Résolution du Parlement européen du 13 octobre 2011 sur les régimes de garantie des assurances (2011/2010(INI))
Le Parlement européen,
– vu la communication de la Commission du 12 juillet 2010 intitulée «Livre blanc sur les régimes de garantie des assurances» (COM(2010)0370),
– vu la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II)(1),
– vu le règlement (UE) n° 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles)(2),
– vu sa résolution du 4 juillet 2006 sur la crise de la compagnie d'assurances «Equitable Life»(3),
– vu le rapport final de sa commission d'enquête du 23 mai 2007 sur la crise de la compagnie d'assurances «Equitable Life» (A6-0203/2007),
– vu l'article 48 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des affaires économiques et monétaires et les avis de la commission des affaires juridiques et de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (A7-0243/2011),
A. considérant que la crise financière a démontré que la confiance que les consommateurs accordent au système financier peut rapidement être ébranlée en l'absence de processus d'indemnisation suffisants pour contrebalancer les pertes subies du fait de la faillite d'établissements financiers,
B. considérant que les régimes de garantie des assurances (RGA) peuvent représenter des outils précieux dans la réduction des risques pesant sur les preneurs d'assurance ou, le cas échéant, les bénéficiaires en cas de faillite d'une entité d'assurance,
C. considérant que les motifs de l'existence des RGA, leur fonction et leur structure ne sont analogues ni à ceux des régimes de garantie des dépôts ni à ceux des régimes d'indemnisation des investisseurs du fait de la nature différente du modèle commercial utilisé par les assureurs et du degré différent de risque auquel sont exposés les consommateurs en cas de faillite d'un assureur,
D. considérant qu'il existe, dans les États membres, une grande variété de RGA qui offrent des degrés divers de protection des consommateurs selon les lignes de produits et sur la base de différents modèles de financement,
E. considérant que la crise financière n'a pas entraîné de pertes notables pour les preneurs d'assurance ou, le cas échéant, les bénéficiaires et que le secteur européen de l'assurance en est sorti relativement indemne,
F. considérant que la directive «Solvabilité II» introduit une échelle de mesures d'intervention des autorités de contrôle qui réduit la probabilité qu'un assureur fasse faillite et les conséquences néfastes pour les preneurs d'assurance ou, le cas échéant, les bénéficiaires dans une telle éventualité,
G. considérant que l'introduction de la directive «Solvabilité II» et des RGA contribuera à l'instauration de conditions égales sur le marché européen de l'assurance et à parachever le marché intérieur,
H. considérant que, conformément à la directive «Solvabilité II», les demandes d'indemnisation des preneurs d'assurance et, le cas échéant, des bénéficiaires sont garanties lorsqu'un assureur devient insolvable (en ne respectant pas le capital de solvabilité requis) et ne sont compromises que si l'assureur fait faillite (quand l'actif ne suffit pas à couvrir le passif),
I. considérant que la prestation transfrontalière de services d'assurance dans l'Union est marginale mais qu'elle est susceptible de croître à la suite de la mise en place de la directive «Solvabilité II» du fait des avantages en matière de capital qu'offre une structure paneuropéenne s'appuyant sur des succursales,
J. considérant que l'absence de RGA harmonisés au niveau européen et la diversité des régimes en place dans les États membres se sont traduites par une protection inefficace et inégale des preneurs d'assurance et ont entravé le fonctionnement du marché de l'assurance en faussant la concurrence transfrontalière,
K. considérant que la confiance des consommateurs envers le fonctionnement du marché intérieur des services financiers ne peut être garantie que par un degré égal de protection de ces derniers, quelle que soit l'origine du prestataire de services, essentiellement grâce à l'application uniforme de règles prudentielles saines et la supervision efficace de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et, le cas échéant, des autorités nationales compétentes,
