Résolution du Parlement européen du 8 juillet 2010 sur la situation au Kirghizstan
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur le Kirghizstan et l'Asie centrale, et notamment celles du 12 mai 2005 et du 6 mai 2010,
– vu sa résolution du 20 février 2008 sur une stratégie européenne en Asie centrale(1),
– vu le programme de l'Union pour la prévention des conflits violents, adopté par le Conseil européen réuni à Göteborg en 2001,
– vu les déclarations de Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, sur les affrontements récents qui ont éclaté le 11 juin 2010 au Kirghizstan et sur le référendum constitutionnel du 28 juin 2010,
– vu les conclusions du Conseil Affaires étrangères du 14 juin 2010,
– vu la déclaration commune sur la situation au Kirghizstan qui a été faite, le 16 juin 2010, par l'envoyé spécial du président en exercice de l'OSCE, le représentant spécial des Nations unies et le représentant spécial de l'Union au Kirghizstan,
– vu la stratégie de l'Union européenne pour un nouveau partenariat avec l'Asie centrale, adoptée par le Conseil européen des 21 et 22 juin 2007,
– vu le rapport d'étape conjoint du Conseil et de la Commission, du 14 juin 2010, au Conseil européen sur la mise en œuvre de la stratégie européenne en Asie centrale,
– vu l'accord de coopération et de partenariat entre l'Union européenne et le Kirghizstan, qui est entré en vigueur en 1999,
– vu le document de stratégie régionale de la Communauté européenne relatif à l'assistance à l'Asie centrale durant la période 2007-2013,
– vu l'article 110, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que, le 11 juin 2010, des affrontements violents ont éclaté à Och et Djalal-Abad, dans le sud du pays, et se sont intensifiés jusqu'au 14 juin 2010, des centaines d'hommes armés ayant apparemment pris d'assaut les rues des villes, tirant sur les civils et incendiant les magasins, le choix de leurs cibles s'effectuant sur des critères d'ethnicité,
B. considérant que d'après les autorités kirghizes, près de 300 personnes auraient trouvé la mort dans ces affrontements, mais que certains, dont Rosa Otounbaïeva, chef du gouvernement par intérim, ont exprimé leurs craintes que le nombre réel soit bien plus élevé; considérant que plus de 2 000 personnes ont été blessées ou hospitalisées et que de nombreuses autres sont toujours portées disparues,
C. considérant qu'en raison des violences, 300 000 personnes auraient été déplacées à l'intérieur du pays et que 100 000 autres auraient cherché refuge dans l'Ouzbékistan voisin; considérant que le gouvernement de Tachkent, avec l'aide d'organisations internationales, a apporté une assistance humanitaire aux réfugiés, mais a fermé sa frontière avec le Kirghizstan le 14 juin 2010, invoquant un manque de capacités pour accueillir davantage de personnes,
D. considérant que le gouvernement par intérim a déclaré l'état d'urgence dans cette région et que les forces de sécurité n'ont pas été en mesure d'en reprendre le contrôle; considérant que le président Medvedev et l'Organisation du traité de sécurité collective ont répondu par la négative aux appels lancés par la présidente par intérim Rosa Otounbaïeva leur demandant une aide militaire afin de rétablir l'ordre; considérant qu'une demande d'envoi d'une force internationale de police a été transmise à l'OSCE et est actuellement à l'examen,
E. considérant qu'il est clairement dans l'intérêt de l'Union européenne que le Kirghizstan soit pacifique, démocratique et économiquement prospère; considérant que l'Union européenne s'est engagée, notamment dans le cadre de sa stratégie pour l'Asie centrale, à être un partenaire pour les pays de la région; considérant que le besoin d'un engagement international plus fort s'avère aujourd'hui urgent et que les actions de l'Union auront une incidence sur sa crédibilité en tant que partenaire,
F. considérant que la Commission a alloué 5 000 000 EUR pour apporter aux victimes de cette crise une aide médicale d'urgence, une aide humanitaire, des produits non alimentaires, ainsi qu'une protection et une aide psychologique; considérant que cette décision fait écho à l'appel éclair lancé par les Nations unies visant à réunir 71 millions de dollars pour l'aide d'urgence,
