de stratégie régionale et les programmes indicatifs régionaux du FED devraient prévoir un soutien important, systématique et soigneusement préparé à la mise en œuvre des APE, en tenant compte du processus de réforme nécessaire qui permettrait le succès de l'APE;
17. demande instamment à la Commission, en partenariat avec les pays ACP, d'inclure des critères comparatifs de développement, fixés selon les priorités et aux fréquences choisies par chaque région, dans l'APE et dans les APE intérimaires, en vue de mesurer l'impact socioéconomique des APE sur les secteurs clés;
18. souligne qu'il est primordial que les forêts, la biodiversité et les populations indigènes ou les populations tributaires de la forêt ne soient pas menacées; souligne, à cet égard, que les pays ACP devraient être autorisés à appliquer une réglementation limitant les exportations de bois et d'autres matières premières non transformées ainsi qu'à utiliser ces législations pour protéger la forêt, la flore et la faune sauvages et les industries nationales;
19. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements des États membres et des pays ACP, au Conseil ACP-UE et à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.
Règlement (CE) n° 1528/2007 du Conseil du 20 décembre 2007 appliquant aux produits originaires de certains États appartenant au groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des accords de partenariats économiques (JO L 348 du 31.12.2007, p. 1).