L. considérant que l'exposition des contribuables à la faillite des établissements financiers doit être maintenue au minimum grâce à un contrôle efficace et proportionné, effectué par les autorités de surveillance nationales et européennes,
1. reconnaît que le nouveau régime de surveillance et la future directive-cadre «Solvabilité II» renforceront encore la protection des consommateurs;
2. invite la Commission, conformément aux règles et aux définitions énoncées dans la directive «Solvabilité II» et au nouveau cadre de surveillance, à présenter des propositions pour une directive d'harmonisation minimale transfrontalière portant création d'un cadre transfrontalier cohérent et uniforme pour les RGA dans les États membres fournissant exclusivement une protection en dernier ressort aux consommateurs lorsque des entreprises d'assurance, en raison de leur insolvabilité, sont incapables de tenir leurs engagements contractuels;
3. invite la Commission à présenter rapidement la proposition de directive sur les régimes de garantie des assurances afin de compléter celles relatives aux systèmes de garantie des dépôts et aux régimes d'indemnisation des investisseurs ainsi que la directive «Solvabilité II»;
4. reconnaît que l'inégalité potentielle des conditions d'activité pourrait entraîner un arbitrage réglementaire qui affecterait les RGA; invite la Commission à examiner l'interaction entre, d'une part, l'harmonisation et l'application de divers régimes au sein de l'Union et, d'autre part, le principe du pays d'origine afin de déterminer si des distorsions significatives du marché apparaissent ou non; estime que cet examen devrait être effectué trois ans après la pleine mise en œuvre de la directive «Solvabilité II»;
5. reconnaît que la directive «Solvabilité II» ne crée pas un environnement «zéro défaut» pour les entreprises d'assurance et ne met pas les consommateurs à l'abri de pertes en cas de défaillance d'entreprises d'assurance; demande dès lors à la Commission de veiller à ce que le RGA commun, qui doit encore être adopté, soit cohérent et compatible avec la directive «Solvabilité II»;
6. soutient l'adoption du principe du «pays d'origine» – selon lequel les contrats d'assurance émis par un assureur, quel que soit le lieu de la souscription, sont couverts par le RGA du «pays d'origine» – en reconnaissant que a) en raison de l'introduction de la directive «Solvabilité II», la prestation transfrontalière de services d'assurance connaîtra une progression et que b) la faillite d'un assureur sera liée à l'insuffisance du contrôle exercé par l'autorité du «pays d'origine» si bien que la responsabilité de cette faillite devrait être assumée par le RGA du «pays d'origine», qui devrait fournir une protection en dernier ressort aux consommateurs exclusivement lorsque des entreprises d'assurance, en raison de leur insolvabilité, sont incapables de tenir leurs engagements contractuels; invite la Commission à mener une étude d'impact et une consultation publique des parties prenantes en priorité sur l'intégration de l'assurance vie et sur la possibilité d'inclure l'assurance non-vie dans un RGA transfrontalier afin d'assurer un degré approprié de protection des consommateurs et des conditions égales entre les États membres; estime que la Commission et l'AEAPP devraient poser le principe que les coûts supplémentaires d'un RGA sont mis en balance avec l'objectif de la protection des consommateurs; relève que la législation de l'Union en vigueur sur les régimes de garantie des dépôts et les régimes de protection des investisseurs ne couvre que les produits d'épargne;
7. insiste sur le fait que le modèle de financement des RGA nationaux devrait relever du principe de subsidiarité, en reflétant le principe du «pays d'origine» appliqué à la surveillance et la variété des modèles utilisés par les RGA en vigueur; exhorte la Commission à ne pas prôner une approche purement ex ante pour leur financement, étant donné l'absence d'arguments convaincants en faveur de cette approche et les répercussions négatives qu'elle pourrait occasionner;
8. insiste pour que les États membres veillent à ce que des tests de leurs RGA soient réalisés et pour qu'ils soient informés dans l'éventualité où les autorités compétentes détectent, dans une compagnie d'assurance, des problèmes susceptibles d'entraîner une intervention au titre du régime concerné; propose que de tels tests soient effectués au moins tous les trois ans ou lorsque les circonstances l'exigent; estime en outre que l'AEAPP devrait mener périodiquement des examens par les pairs afin d'examiner la viabilité financière à long terme des régimes et de pointer les besoins d'amélioration, si nécessaire;
