Résolution du Parlement européen du 26 novembre 2009 sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes
Le Parlement européen,
– vu les dispositions prévues par les instruments juridiques des Nations unies dans le domaine des droits de l'homme, et en particulier celles concernant les droits des femmes, tels que la charte des Nations unies, la déclaration universelle des droits de l'homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention pour la répression et l'abolition de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son protocole facultatif, ainsi que la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
– vu les autres instruments des Nations unies sur la violence à l'égard des femmes, tels que la déclaration et le programme d'action de Vienne du 25 juin 1993 adoptés par la conférence mondiale sur les droits de l'homme (A/CONF. 157/23), la déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes du 20 décembre 1993 (A/RES/48/104), les résolutions de l'assemblée générale des Nations unies du 12 décembre 1997 intitulée "Mesures en matière de prévention du crime et de justice pénale pour éliminer la violence contre les femmes" (A/RES/52/86), du 18 décembre 2002 intitulée "Mesures à prendre en vue d'éliminer les crimes d'honneur commis contre les femmes" (A/RES/57/179) et du 22 décembre 2003 intitulée "Élimination de la violence familiale à l'égard des femmes" (A/RES/58/147), les rapports des rapporteurs spéciaux du Haut commissaire des Nations unies sur la violence à l'égard des femmes et la recommandation générale n° 19 du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (11e session, 1992),
– vu la déclaration et le programme d'action de Pékin adoptés par la quatrième conférence mondiale sur les femmes le 15 septembre 1995, et les résolutions du Parlement du 18 mai 2000 sur le suivi du programme d'action de Pékin(1) et du 10 mars 2005 sur le suivi du programme d'action de la quatrième conférence mondiale sur les femmes (Pékin + 10)(2),
– vu le rapport du secrétaire général des Nations unies du 6 juillet 2006 intitulé "Étude approfondie de toutes les formes de violence à l'égard des femmes" (A/61/122/Add.1),
– vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu la résolution de l'assemblée générale des Nations unies du 19 décembre 2006 intitulée "Intensification de l'action menée pour éliminer toutes les formes de violence à l'égard des femmes" (A/RES/61/143),
– vu la résolution 2003/45 de la commission des droits de l'homme des Nations unies du 23 avril 2003 intitulée "L'élimination de la violence contre les femmes" (E/CN.4/RES/2003/45),
– vu la résolution de l'Union interparlementaire sur le rôle des parlements dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes, adoptée par la 114e Assemblée le 12 mai 2006,
– vu sa résolution du 16 septembre 1997 sur la nécessité d'une campagne européenne de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes(3),
– vu sa résolution du 2 février 2006 sur la situation actuelle de la lutte contre la violence à l'égard des femmes et une action future éventuelle(4),
– vu sa résolution du 11 octobre 2007 sur les meurtres de femmes (féminicides) au Mexique et en Amérique centrale et le rôle de l'Union européenne dans la lutte contre ce phénomène(5),
– vu sa résolution du 24 mars 2009 sur la lutte contre les mutilations sexuelles féminines pratiquées dans l'UE(6),
– vu les questions du 1er octobre 2009 au Conseil (O-0096/2009 - B7-0220/2009) et à la Commission (O-0097/2009 - B7-0221/2009) sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes,
– vu l'article 115, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant que la violence à l'encontre des femmes a été définie par le programme d'action de Pékin des Nations unies comme tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté,
B. considérant que le programme d'action de Pékin des Nations unies a établi que la violence contre les femmes était une manifestation des rapports de pouvoir historiquement inégaux entre les hommes et les hommes qui ont mené à une situation où l'homme domine la femme, adopte envers elle une attitude discriminatoire et l'empêche de s'épanouir pleinement,
C. considérant que la violence des hommes à l'égard des femmes constitue non seulement un problème de santé publique, mais relève aussi d'une question d'inégalité entre les femmes et les hommes, domaine dans lequel l'Union dispose des pouvoirs nécessaires pour entreprendre des actions,
D. considérant que l'égalité entre les femmes et les hommes constitue un principe fondamental de l'Union, reconnu par le traité CE et par la charte des droits fondamentaux de l'Union,
E. considérant que la violence des hommes à l'égard des femmes représente une violation des droits de l'homme, et notamment du droit à la vie, du droit à la sécurité, du droit à la dignité, du droit à l'intégrité physique et mentale ainsi que du droit au choix et à la santé sexuels et génésiques,