G. considérant que l'Union européenne, par le programme de Göteborg adopté en 2001 et les documents qui ont suivi, reconnaît l'importance de la prévention des conflits, et considérant que la situation actuelle au Kirghizstan appelle que les réflexions théoriques soient traduisent en actions concrètes,
H. considérant qu'un référendum organisé le 27 juin 2010, qui s'est tenu dans des conditions pacifiques et a présenté un taux de participation élevé, a conduit à l'approbation par plus de 90 % des électeurs de l'idée d'une nouvelle constitution qui équilibrerait les pouvoirs présidentiel et parlementaire, à la confirmation de Rosa Otounbaïeva à la présidence par intérim jusqu'au 31 décembre 2011 et à la dissolution de la cour constitutionnelle; considérant que des élections législatives sont prévues pour le 10 octobre 2010,
I. considérant que les pays d'Asie centrale ont en commun plusieurs défis à relever, comme la pauvreté et des menaces graves contre la sécurité des personnes, la nécessité de renforcer la démocratie, la bonne gouvernance et l'état de droit; considérant que la nécessité s'impose de rétablir et de renforcer la coopération régionale pour mettre en œuvre une approche commune des problèmes et des défis auxquels la région est confrontée; considérant que les acteurs régionaux et internationaux doivent s'efforcer de développer une approche commune des problèmes et des défis auxquels la région est confrontée,
J. considérant que l'Union européenne doit honorer sans relâche son engagement d'intégrer les droits de l'homme, la démocratie et l'état de droit dans tous les accords qu'elle conclut avec des pays tiers, et de promouvoir des réformes démocratiques par des politiques cohérentes qui renforcent sa crédibilité en tant qu'acteur régional,
1. exprime sa profonde inquiétude quant aux affrontements dramatiques et violents qui ont éclaté dans le sud du Kirghizstan et présente ses condoléances aux familles de toutes les victimes;
2. condamne les actes de violence perpétrés récemment dans le sud du Kirghizstan; regrette les pertes en vies humaines et espère qu'une solution pacifique pourra être trouvée au conflit du Kirghizstan, sur la base des principes démocratiques, de l'état de droit et du respect des droits de l'homme;
3. appelle le gouvernement par intérim à mener un enquête crédible, impartiale et indépendante sur ces actes de violence, avec l'aide éventuelle des acteurs internationaux, afin de traduire les auteurs de ces actes en justice;
4. invite les autorités par intérim à déployer tous les efforts pour ramener la situation à la normale et instaurer toutes les conditions nécessaires pour que les réfugiés et les déplacés internes soient en mesure de retourner dans leurs foyers sur une base volontaire, en toute sécurité et dans la dignité; invite instamment les autorités locales à adopter des mesures de confiance efficaces et à entamer un véritable dialogue avec toutes les communautés ethniques vivant dans le sud du Kirghizstan de manière à instaurer un processus de réconciliation crédible;
5. invite dans ce contexte la Commission à déployer l'aide humanitaire en coopération avec les organisations internationales et à initier des programmes de reconstruction à court et à moyen terme des habitations détruites et de remplacement des bien perdus ainsi que des projets de réhabilitation en liaison avec les autorités kirghizes et les autres donateurs afin de créer des conditions favorables au retour des réfugiés ainsi que des déplacés internes; souligne, à cet égard, l'importance des projets de développement local;
6. attire l'attention sur la nécessité d'un effort international majeur pour contribuer à la reconstruction, à la stabilisation et à la réconciliation dans le sud du Kirghizstan, ainsi que sur l'occasion de jeter les bases de cet effort que présente la réunion des donateurs qui doit se tenir à Bichkek le 27 juillet 2010;