9. admet que l'application du principe de subsidiarité au choix de modèles de financement ex ante ou ex post peut entraîner des distorsions de la concurrence entre les États membres; estime que de telles distorsions pèsent de manière égale sur la protection des consommateurs et des contribuables et qu'il conviendrait que la Commission adopte une approche prudente et à long terme pour lutter contre ces distorsions;
10. reconnaît qu'il existe différentes manières d'assurer la protection des consommateurs:
–
indemnisation: les pertes subies par les preneurs d'assurance ou les bénéficiaires en cas d'insolvabilité de l'assureur sont directement compensées dans le cadre d'un processus méthodique de règlement des demandes;
–
continuité: la continuité des contrats d'assurance est assurée grâce à des transferts de portefeuille aux assureurs encore en activité sur le marché ou à une entité spécifique instaurée à cette fin;
recommande que les deux approches soient autorisées par le futur cadre pour les RGA en tenant compte des différences, sur les marchés nationaux, en matière de dimension, de concentration, de conception des produits et de gammes des produits d'assurance proposés;
11. insiste sur le fait que les informations mises à la disposition des consommateurs en cas d'insolvabilité d'un assureur devraient être facilement accessibles, exhaustives et aisément compréhensibles, et fournir des indications claires en ce qui concerne l'autorité à laquelle le consommateur devrait s'adresser pour déposer un recours ou poser des questions; se déclare convaincu que la mise en place d'un point de contact unique pour l'ensemble des régimes de garantie ou d'indemnisation permettrait de faire en sorte que la législation actuelle bénéficie véritablement aux consommateurs, en particulier en ce qui concerne la fourniture d'informations et la facilitation des contacts et des paiements transfrontaliers;
12. souligne que l'application aux RGA de l'approche reposant sur le principe du «pays d'origine» ne peut être crédible, du point de vue des consommateurs, que si ceux-ci ont la même démarche à effectuer pour les deux fonctions des RGA (transfert de portefeuille et demandes d'indemnisation des preneurs d'assurance); invite la Commission à prévoir une procédure dans la langue de communication des consommateurs et un point de contact uniques pour ces derniers au sein des autorités de surveillance de leur pays pour toutes les demandes d'indemnisation au titre des garanties des assurances, quel que soit le lieu d'implantation du RGA du «pays d'origine»; recommande que l'AEAPP développe une approche harmonisée et transparente basée sur la simplicité et les meilleures pratiques et, le cas échéant, au travers de normes techniques contraignantes;
13. souligne qu'il convient d'améliorer les connaissances des consommateurs et de mieux les sensibiliser aux services financiers et aux risques qui leur sont associés; suggère dès lors de mettre en place un mécanisme semblable à la fiche européenne d'information standardisée (FEIS) pour les polices d'assurance, qui comporterait impérativement des mises en garde claires contre les risques liés aux produits d'investissement complexes associés à des assurances et qui signale également l'existence d'un RGA lié à une autorité nationale spécifique afin qu'il soit plus facile aux preneurs d'assurance de comprendre les produits d'assurance et d'avoir accès à toutes les informations pertinentes;
14. estime que les autorités de contrôle des «pays d'origine» et «d'accueil» devraient coopérer pleinement avec le RGA concerné et le cadre de surveillance européenne afin de réduire le plus possible les répercussions négatives sur les preneurs d'assurance ou, le cas échéant, les bénéficiaires dans un «pays d'accueil» en cas de faillite d'un assureur, en agissant par l'intermédiaire du collège des contrôleurs, avec la participation et la supervision de l'AEAPP, afin de garantir la cohérence des approches entre les différents régimes;
15. invite la Commission à préciser le rôle joué par les RGA vis-à-vis des intermédiaires;