F. considérant que la violence des hommes à l'égard des femmes constitue un obstacle à la participation des femmes aux activités sociales, à la vie politique, à la vie publique et au marché du travail, et qu'elle peut conduire à la marginalisation et à la pauvreté des femmes,
G. considérant que la violence à l'égard des femmes, sous ses formes extrêmes, peut aller jusqu'à l'assassinat,
H. considérant que la violence à l'égard des femmes va de pair avec la violence à l'égard des enfants et exerce une influence sur l'état psychique et l'existence même de ceux-ci,
I. considérant que la violence à l'égard des mères exerce, directement et indirectement, un impact négatif durable sur la santé émotionnelle et mentale de leurs enfants, et qu'elle peut déclencher un cycle de violence et de sévices qui se perpétue à travers les générations,
J. considérant que la violence masculine à l'égard des femmes constitue un problème structurel répandu dans toute l'Europe et dans le monde entier, que ce phénomène affecte ses victimes comme ses auteurs, indépendamment de l'âge, de l'éducation, des revenus ou de la position sociale, et que cette violence est liée à la répartition inégale du pouvoir entre les femmes et les hommes au sein de notre société,
K. considérant que les types de violence à l'égard des femmes varient en fonction des différentes cultures et traditions, et que les mutilations génitales des femmes ainsi que les crimes dits d'honneur, de même que les mariages forcés, sont une réalité dans l'Union,
L. considérant que les situations de guerre et de conflit armé, de reconstruction suivant les conflits et de crise économique, sociale et/ou financière accroissent la vulnérabilité des femmes, à la fois individuellement et collectivement, face à la violence masculine dont elles sont la cible et ne devraient pas être prises pour prétextes pour tolérer la violence masculine,
M. considérant que la traite des femmes à des fins sexuelles et autres constitue une violation fondamentale des droits humains dont jouit la femme et porte atteinte à la fois aux victimes comme individus et à la société dans son ensemble,
N. considérant que la tolérance manifestée à l'égard de la prostitution en Europe ne fait qu'accroître l'arrivée en Europe de femmes exploitées à des fins sexuelles, ainsi que le tourisme sexuel,
O. considérant qu'il n'y a pas de collecte régulière de données comparables sur les différents types de violence à l'égard des femmes au sein de l'Union, ce qui rend difficile l'évaluation de la dimension réelle de ce phénomène et la définition de solutions appropriées à ce problème,
P. considérant que le nombre de femmes qui sont victimes d'actes de violence dirigés contre le sexe féminin est alarmant,
Q. considérant que l'image, souvent déformée et vendeuse, que donnent de la femme les médias va à l'encontre du respect de la dignité humaine,
R. considérant que, à part la dépendance économique (fréquente dans le cas des femmes), des facteurs importants pour pousser les femmes à ne pas dénoncer la violence dont elles sont victimes résident dans la culture sociale et le cliché qui veulent que la violence masculine à l'égard des femmes relève du domaine privé ou soit souvent imputable aux femmes elles-mêmes,
S. considérant qu'il est fréquent que les femmes ne dénoncent pas les actes de violence dont elles sont victimes de la part des hommes pour des raisons complexes et diverses, psychologiques, financières, sociales et culturelles, et parfois par manque de confiance dans les services de police, de justice ou d'aide sociale et médicale,
T. considérant qu'il a demandé à plusieurs reprises la création d'une année européenne pour l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes,
U. considérant que les Nations unies ont proclamé le 25 novembre "Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes" et que sera organisé en décembre 2009 au Parlement européen un séminaire international consacré à la lutte contre la violence à l'égard des femmes,
V. considérant que le besoin se fait pressant de créer un instrument juridique global pour la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes en Europe, y compris la traite des femmes,
1. demande instamment aux États membres de renforcer leurs législations et leurs politiques nationales concernant la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, notamment grâce à la définition, au niveau national, de plans d'action globaux dans ce domaine basés sur une analyse des répercussions sur l'égalité entre les hommes et les femmes de la violence exercée à l'encontre des femmes et l'obligation faite par les traités internationaux aux États membres d'éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et comprenant des mesures concrètes pour prévenir la violence masculine, protéger les victimes et poursuivre les auteurs;