7. souligne que la réaction humanitaire doit s'accompagner d'efforts visant à stabiliser la situation, ainsi qu'à réduire et prévenir le risque considérable de reprise de la violence qui constitue également une menace pour la paix et la sécurité dans d'autres parties de la vallée de Ferghana, qui s'étend entre l'Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan;
8. demande une augmentation notable de l'aide humanitaire européenne en faveur des victimes des récents actes de violence dans le sud du Kirghizstan, ainsi qu'un recours généralisé à l'instrument de stabilité;
9. estime qu'il sera également nécessaire que l'Union européenne renforce son engagement à long terme dans le sud du Kirghizstan; renouvelle son appel à la Commission pour qu'elle élabore des propositions de redéploiement des fonds de l'instrument de coopération au développement afin que l'Union européenne soit mieux en mesure de réagir à long terme à la nouvelle situation du Kirghizstan; réaffirme qu'il est essentiel que l'accent soit mis sur la sécurité des personnes dans le cadre de la politique de l'Union pour l'Asie centrale;
10. invite la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union et les États membres à souscrire et à contribuer activement au déploiement rapide d'une mission de police de l'OSCE chargée de prévenir de nouvelles éruptions d'actes de violence, de stabiliser la situation dans les villes affectées par les affrontements, de protéger les victimes et les personnes les plus vulnérables et de faciliter le retour des réfugiés et des déplacés internes;
11. prend acte du déroulement plutôt pacifique du référendum constitutionnel qui s'est tenu le 27 juin 2010 au Kirghizstan; souligne que le rétablissement de l'ordre constitutionnel et de l'état de droit est crucial pour la stabilisation à long terme de la situation dans le pays; relève que les prochaines élections législatives (provisoirement prévues pour octobre 2010) devraient assurer la base constitutionnelle d'un gouvernement bénéficiant à la fois d'une forte légitimité et d'un large soutien populaire; invite dès lors les autorités du Kirghizstan à prendre des mesures immédiates et résolues en vue de remédier, d'ici aux prochaines élections législatives, aux importantes lacunes décelées par l'OSCE/BIDDH; se réjouit à la perspective de nouer des liens interparlementaires forts avec le futur parlement du Kirghizstan;
12. est préoccupé par les informations faisant état de l'arrestation de certains défenseurs des droits de l'homme au Kirghizstan et appelle à leur libération immédiate; demande aux autorités kirghizes de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir aux défenseurs des droits de l'homme de pouvoir mener à bien leur travail de promotion et de protection des droits de l'homme sans aucune entrave;
13. relève qu'il est dans l'intérêt commun et de la responsabilité partagée du Kirghizstan, de ses voisins, de la Russie, de la Chine, de l'Union européenne, des États-Unis, de l'OSCE et du reste de la communauté internationale d'éviter la déstabilisation, et invite toutes les parties prenantes à identifier les synergies;
14. est inquiet des difficultés affectant le processus de démocratisation au Kirghizstan qui semblent découler de la faiblesse du gouvernement provisoire et de la force des réseaux criminels, notamment les trafiquants de drogue dans le sud du pays;
15. estime que l'instauration d'un système politique pluraliste assurant la représentation de différents intérêts et l'arbitrage entre eux est indispensable pour réduire les tensions et prévenir de nouvelles éruptions de violence et que l'Union européenne et ses États membres doivent activement soutenir la démocratisation et s'efforcer de réduire les disparités entre les positions des acteurs internationaux, de manière à améliorer les perspectives du processus de réforme au Kirghizstan;
16. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux parlements et aux gouvernements des États membres, au gouvernement provisoire du Kirghizstan, au Secrétaire général des Nations unies, au Secrétaire général de l'OSCE et au Secrétaire général du Conseil de l'Europe.