Résolution du Parlement européen du 26 novembre 2009 sur une solution politique face à la piraterie au large des côtes somaliennes
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions sur la situation en Somalie,
– vu sa résolution du 23 octobre 2008 sur la piraterie en mer(1),
– vu sa résolution du 19 juin 2008 sur la banalisation des meurtres de civils en Somalie(2),
– vu les conclusions des réunions du Conseil "Relations extérieures" du 27 juillet 2009 (12354/2009) et du 17 novembre 2009 (15914/2009),
– vu la Décision 2008/918/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 relative au lancement de l'opération militaire de l'Union européenne en vue d'une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie (Atalanta)(3) (opération Atalanta),
– vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies S/RES 1814 (2008), 1816 (2008) 1838 (2008), 1846 (2008), 1851 (2008), 1863 (2009) et 1972 (2009),
– vu l'échange de lettres entre l'Union européenne et le gouvernement du Kenya sur les conditions et modalités concernant le transfert des forces navales européennes (EUNAVFOR, European Naval Force) vers le Kenya des auteurs présumés d'actes de piraterie et qui sont détenus par l'EUNAVFOR, ainsi que des biens saisis actuellement en possession de l'EUNAVFOR, et concernant également leur traitement après ce transfert,
– vu l'accord sous forme d'échange de lettres conclu le 30 octobre 2009 entre l'Union européenne et la République des Seychelles, permettant le transfert aux Seychelles des auteurs présumés d'actes de piraterie et de vols à main armée arrêtés par l'EUNAVFOR dans la zone des opérations,
– vu les principes directeurs convenus par les parties à l'accord de paix de Djibouti le 25 novembre 2008, en particulier l'instauration en Somalie d'un gouvernement d'unité nationale et d'un parlement ouvert à l'ensemble des parties,
– vu l'article 110, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que la reprise récente des combats entre les insurgés de l'Union des tribunaux islamiques (UTI) et les troupes du gouvernement fédéral de transition (GFT) et de la mission de l'Union africaine (UA) en Somalie (AMISOM) a aggravé l'instabilité de la Somalie et a accru le nombre des victimes dans le pays,
B. considérant que la communauté internationale respecte la souveraineté, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique et l'unité de la Somalie,
C. considérant que la Somalie n'a plus eu de gouvernement central en fonction depuis le renversement du régime de Siad Barre en 1991 et que, depuis lors, la situation politique est anarchique et se caractérise par des affrontements entre clans et la présence de bandes armées,
D. considérant que l'aggravation de la situation sécuritaire à Mogadiscio, capitale de la Somalie, a empêché les ONG nationales et internationales de faire face à une catastrophe humanitaire croissante et de répondre aux urgences,
E. considérant que les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire par toutes les parties au conflit en Somalie, notamment la torture et autres mauvais traitements, viols, exécutions sommaires, détentions arbitraires et attaques contre les populations civiles, contre les journalistes, contre les défenseurs des droits de l'homme et contre les infrastructures civiles sont généralisées en Somalie,
F. considérant que la persistance de la guerre civile en Somalie et ses répercussions sur le processus de paix et de réconciliation dans le pays, ainsi que sur la sécurité et la stabilité de la corne de l'Afrique dans son ensemble, sont des sujets de préoccupation,
G. considérant que les attaques de pirates ont visé non seulement des navires marchands mais également des navires du Programme alimentaire mondial (PAM), des bateaux de pêche et des navires touristiques jusque très récemment,
H. considérant que ces actes de piraterie trouvent en partie leur origine dans la violence et l'instabilité politique qui règnent en Somalie, mais qu'ils contribuent également à cette situation, et qu'ils ont des répercussions sur le reste de la région de la corne de l'Afrique et des conséquences pour la population civile de Somalie, en termes d'exposition aux risques, d'absence de développement et d'interruption de l'aide alimentaire et d'autres interventions humanitaires,
I. considérant que, le 8 décembre 2008, le Conseil a décidé d'engager, dans le cadre du plan global conduit par l'Union européenne dans la corne de l'Afrique, la première opération navale jamais menée par l'Union, à savoir l'opération précitée EUNAVFOR Atalanta, dont la mission consiste à dissuader, à prévenir et à réprimer les actes de piraterie et les vols à main armée au large des côtes de la Somalie, et à participer à la protection des navires de commerce, et en particulier des navires du PAM acheminant l'aide alimentaire aux personnes déplacées de Somalie,