2. exhorte les États membres à soutenir, par des programmes et des financements nationaux appropriés, les organisations et les associations de bénévoles qui accueillent et soutiennent psychologiquement les femmes victimes de violence, notamment en vue de les aider à réintégrer le marché du travail et à jouir ainsi à nouveau pleinement de leur dignité humaine;
3. invite la Commission à soumettre au Parlement et au Conseil un plan d'action de l'Union, ciblé et plus cohérent, pour lutter contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, conformément à la communication de la Commission du 1er mars 2006 intitulée "Une feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2006-2010" (COM(2006)0092), afin d'inclure dans son programme d'action pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes 2011-2016 les mesures liées à la lutte contre la violence envers les femmes, ainsi que des mesures concrètes pour prévenir toutes les formes de violence, protéger les victimes et poursuivre les auteurs, et afin de faire réaliser une analyse des répercussions sur l'égalité hommes-femmes de la violence masculine contre les femmes dans tous les domaines d'action et de veiller à ce que les institutions de l'Union et les États membres répondent de manière coordonnée, engagée et cohérente à la nécessité d'éradiquer cette violence;
4. demande instamment à la Commission d'envisager de nouvelles mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes;
5. demande à la Commission d'organiser une conférence spéciale de haut niveau, composée de représentants des organes politiques, de la société civile et des organisations sociales et institutionnelles, ayant pour objectif de contribuer à un processus de développement de politiques plus cohérentes de lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes;
6. demande à l'Union de garantir le droit à l'aide et au soutien pour toutes les victimes de violences, et notamment de la traite des êtres humains, indépendamment de leur nationalité, et d'assurer la protection des femmes victimes de violences domestiques, dont le statut légal pourrait dépendre de leur compagnon;
7. invite l'Union à mettre en place des mécanismes pour veiller à ce que l'analyse de la traite des êtres humains dans sa dimension hommes-femmes soit intégrée dans toutes les législations et politiques visant à prévenir et à combattre cette pratique, et à traiter les causes premières de la violence en prenant des mesures préventives telles que des sanctions, des actions d'éducation et des campagnes de sensibilisation;
8. rappelle qu'il attend toujours les résultats de l'étude menée par la Commission concernant la législation sur la violence dirigée contre le sexe féminin et la violence à l'égard des femmes;
9. demande à la Commission et aux États membres de garantir l'accès effectif des femmes victimes de violences à l'aide juridictionnelle et à la protection, quels que soient leur nationalité et la nature de leur participation aux enquêtes de police;
10. demande instamment au Conseil et à la Commission de créer une base juridique claire pour la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes, y compris la traite de celles-ci;
11. invite la Commission à entamer l'élaboration d'une proposition de directive globale sur la prévention et la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes;
12. demande à la Commission et aux États membres d'engager des actions pour s'attaquer aux causes des violences envers les femmes, en particulier des actions de prévention et des campagnes de sensibilisation sur les différentes formes que peut prendre cette violence;
13. invite la Commission et les États membres à entreprendre une action concertée, incluant des campagnes de sensibilisation et d'information du public, sur la violence domestique ainsi que des stratégies destinées à faire changer les stéréotypes sur la position des femmes dans la société au travers de l'éducation et des médias, et à encourager l'échange de bonnes pratiques;
14. invite la Commission et les États membres à traiter à l'échelle internationale les questions de la violence à l'égard des femmes et de la dimension hommes-femmes des violations des droits de l'homme, en particulier dans le contexte des accords d'association bilatéraux et des accords commerciaux internationaux en vigueur ou en cours de négociation;
15. déplore, dans ce contexte, l'absence de dimension hommes-femmes significative des évaluations obligatoires relatives à l'impact des accords sur le développement durable qui sont réalisées avant la conclusion de ces accords, sans parler d'une quelconque reconnaissance de la question de la violence sexuelle, et d'une série d'instruments permettant d'analyser l'impact sur le plan de l'égalité hommes-femmes, et invite la Commission à présenter au plus tôt une proposition pour résoudre ce problème;
16. demande aux États membres de tenir dûment compte des circonstances spécifiques de certaines catégories de femmes qui sont spécialement vulnérables à la violence, comme les femmes qui appartiennent à des minorités, les femmes migrantes, les femmes réfugiées, les femmes qui vivent dans un état de pauvreté dans des communautés rurales ou isolées, les femmes incarcérées ou internées, les petites filles, les femmes homosexuelles, les femmes handicapées et les femmes plus âgées;