16. affirme que, pour assurer une protection complète et permanente aux preneurs d'assurance et aux bénéficiaires, la Commission devrait maintenir et prendre en compte les autres dispositifs de protection et dispositions législatives qui sont déjà en place; estime que les RGA devraient être activés lorsque les autres dispositifs de protection ont échoué;
17. insiste sur le fait que l'adoption par l'Union de nouveaux textes législatifs ne devrait pas servir à diluer la protection assurée par les RGA en vigueur dans les États membres et que les consommateurs ne devraient pas subir de pertes parce que les autorités de surveillance n'ont pas supervisé les assureurs de manière appropriée; invite dès lors la Commission à veiller à ce que le cadre européen pour les RGA fonctionne en tant que mécanisme de dernier ressort en fournissant aux preneurs d'assurance (ou, le cas échéant, aux bénéficiaires) éligibles une indemnisation pour leurs pertes dans toute la mesure du possible ou la possibilité d'un transfert de portefeuille dans un délai raisonnable, si une entreprise devait devenir insolvable;
18. reconnaît que les entreprises d'assurance sont responsables de la conduite de leurs employés et que les intermédiaires sont obligés de souscrire à des assurances de responsabilité civile professionnelle; relève que la fraude relève du droit pénal et du droit de la responsabilité civile délictuelle; reconnaît qu'un RGA fonctionnant selon des règles applicables à la vente abusive et à la fraude pourrait rendre les autorités de surveillance moins vigilantes et moins promptes à utiliser leurs pouvoirs de surveillance, ce qui créerait de l'aléa moral;
19. relève que, en l'absence d'une définition juridiquement contraignante dans l'Union de ce qui constitue une petite ou une micro-entreprise et étant donné la nature fluctuante de ces entités dans le temps, il conviendrait que le champ d'application d'une directive sur les RGA soit limité aux personnes physiques et que les personnes physiques directement liées à l'assureur ayant fait faillite, telles que les directeurs, les cadres ou les membres du conseil d'administration jouissant d'un droit de vote dont le domaine de responsabilité professionnelle est lié aux causes de l'insolvabilité soient exclues du groupe des consommateurs; demande que la Commission examine de nouveau les arguments en faveur de l'inclusion de certaines personnes morales une fois qu'une définition juridiquement contraignante aura été convenue; souligne que, conformément au principe de subsidiarité, les États membres peuvent choisir individuellement d'intégrer les personnes morales dans le champ d'application de leurs RGA nationaux;
20. admet que les problèmes de concentration du marché pourraient mettre à mal la capacité d'un RGA de répondre à toutes les demandes d'indemnisation des preneurs d'assurance ou, le cas échéant, des bénéficiaires à la suite de la faillite d'un ou de plusieurs assureurs; estime qu'il convient d'éviter de soumettre les RGA à des règles susceptibles de créer des tensions accrues sur des marchés concentrés;
21. prévoit un rôle de supervision pour l'AEAPP dans la coordination de simulations de crises spécifiques au marché organisées par les autorités nationales et dans la conduite de simulations de crises à l'échelle européenne appliquées aux RGA, en formulant, si nécessaire, des recommandations et en menant régulièrement des évaluations par les pairs afin de garantir l'échange d'approches basées sur les meilleures pratiques;
22. relève que, dans des marchés de petite dimension et concentrés, la mise sur pied d'un RGA avec des mécanismes de financement inappropriés pourrait engendrer des risques systémiques en augmentant le degré d'interdépendance des assureurs, ce qui créerait des conditions inégales entre les marchés de moyenne et de grande dimension, étant donné que les marchés de plus petite dimension auraient davantage de difficultés à faire face aux coûts; relève que ces difficultés doivent être prises en compte afin d'éviter de soumettre des marchés concentrés à des tensions accrues; invite la Commission à laisser aux États membres toute latitude d'adapter les règles de financement et les autres aspects de la conception des RGA aux besoins spécifiques des marchés nationaux;
23. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.