J. considérant que depuis décembre 2008, l'opération EUNAVFOR Atalanta a apporté une protection essentielle à cinquante navires du PAM, qui ont livré environ 300 000 tonnes de produits alimentaires dont ont directement bénéficié, en définitive, 1,6 million de Somaliens,
K. considérant que, lors de la réunion précitée du Conseil "Relations extérieures", le 27 juillet 2009, le Conseil a décidé de renforcer la participation de l'Union aux efforts de promotion de la paix et du développement en Somalie en collaboration étroite avec l'ensemble des acteurs concernés, et notamment les Nations unies et l'Union africaine, et qu'il a, à cette fin, examiné les possibilités s'offrant à l'Union européenne de prendre part aux initiatives internationales, y compris dans le domaine de la sécurité,
L. considérant que, lors de la réunion précitée du Conseil "Relations extérieures", le 17 novembre 2009, le Conseil a adopté un concept de gestion de crise sur l'envoi éventuel d'une mission PESD (politique européenne de sécurité et de défense) destinée à participer à la formation de deux mille membres des forces de sécurité du gouvernement fédéral de transition (GFT),
M. considérant que la piraterie est devenue un commerce lucratif grâce aux rançons considérables exigées en échange des individus pris en otage, et considérant que les pirates des temps modernes recourent à des méthodes plus sophistiquées, qu'ils sont très bien armés et disposent d'une stratégie claire tout en étant capables de s'adapter rapidement à de nouvelles tactiques,
N. considérant que l'aide à long terme apportée par les partenaires internationaux ne peut être efficace sans stabilisation de la situation sécuritaire,
O. considérant que les insurgés de l'UTI ont écarté toute idée de contacts politiques et de réconciliation pour l'instauration de la paix sur la base du processus de paix de Djibouti, qui met en place un cadre permettant un règlement politique durable de la situation en Somalie,
P. considérant que les forces militaires participant à l'opération EUNAVFOR Atalanta peuvent arrêter, détenir et transférer les auteurs présumés d'actes de piraterie ou de vol à main armée là où ces forces sont présentes; considérant que les suspects peuvent aussi être poursuivis par un État membre de l'Union européenne ou par le Kenya, selon les termes de l'accord signé le 6 mars 2009 avec l'Union, qui donne aux autorités kenyanes le droit de procéder à des poursuites judiciaires,
Q. considérant que, selon un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), un grand nombre de cargaisons illicites de déchets toxiques, présentant des fuites, ont été larguées à proximité de la côte somalienne sans aucun égard pour la santé de la population locale ni pour la préservation de l'environnement,
1. condamne vivement les graves violations du droit humanitaire international et des droits de l'homme commises par tous les protagonistes du conflit somalien; appelle à la cessation immédiate des hostilités et demande à tous les groupes armés de déposer les armes sans délai et de nouer avec le GFT un dialogue à la fois vaste et sincère, exige que toutes les factions belligérantes s'abstiennent d'attaques aveugles contre la population civile et demande qu'un comité indépendant enquête sur les crimes de guerre et les violations des droits de l'homme;
2. réaffirme son soutien au GFT, placé sous la direction du président Cheikh Sharif Cheikh Ahmed, ainsi qu'à la volonté exprimée par le président de respecter les principes définis dans l'accord de paix de Djibouti, notamment la promotion d'un esprit de réconciliation et la recherche d'un processus politique ouvert à toutes les parties en présence; condamne les attaques armées perpétrées contre le GFT et contre les Nations unies et les ONG;
3. rappelle qu'il incombe à la communauté internationale et à toutes les parties au conflit en cours de protéger les civils, de permettre la distribution de l'aide et de respecter l'espace humanitaire et la sécurité des travailleurs humanitaires; exige, dès lors, que soient créées sans délai les conditions permettant une réaction appropriée à la catastrophe humanitaire que connaît la Somalie;
4. constate avec une grande satisfaction que l'opération Atalanta de l'EUNAVFOR continue de contribuer avec succès à assurer la sécurité maritime au large des côtes de la Somalie en protégeant les navires affrétés par le PAM qui acheminent l'aide destinée à la Somalie, les navires transportant des cargaisons essentielles pour l'opération de soutien de la paix menée par l'Union africaine en Somalie et d'autres navires vulnérables; invite le Conseil à prolonger l'opération d'un an au terme de sa mission actuelle, qui prend fin le 12 décembre 2009; est favorable à une éventuelle extension de la zone d'opération vers le sud en fonction des activités des pirates, mais souligne que cette extension ne doit pas affecter l'objet premier de la mission, à savoir protéger les convois du PAM et des autres navires vulnérables, de la flotte de commerce ou de pêche;