17. demande instamment aux États membres de renforcer leurs actions de prévention de la violence dirigée contre le sexe féminin chez les jeunes, grâce à des interventions ciblées dans le domaine de l'éducation et à une meilleure collaboration entre les acteurs et les différents milieux concernés par le phénomène, comme la famille, l'école, l'espace public et les médias;
18. invite la Commission à aborder également la dimension internationale de la violence à l'égard des femmes dans le contexte de ses travaux sur la responsabilité sociale des entreprises, en particulier en ce qui concerne les entreprises européennes opérant dans les zones franches industrielles pour l'exportation;
19. souligne l'importance d'une formation appropriée des personnes qui sont amenées à travailler avec des femmes victimes de violence masculine, y compris les représentants du système judiciaire et des services répressifs, en particulier la police, la justice, les travailleurs sociaux, les services médicaux et le personnel judiciaire, les institutions du marché de l'emploi, les employeurs et les syndicats professionnels;
20. demande l'établissement de mécanismes propres à faciliter l'accès des femmes victimes de la violence dirigée contre le sexe féminin et des réseaux de traite des êtres humains, à une assistance juridique gratuite qui leur permette de faire valoir leurs droits dans l'ensemble de l'Union; insiste sur la nécessité d'améliorer la collaboration entre les professionnels du droit et l'échange de bonnes pratiques dans la lutte contre les discriminations et les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et de trouver les moyens pour abattre les obstacles à la reconnaissance des actes juridiques dans d'autres États membres, y compris la condamnation pour violence dirigée contre le sexe féminin et les injonctions prononcées contre les hommes violents;
21. se félicite de la création, dans certains États membres, de tribunaux compétents pour les violences infligées aux femmes et invite tous les États membres à suivre cette initiative;
22. demande que, dans le système européen d'informations sur les casiers judiciaires (ECRIS), une place prépondérante soit accordée aux antécédents de violence dirigée contre le sexe féminin;
23. demande instamment aux États membres de créer, en étroite collaboration avec l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, un système cohérent pour la collecte de statistiques relatives à la violence à l'égard des femmes, en particulier la violence à l'égard des mineures, et y compris les meurtres sur fond de violences familiales ou entre proches, en vue de pouvoir utiliser des données comparables sur la violence à l'égard des femmes, sur tout le territoire de l'Union;
24. invite instamment les États membres à reconnaître la violence sexuelle et le viol de femmes, notamment dans le mariage et les rapports intimes non officialisés et/ou commis par des membres masculins de la famille, comme des infractions pénales lorsque la victime n'était pas consentante, à faire poursuivre d'office les auteurs de ce type d'infraction et à rejeter toute référence à des pratiques ou à des traditions culturelles, traditionnelles ou religieuses comme circonstances atténuantes dans les cas de violences à l'égard des femmes, y compris de crimes dits d'honneur et de mutilations génitales féminines;
25. constate que certains États membres mettent en œuvre des politiques visant à reconnaître la violence sexuelle au sein du couple, en particulier la violence conjugale, comme une infraction pénale; demande aux États membres d'analyser les résultats de ces politiques de manière à favoriser un échange de bonnes pratiques à l'échelle européenne;
26. invite les États membres à prendre des mesures appropriées pour mettre un terme aux mutilations génitales féminines; souligne que les immigrés qui résident dans la Communauté devraient être conscients que les mutilations génitales féminines constituent une atteinte grave à la santé des femmes et une violation des droits de l'homme; demande aux États membres soit de mettre en œuvre des dispositions juridiques spécifiques relatives aux mutilations génitales féminines, soit d'adopter de telles législations et de poursuivre toute personne qui procède à des mutilations de cette nature;
27. demande à l'Union de garantir le droit à l'aide et au soutien pour toutes les femmes victimes de violences masculines;
28. presse les États membres d'enquêter sans attendre sur les violations extrêmement graves des droits de l'homme perpétrées contre les femmes Rom, de faire punir leurs auteurs et d'octroyer des indemnisations appropriées aux victimes de la stérilisation forcée;
29. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements des États membres et au secrétaire général des Nations unies.