5. souligne que la piraterie en haute mer perturbe gravement la situation en matière de sécurité, et handicape sérieusement l'approvisionnement en aide alimentaire dans le contexte d'une situation humanitaire déjà critique;
6. souligne que la lutte contre la piraterie ne sera fructueuse que si l'on s'attaque aux causes du phénomène, qui se trouvent à terre, et résident notamment dans la pauvreté et dans la carence de l'État, et ne peuvent être éradiquées que par la paix, le développement et la construction d'un État en Somalie;
7. considère que tant qu'une solution politique n'est pas apportée par la Communauté internationale au problème de la fiabilité de la Somalie comme État, la stratégie de sécurité poursuivie par l'opération EUNAVFOR Atalanta doit prévaloir et même se renforcer quant aux moyens d'action disponibles pour les forces déployées par l'opération Atalanta elle-même;
8. invite dès lors le Conseil à envisager la possibilité de mettre en place une nouvelle opération PESD d'ampleur limitée parallèlement à l'opération EUNAVFOR Atalanta pour contribuer à la formation des forces de sécurité du GFT, et ainsi harmoniser les initiatives existantes – menées notamment par la France à Djibouti et par l'Ouganda dans le cadre du programme de formation mis sur pied par l'AMISOM – en veillant à ce qu'ils entreprennent le même type d'action; à cet égard, salue l'approbation par les États membres, le 17 novembre 2009, du concept de gestion de crise relatif au déploiement éventuel d'une nouvelle opération PESD en Somalie, mais insiste sur le fait que l'adoption du concept ne préjuge en rien de la décision de lancer une mission, laquelle ne peut être décidée qu'après un examen plus approfondi de la situation sur le terrain, en s'assurant que les droits de l'homme sont respectés, que les salaires sont payés, que l'équipement est livré et que les forces de sécurité formées sont intégrées dans des structures de commandement sous contrôle de l'État, de telle sorte qu'à leur retour, elles ne se retournent pas contre le gouvernement qu'elles sont censées protéger;
9. déplore que 35 à 40 % des navires croisant dans la zone ne soient pas enregistrés auprès de l'instance de coordination centrale de la sécurité maritime, et qu'ils ne soient en conséquence pas informés des menaces spécifiques en matière de sécurité; demande dès lors aux États membres de veiller à ce que tous leurs navires soient enregistrés; invite tous les navires à suivre les recommandations de l'EUNAVFOR Atalanta afin de bénéficier du plus haut niveau de sécurité possible et de réduire ainsi les risques d'attaque ou de capture;
10. s'inquiète de ce que la faiblesse manifestée vis-à-vis des exigences des pirates somaliens, en l'absence même des mesures coercitives nécessaires, puisse être contreproductive et entraîne à l'avenir des conséquences néfastes en favorisant de nouveaux cas d'actes de piraterie dans la zone;
11. réaffirme son soutien constant à l'AMISOM, qui joue un rôle central dans le processus de paix; insiste sur la nécessité, dans le cadre de la poursuite de l'action menée aux côtés de l'Union Africaine et de l'AMISOM, de recenser les besoins les plus urgents et de déterminer les formes possibles de soutien supplémentaire que l'Union européenne pourrait apporter à l'AMISOM pour qu'elle développe les moyens à la mesure de son mandat;
12. invite la communauté internationale, et en particulier l'Union européenne, à augmenter l'aide humanitaire apportée aux personnes déplacées à l'intérieur du pays et aux populations dans le besoin;
13. estime que la participation d'organisations de femmes somaliennes et de la société civile pourrait être utile au processus de réconciliation nationale;
14. invite les États membres à étudier la possibilité de former les membres d'équipage et les pêcheurs afin de les préparer à l'éventualité d'une prise d'otage;
15. demande instamment que l'embargo sur les armes, décrété contre la Somalie par les Nations unies en 1992 et insuffisamment respecté, fasse à nouveau l'objet d'une application et d'un contrôle rigoureux; demande que les auteurs de violation de l'embargo sur les armes soient tenus de s'en expliquer;
16. appelle l'Organisation des Nations unies et la Commission à réaliser une enquête approfondie sur le rejet de déchets toxiques et la pêche illégale au large des côtes somaliennes, à établir les responsabilités à tous les niveaux, à soutenir les efforts déployés en vue de traduire en justice les auteurs de ces crimes et à veiller à traiter, sous tous ses aspects, la question de la contamination de l'environnement;
17. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux secrétaires généraux de l'Union africaine, des Nations unies et de l'Autorité intergouvernementale de développement, au président du GFT, au gouvernement éthiopien et au Parlement panafricain.